Il est de notoriété publique que Misao vit un train-train quotidien somme toute assez classique. De temps en temps, il va voir sa soeur et ses neveux, d'autres fois il va visiter Huo et sa famille, et d'autres fois encore, c'est avec Matheo qu'il fait quelques sorties, le soir, quand le soleil s'est couché et qu'il ne court plus de risques. Parfois, il s'entraîne avce Elwynn, mange avec elle lorsqu'elle n'est pas avec son fiancé ou la famille Williams au grand complet — famille attachante, finalement, quand on ne compte pas leur ancienne animosité avec Aaron. Même celle-ci a fini par réduire, voire disparaître — sans doute un peu à cause d'Huo, qui est étonnamment devenu ami avec les deux à la fois. Un combo intéressant durant des soirées somme toute amusantes, mais encore bien rares. Il fait quelques efforts pour Elwynn, qui chérit cette famille comme la sienne, maintenant qu'elle en fait d'ailleurs presque partie.

Et puis récemment, elle lui a présenté Roman. Elle lui en a longuement parlé, expliqué l'historique, la souffrance derrière les années de séparation. Un jour, il les a croisés à la cafétéria durant un repas, et ils ont pu faire les présentations, discuter un peu. Vaguement, Misao partait au travail au moment où ils arrivaient, ils n'avaient donc que peu de temps devant eux. Au final, ils se sont recroisés une autre fois un peu plus tard, et ont convenu de se retrouver le week-end suivant au gymnase pour une partie de basket, histoire de faire réellement connaissance. Cela étant dit, Misao a enfilé une tenue de sport (débardeur noir-short) et a donc emmené deux petites bouteilles d'eau scellées dans son sac, des barres de cérales et sa serviette-éponge. C'est la fin de l'été, il fait encore un peu chaud dans le gymnase, malgré les fenêtres ouvertes ; pas trop de monde, heureusement, la majorité doit profiter du soleil dehors. Il pose ses affaires dans un coin, ponctuel comme toujours, et en profite pour refaire son lacet asymétrique.

Quand il voit la tête de Roman au loin, il lui fait signe en souriant, encore trop loin pour lui parler. Il va pas crier à travers le gymnase non plus.

Parmi tous les amis d'Elwynn, et il y en a plus que ce que j'aurai pu imaginer, il y en a certains qui ressortent plus que d'autres. Evidemment, la Cool Patrol, c'est son cercle le plus proche. J'entends énormément parler de la famille Williams, et pour tous ceux que j'ai rencontré, ils sont adorables. Et puis il y a les électrons libres qu'elle n'oublie pourtant jamais. Je suis des fois de nouveau surpris de voir sa capacité à prendre du temps pour les autres aussi simplement, comme elle était si solitaire. Et j'en suis aussi ravie. Parmi tout ces gens formidables donc, il y a Misao. J'en ai entendu sur lui, que des belles choses, et de la tendresse dans ses yeux.

On a finit par se croiser un jour à la cafétéria, il avait l'air très gentil, très occupé aussi... comme beaucoup, en fait. J'ai la sensation que dès qu'on a un peu de responsabilités à Terrae, ça prend tout votre temps. On s'est recroisé y a pas longtemps et on s'est dit qu'on pourrait faire connaissance, on a trouvé le basket en commun. Ca me fait toujours plaisir, j'ai de la chance qu'El soit un peu mon moyen de rencontrer des gens facilement, parce que c'est pas le plus évident en ce moment... Je suis vraiment content d'avoir cette chance. J'arrive donc au gymnase en marchant d'un bon pas. Mon sac sur l'épaule, j'ai une petite serviette, de l'eau, et un t-shirt de change. Elwynn m'a prêté un bandeau pour redresser mes cheveux si besoin. J'ai pu acheter des baskets corrects, et je suis venu en short de sport noir très basique, et un débardeur blanc. On voit un peu plus mes cicatrices mais je commence à m'habituer, et puis les gens ici font pas attention et ça me met à l'aise. J'aperçois Misao qui me fait un signe, je trottine vers lui en souriant.

Hey, salut !

Je m'arrête à sa hauteur, et comme je sais jamais comment dire bonjour aux gens qui ont tous 1000 habitudes différentes, je tends mon poing vers lui.

C'est cool qu'on arrive enfin à se croiser, pour de vrai je veux dire. On s'échauffe un peu d'abord ?

Je suis enjoué et tout sourire, vraiment content de pouvoir faire connaissance avec une nouvelle personne, apparemment super. D'un coup je me rappelle, et fouille dans mon sac pour en sortir un termos.

Euh, alors, El' m'a dit que t'aimais beaucoup le café, donc j'ai voulu t'en apporter, mais je me suis dit qu'il faisait trop chaud, et que t'en boirais pas avant de jouer mais peut être après alors... Tiens, je t'ai fait un termos de café glacé.

Je souris de toute mes dents, très content de mon idée.

—Salut, lâche Misao à son tour, alors que Roman arrive à sa hauteur.

Et en parlant de hauteur, c'est bien ce qu'il remarque en premier. Elwynn lui a évidemment dit qu'il était plutôt très grand, mais Misao n'avait pas imaginé que ça pourrait être aussi. Grand. Faut dire qu'il fait déjà plus d'un mètre quatre-vingt, et quoi, Roman doit faire une bonne tête de plus que lui, même en se tenant pas droit ? C'est pour le moins… surprenant. Il faut dire que les deux fois où ils se sont croisés, c'était dans les escaliers, et quand Roman était assis à la cafétéria.

Hm. Misao passe des yeux de Roman, un peu cachés par ses boucles, à son poing levé en guise de salutation. Il a une ou deux secondes de retard, dues à la surprise, et finalement cogne doucement son poing contre le sien avec un sourire.

—Oui, ça me fait plaisir. On commence quand tu veux. Par contre, je me suis peut-être tiré une balle dans le pied pour le basket, il sourit en coin. T'es super grand, j'avais pas fait attention.

Ouais, Misao c'est le gars qui propose un basket à un mec de facile deux mètres. Ca va être marrant (la rançon du manque de réflexion). Il s'étire un peu en faisant rouler son épaule, et observe Roman poser ses affaires… et en sortir un thermos. Un thermos. De café glacé. Parce qu'Elwynn lui a dit qu'il aimait bien ça. Il l'attrape machinalement, d'abord particulièrement surpris et circonspect, puis à la vue de son sourire éclatant, plus gêné, puis reconnaissant. Il retient un rire et baisse les yeux sur le thermos.

—Oh wow, euh. C'est gentil, merci, t'étais pas obligé. Tu t'es pris un truc à boire aussi j'espère ?

C'est. Inattendu. Il est pris de court, là, mais en même temps. Hyper sympa, alors qu'ils se connaissent pas vraiment, finalement. Surtout que c'est pas comme s'il lui avait juste apporté un café du distributeur ou du café du coin ; il lui a fait un thermos, quoi. Misao prend une gorgée de café avant de reposer le thermos, l'alignant correctement à côté de son sac.

—Je me le garde pour après alors, il est bon, merci.

Il a un sourire en coin… Ouais, Roman ressemble un peu à Elwynn. C'est le même genre, il s'y attendait juste pas.

—Ça va, tu réussis à prendre tes marques ? À Terrae, je veux dire.

Je dois le surprendre avec mon poing en face de lui mais il finit par taper dedans doucement. Ca me rassure un peu et je rigole doucement. Il est prêt, motivé, content d'être là, ça me ravi. Et puis il fait une remarque en disant qu'il s'est tiré une balle dans le pied. Je fronce les sourils, curieux, et puis j'éclate de rire franchement, la tête légèrement en arrière.

Bah, on peut faire une seule équipe, comme ça pas besoin de t'inquiéter !, je réplique avec sympathie.

C'est que c'est sûr que quand on s'y attend pas, ça peut surprendre... Mais je ne veux pas profiter de ma hauteur, je préfère en faire profiter tout le monde, alors s'il préfère je suis ! Que tout le monde se sente à l'aise. En parlant de se sentir à l'aise, j'ai comme un doute à sa réaction après que j'ai présenté le thermos. Je sais pas, j'aime bien faire plaisir mais le but c'était pas qu'il soit mal à l'aise, ça fait deux fois là quand même. Mais au final non, il finit par sourire et l'accepter. Ca me rassure, et je hoche la tête en riant un peu.

Pardon je voulais pas que ce soit bizarre ! Je voulais juste faire plaisir. Et oui t'en fais pas, j'ai mon eau !

Je lève le pouce tout en tenant ma bouteille pour le lui montrer, avant de la poser à côté de mon sac. Je souris simplement quand il me dit qu'il est bon, chouette. Je suis content qu'il lui plaise.

Je sautille un peu sur place, et il me demande si je me trouve mes marques à Terrae. Je hausse les épaules.

Oui, beaucoup plus facilement que ce que j'aurai cru ! Elwynn n'y est pas pour rien évidemment, la retrouver c'est euh... C'est au delà de tout ce que je pourrai décrire avec des mots. Mais sinon tout le monde est si gentil, si hospitalier... Je n'ai vraiment pas à me plaindre. Et puis dormir dans les dortoirs, j'ai l'habitude, alors çe ne me dérange pas. Je touche vraiment du doigts ce que ça veut dire, une deuxième chance.

Je souris, un peu ému et heureux à la fois. C'est fou, cette chance. J'ai juste, le droit de vivre. Je fais tourner mes chevilles pour les réchauffer, puis me penche en avant et me redresse en sautant.

El' m'a dit que ça fait longtemps que t'es à Terrae toi. T'y es bien ?

Je tourne la tête, cherche autour de nous.

Euh dis... T'as un ballon, ou tu sais où ils sont rangés ?

—Non, ça va, t'inquiète pas… J'aime bien le challenge, rit Misao en retour.

Roman semble avoir une facilité de contact relativement déconcertante. Pas que Misao n'ait pas l'habitude de communiquer avec des personnes qui semblent extraverties, il a d'ailleurs connu bien pire, mais sa manière d'entrer en lien le met à l'aise et le déstabilise dans le même temps. Il voulait faire plaisir… Ouais, c'est déconcertant, clairement. Mais c'est aussi sympa de sa part, et Misao adore le café, alors il dira pas non. Le Feu essaie de le rassurer :

—T'excuse pas, ça me fait plaisir aha. J'ai simplement pas l'habitude ; c'est un rituel qu'on a Elwynn et moi, alors ça m'a surpris.

Il n'a pas trop l'habitude des personnes qui sont directement sympa avec lui comme ça, généralement ça prend un peu plus de temps que ça pour créer un lien. Peut-être que c'est sa manière à lui d'essayer d'en créer, justement ? Hm… Il vaut mieux ne pas le décourager alors.

Le nouvel arrivant répond à sa question avec tranquilité, puis émotion. Misao a un sourire ; évidemment qu'Elwynn ferait en sorte que tout se passe au mieux pour l'arrivée de son meilleur ami, et elle aussi lui a longuement parlé de la joie que c'était de le revoir. Le savoir en vie. Misao commence à s'échauffer lui aussi.

—J'imagine que ça doit faire un peu bizarre, même pour vos retrouvailles… Ah... Lui en veux pas, elle m'en a un peu parlé, mais je connais pas les détails, j'ai pas demandé. Je suis content de savoir que tu te remets… Et que tu t'intègres. Tu verras quand tu auras ta chambre, en tout cas ; quand on y passe, revenir à du collectif c'est plus difficile.

Il fait tourner ses articulations tranquillement, un peu pensif.

—Oh, ça fait un moment ouais… Neuf ans je crois ? J'ai aussi de la famille ici, alors c'est un peu ma maison. Mais je fais partie des vieux, et jusqu'à peu, on était pas si nombreux. C'est pas tout à fait la même le lien avec les ados. (Il fait une pause et désigne les grands placards.) Ils sont rangés juste là-bas, il y a du matos pour un tas d'autres sports si jamais ça t'intéresse.

Pour accompagner son discours, Misao s'y dirige et fouille à l'intérieur, attrapant un ballon avec un sourire et lui lancer. Il lui dirait bien que tout le monde n'est pas gentil et hospitalier, mais il va pas non plus lui détruire ses rêves en si peu de temps, hein.

Je ris à sa remarque, un peu plus détendu. Je réponds tout sourire :

Okay, j'essaierai de t'en donner alors !

Misao est adorable -un point commun de tous les potes d'Elwynn, apparemment- et essaie visiblement de me rassurer. J'ai vraiment dû le perturber un peu, mais je crois qu'il le prend sincèrement pas mal, et le but c'était juste de lui plaisir, ce qu'il me confirme très vite. Je hoche la tête gentiment, puis je hausse les épaules.

Bon, tu me rassures. Mais si c'est votre rituel à El' et toi, va falloir qu'on en trouve un autre, je peux pas vous le piquer !

Et je lui envoie un clin d'oeil amusé. Hors de question je pique les habitudes des autres. Tu m'étonnes que c'était important pour El' quand elle m'en a parlé, c'est leur truc à eux. Je trouverai autre chose. Mais au moins cette fois, il est content. Et puis c'est aussi ma façon de le remercier de chercher à m'intégrer aussi. Je fais des petits sauts sur place en talons-fesses pendant qu'on discute un peu de moi, de lui.

Haha, ouais... Bah euh, elle t'en a parlé du coup, mais quand tu crois que les gens sont... morts, forcément, ça... Ouais, ahaha.

Encore un peu sur la ligne ça hein. Je vais pas trop pousser, je pense qu'il aura compris. J'enchaîne sur la suite avec plus d'assurance.

Non bien sûr que je lui en veux pas. Elle parle de moi héhé, je vais pas m'en plaindre ! Je suis sûr qu'elle m'a décrit comme une personne formidable. Ouais, j'essaie de m'intégrer au mieux. Je vais intégrer le club de danse, et j'essaie de voir opur faire des sports co aussi. Ahaha c'est vrai ? Je t'avoue pas vraiment savoir ce que ça fait, j'ai jamais eu de chambre à moi tout seul. Ca va être une chouette expérience ! Normalement je bouge la semaine prochaine, c'est dans quelques jours.

Je viens à peine de rencontrer mes pouvoirs, ça aussi, c'est un truc assez immense. Alors j'essaie de le prendre comme un truc normal, comme tout le monde ici en fait.

Oh, ça fait un moment. Ahahaha je suis sûr que t'es pas si vieux, t'abuses.

C'est très sincère, j'en suis totalement persuadé.

Ah ouais, tu trouves ça difficile ? Pourtant t'as dû rencontrer El... Assez jeune du coup. M'enfin je comprends, c'est pas toujours évident les ados. Oh, ok, merci pour l'info !

Je le regarde aller vers l'immense placard, et il me lance le ballon, je le rattrape avec aisance. Je fais rebondir un peu la balle, puis je me mets à trotter avec et une fois un peu plus loin, la lui renvoie, accompagnée d'un sourire joueur.

Des revendications particulières avant qu'on commence ?

Construire… un rituel ? C'est un concept. Il est pas tout à fait sûr que ce soit quelque chose qui se trouve en amont, ça. L'idée le fait cependant sourire ; il a l'air d'avoir envie de le revoir. C'est toujours un peu surprenant. C'est pas comme Roman, ou même Nicolas ; y a pas marqué "je suis sympa" sur sa tronche… Inconcevable.

—Oh, tu sais, je dis jamais non à un café, c'est pas ça qui me gênerait…

La discussion dévie sur des trucs un peu moins marrants. Il sait pas trop comment Roman fait pour réussir à dire les choses de cette manière ; ça se sent qu'il est triste, gêné aussi. Mais en même temps, il fait ce qu'il peut pour sourire. Misao acquiesce lentement.

—Je comprends, j'ai vécu un truc similaire avec ma soeur. Tu es pas obligé d'en parler. Ca prend du temps d'intégrer tout ça.

Puis il sourit et acquiesce tout en continuant ses échauffements, à son rythme. Les clubs, c'est un bon moyen de rencontrer plus de monde — c'est pour ça qu'il n'en fait pas partie, à part pour le club de sciences. Il va pas lui proposer de venir, si ça se trouve ça l'intéresse pas, et Elwynn ou Nicolas feront bien leur propagande à un moment donné, comme à chaque fois.

—Oh mais… t'es initié du coup ? Tu seras dans quel dortoir ?

Manière subtile de demander son affinité pendant qu'il va chercher le ballon.

—J'ai quand même 36 ans… sourit-il en coin. Je suis japonais, on les fait pas vraiment. Et ouais, je l'ai rencontrée assez jeune, mais c'était particulier comme rencontre aussi. Puis on a bien accroché dès le début, ça aide.

Misao termine tranquillement de s'échauffer et rattrape la balle que Roman lui envoie. Sourire en coin, il dribble sur place.

—Ouais, m'humilie pas trop s'il te plaît.

Chacun se place d'un côté du terrain, au centre ; Misao le jauge un peu, mais pas sérieusement. Et quand le top départ est implicitement lancé (genre ils se sont regardés suffisamment dans le blanc des yeux, quoi) Misao s'élance sur le côté, avant de le feinter et passer à sa gauche pour essayer de le passer.

Je souris à sa remarque et je note mentalement. J'en connais une autre qui dit rarement non à un café, ça m'étonne pas que ce soit devenu leur truc. Je secoue la tête l'air de lui signifier que c'est bien enregistrer, et surtout que je suis content que ça lui fasse plaisir.

Je souris doucement quand il me dit avoir vécu la même chose avec sa soeur. Je comprends que je dois pas être le premier dans ce cas-là, ni le dernier d'ailleurs. Mes yeux se posent dans les siens avec douceur, et mon sourire devient reconnaissant. Je réponds, pas très fort.

Merci Misao.

Il a l'air surpris que je sois Initié. C'est vrai que je suis pas arrivé y a si longtemps, mais surtout j'ai pas pu le croiser plus tôt, peut-être que c'est ça aussi. Je hoche la tête en retrouvant ma sympathie entière.

Oui ! Je vais atterrir chez les Airs. J'ai un peu hâte de voir, et puis j'aime bien avoir un endroit en hauteur, c'est chouette d'avoir une chambre au troisième. Même si je sais pas trop... Comment j'vais gérer pour vivre tout seul, mais je devrais pas trop galérer. Toi tu es Feu c'est ça ?

Je ris quand il me dit avoir 36 ans, et en accompagnement ma raillerie qui se veut gentille, je fais des gestes des mains pour dramatiser.

Ouuh, 36 ans ! C'est vrai que tu as déjà un pied dans la tombe... Bientôt la câne pour marcher non ?

Comme à chaque blague, j'ai un air amusé clairement affiché sur mon visage, un grand sourire gentil et des yeux rieurs.

Mais c'est vrai, tu les fais pas vraiment. Hm, j'ai la sensation que toutes les personnes qui ont rencontré El' l'ont fait dans des conditions partiulières, ça m'étonne pas d'elle. Elle est trop douée pour s'attirer des ennuis.

Puis il attrape le ballon, dribble un peu, et je ricane à sa dernière vanne.

Je peux rien te promettre, désolé...

On se place tranquillement, je pose mon regard tranquille sur lui, un léger sourire plane sur mes lèvres. Il part à droite, j'y pars aussi, mais il feinte. Je lance mon pieds sur le côté avec rapidité, et même s'il passe, je reste à sa hauteur, suffisamment proche pour tendre mon bras pour tenter de frapper dans le ballon et lui voler la balle. Mon air a changé, je suis sérieux, mais j'ai toujours ce sourire aux lèvres, je m'amuse, comme un gamin, les yeux rivés sur le ballon tout en surveillant ses jambes, ses pièges, et surtout : pas le faire tomber sans faire exprès.

Il le remercie… et Misao a du mal à comprendre pourquoi. Pour lui, c'est naturel. Il lui a pas proposé d'en parler s'il avait envie, parce qu'il se dit que, sûrement, il le ferait de lui-même s'il se sent à l'aise. Et Misao est peut-être pas la personne la mieux placée pour ça, ils se connaissent à peine. Juste… Ouais, il comprend. Et c'est relou de parler de ce genre de trucs, surtout au début, alors il le trouve courageux de réussir à le faire aussi ouvertement. Misao répond d'un sourire gêné et détourne les yeux, préférant chercher la balle et continuer la discussion par ailleurs.

—Oh, tu es Air ? Félicitations, alors. Ca te va… bien, étrangement. Sonore, Guérisseur ? sourit-il en coin. Ouais, je suis Feu. Invisible, du coup. T'inquiète pas. Si tu te sens seul, tu auras toujours tes voisins de chambre ; Elwynn sera quelques étages en dessous. Moi aussi, d'ailleurs, si tu as envie de toquer ; les Feux et les Eaux sont au même étage. Et quand je suis pas dans ma chambre, habituellement je suis au labo…

Bon parfois, il fait d'autres trucs hein, mais globalement il partage quand même sa vie entre ces deux endroits, la cafète pour faire semblant de manger et chez Hideko pour s'occuper des mômes. Il sourit en coin et lâche un faux rire ironique, amusé quand même.

—Ouais ouais, bientôt je vais finir en chaise roulante même. Faut être gentil avec tes aînés, respecte moi un peu. (Il rit.) Nan, ça va, elle a pas eu d'emmerdes quand on s'est rencontrés… Je l'ai alpaguée dans les couloirs pour avoir de l'aide dans mes recherches, on a fini par parler science. Ca passe.

Franchement, Misao rencontre les gens que de manière correcte, hein, c'est après que ça se met à déconner en général. C'est un mec normal lui (il s'appelle pas Aaron).

La partie commence. D'un coup, les deux mecs sont concentrés (ils font leurs mecs sportifs, quoi). La feinte de Misao semble fonctionner, mais les bras de Roman sont longs. Ca nécessite de la vitesse, des réflexes dans le changement de direction, et surtout de la précision dans ses dribbles. Ca s'voit qu'il a l'habitude, Roman ; mais pour cette fois, les réflexes de Misao sont les bons. Les doigts du nouvel initié Air frôlent la balle, mais Misao la récupère à temps et parvient à casser suffisamment sa défense pour passer. Mais il est juste derrière, sur ses talons, l'obligeant à changer régulièrement de trajectoire pour réussir à garder la balle. Les semelles de leurs chaussures crissent sur le parquet, Misao a un rire au fond de la gorge quand Roman revient à la charge. C'est pas comme ça qu'il va réussir à marquer : il a à peine avancé. C'est pas facile quand on est démarqué comme ça et qu'on a pas de coéquipier à qui lancer le ballon, hé.

On parle d'autre chose, on verra plus tard si j'arrive à aborder ces sujets, sans pleurer je veux dire, parce que j'ai pas de souci pour en parler... Enfin si parce que si je pleure trop fort, c'est plus possible d'aligner les mots correctement donc ça pose un souci voyez-vous. Je souris quand il me félicite, même si c'est un peu étrange. Ca part d'une bonne intention, mais c'est pas vraiment de mon fait, j'ai rien à voir dedans, je suis... Je suis juste Air. Puis il me dit que ça me va bien. Je ris et passe ma main dans mes cheveux, en souriant, l'air un peu gêné, mais je prends le compliment.

Ah ? Tu trouves ? Ahaha ! Et je suis Sonore.

Je souris avant de hausser les épaules, encore un peu gêné. Ouais j'ai gaffé un peu au début et j'ai encore du mal avec ça, c'est un peu bizarre de pas maitriser sa voix. Et puis je ris gentiment quand il me rassure.

C'est ce qu'elle arrête pas de me dire. Je pense que ça va aller, c'est juste bizarre de dormir sans personne alors que j'ai l'habitude d'entendre les autres respirer autour de moi. Et en même temps... J'ai hâte de découvrir ça. Merci en tout cas, pour ta proposition. J'hésiterai pas. Faut pas hésiter à me dire si c'est pas le moment hein.

Je lui fais un grand sourire, et puis on rigole sur son âge. Mon expression devient rieuse et maligne.

Oh pas de souci, j'serai là pour t'aider à rouler si besoin. C'est la moindre des choses. Oh je vois. Disussion tout à fait normale, finalement. J'ai du mal à l'imaginer arriver ici haha.

C'est vrai. Moi je sais à quoi elle ressemblait en partant. Et j'imagine ce que ça a du faire en arrivant ici. Une grosse brute au milieu de gens gentils, tu m'étonnes qu'elle soit en guimauve maintenant. De la guimauve qui pique mais on aime bien. En tout cas, Misao a l'air d'être un bon gars, il l'apprécie, et puis elle tarie pas d'éloge en parlant de lui.

On commence à jouer, Misao y va clairement pour gagner, enfin il y va sérieusement quoi. Ca s'voit qu'il joue régulièrement, il a la technique du jeu, moi j'ai mes réflexes de vie, ils sont pratiques mais limités, faut que j'arrive à les appliquer au jeu. Alors j'essaie de me laisser porter par ce que je sens de son corps, être toujours prêt à rompre l'équilibre, partir dans l'autre sens pour suivre le sien, et puis jouer de mon gros avantage : être grand et pouvoir l'empêcher.  Misao se place bien et passe ma défense, je le talonne et le dépasse dès qu'il change à peine sa trajectoire. Je n'entends pas son rire, trop concentré, à essayer de lui voler la balle, cogner ses bras pour le déstabiliser sans outrepasser les règles. Et puis d'un coup, je fonce sur le ballon, entrant clairement dans sa défense, j'sais pas du tout si c'est une bonne idée, mais faut tenter quoi. Je tente, du coup.

Sonore, alors. C’est marrant, mais qu’il soit Air lui paraît naturel ; qu’il soit Sonore ou Guérisseur, en revanche, les deux l’aurait probablement étonné. Pourtant, les deux entrent dans le package de l’Air. Hmm… C’est sans doute pas les personnes qu’il connaît le mieux ou arrive le mieux à cerner, peut-être. Ou alors c’est le fait qu’il associe le pouvoir de Sonore à Ryu et celui de Guérisseur à Mathéo qui lui fait cet effet-là, peut-être. Dans tous les cas, ça semble presque étrange pour un grand gaillard comme Roman d’être l’un ou l’autre.

—Ouais, compréhensible du coup. (Même si Misao sait pas comment Roman fait pour supporter le bruit de respiration des autres gens, lui n’arrivait pas du tout à dormir dans le dortoir des novices à cause de ça.) Je te le dirai, t’inquiète pas ; je suis assez direct à ce sujet en général.

Enfin, sauf quand il aime bien les gens, il essaie de le faire avec tact quoi… Misao souffle un rire du nez et secoue la tête lentement, tout sourire, l’air de dire “c’est ça vas-y paie-toi ma tête”. Le faire rouler, et puis quoi encore. Ca l’active dans sa compète, là, quand même. Y a un enjeu de taille, m’voyez.

—Abuse pas trop non plus, ou je vais te mettre la pâté~

Ils se mettent à jouer. Clairement, le challenge est un peu trop grand pour Misao, mais il s’amuse bien. Ca se cogne gentiment, se menace de la stature ; finalement, Roman se jette sur la balle et essaie de casser la défense de Misao. Il arrive à dévier la trajectoire du ballon pour lui tourner le dos, fait une erreur dans l’enchaînement de jambes — s’il s’arrête, de toute manière, c’est faute ; Roman lui vole la balle et s’écarte. Misao souffle et tente de la récupérer sans grand succès, se pose cette fois en position défensive pour l’empêcher de marquer. Rapide, Roman ; il est vif, concentré, il a l’air complètement pris par le jeu. Il aurait pu être basketteur pro, dans une autre vie. Bon, maintenant, l’obliger soit à s’arrêter — qu’il soit obligé de marquer — soit l’empêcher de passer et l'obliger à faire une erreur. Il va lui coller au train, vous allez voir.

Je vois bien sur sa tête que ça lui paraît improbable, d'apprécier dormir avec d'autres gens. Je sais pas dans quelle mesure, mais je me doute que quand on l'a peu vécu, ou juste qu'on aime pas, c'est loin de ce que je peux vivre ou ressentir. Mais entendre les autres vivants, endormis, entendre la vie autour, je sais pas, c'est un truc qui me rassure, que j'ai toujours connu. Toujours.

Je hoche la tête en souriant quand il m'assure d'être honnête. Tant mieux, c'est rassurant. J'hésiterai donc vraiment pas. Et puis on enchaîne sur la compet, la raillerie, le jeu. Il me nargue en me menaçant, je lui renvoie un sourire amusé, mais loin d'être impressionné. Ok, bah alors on tente ?

On joue, je souris quelques fois mais je suis surtout très concentré, ça fait longtemps et j'ai envie de me dépenser un peu. Casser sa défense se révèle être une bonne tactique, et je récupère la balle. Je retourne derrière la ligne pour respecter le trajet de course, le temps qu'il se place en défense. Mon regard croise le sien, sérieux, je cherche à perser la défense, à avancer le plus possible pour marquer. Je tergiverse pas longtemps, et prends mon appui d'un coup pour partir vraiment rapidement, tentant l'effet de surprise... Bon écoutez, on tente on a dit !

Je cours vers lui, tente une esquive et lui rentre dedans, j'essaie de continuer d'avancer, lui tournant le plus possible le dos, tout en essayant de conserver la balle et... J'finis par m'arrêter. Je garde la balle, tourne la tête vers le filet. C'est maintenant, je lève mes bras très haut, tente une feinte en faisant semblant de tirer pour l'inciter à sauter à cet instant et finit par tirer réellement. La feinte fonctionne, mais le ballon rencontre le côté du panier et rebondi à l'extérieur.

Merde !

Dans la concentration, j'pensais avoir mumuré mais le son de ma voix sonne étonnament fort. Ca me perturbe un peu et je me précipite pas aussi vite que j'aurai voulu sur la balle, je me prends Misao de plein fouet quand il ralenti et manque de me péter la gueule sur lui.

Oh pardon ! Je t'ai pas fait mal ?

Ses feintes fonctionnent, Misao lâche un juron et rit en essayant de suivre le rythme. Il peut sentir qu’il a des réflexes, une souplesse qui lui permet d’interrompre ses actions et faire demi-tour avant la fin du mouvement — ça crisse sur le sol de la salle… Roman tire, et rate son coup ; Misao siffle.

—Dommage, joli ti- ooof.

Et il se fait percuter. Misao atterrit cul par-terre, Roman a trébuché sur lui, limite ça ferait pas des rouler-boulés… il éclate de rire et ne tarde pas à se remettre debout, poussant gentiment Roman pour le faire bouger, lui aussi, et l’aider à se redresser correctement.

—Nan t’inquiète pas, que serait une séance de basket sans se casser la gueule…

Le Feu lui renvoie un sourire en coin, époussette son haut et s’avance vers la balle pour la récupérer ; elle a roulé un peu plus loin.

—T’étais pas tout à fait dans l’axe tout à l'heure, c'est pour ça que t'as loupé. Par contre, qu’est-ce que tu es rapide.

Il comprend mieux pourquoi Roman est Air ; il a cette vivacité propre à l’affinité, sans l’agitation et l’impulsivité débordante des Tonnerres. Cette capacité à prendre des décisions réfléchies rapidement, efficacement, à changer de trajectoire ; une forme de souplesse que n’ont peut-être pas forcément les Terre non plus, et qu’il ne se sent pas forcément avoir non plus de son côté… Le voilà que cela lui donne envie d’étudier à nouveau les corrélations de caractère et d’affinité, pour savoir s’il en existe d’autres. Cette information a toujours été immuable, jamais remise en question ; alors peut-être que…

D’un regard, il lui relance un défi, et se relance dans ses dribbles ; la partie est toujours vive, tantôt c’est Roman qui reprend le dessus, tantôt Misao. Au bout d’un moment, Misao prend presque plus de plaisir à travailler ses feintes en attaque et sa défense lorsque Roman tient le ballon que de tirer la balle dans le panier.

Quand finalement ils s’arrêtent, Misao est bien en sueur. Il se dirige vers le banc où est placé son sac et sa serviette éponge, l’utilise pour s’essuyer le front et la nuque.

—Pouah, je déclare forfait, rit-il.

Il lui tend son poing, pour un check.

—C’était un chouette match. Faudrait qu’on se fasse ça plus souvent, ça me manque les entrainements avec quelqu’un.

Et récupère son café glacé, qui lui fait extrêmement du bien. Bien sûr, il s’entraîne parfois avec Elwynn ou d’autres Terraens, mais les séances sont assez irrégulières ; il se rend compte qu’il apprécie d’agrandir la liste des personnes avec qui aller faire du sport, sans doute car c’est un des moyens qui lui est le moins difficile de créer du lien avec les autres.

—Tu veux pas que j’aille te prendre à boire ?

C’est sa manière de le remercier pour le moment.

Misao éclate de rire quand il touche le sol, ça me rassure j'ai pas du lui faire mal, alors je souris, toutes dents visibles. Un rire l'accompagne quand il souligne qu'on ne peut pas ne pas se casser la figure en jouant vraiment au basket. S'il le dit, c'est que c'est vrai non ? J'attrape son bras pour me relever à mon tour, lève les jambes l'une après l'autre, c'est bon tout va bien.

Je hoche la tête, enregistre son conseil. Pas assez dans l'axe, ok. Donc je dois rectifier, ce sera plus simple pour viser. En terme de force, c'était ça qu'il fallait, c'est difficile de viser avec un objet sphérique quand on en a pas l'habitude. Je souris de nouveau, visiblement touché par son compliment.

Je compense ta technique et ton habitude par ça, c'est tout ce que j'ai.

Et lui envoie un clin d'oeil.

Et la jeunesse askip.

Provocation passée, on se remet à jouer, c'est rythmé, on prend des points à l'autre chacun notre tour, on se fatigue, on se piège, on se cogne. Et puis on rigole. Je m'amuse beaucoup, j'adore le défi qu'il y a à devoir passer le mur qu'est Misao, essayer de deviner ses mouvements, tenter de le piéger pour voir quelle technique il va utiliser pour me récupérer. Et au milieu, quand je rate, quand je réussis, et quand lui rate ou marque, je ris. Ca fait du bien.

Et quand d'un commun accord, on se regarde, il finit par déclarer forfait. Je ris de plus belle, souffle un grand coup, mains sur les genoux. Pfiouuuuh quelle partie !

Et moi de même dans ce cas !

Pas de gagant, uniquement un bon moment comme ça. Je me dirige vers le banc en tendant un peu les jambes, et frappe son poing du mien.

Oh, avec plaisir ! Ca m'fait du bien, je suis vraiment content qu'on ait pu faire ça.

J'attrape ma bouteille et la descend aussi vite que je peux, il fait soif, et j'ai juste envie de prendre une douche quand Misao me propose un verre. Je lui souris de nouveau.

Si tu m'autorise à prendre une douche avant, je suis partant.

Misao secoue la tête d’un air vaincu, un rire bloqué dans le ventre.

—Tu sais qu’elle est plus originale depuis un moment, cette blague ? Tout le monde se sent obligée de la faire. Je mets un 3/10, pas plus, mais c’est parce que tu m’as fait un compliment avant.

Il lui donne une petite tape dans le bras avant de reprendre la partie ; et quand ils s’arrêtent, Misao est complètement à bout de souffle. C’est frais et fun, ça fait longtemps qu’il ne s’était pas autant amusé, mais Roman est un adversaire redoutable. Un coup d’oeil sur sa montre, à son poignet, lui indique qu’ils ont quand même joué pendant un bon moment.

—Tu peux pas déclarer forfait si je l’ai fait avant, rit Misao, comme un ado. Autorise-toi cette victoire au moins.

En interagissant comme ça avec lui, le Feu se rend de plus en plus compte ce qui a pu les rapprocher, Elwynn et lui. Cette lueur taquine dans les yeux, le sourire facile. Y a quelque chose qui les lie et qui parle à Misao, l’impression que c’est facile de communiquer avec eux, que même s’ils cachent des trucs difficiles, ils ne mentent pas. Ils sont spontanés, mais pas dans l’excès, se rend-il compte. Souvent, il a du mal avec ceux qui sont spontanés mais arborent en prime une énergie débordante (coucou les Tonnerres) ou une assurance désagréable (coucou les Feux).

—Hésite pas à venir toquer à ma porte quand tu as envie. Ou passer au labo en coup de vent, si je suis pas dans ma chambre c’est généralement là-bas que je traîne. Tu as mon numéro d’ailleurs ?

Des fois qu’Elwynn lui aurait passé, mais il veut bien récupérer le sien, ce sera plus simple pour communiquer à l’avenir.

—Pouah oui, avec plaisir. J’allais le proposer aussi, sinon je vais être grognon sur la route !

Il lui renvoie un regard rieur et attrape ses affaires.

—On pourra se rejoindre à l’étage des Feux, si tu veux ? Comme celui des Airs est plus haut.