L'entraînement que j'avais débuté récemment était laborieux. Je partais bientôt en mission contre le Centre et je me devais d'être préparée. D'ailleurs, il fallait également que je prépare mes proches... Et le premier à qui je l'annonçais était Bito.

Le jour J arriva. Je l'avais invité dans ma chambre et nous jouions à des jeux vidéo. Allez, après cette partie, je lui dirai qu'il fallait que je lui parle de quelque chose. Je tentai de me remémorer le petit texte que j'avais pratiqué. Oh non, je ne m'en souvenais plus ! Pas évident de jouer à Smash Bros tout en grattant désespérémment le fond de son cerveau à la recherche de mots qui semblaient s'être dissimulés.

Je décidai d'abandonner le projet pour le moment et de me concentrer sur le jeu. Pas évident. J'avais cette phrase qui se répétait en boucle dans ma tête : « Je pars en mission contre le Centre ». En vrai, c'était tout ce qu'il fallait. Tout le monde avait été mis au courant des prochaines étapes. Il saurait immédiatement de quoi il s'agissait. Mais non, je ne pouvais pas juste lâcher ça, sans introduction, sans placer un petit coussin métaphorique pour atténuer le choc.

Quoi que...
Est-ce que ça changerait vraiment quelque chose ?

Je donnai un coup avec Ganondorf, j'en avais rien à foutre, mes pensées se frappaient les unes contre les autres dans un grand tourbillon, mais putain quelle était la meilleure façon de...

— Au fait, je pars en mission contre le Centre bientôt.

Ah. Ah ouais. Alors là, t'avais arraché le pansement sans avertissement, Elfie. Une part de moi était soulagée d'avoir réussi à le dire et l'autre me tapait dessus.

Oui, je pensais bien que ça lui avait fait quelque chose. Disons que ça l'avait un peu déconcentré et que du coup, il avait perdu la partie. Bito pivota la tête vers moi et je détournai le regard. Hé merde.

D'abord, il crut que je plaisantais. Ou plutôt, il voulut croire. Si seulement cela n'avait été qu'une ruse pour gagner... mais non. Il n'avait pas l'air de savoir comment se sentir. Je pouvais voir qu'il doutait. Il dit alors qu'il allait devoir partir après la prochaine partie. Je ravalai ma salive et hésitai un court instant.

— Bito... C'est... pas une blague, déclarai-je avec un air sérieux.

Mes yeux cessèrent de fixer le vide pour se poser sur Bito lorsqu'il prit parole. Je hochai la tête imperceptiblement par réflexe à la deuxième phrase. Je voulus répondre, mais il continua aussitôt avec une voix plus forte.  

— J'ai pris ma décision... Les Masters ne peuvent pas tout faire par eux-mêmes, ils ont parfois besoin d'aide. Et puis, je serai moi-même une Master un jour, m'exclamai-je calmement.

C'était la première fois que je voyais Bito énervé comme ça. Je m'attendais à une réaction négative mais pas tout-à-fait à ça. Terrae était ma maison et je la protégerais... Évidemment, j'avais mes moments de doute. Ma vie avait changé si rapidemment ces dernières années. J'avais changé si rapidemment. Mais j'avais toujours exprimé un désir de devenir Master.

Des vrais soldats... Je n'étais pas au courant du raisonnement des Masters quant aux stratégies adoptées par Terrae. D'un côté, nous avions l'avantage d'avoir des pouvoirs. D'un autre, nous n'avions pas suivi d'entraînement militaire rigoureux.

— Ils ont sûrement leurs raisons de faire les choses telles qu'ils les font.

Je ne doutais pas d'eux. Je ne doutais pas de Mitsuki. Mon petit ami me révéla alors qu'il avait toujours espéré que je ne devienne jamais Master.

— Oh.

Silence. Je fronçai les sourcils. Sur le coup, je ne sus pas quoi répondre. Quelques secondes s'écoulèrent avant que je n'ouvre la bouche de nouveau.

— Tu... espérais que je change d'idée ?

Les yeux de Bito se plantèrent soudainement dans les miens et je sursautai. Ces conneries de Master ? J'étais confuse, de quoi parlait-il exactement ? De mes ambitions ? Il continua et je regardai de façon très briève l'écran qu'il pointait.

— Hein mais on-

Je n'étais pas certaine qu'il m'avait entendu. Il m'interromput et j'écarquillai les yeux, choquée. Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Mon regard se baissa aussitôt. Non... Il ne pouvait pas avoir dit ça... Oh, mais mes oreilles savaient qu'elles avaient parfaitement entendu. Ces mots me frappèrent droit au coeur. J'arrêtai l'eau qui me montait aux yeux alors qu'elle commençait à légèrement embrouiller ma vision.

— Pourquoi tu...

Je me stoppai car ma voix s'était un peu brisée en parlant. Je devais me reprendre. Respire, expire. Je me mis à fredonner dans ma tête. Ça m'aidait toujours à me calmer. Le silence dura plusieurs secondes.

— Tu essaies de me faire douter..?

Mais ce n'était pas vrai. Ce n'était pas vrai.

— Ce n'est pas vrai. Tu ne peux pas être sérieux... Je soupirai. On est loins d'être normaux Bito ! Nous sommes des milliards d'humains sur la Terre et seuls une toute petite poignée possèdent des pouvoirs, ici, à Terrae ! Ces enfants détenus par le Centre... Ils font partie des nôtres. On doit les aider !

Je m'étais énervée à mon tour. Il était allé trop loin. Ne savait-il pas que ces mots allaient profondémment me blesser ? Et surtout de sa part ?!! Mon coeur me faisait mal... J'avais du mal à retenir les larmes dans mes yeux.

Bito se leva et je le fixais, les sourcils froncés. Je savais tout ça, je n'étais pas une idiote !

— Ils ne nous rendent pas invincibles, mais ils nous donnent un avantage ! Et puis, nous ne comptons pas uniquement sur nos pouvoirs, nous apportons de l'équipement. Nous mettons toutes les chances de notre côté. Penses-tu vraiment que nous n'y avons pas longuement réfléchi ? Que je n'y ai pas longuement réfléchi ?

Le japonais voulut boire de l'eau mais fit éclater le verre par accident avec son éléctricité. J'oubliai ma colère un instant en voyant du sang.

— Ta main...

Il prit un mouchoir pour la couvrir donc je n'eus pas le temps d'observer la blessure. Puis il reprit parole et mon visage fit place à la confusion. Un peu plus calme, je soupirai pour reprendre sur un volume un peu plus normal, tout en le retenant par le poignet.

— Je faisais simplement te l'annoncer. Qu'étais-je censée faire selon toi ? Partir sans te le dire ?

Ces paroles... J'avais du mal à croire qu'elles venaient de mon Bito. Comme si tout à l'heure ne m'avait pas suffisament blessée, voilà qu'il me traitait d'égoïste. Je tentai de ne pas me laisser affecter, sachant que c'était faux.

*Pleure pas, pleure pas, tu vas perdre ta crédibilité... PUTAIN C'EST QUOI SON PROBLÈME ?!!* pensai-je.

— Mais tu m'écoutes quand je te parle ou je parle au mur ?! Je le fais pour LES ENFANTS !!!

Puis, il me demanda si mes parents le savaient. Je fronçai les sourcils. Ça n'allait pas être jojo ça non plus. Espérons que ce ne soit pas une catastrophe comme au moment présent.

— Pas encore. Bientôt. Pourquoi tu me demandes ça ? Même s'ils n'approuvent pas, ça ne changera rien.

Je ne devais pas faiblir.