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Princesse Mononoké
##   Lun 13 Juin 2022 - 4:26
Aylan Raspberry

Personnage ~
► Âge : Treize ans
► Doubles-comptes ? : Luna Vasconcelos & Karen Chandler
► Rencontres ♫♪ :
Aylan Raspberry
Air au pouvoir lunaire
Messages : 519
Date d'inscription : 17/04/2021
Emploi/loisirs : écolier

__–Le moment était venu.
__–Aylan avait amassé ce qu’il fallait de pop-corn et de soda pour tenir un siège. Avait emprunté – et en lui demandant avant – un plaid à Chrys. Trouvé et téléchargé le bon torrent ainsi que des sous-titres.
__–Le moment était venu de regarder Princesse Mononoké. Si le tiers de la moitié du quart de la réputation qu’avait ce film était fondée, ce serait un visionnage qu’Aylan n’allait pas oublier de sitôt.
__–Après s’être installé au mieux qu’il pouvait, il lança le visionnage – en japonais sous-titré japonais, maintenant qu’il savait correctement déchiffrer cette langue.

__–Le film s’ouvrit sur une créature monstrueuse, un être de vers de terre qui grouillaient, couinaient, crissaient, mordaient, suintaient. Et suscita une réaction immédiate chez le petit Air, qui pensa de suite quelque chose comme « OUAAAAH C’EST QUOI CE TRUC TROP DÉGUEU ! ».
__–Un ennemi. Le méchant, probablement. Commencer le film par l’antagoniste, voilà qui était original. Mais qui allait se dresser sur la route de cette créature des enfers ?
__–Un jeune homme sur une espèce de bouquetin. La prestance de l’animal charma tout de suite Aylan, qui commença à trépigner et voulut immédiatement chevaucher une telle monture. Une bonne raison d’aller déranger les Morphes qui se présentait à lui.
__–Le héros rejoignit un vieux guetteur au sommet d’une tour de guet qui faisait face à l’impénétrable – et manifestement hantée – forêt. Le concept architectural, de trois immenses troncs plantés en triangle, se rejoignant au milieu de l’édifice pour se séparer ensuite et servir de bases à la construction d’une plate-forme, attira l’attention d’Aylan. Il fallait qu’il tente le coup, c’était là une super idée de cabane.
__–Et du sous-bois, le monstre apparut, sous le regard attentif d’Ashitaka, qui déjà avait préparé une flèche pour l’occire. Alors qu’il défonça le mur, Aylan hurla : « AAAH LE MONSTRE TIRE TIRE TIRE TIRE ! » (Fort heureusement, quoique pas pour son bulletin de notes, Aylan avait entrepris de regarder ce film pendant une de ses heures de cour, ce qui épargnait au moins aux Terraens de l’étage, tous au travail, de l’entendre.) Mais sitôt eût-il exprimé cette pensée qu’Aylan la remis en question. La violence, après tout, était-elle la meilleure solution ? Surtout sur une créature qui semblait autant souffrir de son déplorable état ? Par ailleurs, si les sangliers peuvent être brutaux, ils ne sont pas violents de la sorte. Ils n’attaquent pas pour détruire, pour tuer, par pure envie de meurtre.
__–Et d’ailleurs, Ashitaka confirma cette réflexion d’Aylan, vu qu’il ouvrit plutôt le dialogue avec le démon, pour lui demander d’apaiser sa colère. S’étant abreuvé d’une quantité astronomique de films hollywoodiens, la consommation d’images du petit Air répondait en règle générale au même thème : celui de l’héroïque violence, de la réponse par la force, de l’ordalie qui prouve par le muscle et l’acier la justesse du vainqueur et la disgrâce morale du vaincu. Dès les premières scènes, Princesse Mononoké se mettait déjà en contre-pied de cela. Déjà, faisait-il réfléchir son spectateur, plutôt que de le divertir avec un flux de violence, moralement justifiée pour être plus appréciable sans scrupule.
__–« Oh trop fort la gamine avec son sabre ! »
__–Toutes proportions gardées.
__–Mais la négociation ne semblait pas fonctionner. Ayant déjà été mis dans l’état mental d’un refus d’envisager le meurtre comme une solution au problème, quand Ashitaka décocha sa flèche, Aylan ne put que s’exclamer d’un :
__–« NON LE TUE PAS ! »
__–Mais c’était trop tard. Et le démon toucha en retour le héros, le souillant des vers qui parasitaient son corps, lui imposant une marque hideuse. Qui fit retenir sa respiration à Aylan pendant toute la scène, tant son horreur était graphique, saisissante, poignante.
__–Le sanglier mourut. Le danger avait été vaincu.
__–Mais le film n’avait pas commencé. Les ennuis ne faisaient que commencer. En fait, postula Aylan, ce crime originel allait peut-être provoquer toute la suite de l’intrique, qu’il devinait déjà être emplie de tragédies.
__–Au moins, les vainqueurs honoraient-ils le vaincu, se recueillant et lui présentant leurs excuses alors qu’il agonisait.
__–La séquence suivante se passait la nuit, dans ce qui s’apparentait à une salle commune, où la prêtresse du village ainsi que ses patriarches devisaient sur les événements de la journée. Ashitaka était condamné. Le poison démoniaque dans son bras allait le tuer à petit feu. La tristesse de la nouvelle frappa autant Aylan que la résolution de celui qui la subissait : « J’ai accepté mon destin au moment où j’ai tiré ma flèche », dit-il. C’était là une noblesse d’âme que le petit Air souhaitait acquérir. Et la suite du scénario se dévoila, quand la vieille shaman dit que si on ne peut pas changer son destin, on peut aller à sa rencontre. Là aussi, des paroles inspirantes, bien qu’Aylan était trop jeune pour avoir une idée fixe sur le destin et bien comprendre ce concept, d’autant plus complexe qu’il était exprimé en bien peu de syllabes.
__–Et alors, elle dévoila une étrange pierre, trouvée dans le corps du sanglier géant. Elle dit qu’il l’avait torturé pendant des jours, lacéré ses organes vitaux et l’avait rendu fou de douleur ; en avait fait un démon.
__–Aylan reconnut tout de suite de quoi il s’agissait. Il ne le savait que trop bien. Il avait vu les conséquences terribles qu’un fusil et sa munition provoquaient, sur le corps et sur l’esprit des survivants.
__–Et alors qu’il était plongé dans ces considérations, la musique qui marquait l’exil du protagoniste se lança, non sans provoquer des frissons à Aylan, tant il la trouvait bien. Elle lui évoquait aussi une grande mélancolie. Ashitaka quittait ses terres qui l’avaient vu naître, tous ses aimés, suite à un coup du sort, une malchance, une tragédie provoquée par un utilisateur d’armes à feu inconnu. Il se surprit à pleurer.

__–Sur le chemin, apparut la guerre.
__–Ashitaka n’était qu’un simple voyageur, mais l’excitation meurtrière qui s’emparait de ses samouraïs le rattrapa. Il dut fuir et, il dut tuer. Le héros banda son arc. Aylan hurla :
__–« NON TIRE PAAAA— OUUUUUAAAAAAH TON BRAS ! »
__–Celui-ci était secoué, agité, torturé par la démoniaque malédiction qui le hantait. Voilà pourquoi il ne fallait pas tirer. La marque née du meurtre se ravivait quand la tuerie était proche. Elle donnait une force surhumaine à Ashitaka, mais pour rendre la violence plus facile, donc pour mieux l’enserrer, affermir son emprise sur son corps et son esprit.
__–Il était désormais clair pour Aylan que la marque sur le bras d’Ashitaka symbolisait la violence. Que c’était elle, la vraie malédiction.
__–Et les paroles du bonze rencontré plus tard, qui expliquait que les tourments de la guerre avaient envahi tout le pays, corroboraient cette théorie. Le démon ne pouvait pas venir de nulle part ; il était l’incarnation, le produit, la conséquence de cette violence.

__–Changement de point de vue. La caméra qui jusqu’ici suivait exclusivement Ashitaka s’intéressa à une colonne de caravaniers, le long d’un chemin de montagne, qui progressait sous une pluie battante. Qui donna elle aussi des frisson à Aylan, mais bien moins jouissifs ceux-ci. Les espèces de parasols que tous tenaient était en fait une bonne idée.
__–Et alors apparurent les loups.
__–« OUAH TROP CLASSE DES LOUPS GÉANTS AVEC UNE FILLE DESSUS JE VEUX FAIRE COMME ELLE et attendez quoi c’est quoi ces trucs NON TIREZ PAS SUR LES LOUPS NOOOOOOOOOOOOON ! »
__–Ah mais attendez. Que venait de dire cet humain ? Que ce n’était que des enfants ? Il y aurait donc une de ces nobles créatures plus grande encore ?
__–Et effectivement, la mère apparut, sous un « Ouuuuaahhh » d’admiration. Qui fut bien vite suivi d’un hoquet de surprise, alors qu’une balle la toucha et la fit dégringoler de la falaise. Le choc avait été brutal, autant pour les yeux que le cœur du petit Air.

__–La scène suivant, bien plus calme, lui laissait toute latitude pour digérer ce qu’il venait de voir… et le rassurer. Ashitaka observait avec attention la princesse et la reine des loups. Cette dernière était blessée, mais en vie et si son flanc était ensanglanté, elle semblait encore vaillante. Elle ne risquait pas d’être transformée en démon comme le sanglier.
__–Accessoirement, l’échange de regards entre Ashitaka et San rendirent clair aux yeux d’Aylan qu’ils allaient finir ensemble. Il avait vu bien assez de films où les protagonistes se lançaient de tels regards entendus.
__–Plus tard, alors que le protagoniste portait sur son dos deux blessés de l’affrontement d’hier et qu’il traversait la forêt, apparurent de singulières créatures : les kodamas, qui furent instantanément considérés comme tout à fait adorable par le petit Air. Existait-il des produits dérivés, comme des figurines ou des peluches à leur effigie ? Ils étaient décrits comme des esprits de la terre et de la forêt. Ce serait un cadeau à faire à Alice par exemple, elle apprécierait sans doute. Ou à Lola, si elle était encore à ses côtés. Cette seule pensée l’attrista, ce qui tranchait bien trop avec l’atmosphère merveilleuse de la scène. Aylan dut mettre en pause, regarder son écran quelques minutes et manger un carré de chocolat, le temps que sa tristesse passât. Et puis, il se dit qu’il ne pouvait pas, ne pouvait plus enterrer ses sentiments comme il avait toujours dû le faire. Il devait au contraire les transformer en de la résolution : on l’avait bien retrouvé lui. Un jour, il retrouverait Lola et qui lui offrirait une peluche de kodama.

__–Retour au film. Ashitaka, guidé par les kodamas – rigolotes créatures qui imitaient le protagoniste portant le blessé sur son dos –, finit par arriver devant un arbre géant. Il faisait beaucoup penser à celui qu’Alice justement avait fait croître dans la forêt de Terrae. Et alors que héros comme spectateur contemplaient la beauté du sous-bois – qui comptait cependant bien trop d’eau au goût du petit Air –, Ashitaka repéra quelque chose qui attira sa curiosité comme celle d’Aylan : une empreinte, celle d’un animal encore inconnu. Et fort justement, peu après apparut une harde. Et en son sein, un cerf qui avait tout à fait l’air magique, au vu de ses bois impressionnants.
__–Pour la suite, les blessés tombèrent dans l’eau – brr – mais furent soignés par celle-ci. Elle était donc magique ! Est-ce que Chrys pouvait faire la même chose ? Pas forcément enchanter de l’eau, mais utiliser un cristal qui aurait été liquéfié comme… une sorte de potion ou de baume de soin ? Tant de questions auxquelles il faudrait répondre.

__–Peu après, les humains arrivèrent en vue de la forteresse de dame Eboshi. Aux yeux d’Aylan, l’endroit était très laid, avec ses industries qui devaient produire des armes et ses murailles. Un clou de guerre et de fumée dans un paradis sylvestre.
__–Et qui en plus était entouré d’eau. Il n’avait vraiment rien pour plaire.
__–Mais au moins ses habitants étaient-ils cocasses et amicaux, notamment la femme de Toki, un des blessés qu’avait escorté Ashitaka. Ou du moins l’étaient-ils, jusqu’à ce que dame Eboshi apparusse et s’expliquât avec le protagoniste, ce qui n’alla pas sans susciter une vive réaction :
__–« QUOI C’EST ELLE QUI A TUÉ LE SANGLIER MAIS ELLE EST TROP MÉCHANTE TOUT ÇA POUR TUER PLUS D’ARBRES ET FAIRE PLUS DE FUSILS AAAAAAAAH JE L’AIME PAS ! »
__–Et Aylan était heureux de voir qu’Ashitaka était le seul à ne pas rire, quand le meurtre odieux du seigneur sanglier fut évoqué. Il avait bien raison, de ne pas rire. Le meurtre et la guerre ne sont pas des sujets de rigolade.
__–La visite de la forteresse par Ashitaka se fit donc avec devant l’écran un Aylan qui savait qu’il allait détester tout ce qu’il allait voir. Le pire fut peut-être quand il découvrit que les fusils étaient fabriqués par des lépreux. Le film voulait en faire quelque chose de positif, pour nuancer le caractère de dame Eboshi et en faire une personne qui prenait soin des plus misérables. Mais pour Aylan, elle forçait des opprimés à fabriquer des armes, soit d’autres outils d’oppression des peuples. « SUPER. »
__–Et Ashitaka, là encore, eut une réaction qu’Aylan jugea parfaite : « Ce n’est pas assez de tuer, vous voulez plonger le monde dans une nouvelle ère de souffrance ? »
__–… Du moins jusqu’à ce que son bras tentât de prendre le contrôle et de tuer. Se laisser envahir par la violence pour mettre hors d’état de nuire une fabricante d’armes n’était pas une solution qui allait significativement réduire la violence dans ce monde. Mais au moins semblait-il en être conscient et luttait-il contre les pulsions de meurtre qui l’agitaient, au sens littéral.
__–Enfin, une dernière chose qui l’embêtait sur ce passage : lorsqu’Ashitaka alla voir les femmes, elles présentèrent là encore dame Eboshi sous un beau jour : elle les avait libéré de la tyrannie masculine et donné un foyer. Mais Aylan ne pouvait pas accepter qu’on considérât la question sous un angle aussi binaire : « Pfff, faites pas comme si c’était la seule solution, j’suis sûr les loups et les sangliers ils seraient d’accord pour être vos copains aussi, si vous étiez gentilles avec eux… »

__–Mais ces réflexions furent interrompues par l’arrivée flamboyante de la princesse.
__–Et pour Aylan, par un air ahuri et impressionné pendant toute la durée de son combat. Ses mouvements étaient impressionnants. L’animation magnifique. Mais bien vit, les dagues cessèrent de parler au profit des armes à feu, alors que dame Eboshi réunit une équipe de tir pour descendre San, au grand déplaisir d’Aylan. Et ce d’autant plus que de son point de vue, Eboshi utilisait la peine des femmes, dont les maris avaient été tués – par la faute de qui on se le demande ; qui avait choisi la voie de la violence contre la Forêt –, pour les pousser à tuer la princesse.
__–Lors de cette partie de l’affrontement, quand San prit une balle dans son masque et finit assommée, puis quand Ashitaka fut possédé par son bras démoniaque et sauva la princesse mais seulement pour se faire percer le bide par un coup d’arquebuse, Aylan trépignait sur son canapé, était incapable de tenir en place – encore moins qu’à l’accoutumée. C’est que, la vie de ses personnages préférés était en jeu et il avait très peur pour eux.
__–Mais ils finirent par s’en sortir, bien qu’Ashita eût souffert d’une gravissime blessure. Les derniers instants avaient été trop intenses en émotions. Aylan avait besoin d’une pause.

__–L’histoire se poursuivit, avec San qui emmena Ashitaka au fin fond de la forêt, là où il avait rencontré le Shishi-Gami tantôt. Là, les deux personnages principaux eurent le loisir d’échangeur leurs points de vue sur le monde. D’un côté le pacifiste Ashitaka, qui de ce seul fait avait toute la sympathie d’Aylan, de l’autre San, qui était en colère. Qui souhaitait, dans un élan de courage imbécile, mourir pour la défense de la forêt. Ce genre de réflexion était bien moins prompt à résonner positivement en le petit Air. Il n’y a que ceux qui ne connaissent pas la valeur de la vie, qui sont prompts à la dépenser pour autre chose que l’amour. Si on lui demandait pour quoi il serait prêt à rejoindre l’Hadès, il répondrait que la question était plutôt pour qui. Et savait très bien pour qui.
__–Et en parlant de disposer de la vie à la légère pour des raisons futiles, les singes apparurent et déclarèrent vouloir manger Ashitaka et San, pour absorber leur force et ainsi se venger des autres humains. San et la mère-louve avait bien raison de les rembarrer et de leur dire qu’un tel comportement ne pouvait que les détruire. Cela aussi, Aylan n’en était que bien trop conscient.
__–Un détail qui fit pousser un « Oooooooh… » après ces considérations plutôt sombre, fut que pour soigner Ashitaka, San coupa une plante de son couteau. Et deux kodamas s’arrêtèrent devant sa tige sectionnée, interdits. Ils semblaient tristes. D’avoir assisté au meurtre de cet être vivant, de cette simple plante, mais qui méritait toutefois la compassion. Une autre leçon précieuse.
__–Mais ces considérations furent interrompues quand San plongea le corps d’Ashitaka dans l’eau (brr), pour le faire rejoindre une petite île. C’est que, le fond de cet étang était couvent de squelettes. Parfois immenses. Ce qui ne manqua pas de susciter une forte réaction :
__–« OUAH ! DES SQUELETTES !! EN FAIT ELLE EST SUPER DANGEREUSE LEUR EAU QUI GUÉRIT ! »
__–Et de même quand le Shishi-Gami apparut :
__–« OUAAAAH C’EST QUOI CE TRUC GIGANTESQUE TOUS LES PETITS BONHOMMES LUI DISENT BONJOUR C’EST TROP BIEN. Enfin il pourrait leur répondre, c’est pas sympa ! Pourquoi il parle p— hé mais je le connais lui. »
__–En effet, la caméra se focalisa sur le bonze rencontré tantôt, planqué derrière un buisson. Et il n’était pas seul. Par ailleurs, bien que venant d’un Japon médiéval de fantaisie, Aylan reconnaîtrait cette manière de faire, ces tenues, ces équipements entre mille : c’était ceux de commandos. Ce qui n’augurait rien de bon pour la suite. Qu’un tel moment de poésie et de communion avec le divin fut interrompu par la révélation qu’une opération militaire secrète se déroulait, noua le ventre du petit Air.
__–Mais il alla mieux quand il vit le dieu-cerf poser son pied au sol et des plantes en surgir. Comme les Terres. Est-ce que Lola elle aussi pouvait faire naître et mourir la végétation où elle mettait les pieds ? Accepterait-elle de jouer le rôle du Shishi-Gami dans un éventuel jeu d’enfant ? Considérant le fait qu’elle n’exprimait que rarement des émotions et encore moins des paroles, ce n’était pas un rôle qui lui serait très difficile à jouer. (Pour Aylan, c’était tout vu : il incarnerait San. Lui seul pouvait bouger aussi vite qu’elle ; et il n’allait laisser le privilège de chevaucher des loups à personne.)
__–En revanche, les Terres ne pouvaient pas tuer une plante, récupérer son essence vitale et s’en servir pour soigner un autre être vivant. Et quelque part, tant mieux. Le Shishi-gami était un dieu, mais les Terraens n’étaient que des humains. Or, ayant vu assez de fois le Seigneur des Anneaux pour que le script fisse partie de son code génétique, Aylan se souvenait de la parole de Gandalf : « Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort. Et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous leur rendre, Frodon ? Alors, ne soyez pas trop prompts à dispenser mort et jugement. Même les plus sages ne peuvent voir toutes les fins. » Si, comme le suggéraient les kodamas, la vie de la plante avait elle aussi une valeur, un humain ne saurait justifier le fait de sauver une vie par la prise d’une autre, fusse-t-elle humble. Car qui peut vraiment juger, à part manifestement le dieu, si telle vie est moins méritante que telle autre ?

__–Dans la scène suivante, apparurt une harde de sangliers. Ils avançaient en rythme, produisant un son répété, qui faisait penser à celui de tambours. Et Aylan savait bien comment s’appelait une bande d’individus se déplaçant au rythme de percussions : une armée. Voir toutes ces magnifiques bêtes, ces dieux gigantesques aux flancs puissants et aux sublimes défenses aller mourir à la guerre, emplit le petit Air d’une infinie tristesse. Surtout que comme ils allaient affronter le feu et l’acier de la technologie humaine, ils allaient en vérité à leur mort, eux et tout ce qu’ils représentaient.
__–Et d’ailleurs, sur le plan suivant, juste après l’apparition de cette armée, on put voir que la marque sur le bras d’Ashitaka avait bien progressé. Elle se nourrissait de la guerre, c’était désormais évident.
__–Celui-ci se remettait de ses blessures, avec l’aide de San. Comme une mère oiseau à ses petits, elle mâchait la nourriture et la faisait avaler à Ashitaka, trop faible qu’il était pour pouvoir mastiquer ce qui s’apparentait à du bœuf séché. Hm. Pas bête. Quel dommage qu’il n’y eût pas pensé lui-même. Lola, lors des éprouvants entraînements du Centre, s’était plus d’une fois retrouvée épuisée et avait fini dans les bras d’Aylan qui avait fait en sorte de la nourrir. (Et inversement, cela va de soi.) Tant d’occasions de mettre leurs lèvres en contact qui lui étaient passées sous le nez, zut.
__–Et sur cette scène touchante, les sangliers les rejoignirent et s’étonnèrent, furent choqués, outrés de voir que le Shishi-gami avait sauvé un humain, alors qu’eux, qui se pensaient ses plus zélés serviteurs, allaient en tuer. Ce à quoi la réponse d’Aylan fut claire :
__–« MAIS POURQUOI VOUS ÊTES ÉTONNÉS QUE LE VOTRE DIEU QUI AIME TOUTE LA VIE AIT SAUVÉ LA VIE D’ASHITAKA ALORS VOUS ALLEZ À LA GUERRE ET QUE Y’A QUE LUI QUI VEUT LA PAIX. VOUS ÊTES BÊTES OU QUOI. »
__–Pour leur défense, ils l’étaient effectivement. Ashitaka alors intervint et avoua aux sangliers qu’il avait tué l’un des leurs, qu’il était venu demander au Shishi-gami de lever la malédiction qui depuis l’affligeait, mais que celui-ci ne l’avait pas fait. On ne s’absout pas d’un meurtre ; on doit vivre avec jusqu’à ce qu’il nous détruise, avait-il dit en substance. Puis le seigneur Okkoto vint et écouta le protagoniste, ramena le calme… puis déclara que pour la vengeance, pour lutter une dernière fois contre les humains, il allait, pendant qu’il restait encore un peu de force à lui et son peuple, le mener à la charge. C’était peut-être noble, mais pour Aylan, c’était surtout débile. Les sangliers vont à la guerre parce qu’ils pensent que c’est fini… mais s’ils y vont, ce le sera alors vraiment. Ne voient-ils pas que faire la paix et la seule solution…? La tristesse d’Aylan, quand il comprit que quelque chose d’aussi bête que la fierté guidait ces nobles animaux à leur destruction, ne fit qu’aller croissante.

__–Et puis réapparurent le bonze et ses commandos. Leur plant se dévoila : ils voulaient tuer le dieu. Anéantir, une fois pour toute, son influence. Ce n’était plus de la tristesse qui serrait le cœur d’Aylan ; mais de l’horreur.
__–Puis une profonde mélancolie, alors que la chanson Nobody knows your heart se fit entendre, la nuit avant la bataille, alors qu’Ashitaka et la mère louve devisaient de l’avenir. Lui voulait sauver San, mais elle ne le voudrait jamais et de toutes façons, il est condamné. Survivre à cette aventure était donc impossible pour les deux.
__–Et pas que pour eux. La veille de la bataille, la sachant proche avec toute son horreur, les kodamas avaient quitté les bois. Pour ces êtres, la forêt était déjà morte, au moment où la guerre l’avait serrée de son emprise.
__–Et alors, les sangliers partirent au suicide. Ils arborèrent leurs peintures de guerre, qui avaient plus l’aspect de parements funéraires. Et chargèrent. Dans le même temps, les samouraïs s’avançaient contre le château de dame Eboshi, tenu par les femmes. Ashitaka, forcé d’être spectateur de ce déchaînement de violence, fut pris à parti par de la cavalerie légère ennemie. Yakkuru prit une flèche, ce qui fit retenir son souffle à Aylan, qui avait vraiment peur pour celui qu’il considérait être le personnage le plus sage du film. Puis Ashitaka tua ses agresseurs, au grand désespoir d’Aylan. Enfin, il parvint sur le champ du massacre ; là où sangliers et commandos dirigés par Eboshi avaient tenu la ligne. Partout, des corps éventrés, renversés, déchiquetés, éparpillés sur une terre ravagée. Aylan connaissait bien ce qu’était un champ de bataille. Cette vision évoqua en lui des souvenirs qui firent couler des larmes sur ses joues. D’autant plus que les vainqueurs ne semblaient pas dans un meilleur état que les vaincus. S’étant rendus seigneurs d’un charnier, ils contemplaient les sacrifices obtenus, tous leurs proches détruits, pour régner sur de la viande morte et en putréfaction. Et comme dans un dérisoire mais néanmoins bel esprit de solidarité, les humains, qui devaient être écœurés d’avoir autant tué, aidèrent un des louveteaux à sortir de sous une montagne de cadavres. Puis tous ensemble ; loups, humains et Ashitaka, partirent dans la forêt pour aller trouver dame Eboshi. Son château était menacé ; elle devait revenir avant de tout perdre.
__–Les chasseurs, qu’Aylan trouva bien cruels, avaient blessé Okkoto pour qu’il rejoignisse le Shishi-gami et que celui-ci pusse le soigner. Ainsi, il mènerait ses ennemis jusqu’à leur cible.
__–Et en chemin, ils croisèrent une apparition fort étrange :
__–« OUAH ! DES FANTÔMES DE SANGLIERS ! »
__–Ah, non. Pire.
__–« AH NON PIRE ! »
__–Des humains déguisés. Et Okkoto qui se laissait envahir par la douleur et la colère.
__–« IL DEVIENT UN DÉMON ! FUIS SAN ! »
__–Mais elle avait juré de l’aider jusqu’au bout. Et paya son dévouement au prix fort, alors que les démoniaques appendices qui s’échappaient du corps agonisant d’Okkoto avalèrent San.
__–Mais le Shishi-gami apparut à temps. La scène, qui était jusqu’ici nerveuse, désespérée même, avec des ennemis partout et les héros en sous-nombre, isolés, encerclés et épuisés, se calma en un seul instant. Chasseurs comme démon cessèrent de faire le moindre bruit. Et Okkoto accepta que sa fin était arrivée, quand le dieu lui retira la vie. Savait-il que le temps des seigneurs était terminé ? De même, il n’avait pas réagi quand Eboshi lui avait tiré dessus – au contraire d’Aylan, qui cessa de respirer un long moment. Était-ce parce qu’il avait accepté sa propre mort, qu’il allait accomplir une dernière action ; faire partir dignement son plus fidèle serviteur porcin, avant de rejoindre le passé à son tour ?
__–Eboshi arma son fusil. Visa le Shishi-gami. Des plantes poussèrent sur le bois de son arme. C’était une idée, ça. Mais elle parvint à le décapiter d’une balle.
__–Et la musique seule fit comprendre à Aylan qu’ils étaient tous foutus. Puis le corps du Shishi-gami devint un monstre gigantesque, tuant tout ce qu’il touchait. La tension était à son paroxysme, Aylan ne clignait plus des yeux, était cramponné à son siège, respirait à peine.
__–Et alors, San se précipita sur Eboshi et dégaina le cristal qu’Ashitaka lui avait offert et tenta de la poignarder avec. Autant Aylan détestait-il cette femme, autant trouvait-il cet acte pire encore :
__–« MAIS C’EST UN PORTE-BONHEUR QUE T’A OFFERT TON AMOUREUX QUI VEUT TUER PERSONNE RÉFLÉCHIS UN PEU ! »
__–Et d’ailleurs Ashitaka l’arrêta-t-elle, jusqu’à se laisser poignarder… puis lui fit un câlin. Avec en fond les arbres qui mouraient le monde qui s’effondrait et la musique, Aylan vida une nouvelle fois ses glandes lacrymales.

__–Le châtau ne résista pas au Shishi-gami. C’était bien fait. Eux qui voulaient tuer la forêt avaient réussi au-delà de leurs espérances : tout allait mourir, y compris eux. S’ils avaient compris qu’ils dépendaient de leur environnement, ils n’auraient pas commis l’irréparable.
__–Mais dans un dernier coup du sort – et un dernier plan iconique –, Ashitaka et San récupérèrent la tête du dieu de ses ravisseurs et la tendirent au reste du corps, qui s’en saisit… puis tomba. Était-il mort ? Il s’était plutôt sacrifié, évaporé, pour ressusciter la forêt, faire fleurir la vie une dernière fois.
__–Est-ce qu’Alice pouvait faire pareil ; faire surgir une forêt entière ? Peut-être. Et espérons, sans que cela ne la tuât au passage.
__–Et tout fut bien qui finit bien. Ashitaka guéri, Eboshi sauvée par les loups et donc désireuse d’harmonie, une leçon très chèrement payée.
__–Le générique de fin se déroula, sur la magnifique musique de fin du film.

__–Aylan n’avait même pas touché ses pop-corns.


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Princesse Mononoké

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