Ça alors, elle était à Terrae depuis bon bout de temps ! Elle expliqua qu'elle avait cependant dû partir et qu'elle avait été absente pendant quelques années. Elle était revenue depuis peu. Elle me posa ensuite la même question.

— Quelques années ! Je dois être arrivée quand tu n'étais plus là. Ce qui explique que ta tête ne me dit rien. Comment c'est d'être de retour ? Tu dois être revenue car tu as des proches ici j'imagine ?

Quoi que simplement retrouver ses pouvoirs pouvait être une raison tout-à-fait valide. Je me voyais mal sans pouvoirs maintenant que j'étais si familière avec eux.

J'écoutai sa réponse avec intérêt. Ses mots résonnaient avec moi dans un sens. Terrae était aussi ma maison, mais je me demandais si je me sentirais de la même façon si je partais un jour. Après tout, qu'est-ce qui faisait de Terrae ma maison ? Les gens que j'avais rencontré selon moi.

Quoi que... il y avait toujours de nouvelles personnes à rencontrer. Des amis que nous ne connaissions pas encore. Et ici, tisser des liens était plus facile qu'à l'extérieur. Le Vide nous unissait. La douleur nous unissait. Et, aussi, l'espoir d'un avenir meilleur pour chacun d'entre nous.

Je hochai la tête. Bien que je n'avais jamais quitté Terrae pour de longues périodes, je ne pensais pas que je serais capable de retourner vivre dans le monde ordinaire. Il constituait mon passé. Un passé d'opportunités manquées, un passé où je n'étais personne.

— Je vois. C'est bien, que tu sois revenue pour toi. Il faut savoir prendre soin de soi-même.

Je poursuivis suite à sa question :

— Oui, Terrae est également ma maison. Je crois bien que je vais faire ma vie ici. En tout cas, c'est bien parti.

J'avais plus accompli ici en quelques années qu'en une vingtaine d'années.

Je fronçai légèrement les sourcils à la question de Nana. Je réfléchis quelques secondes. Je me demandais si elle faisait référence à quelque chose en particulier. C'était plutôt vague.

— Hum, qu'est-ce que tu veux dire exactement ? finis-je par demander.

Mon téléphone portable, posé sur une tablette à l'arrière du comptoir, vibra alors.

— Oh j'attends un message important, excuse-moi je vais regarder au cas où.

Je ne croyais pas que ça allait la déranger, mais bon. Je jetai un coup d'oeil à l'appareil et vit que le SMS que j'avais reçu n'était ni celui que j'attendais, ni bien important. Je posai mon portable sur le comptoir, ne prenant pas le temps de fermer l'écran, sans y penser. Je ne me doutais pas du tout de la découverte que la blonde allait faire en voyant mon fond d'écran.

Pourquoi elle faisait cette tête ? Je suivis son regard et vit qu'elle regardait mon téléphone. Bah quoi, il y avait un problème avec mon portable ? Mes yeux se posèrent de nouveau sur elle alors qu'elle prenait parole.

— Oui, c'est mon petit ami. Tu le connais ?

Comme elle avait mentionné son nom complet, je songeai qu'elle avait peut-être simplement déjà entendu parler de lui car, lui aussi, avait une certaine popularité maintenant. Ce fut ma première conclusion, en tout cas. Si elle le connaissait de manière personnelle, n'aurait-elle pas juste dit « Bito » ?

J'écarquilai les yeux, choquée. Je n'aurais pas pu être plus à côté de la plaque. Moi qui pensait qu'elle ne le connaissait pas personnellement. Il n'y avait pas plus personnel que ça.

Il me fit un petit moment pour assimiler l'information. C'était elle ?! Son ex qui l'avait soudainement quitté et lui avait brisé le coeur ? Il me l'avait mentionné. Elle était de retour à Terrae ?!

— ...

Qu'est-ce que c'était que cette situation ? Elle se retrouvait dans ma boutique et comme par hasard, voyait que mon fond d'écran était une photo de Bito ? On aurait dit un scénario planifié à l'avance... S'il y avait un dieu, il se foutait bien de ma gueule.

— Quelle coïncidence !

Ah ouais. J'avais répondu le truc le plus générique qui soit. Mais j'étais supposée dire quoi hein ?!

Caaan you feel the awkwardness in the aiiiiir ♩ ?

Je n'avais jamais eu affaire à une ex d'un(e) petit(e) ami(e)... car je n'en avais jamais eu avant. J'étais vraiment prise de court, là.

Bruh ? Ils avaient repris contact l'un avec l'autre ? Oh, douce jalousie... Un sentiment que je ne connaissais que trop bien, même si je ne le montrais pratiquement pas.

Je ris un peu en hochant la tête. Tsssé le genre de rire que tu fais quand tu n'es pas à l'aise et que tu ne sais pas quoi dire.

— Ah. Pause. Faut dire que c'est peut-être pas le meilleur sujet de conversation avec son ex.

Puis, je retournai à mon rôle de vendeuse et entrai les prix des bijoux qu'elle avait choisi dans la caisse.

— Bon alors ça te fera un total de...

Je lui annonçai le montant et attendit qu'elle sorte son portefeuille pour payer.

Je pris l'argent de Nana et terminai la transaction alors qu'elle reprenait parole. Je levai les yeux, un peu surprise par ses mots.

— Oh. Je suis pas offensée, t'inquiètes.

Oui, j'étais clairement inconfortable, mais offensée... Eh. Peut-être que j'avais laissé quelque chose transparaître dans mon regard. Ou bien c'était juste le changement de sujet abrupte. Je ne tenais pas à continuer cette discussion. Je n'avais rien contre elle (bon, à part le fait qu'elle avait fait souffrir Bito) : c'était la situation dont laquelle je voulais m'échapper.

Elle s'exclama alors qu'elle était heureuse pour nous et ajouta qu'elle avait trouvé quelqu'un d'autre.

— Merci. Oui, ça se passe très bien.

Le début de notre relation avait eu son lot de difficultés. Et quand je dis début de relation, je parle de avant qu'on commence à sortir ensemble. Honnêtement, même s'il me plaisait, je n'étais pas convaincue qu'on arrive à quoi que ce soit à l'époque. Mais au final, au fur et à mesure que nous avons appris à nous connaître, les choses se sont calmées. On se disputait rarement et ce n'était jamais de grosses querelles.

— Cool pour toi ! m'exclamai-je.

Je n'avais pas de raison de douter d'elle. Je décidai donc de la croire. C'était un peu soulageant. Sait-on jamais, elle aurait pu vouloir récupérer Bito.