Elle lui sourit quand il se lève pour la rejoindre sur la maigre piste de danse qui s’étend entre le canapé et la table basse. Immense pour ces deux apprentis danseurs. Elle l’entraine ailleurs. L’instant est parfait, mais ne saurait durer. Une larme vient y mettre fin en s’écrasant sur la joue de Baxter. Elle ne réalise pas de suite que l’instant a prix fin, elle cligne des yeux, et il lui faut prendre conscience que le monde s’est remis à tourner. Heureusement, les paroles de Baxter l’y aide. Le présent est sous ses yeux, et les larmes embuent celui de son ami.

Est-il triste ? A-t-elle fait un faux pas ? L’a-t-elle blessé ? Rarement, elle se dit qu’être sensitive aiderait, mais elle ne veut pas être sensitive. Elle veut être son amie. Il ne lui a pas demandé de le suivre, ne lui a pas dit que ça n’allait pas. Elle se demande ce qu’elle a fait de mal. Cela lui est insupportable d’avoir blessé son ami. Elle le regarde sortir la plaque de gâteaux du four et la poser en équilibre sur les plaques chauffantes éteintes.

Elle s’approche de lui, et une fois qu’il a lâché la plaque brulante, pour être certaine qu’il ne se brule pas, elle passe doucement sa main sur son avant bras, pour lui signifier qu’elle est là. Elle s’est imaginée un instant passer ses bras autour des hanches de Baxter et poser son menton contre son épaule dans une étreinte protectrice. Elle ne veut pas faire un nouveau faux pas.

« Je ne voulais pas te faire de peine… Je suis désolée. »

De la cuisine la musique se fait plus faible, mais je souris toujours. Je sort la plaque du four machinalement sans vraiment y penser. D'ailleurs je pense pas vraiment je crois. Ça fait du bien. Je me tient a nouveau au dessus du four, et sur mon avant bras je sens la main d'Afya que je viens attraper, comme pour lui dire que je sais qu'elle est là.

-T'excuse pas, au contraire c'est moi qui te remercie.

je respire profondément, pour ne pas craquer, et je lève les yeux au plafond en mettant la tête vers l'arrière.

-Tu sais... depuis tout ce qui c'est passé, je me bat pour enfin avoir une vie normal. Je coure après ça, souvent sans savoir ou je vais, et je vais pas mentir, je galère...

En fait je pense que c'est depuis toujours, au fond je voulais juste redevenir ce gamin qui danse.

-Je sais toujours pas ou elle est cette lumière au bout du tunnel, mais je sens que pour une fois, je vais dans la bonne direction et que je compte pas abandonner, alors ça fait du bien.

je sèche encore les dernière larmes qui se sont déposé sous mes yeux et je me retourne vers Afya.

-Alors merci, d'être là pour me tenir la main vers la sortie du tunnel.

Je dirait jamais assez la chance que j'ai de l'avoir. Des les avoir. Tout ces gens qui orbite autour de moi et qui me donne une raison d'avancer.

Parfois elle ne comprend pas les blancs, leurs expressions faciales, leurs sentiments. Elle ne comprend présentement pas qu’il la remercie de l’avoir fait pleurer. Il a posé sa main sur celle de l’ivoirienne et la regarde, essayant de lui transmettre des émotions qu’elle ne comprend pas. Elle se raccroche alors sur à ses mots pour essayer de comprendre.

Il court sans arrêt vers la normalité d’une vie. Elle se demande encore ce qu’il veut dire par là, toutes les vies sont normales, elles commencent par une naissance et se terminent par une mort. Toutes les vies sont différentes, et y trouver une norme c’est établir un ordre dans le désordre. La vie ce n’est qu’un enchainement de déséquilibres. Et en même temps elle comprend, elle aimerait une vie normale, rentrer dans un moule qu’elle a brisé avant même d’entrer à Terrae. Tomber amoureuse, avoir des enfants… Ce genre de normalité qu’elle ne cherche plus aujourd’hui.

Elle comprend la course effréné, après un idéal inatteignable. Peut-être qu’une vie normale pour lui est simplement une vie sans drogues… Et c’est pas facile pour lui, elle l’entend. Elle ne comprend pas vraiment, elle n’a jamais vécu ce genre de difficultés, et pourtant elle est consciente qu’il lute. Elle ne sait pas quoi répondre à ses paroles. Elle n’est pas sentimentale, ou du moins elle n’aime pas étaler ce qu’elle ressent, mais elle est touchée par sa déclaration. Elle sait pas trop quoi dire, alors elle serre juste un peu plus sa main sur son bras.

«  Moi aussi je tiens à toi. » semblent dire ses yeux quand ils trouvent ceux rougis de Baxter, mais elle a du mal à le formuler. Ce n’est pas naturel pour elle.

« Je suis là pour toi.  »