-Merci Ryu. Je ne pars pas longtemps, d'ici deux heures maximum, je suis de retour.

L'ancien Master Air le salua, un léger sourire sur les lèvres. Ca ne le dérangeait pas plus que ça de prendre le relais, même pour plusieurs heures. La position de Chris au sein de l'Institut était particulière, et il était bien normal qu'il s'en détache parfois pour vaquer à d'autres occupations. Même s'il n'arrivait toujours pas à verbaliser avec honnêteté quelles étaient ces "occupations".

Lorsque Chris arriva dans l'Institut, il ne traîna pas jusqu'à la salle des Masters, où l'ambiance était d'ailleurs toujours aussi tendue. Saluant ses quelques collègues d'un léger signe de la main, il se renseigna rapidement des avancées de l'enquête en cours auprès d'Aaron, avant de demander à Keitaro s'il savait où se trouvait Athéna. Il grogna une sorte de "Merci" quand il aperçut le sourire amusé qui accompagna la réponse, et sortit de la salle des Masters pour rejoindre la belle Voyante du moment. Arrivé au bout du couloir, il s'arrêta un instant, s'appuyant contre le mur, pour l'observer griffonner sur son calepin probablement d'autres plans de réparations pour remettre la salle commune à neuf (il semblerait que certaines personnes s'y soient agitées dernièrement...). Il réalisait encore difficilement à quel point elle avait grandi et évolué, depuis qu'il l'avait rencontrée. Le temps passait parfois trop vite, et on ne se rendait compte de rien.

Il prit finalement la parole, restant à sa place, parlant suffisamment fort pour qu'elle l'entende.

-C'est l'heure de la pause. Tu te démènes trop en ce moment.

Devinez qui a bêtement parié qu'elle pourrait se reposer un petit peu après sa phase de Guérisseuse ? Bingo, vous avez votre dinde !
Je ne pensais sincèrement pas enchaîner avec la voyance. D'un côté, je dois bien reconnaître que c'est assez pratique, notamment pour l'enquête. J'ai demandé quelques cours à Tomoe en échanges de quelques cristaux pour qu'elle puisse m'aider (oui c'est un échange win-win mais que dans mon sens) et j'arrive désormais à éviter quelque peu de ne voir que des images de Vides. Les premières nuits ont été très épuisantes, j'ai eu beaucoup de mal à me réveiller, mais maintenant, ça va. Il faut bien, de toutes façons.

Je ferme le doc créé par les élèves pour relever le matériel abîmé. Leur travail est très utile, ça m'évite de courir de partout, même s'il me faut tous les jours transférer les données sur mon propre tableur, afin de suivre l'évolution des choses et de classer les urgences. Sans compter les plannings que je dois maintenant faire pour organiser les volontaires pour les réparations de l'Institut. D'un côté, je leur suis reconnaissante de s'occuper de ça, d'un autre j'ai conscience de ne pas gagner autant de temps que je ne l'espérais. Mais c'est déjà ça, je vois des gens, et je les aide à agir aussi, certains en ont besoin, savoir que ce qu'ils font compte.

Je quittais la salle des Masters après avoir fini cette partie de mon labeur, m'apprêtant à aller faire un tour à l'atelier, et grimaçais alors que ma hanche me lançais désagréablement. Ouais, il faudrait que je ralentisse sur l'utilisation des prothèses aussi. Je les porte si souvent depuis l'attentat que ma peau commence à en souffrir un peu, et même quand j'essaye d'être raisonnable, je les mets toujours, au cas où. Au cas où un taré fonce dans un mur. Au cas où un taré s'en prenne à un élève. J'ai comme l'impression que la seule fois où je ne les porterai pas, je risque de le regretter. Alors je troque le fauteuil contre une béquille, et tant pis si ça veut dire se casser un peu la gueule en fin de journée, ça n'est pas grand chose par rapport aux risques.

Je m'arrête sur ma route en voyant encore une vitre cassée. Peut-être que si on était en hiver ils feraient plus attention ? Je soupire en sortant un carnet, m'appuyant sur un mur pour l'équilibre, griffonnant quelques mots à l'intérieur, quand-

_ OH vin de di- je sursaute et fais tomber mon crayon.

Je me retourne pour voir mon ancien maître, et un sourire soulagé prend place sur mes lèvres alors que je me baisse pour ramasser mon foutu ustensile. Je décide d'ignorer le fait que je n'ai même pas senti son aura arriver, que j'aurai dû. Je percute ce qu'il vient de me dire et lâche un soupir avant de passer une main derrière ma nuque.

_ J'aimerais beaucoup, je pose simplement, mais il faut que j'aille accrocher le programme de demain pour les volontaires, et que j'entre les dernières livraisons de l'atelier dans l'inventaire...

Je sais que ça ne va pas lui plaire, que ce que je dis va dans son sens. Pourquoi j'ai l'impression de me sentir coupable ? Je respire calmement, décidant de lui tendre la feuille des emploi du temps.

_ Après si tu veux m'aider, tu pourrais accrocher ça dans le hall ?

J'ai l'impression d'être trop dure, de ne pas avoir le temps, promis je ne veux pas te renvoyer Chris, mais j'ai tant de choses à faire...

Chris arqua un sourcil légèrement amusé face à la surprise de la Master. Ce sourcil amusé ne resta toutefois pas très longtemps en place, et l'ancien Terre lâcha un soupir face à la réponse, pourtant attendue, de la jeune femme. Elle ne changeait pas. Toujours trop de zèle, toujours à vouloir trop en faire.

Elle était déjà comme ça avant, bien sûr, après tout elle était plutôt reconnue pour chercher sans cesse à repousser ses limites. Mais depuis qu'elle était passée Master, c'était devenu pire. Bien sûr, c'était très important, et rassurant aussi, de voir avec quel sérieux elle s'était tenue à ses nouvelles responsabilités. Sauf que selon Chris, c'était trop. Parce qu'il savait très bien que lorsqu'on s'engouffrait dedans, on ne parvenait plus à s'en décrocher tant que tout n'était pas en ordre, et on finissait par s'oublier soi-même aux profits des autres et des tâches qui nous incombaient.

-Ca va finir par devenir obsessionnel... Si ça ne l'est pas déjà.

Depuis le début de l'Eclipse, les locaux ne pouvaient plus être aussi bien entretenus qu'avant. Il y avait davantage de dégâts, et Chris ne pouvait que l'admettre à chaque fois qu'il passait dans les couloirs de l'Institut. Personne ne contrôlait vraiment ses pouvoirs, et les accidents arrivaient bien trop vite. Sauf qu'Athéna devait se réguler. Elle ne devait pas s'enfermer dans le besoin obsessionnel de réussir à réaliser sa tâche à la perfection... Comme lui s'était enfermé dans son rôle de "Gardien" de Terrae.

Il s'approcha d'elle et pris entre ses mains les affiches qu'elle venait de lui désigner.

-Et après tu vas refaire un tour de contrôle des locaux pour vérifier s'il n'y a pas eu d'autres dommages, tu vas aller vérifier le compte-rendu des dernières réparations qui ont été faites, vérifier la liste des participants aussi, pour t'assurer que ce ne soit pas toujours les mêmes volontaires qui participent, parce qu'ils doivent se préserver. Ce sera déjà la fin de l'après-midi, et tu culpabiliseras de n'avoir pas suffisamment passer de temps à aider à l'enquête avec tes visions, alors tu resteras tard en salle des Masters, griffonnant sur un papier les dernières choses que tu auras réussi à capter pour que les premiers arrivés demain le voient. En rentrant, tu te diras probablement qu'il te reste suffisamment de force pour faire quelques cristaux, même si tu en as déjà fait ce matin, et tu finiras complètement achevée dans ton lit, sans pouvoir te reposer véritablement parce que ton réveil te réveillera bien trop tôt demain, sans laisser à ton corps le temps de récupérer tout ce que tu lui infliges depuis des mois maintenant.

Il marqua une pause. Ca faisait un peu beaucoup, là, dis donc. Il s'était emporté. Il poussa un nouveau soupir.

-Je suis en pause. Alors tu prends une pause aussi. Je mettrai l'affiche dans le hall quand je retournerai à l'entrée de Terrae.

Sa première phrase sonne comme un constat... Et peut-être un reproche.
Je ne sais pas vraiment, mais il pourrait, il aurait raison. Il a raison. Je ne suis pas aveugle sur mon état, je sais que je ne tiendrai pas très longtemps à ce rythme. Mais c'est comme si... chaque pause que je m'accordais était déjà une trop grande perte de temps. Et on a pas de temps à perdre pour le moment. Je sens que Chris n'est pas convaincu par mon attitude, et il le fait savoir.

Il prend mes affiches, et il se met à parler. Il parle, et il ne s'arrête pas. Et plus il parle, plus mes yeux grandissent de surprise, plus je suis scotchée à ce qu'il va dire, plus je me demande dans quel univers on a bien pu passer pour que Chris aligne autant de phrases à la suite. Je sens qu'il se moque, mais qu'il est aussi agacé, irrité par... Quelque chose ? Mes yeux sont posés sur lui, fatigués, et je laisse passer plusieurs secondes avant de changer d'expression, figée sur place par son... Monologue ? Chris vient de faire un monologue.

_ Wow, je souffle. Je-

Puis je me rends compte du ridicule de la situation, et mes épaules se crispent alors que je ris. Un rire discret, mais véritable, je sens les muscles de mon visage se détendre alors que je réponds.

_ WOW, j'insiste. On a un record de mots à la minute là.

Je rigole encore, relâchant la pression. Il a réussi à me faire perdre mes mots, ça aussi c'est une première.

_ Pardon, j'arrête de me moquer. Quoique ton imitation de moi était très réussie. Tu me connais si bien !

Je me rends compte alors qu'il m'a proposé de prendre sa pause avec lui. Une pause ? Donc il en fait, des fois ? Est ce que sa vie reculée n'est pas en elle même une pause ? Je souris, comprenant qu'il l'a surtout prise pour moi. Je redeviens un peu sérieuse.

_ Je suis désolée, c'est... Plus compliqué depuis qu'Ys a... Libéré son poste, disons. Je te suis, où est ce qu'on passe une pause, j'ai oublié, je finis avec un sourire.

Oui, je le taquine un peu, mais avouez que je le pouvais. Après tout je ne me suis jamais privée avec lui. J'essaye de ne pas m'attarder sur mon commentaire sur Ys, je suis assez salée sur lui et ça rappelle encore de mauvais souvenirs et frissons le long de mon échine.

Au fur et à mesure que le visage de la jeune Master se détendait, celui de Chris se crispait. Hum. Oui, il avait beaucoup parlé. Peut-être un peu trop. Son regard se détourna alors qu'elle relevait l'exactitude de ses propos, non sans se moquer encore. Gentiment, certes, mais elle insistait peut-être un peu trop dessus pour le Master.

-J'espère que tu en as profité, marmonna-t-il, presque plus pour lui que pour elle.

Ca en devenait gênant, quelque part. Il n'aurait peut-être pas dû s'inquiéter autant, elle n'avait pas l'air si mal en point, finalement.

Il l'observa du coin de l'oeil et grimaça. Mouais. Ses cernes parlaient quand même pour elle. Alors peut-être que finalement, il était content d'avoir réussi à la faire rire...

Il tiqua à la mention d'Ys et soupira. Encore un cinglé qui perdait la boule. Ils avaient eu assez à faire avec le Master Morphe il y a quelques années... Mais ils étaient peut-être plus expérimentés maintenant. Et plus nombreux. Ils géreraient probablement mieux la situation.

Son regard se posa sur l'intérieur de la salle commune. C'était dans ce genre d'endroit qu'il était convenu de passer une pause... Mais disons que l'attention portée sur eux qui étaient plantés à l'entrée de la pièce n'avait rien d'attirant. Il se racla la gorge.

-A la cafétéria.

La salle des Masters aurait pu être une option, si l'ambiance massacrante qui y régnait n'était pas si repoussante.
Et puis à la cafétéria, ils pourraient bien se trouver une table dans un coin, à l'abri des regards.

Il prit des mains ce qu'Athéna tenait encore, et commença à marcher en direction de la cafétéria.

-Quand on arrive, tu me retires tes prothèses, pour toute la pause. Tu dois te reposer. Et je suis là, s'il se passe quelque chose. Donc te stresse pas. Repose-toi juste. Ton corps ne va pas tenir.

A bien y réfléchir, la pause aurait juste pu consister en une sieste pour la Master. Mais ça aurait probablement été trop gênant de proposer de prendre cette pause chez elle, dans son lit, pendant que Chris se chargeait de faire une partie de son travail - au moins ce qu'il en comprenait. Ouais, non, trop gênant. Même si elle avait vraiment besoin de se reposer, c'était un peu trop poussé quand même.

Il ne peut pas m'en vouloir de me moquer un peu de temps en temps !
Bon d'accord, c'était peut-être un peu excessif, mais le voir bougonner dans sa barbe me donne encore plus envie de rigoler, à vrai dire. Il se racle la gorge avant de me dire que nous allons à la cafétéria. Je crois sans aucun doute que c'est un des endroits où il m'a fallu réparer le plus de chose -ou du moins en commander, je ne sais pas encore fabriquer une machine à café de toutes pièce. C'est si facile, suffit qu'un élève soit mal réveillé pour que bim, un truc soit pété aussi simplement que- bon, on a dit que j'arrêtais de penser au taff. Du moins si c'est possible...

J'approuve donc un sourire et commence à le suivre, m'appuyant sur ma béquille pour alléger la douleur sur mes moignons. Ce serait con que je me mette à grimacer maintenant, il comprendrait que- ah bah on dirait qu'il me connait vraiment bien. Il me demande d'enlever mes prothèses pendant la pause que nous allons prendre et... Je ne sais pas, d'un coup je me sens comme une enfant qu'on aurait gronder, à me demander si c'est vraiment trop visible, si au final me forcer autant ne me donne pas l'air ridicule aux yeux de tout le monde.

Je soupire, avec un petit sourire.

_ Demander à une femme d'enlever ses jambes, quelle rustre, je plaisante. Ne t'inquiète pas, je le ferai.

Ça ne sert à rien de refuser, il a raison, ça me fera une vraie pause. J'ai conscience que pour lui ce n'est pas habituel, ça ne ressemble pas au rôle qu'il se donne de me faire autant de remarques, c'est bien qu'il y tient non ? Je ne peux pas lui refuser, j'ai trop de respect pour son avis. Mais je n'irai pas faire ça devant n'importe qui non plus.

Nous arrivons à la cafétéria, et je me dirige vers une table, un peu isolée tout de même (tout le monde ne va pas apprécier la vue d'une nana en train d'enlever ce qui lui sert à marcher pendant la pause dej') et je commence à enlever les systèmes de sécurité pour retirer mon attirail. Une fois finie, je regarde autour de moi... Être assise à nouveau sans pouvoir se lever est... étrange. Un peu apaisant. Un peu angoissant. Mais je suis trop fatiguée pour vraiment réfléchir là dessus maintenant. Je me concentre un peu et dépose une fine couche d'eau froide sur les endroits où ma peau a souffert du frottement des prothèses. Ça ne guérit pas, mais ça fait du bien.

_ Tu pourrais aller me commander un truc ? je dis tranquillement. En revenant tu pourras me raconter les derniers boulets que tu as eu à l'entrée...

Peut-être que je lui en demande trop, je ne devrais pas autant me reposer sur lui.
Peut-être que je cherche juste à éviter des sujets, mais je ne saurais pas moi même dire lesquels. Profitons juste de ce repas au calme, pour une fois.

Quand ils arrivèrent à la cafétéria, Chris resta un petit moment à côté d'Athéna alors qu'elle retirait ses prothèses. C'était une grande fille, et elle était clairement capable de le faire toute seule, mais c'était plus fort que lui, il ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter. Il fronça les sourcils en croisant une nouvelle fois son regard fatigué, et se contenta de hocher la tête en partant en direction de la caisse pour commander deux cafés quand elle reprit la parole, formulant oralement sa demande.

Chris ne savait plus vraiment comment il fallait se comporter quand on s'inquiétait pour quelqu'un. Pendant de longues années, il avait décidé de ne plus rentrer dans ce genre de dynamique, de ne plus se soucier des autres, pour ne plus à se retrouver dans ces situations inconfortables. On peut dire que ce n'était pas un si grand succès que cela...

Poussant un soupir, il avança d'un pas alors que la file d'attente se réduisait progressivement devant lui. C'est là que quelques piaillements, issus de personnages visiblement agités, attirèrent son attention. Il tourna le visage vers le duo, et les fixa avec insistance. Alors non. Il était hors de question que l'un d'eux ait le moindre écart. Rien. Absolument RIEN ne serait cassé dans cette cafétéria aujourd'hui. Il s'en faisait la promesse.

Le regard insistant eut visiblement l'effet escompté car les deux idiots se confondirent en excuses avant de disparaître de sa vue. Pile à cet instant, la dernière personne qui se trouvait en face de lui s'éloigna avec sa commande, et il put enfin prendre la sienne. Quelques instants plus tard, il revenait auprès de la jeune Master, déposant un gobelet en plastique en face d'elle. La sécurité prévalait en ce moment, et comme les Titans changeaient d'un jour à l'autre, tout comme les Sonores, les tasses en dur n'étaient plus le contenant de prédilection.

Il s'installa en face d'elle et posa son regard sur elle. Il devait faire fi de ces traits fatigués. Il bloquait dessus depuis qu'il l'avait rejointe, ça commençait à devenir obsessionnel. Mais peut-être que cet air fatigué lui rappelait un peu trop sa soeur, adoptive, certes, à côté de qui il avait tant veillé autrefois...

Il grogna pour se sortir de cette situation (ça ressemblait plus à un gros soupir), et but une gorgée de son café.

-J'ai pas grand chose à raconter... En ce moment, les boulets arrivent tous avec des pouvoirs, et avec des équipes de bras cassés qui vont les chercher, et qui ont l'air au bout de leur vie quand ils rentrent. La garde rapprochée à la ramasse.

Chris arqua un sourcil.

-Ah mais si. L'autre jour, il y a un fou furieux qui est venu se coller à la grille en hurlant qu'il avait des pouvoirs et qu'il voulait entrer. Evidemment : il en avait pas du tout. La conversation a été très longue et épuisante.

Bon, d'accord, il a juste tourné le dos et il est parti. Sauf que continuer de jardiner avec un type qui continuait à parler encore et encore, ça avait été une véritable épreuve. Chris avait du prendre sur lui pour ne pas lui tordre le coup et exploser ses cordes vocales. Mais une vision du futur lui avait fait comprendre que ce n'était pas la meilleure décision à prendre...

Je sens qu'il y a quelque chose qui perturbe Chris, mais je ne dis rien.
J'ai bien vu qu'il a intimidé des agitateurs et ça m'a fait rire discrètement, parce que même s'il n'est plus titan je ne connais pas grand monde qui voudrait entamer un combat avec lui. Sûrement des inconscients comme Senri, cela dit... En tous cas, je sens que quelque chose chez moi le mets mal à l'aise, alors je fais en sorte de me comporter plus... Droitement. Essayer de jouer un peu mieux le jeu de la conversation, je n'ai pas envie de le voir hésitant envers moi.

Il cache sa gène dans sa tasse en plastique alors que je souris quand il me décrit la situation. Les bandes de bras cassés ? Est ce qu'il parle de ses collègues ou des élèves qui se sont portés volontaires pour des missions de secours ? Je ne sais pas vraiment mais je ne le prends pas pour moi, il est vrai que nous compliquons toujours plus son boulot après tout. Et puis on est tous à la ramasse en ce moment, je comprends sa frustration.

Quand il me dit que la conversation avec un potentiel intru a été longue et épuisante, je laisse échapper un rire clair, imaginant avec peine ce qu'il appelle "longue et épuisante".

_ Tu lui as juste foutu un vent avoue ! Il disait qu'il avait quoi comme pouvoir, juste pour rire ? Enfin je comprends, je pensais qu'on en aurait plus des illuminés comme ça... C'est toujours mieux que des croyants tu me diras, il ne manquerait plus qu'ils se mettent à nous vénérer.

C'est à mon tour de boire doucement dans ma tasse, avant de sortir, pensive.

_ Je me demande s'ils voudraient quand même venir s'ils connaissaient les conditions pour entrer. Je suppose que oui. Par curiosité ? Mais ceux qui s'en sortent le mieux avec leurs pouvoirs sont souvent ceux qui n'en voulaient pas à la base. C'est assez paradoxal- Oh pardon je monologue encore !

Je souris en effaçant la réflexion d'un coup évasif de la main.

_ Enfin, je me demande comment c'était quand tu es arrivé. Tu en voulais toi, du titanisme ?

Je me souviens personnellement avoir pas mal râlé, parce que ça faisait de moi une brute, mais vous savez quoi ? J'ai toujours été une brute. C'était le pouvoir parfait, au final.

L'ancien Titan posa son regard sur la jeune femme qui riait en face de lui. Il savait très bien qu'elle imaginait la situation, et que les termes "longue" et "conversation" allaient rarement ensemble quand il s'agissait de Chris. Il haussa une épaule et s'apprêta à répondre à sa question quand elle évoqua l'idée qu'ils puissent être vénérés comme des dieux. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale et il grimaça. Certainement pas, ce serait pire que tout. Il ne connaissait pas grand chose à la mythologie grecque, bien qu'il ait essayé de s'y intéresser quand son ancienne élève avait changé de nom, mais il en savait suffisamment pour savoir que ces histoires de Dieux avaient aussi été à l'origine de nombreuses batailles en leur faveur, et il ne voulait pas porter sur ses épaules le poids de plusieurs guerres à cause d'imbéciles qui auraient pensé que ça aurait pu leur faire plaisir.

-Je ne sais plus. Il a dit mélangé plusieurs choses, entre la Terre, l'Eau de son bain qui bougeait quand il lui demandait. Il a parlé d'autre chose, un mot compliqué, télétruc ? Pas télépathe. Enfin, de toute façon, il n'avait aucune énergie.

Le nouveau Voyant arqua un sourcil quand Athéna se demanda si les gens pourraient continuer à vouloir venir s'ils savaient comment ça se passait ici. Un étrange sentiment lui serra un peu le coeur alors qu'elle chassait cette pensée divergente d'un geste de la main. Regrettait-elle d'être venue ici ? Est-ce qu'elle ne s'y sentait pas bien ?

Il décida cependant de ne pas revenir dessus. Son regard se voila un instant alors qu'elle lui demandait s'il avait toujours voulu du titanisme, et notamment à ses débuts ici. Quelques images de son passé lui revinrent en tête ; son arrivée, son mutisme, sa perte de goût pour la vie. Il avait vécu dans de nombreuses familles d'accueil avant d'être finalement adopté. Ses nouveaux parents avaient déjà une fille, à la santé terriblement fragile, ce qui les avait convaincu de ne pas procréer à nouveau, préférant l'adoption. Elle avait 13 ans, il en avait 12. Elle était toujours souriante, malgré son teint pâle. Elle avait su lui redonner le sourire, et le faire se sentir chez lui, dans cette énième maison qu'il avait habité. Tout s'était bien passé, jusqu'à ce que tout se complique, comme d'habitude. Elle avait réussi à lutter contre sa leucémie pendant toutes ces années, mais la rechute était fatale. Chris était resté de nombreuses journées et nuits à ses côtés à l'hôpital, voyant ses "parents" perdre goût à la vie. Que deviendrait-il sans elle ? Il ne pouvait simplement pas imaginer continuer à vivre sans elle. Pas ici. Pas dans cette famille. Qui deviendrait-il ? Les années sont passés. Son sourire a continué à s'étirer tandis que les cernes se creusaient un peu plus. La chimiothérapie retardait l'échéance, Chris avait voulu faire don de sa moelle osseuse pour une greffe, mais il n'était pas assez grand, pas assez fort, pas assez tout. Et les chances qu'il soit compatible était bien trop minces de toute façon. Alors il était resté à son chevet ; l'école n'avait jamais été une priorité de toute façon.

Elle a survécu quelques années que l'homme n'a même pas vu passer. Et puis un jour elle s'est éteinte. Heureuse, comblée d'avoir eu un frère pour lui tenir compagnie, pour l'aimer, pour la faire sourire. Elle l'a remerciée, lui a assuré qu'elle se sentait prête, et que l'heure était venue. Alors, le lendemain, quand Chris est revenu lui rendre visite, il n'a pas été surpris. Il savait.

Et il savait qu'il n'avait désormais plus sa place au sein de cette famille. Alors il est parti. Et le jour de son dix-neuvième anniversaire, Ryu était là, en lui tendant cette main, en lui proposant une nouvelle maison d'accueil. Alors il l'a saisie, et il est arrivé ici.

Sauf qu'il ne s'intéressait probablement pas assez à ce qui lui arrivait pour savoir s'il était heureux ou non de ces pouvoirs qui lui avaient été attribués.

Quand il revint à lui, il posa calmement son regard sur son ancienne élève, une étincelle étrange dans le regard.

-Je ne me suis jamais posé la question. Mais j'imagine que j'étais fait pour ça.

Il baissa les yeux et se perdit dans la contemplation de son café. Ce n'était jamais très facile à encaisser, ces visions. Même s'il savait qu'il avait fait de son mieux, et qu'elle était partie heureuse.

Qand il répond à ma question, je me fends d'un sourire. Oui, un peu n'importe quoi en somme. Mais je comprends, qui ne voudrait pas avoir des pouvoirs ? Bon d'accord, peut-être pas mal de personnes, notamment celles qui en feraient le meilleur usage.

_ Oh, tu as envoyé chier le nouvel avatar ? Quelle tristesse, je plaisante. Je suppose qu'il parlait de la télékinésie, c'est très stylé c'est dommage que ça n'existe pas...

Je me demande à quel type de personnalité ça correspondrait tiens. Les airs peuvent faire voler des objets, mais ça n'est pas exactement le même système je suppose qu'on peut donner l'illusion de télékinésie... A tenter ! Enfin, j'ai déjà été air et ça ne m'est pas venu consciemment à l'idée, donc dommage, je suppose ! (Non pas dommage, l'air c'était le pire d'accord-)

Lorsque je relève la tête et parle, je me rends compte que Chris n'est plus là. Mentalement, évidemment. Ses yeux se sont voilés, et je reconnais bien ces symptômes. Il ne faut pas une seconde pour me demander ce qu'il voit, et encore moins de temps pour regretter de m'être posée cette question. Je me sens comme... Tomber ailleurs. Des images et des sons défilent. Un enfant, probablement Chris, il lui ressemble en tous cas. Des parents- plusieurs parents- trop de parents ? Une jeune fille malade, un sourire éclatant, ça dure longtemps. Lui à son chevet. Ryu. C'est fini.

Je n'ai pas capté grand chose, mon cerveau se charge de faire des liens, c'est exactement comme se souvenir d'un rêve. Je comprends mieux son regard de tout à l'heure, est ce que j'ai l'air si mal ? Est ce que je lui rappelle des mauvais souvenirs ? Je serre un peu les lèvres lorsqu'il répond. Il ne s'est jamais posé la question mais oui, c'est évident que ça lui correspond. Rien à voir avec son physique, c'est... Plus que ça.
J'essuie une larme avant de répondre. La fatigue et cette dernière vision ont eu raison de mon self control sur le coup, je ne le nierai pas et ne le regrette pas non plus.

_ Ça te va très bien. C'est... Je suis contente que tu sois venu ici.

C'est... Débile un peu, de dire ça maintenant qu'il est Master. Mais Terrae c'est sa maison, encore plus que nous tous, et même s'il a l'air d'être renfermé ou eu sociable, il y a tellement de place pour les autres dans son esprit, c'est fou. Je prends une inspiration avant de remettre le nez dans ma boisson, un peu gênée. Je ne sais pas si je dois parler de ce que j'ai vu ou pas. C'est... Très personnel et sensible, mais je ne peux pas nier que je le sais. Ou alors ça pourrait être juste entre nous. C'est mieux comme ça.
Une de mes mains me gratte l'arrière de la nuque et je lâche un sourire gêné.

_ Je vais faire plus attention à moi, promis. En tous cas on a l'air de bien gérer les visions tous les deux, on va faire des jaloux...

Ouiiii c'est un peu ironique, mais sans rire je trouve que je m'en sors bien. Je grimace un peu quand je bouge, parce que ma hanche me fait mal, mais ça va, la glace fait son effet.

Un mince sourire étira les lèvres du Master alors qu'Athéna l'accusait d'avoir osé refuser au nouvel Avatar d'entrer ici. Bon, il ne comprenait toujours pas à quoi correspondait le mot qu'elle venait de citer, un manque de culture sans doute, lui s'étant contenté d'apprendre les pouvoirs qu'il pouvait trouver dans son lieu de vie, mais il hocha la tête pour confirmer que c'était bien ce mot-là qu'avait employé l'illuminé.

La vision arriva un peu rapidement, mais pourtant naturellement, suite à la question sur les pouvoirs de Titan, mais aussi face à la fatigue apparente sur le visage d'Athéna, et quand il revint à lui, il eut à peine le temps de voir son ancienne élève essuyer une larme sur sa joue. Il répondit, et se perdit un peu dans la contemplation de son café alors qu'elle reprenait la parole.

Ses mots n'étaient pas innocents. De toute façon, Chris savait très bien qu'elle avait vu. Il avait croisé son regard, et surtout cette larme, il n'en fallait pas vraiment plus pour qu'il comprenne. L'ancien Titan remarqua le malaise naissant de la Master, qui ne savait pas vraiment comment agir après avoir vu tout ça. Il ne réagit pourtant pas tout de suite, parce qu'au final, lui non plus ne savait pas vraiment quoi faire de tout ça. Ca ne la regardait pas vraiment, mais en soi, il n'était pas non plus contrarié qu'elle l'ait vu. Il se demandait aussi ce qu'elle avait vu exactement. En avait-elle vu autant que lui ? Il avait senti la connexion se faire, mais elle avait parfois été plus effacée aussi.

Il finit par relever le regard vers elle alors qu'elle lançait quelque chose à propos des visions, et des possibles jaloux. Une lueur de tendresse se peignit dans son regard face à sa maladresse, et il sourit très délicatement, très peu longtemps, aussi.

-Heureusement pour eux, on n'est pas du genre à se vanter.

Il prit une gorgée de café avant de reprendre la parole.

-Je ne suis plus triste. Elle a été heureuse, et je le sais. Je savais aussi que ça allait arriver, et j'étais préparé.

La vie est simplement devenue Vide sans elle. Le Soleil n'éclairait plus tout à fait le monde de Chris avec la même lumière chaleureuse. Mais c'était parfois mieux de partir que de continuer à souffrir pendant des années. Chris avait eu du mal à retrouver sa place, mais il avait fini par le faire, et il savait que c'était ce qu'elle lui avait toujours souhaité.

-Je suis désolé que tu aies vu ça.

Et là, c'était un peu plus gênant. Parce que l'amalgame était évident. Et Chris ne pouvait pas vraiment nier son inquiétude.

-Et je sais que les situations sont différentes.

Est-ce qu'il n'était pas, vraiment, en train de s'enfoncer, cette fois ? Il se sentait obligé d'expliquer beaucoup trop de choses. Et même lui, ça l'embêtait un peu, soyons honnête.

-Mais si tu me dis que tu feras un peu plus attention, je te fais confiance.

Bon, il était temps d'arrêter là. Mais c'était difficile, quand on savait qu'on tenait un peu plus que de raison à quelqu'un, et qu'on s'inquiétait perpétuellement pour cette personne. Sauf qu'on ne peut pas contrôler la vie des autres. On peut simplement être là pour eux, et s'inquiéter lorsque c'est nécessaire.

J'avais peur que Chris le prenne mal et se ferme mais ce ne fut pas le cas.
Au contraire, ça n'a pas l'air de le déranger que j'ai... Assisté à une partie de sa vie, même si c'est aussi intrusif que de la télépathie. Il va dans mon sens en me disant que tout va bien, puisque nous ne sommes pas du genre à nous vanter. Un sourcil se lève ainsi qu'un petit sourire quand je réponds.

_ Toi peut-être. Moi je suis une crâneuse.

Aaaah bah autant être honnête.
Il revient lui aussi sur ce qu'il s'est passé. Je sais que ça fait longtemps, mais ça ne veut pas dire que c'est facile tous les jours, et avoir en visuel des images qui datent de plusieurs années, c'est... Étrange. Nostalgique. Il me dit qu'il est désolé que j'ai du voir ça. Il enchaîne, moins à l'aise, pour tenter de dissiper les histoires que je me suis montée dans ma tête. Oui les cas sont différents, mais je lui ai fait penser à ça, et ça veut déjà en dire beaucoup sur mon état. Et ça n'est pas pour me rassurer non plus. Il me dit que c'est bon si je lui promets que je ferais attention.
Un nouveau sourire, plus triste étire mes lèvres, et je secoue doucement la tête.

_ Ne t'excuses pas, c'est moi. Et puis... Ce doit être de beaux souvenirs, et ça m'a permis d'en savoir un peu plus sur toi. Je vais tenter de ne pas trahir ta confiance, promis.

Je n'aime pas faire de promesses, et pourtant je sens que celle là est importante.
Je souris plus franchement à l'idée qui me vient ensuite.

_ Et, maintenant tu as le droit de me demander quelque chose de personnel aussi ! Bon même si tu dois déjà en savoir pas mal vu comme je suis bavarde...

Enfin je suppose que par rapport à lui, tout le monde est bavard au final.

Chris reprit contenance quand la belle Master reprit enfin la parole. Oui, voilà, c'était mieux, au moins il n'avait plus à parler. Elle lui promit qu'elle ferait attention, et Chris comprenait parfaitement combien cela devait lui coûter. Parce qu'Athéna restait cette femme indépendante, qui n'aimait pas tellement qu'on lui dicte ce qu'elle devait faire. Elle se tenait toujours à ses projets, ses initiatives, son rythme. Et en plus de l'avoir forcée à faire une pause, il lui demandait maintenant de dormir. Ca en devenait presque infantilisant.

Il chassa ces pensées et se concentra sur le nouveau sourire qui s'étirait sur ses lèvres. Il arqua un sourcil alors qu'elle lui proposait de lui poser une question personnelle. Un peu décontenancé, Chris but un peu rapidement une gorgée de sa boisson, avant de détourner le regard, mal à l'aise. C'était... délicat. Déjà, parce que c'était entrer dans son intimité. Ensuite, parce que ça demandait de poser des questions. Hum.

Il se racla la gorge pour reprendre contenance.

-Tu n'as pas à te sentir obligée de faire ça. Ca ne me dérange pas que tu aies vu ça.

Oui, bon, il détournait l'attention. C'est qu'il ne s'était retrouvé que très rarement dans cette position. Si ce n'est jamais. En fait, s'il posait une question, il allait passer pour quoi ? C'était bizarre, non ? C'était les gens curieux qui posaient des questions, et qui voulaient tout savoir des autres. C'était des gens un peu intrusifs qui faisaient ça. C'était vraiment pas bien de se contenter de ce qu'on avait ? Elle allait finir par remettre en cause toutes ses convictions.

-Hum. Tu regrettes d'être venue à Terrae parfois ?

D'accord, la question lui avait échappé. Mais il l'avait sur le bout de la langue déjà avant d'avoir cette fichue vision.

Je sens que ma proposition le met très mal à l'aise.
C'est... Assez étrange en fait, de voir ce grand gaillard se replacer sur sa chaise et fuir mon regard. Peut-être que je n'aurais pas dû. J'ai du mal à comprendre pourquoi ça lui provoque cette réaction, mais à force d'être gêné je crois qu'il va finir par me filer son malaise. Je le vois boire sa boisson, et quand il parle, j'ai presque encore envie de m'excuser. Même si les mots sont doux, même s'ils sont gentils.

Je ne me sens pas obligée alors je hausse juste les épaules pour le lui signifier. Je bois dans mon propre verre, le temps d'essayer de trouver un sujet qui soit moins polémique pour lui. Je ne m'attendais pas à ce qu'il relance la question. Je crois que lui non plus ne s'y attendais pas. C'est... Ok c'est adorable bordel comment un mec baraqué de presque deux mètres peut être aussi adorable ? On-se-calme.

Je réfléchis à sa question en levant la tête au plafond quelques secondes.

_ Non. Je sais quelle vie j'aurais mené si j'étais restée avec mes parents. Ça aurait été... Confortable, mais prévisible. J'aurais tenu la boutique d'antiquité avec mes parents, avant de prendre leur suite. Peut-être que ça m'aurait fatigué, alors j'aurais cherché de nouveaux objets dans toute l'Europe, mais la fin aurait toujours été la même. J'aurais trouvé un mari, on aurait eu un chien et des enfants. Un voyageur lui aussi- en fait je crois que je n'aurai jamais réussi à me poser vraiment.

Cette vie est belle à imaginer, mais...

_ Ici j'ai une autre famille, recomposée, instable, mais constamment en mouvement. Ici j'ai eu la force d'avancer, et c'est un endroit où j'ai envie de rester. Où je me sens vivante. Des fois, voir ma famille du cirque me manque, oui, mais non, je ne regrette pas d'avoir dis oui.

Je souris doucement, au calme. Je suis bien ici.
Fatiguée, mais bien.

_ Wow, tu sais que je suis arrivée à mes 17 ans ? Ça fait un bail quand même... 7 ans c'est fou. Et avec ça je sais toujours pas quoi faire pour me détendre, je ris doucement. Tu fais quoi toi quand tu as du temps libre ? Jardinage uniquement ou... Cinéma, salle d'arcade- oh piscine peut-être !

Rigolez pas, je suis sûr qu'il en attirerait plus d'une avec un corps pareil.

-Tu ne te serais jamais sentie épanouie dans ce genre de vie.

Les mots lui échappèrent un peu soudainement, alors qu'il réalisait qu'il éprouvait un sentiment nouveau, un peu dérangeant, quand elle avait évoqué la possibilité d'être mariée, d'avoir des enfants, et un chien. Il reporta son attention sur sa tasse, mais elle était déjà vide, parce que oui, à force de boire une gorgée quand les mots nous échappent, on finit par ne plus avoir rien à boire. Il grogna un petit "hmm" quand elle acheva sa réponse sur le fait qu'elle était bien ici, et pris le parti de ne plus parler pour ne plus s'enfoncer davantage.

Il fut toutefois obligé de relever à nouveau le regard vers elle quand son rire cristallin parvint à ses oreilles, avant qu'elle réalise qu'elle se trouvait à Terrae depuis sept ans maintenant, sans avoir pourtant trouvé le moyen de se détendre. Il grimaça quand elle lui demanda ce que lui faisait quand il avait du temps libre, et se dit que s'il détournait encore le regard, ce serait probablement mal interprété (ou justement trop bien interprété, on ne sait pas). Il haussa une épaule, avant de froncer les sourcils quand elle évoqua la possibilité qu'il puisse aller à la piscine pour se changer les idées.

-Je ne sais pas nager.

Et il ne savait pas non plus pimenter la conversation. A vrai dire, il se demandait parfois pourquoi Athéna continuait à se soucier de lui, parce qu'il était assez évident qu'elle occupait généralement les 75% de la conversation, et que lui occupait le reste à coup de grognements ou de réponses terriblement fermées.

-Je n'ai pas vraiment de pauses. Il faut constamment que quelqu'un me remplace lorsque j'en prends, et c'est loin d'être évident. Alors je me contente de jardiner et de m'occuper de certaines choses dans la cour frontale ; déplacer des bancs, réarranger les arbres... Je juge les personnes que je croise. Et je lis.

Ou plutôt il apprend à lire. Ce n'est pas forcément évident quand on est seul, mais depuis quelques mois, il est plutôt assez fier de son évolution.