HRP:

"Comment ça elle a laissé traîner des trucs dans sa chambre et c'est moi qui doit ranger ?"

Nan sérieux Piupiu tu me fais quoi là ? T'as laissé trainer des vieux sex-toys et t'as peur que Tifa croque dedans ? Azy pourquoi elle ferait ça c'est dégueu ! Y a plus de respect de nos jours c'est quoi cette dinguerie. Pffffff. Autant le faire maintenant en vrai jvais mettre ça dans un sac poubelle et le laisser sur le lit elle se démerde avec ses trucs sales là. J'suis là pour te rendre service mais je suis pas ta boniche non plus quand même.

D'un coup de cul à cause de mes mains occupées par la pile de linge à ranger dans son armoire, j'ouvre la porte de la chambre de la Master. Puis je pose les fringues sur le lit avant de chercher ce qu'elle a laissé trainer du regard. Rien ? Ah. Je distingue bien une forme sous la couverture. Elle a empaillé le chat ? Je tire d'un coup vif sur le tissus et PUTAIN QUOI POURQUOI QUE QU'EST CE QUI-

Techniquement j'avais raison c'est ptete pas un sextoy mais ça sort de sa chatte pardonnez moi l'expression. Le pauvre gosse s'est même pas réveillé malgré mes hurlements.

"Eh petit bonhomme ça va ?"

Evidemment qu'il va pas se réveiller si des cris virils n'ont pas fonctionnés. Putain mais Onee-san t'as drogué le gosse avec tes pouvoirs pour pas qu'il te voit galérer à monter dans ta chaise roulante ? Ok j'comprends qu'avoir un gosse d'un coup comme ça ça fasse bizarre. Mais on drogue pas un GOSSE IPIU. Même si c'est TON GOSSE il a que DOUZE ANS. J'vais essayer une technique un peu moins douce mais bon ça coûte rien d'essayer. Je pose ma main sur son épaule et le secoue de moins en moins délicatement, prêt à lui arroser la gueule au besoin. Et au pire je laisserais Tifa lui lécher la figure jusqu'à ce qu'il se réveille voilà. J'suis pas nounou moi.

"Eho Aylan, réveille toi bonhomme. LA VIE DMA MERE LEVE TOOIIIIIIII ! "

Ptete que j'aurais pu jurer sur ta mère plutôt que la mienne, vu ce qu'il en reste. Enfin au moins j'ai fini par y arriver.

"Excuse moi d'avoir crié mon grand. Qu'est ce que tu manges au petit déjeuner ? Je te prépare ça pendant que tu vas te débarbouiller si tu veux."

Juste le temps de ranger le linge dans l'étagère et je tourne les talons pour lui laisser un peu d'intimité le temps de se réveiller.

__–Résumé des épisodes précédents : après avoir pénétré par effraction jusque dans la chambre de sa mère et lui avoir fait du chantage affectif pour qu’elle le reconnusse comme son enfant, Aylan avait passé la nuit dans les bras – et la gêne – d’Ipiu.
__–Tout ça pour être réveillé de façon fort cavalière par un étrange personnage blond. Enfin, étrange. C’était Erik. Aylan le connaissait, si l’on peut dire, pour l’avoir espionné plusieurs jours durant et avoir pris des notes sur son train de vie et ses allers et retours. (C’est que, quand on veut pénétrer une demeure par effraction, on s’enquiert de qui y vit et de leur routine.)
__–D’où, tout compte fait, l’air que modérément surprit qu’affichait Aylan.
__–« Ah salut Erik. »
__–N’importe qui aurait pu trouver fort étonnant qu’Ipiu n’eût pas prévenu son aide à domicile que son enfant, perdu depuis douze ans, s’était retrouvé dans son lit la nuit dernière. (N’importe qui ne connaissant pas Ipiu ; victrice incontestée deux sizaines de fois d’affilée du championnat international des mères indignes, catégorie poids ultra-lourds.) On aurait pu aller jusqu’à dire, comme Ipiu était parfaitement au courant de la surveillance d’Aylan de sa maison, qui durait depuis des jours, qu’elle aurait pu informer Erik plus tôt qu’un petit être longtemps cru disparu, puis retrouvé, puis occulté de sa vie, allait faire une entrée discrète et subreptice, mais néanmoins fracassante dans leur vie. (Ce serait faire la supposition bien hasardeuse qu’Ipiu n’était pas aussi éloignée de la notion même de décence que l’était l’étoile Icare de Sol ; la seconde située à neuf virgule trois milliards d’années lumières de la seconde.)
__–Surprenamment pour l’assistance et votre serviteur qui vous livre cette narration, elle lui avait au moins informé de son existence à un moment de sa vie.
__–Peut-être plus surprenamment encore pour l’assistance qui n’a pas le déplaisir et l’infortune de connaître Ipiu aussi bien que moi-même, celle-ci avait effectivement utilisé quelque artifice – dont nous tairons la nature afin de ne pas faire se matérialiser instantanément un service de protection de l’enfance – pour qu’Aylan ne pusse point être réveillé quand elle allait quitter son lit. L’intention aurait pu être louable, s’il ne ce fût agi d’un artifice voué à ce qu’il ne la câlinasse pas avant qu’elle partît au travail.
__–Aylan, bien sûr, l’avait très bien compris. Tout de même, on l’avait bien assez drogué à son insu et il connaissait bien assez son corps pour savoir quand quelque chose était louche.
__–« Euuuah… J’ai méga mal à la tête… Arrête de crier… »
__–Et pour appuyer sa demande, il agita sa main dans la direction d’Erik, qui se retrouva soufflé contre l’armoire, sa bassine de linge envolée, son contenu répandu dans la pièce.
__–L’ennuyeux des pouvoirs Air.
__–« Ah, oups… Pardon… J’ai pas fait exprès, vraiment hein… J’veux une aspirine au p’tit dej steup et puis des céréales avec du lait et une orange. Et du jus de fruit… »
__–Dit-il, avant de regarder la couette et le matelas comme un croyant regarde l’icône de son dieu, puis de porter son regard vers l’infortuné Erik, au sol et couvert de soutiens-gorges, de culottes et de pulls.
__–« Attends… j’vais t’aideeeeee— Bruit de fracas. Aïeuh… »
__–Oui, car Ipiu faisant bien les choses, quoi qu’elle lui eût administré, cela avait été assez fort pour ôter toute force dans ses jambes et le faire s’effondrer au sol tête la première quand il avait tenté de se lever. En plus de son crâne, c’était maintenant sa mâchoire qui lui faisait mal.

Vraiment ? Genre j'veux être gentil et ou m'envoie LITTERALEMENT bouler ? Petit con.

"Ouais bah t'inquiète pas, on va être deux à prendre une aspirine avec la bosse que tu viens de me faire. La prochaine fois- Et j'espère qu'il n'y aura pas de prochaine fois- j'te jure que j'ai beau pas être Air c'est toi qui passe cul par dessus tête."

C'est pas vraiment une menace. Enfin, si. Mais c'est le genre de menace que tu veux pas mettre à exécution, parce que tu sais que ça sera pas productif. Je me relève en prenant appui sur le bord du lit, ramassant le linge tombé non loin de moi. Oh, tien. J'croyais qu'elle l'avait perdu ce string.

"Nan t'inqu-"

Je laisse tomber une nouvelle fois le linge et me précipite au côté du garçon.

"Tu sais quand je disais que j'allais t'envoyer en l'air, c'était pour rire je pensais pas que tu le prendrais au pied de la lettre."

Ouais bizarre cette formulation hein. Désolé, ça doit être les yeux violets, ça me rend beauf. Cpa de ma faute s'il a les yeux de sa mère le gamin.

"J'pensais que les ressemblances physiques s'arrêtaient à la couleur de vos iris, Ipiu m'avait pas dit que t'étais tétraplégique toi aussi. Allez, Debout ! "

La fin de ma phrase disparue dans l'expiration forcée par l'effort- certes léger, mais effort tout de même -, ma main serrée autour de son avant bras pendant que la sienne faisait la même chose autour du mien, et que je le tirais vers moi, gainé sur mes appuis pour l'aider à se relever.

"Reste assis le temps de sentir tes jambes, je m'occupe de ce bazar t'en fais pas. Par contre j'suis pas certain qu'on ai des céréales je vais regarder. L'aspirine c'est sûr qu'on a par contre ! "

Il nous fallut une poignée de minutes pour remettre les choses à leur place, et ce fût un moment étrangement silencieux, silence que je n'osais troubler par respect pour le crâne probablement sur le point d'exploser du jeune Air. Je lui lançait les pulls et autres vêtements pour qu'il les plie et les pose à côté de lui sur le lit pendant que je m'occupais seul des sous-vêtements. J'vais quand même pas forcer un gamin à peine pubère à s'occuper de la lingerie de sa daronne, j'suis pas un monstre non plus.

"Merci pour le coup de main bonhomme, prends le temps dont tu as besoin, je t'attends dans la cuisine. Hésite pas à m'appeler si y a quoi que ce soit."

J'imagine que- Qu'ils avaient officialisé leur relation ? Non parce que si c'est pas le cas, t'es vraiment une garce meuf ça se fait pas. Je traverse le salon et arrive dans la cuisine, frottant le bleu que j'avais maintenant sur l'avant-bras, et premier réflexe, je me refais un café bien noir, bien tassé, le café des grandes occasions là. Je fouille dans les placards à la recherche de céréales mais je trouve seulement des flocons d'avoine. J'en prends une petite poignée dans le paquet pour goûter. Ils ont un peu ramollis, mais dans du lait j'imagine que ça fait pas une grande différence. Je presse les dernières oranges qu'il reste dans la corbeille de fruits, sauf une que je pose sur la table à côté du bol que je viens de sortir quand j'entends Tifa qui griffe à la porte qui donne sur la terrasse, et je m'empresse de lui ouvrir.

"Coucou ma belle, toi aussi tu as fait un gros dodo ? "

__–Erik utilisait bien trop de mots en trop peu de temps pour qu’ils fussent tous compris par notre protagoniste. Cette histoire de prendre son cul, de deux bosses, ou d’avoir un bel air semblait bien mystérieuse et embrumée. Tout comme ce qu’il pouvait bien raconter sur prendre son pied et s’envoyer des lettres.
__–Enfin, à défaut d’être compréhensible, ou physiquement apte, Erik était assez serviable pour aider Aylan à se relever. Ou en tout cas, à s’asseoir plus correctement, au bord du lit. Cette journée commençait d’une des pires manières possibles, mais peut-être la présence du blondin arrangerait-elle les choses. (Vous vous doutez bien que non.)
__–Notre protagoniste frictionna ses jambes, essaya de se souvenir quelle toxine avait pu être utilisée – où était Justine quand on avait besoin d’elle ? Encore en France, hélas –, resta surtout immobile le temps de calmer quelque peu son mal de tête et de retrouver des sensations normales.
__–Et puis il se retrouva avec des vêtements sur les genoux.
__–Il n’espérait pas sous-traiter à un enfant qui venait de se lever et était drogué, tout de même ?
__–Ah, si.
__–Alyan ne comprit pas ce qu’il devait faire avec cette pile de frusques. Il supposa qu’Erik les lui avait tendus pour qu’il enfilât un pull pour se réchauffer, ou qu’il voulait lui montrer de quoi se vêtait sa mère, ou qu’il s’était peut-être trompé dans son lancé de pile et l’avait mis juste à côté de lui, ou qu’il ne voyait pas où la mettre ailleurs, ou qu’il la disposait là pour s’en occuper plus tard… Quoi qu’il en soit, modérément curieux, Aylan prit en effet quelques sapes, les regarda, les tourna dans tous les sens, les reposa à côté, les tria pour tâcher de trouver effectivement un habit chaud, ce qui pouvait donner l’apparence de quelqu’un qui se préparait à les replier.
__–Mais enfin, quelques minutes après le départ d’Erik, Aylan laissa là les piles froissées de vêtements, après avoir choisi un gros pull rose au tissu confortable qu’il avait enfilé – et remonté un peu les manches.
__–Ainsi vêtu, Aylan se dirigea vers la cuisine, se déplaçant dans la maison comme s’il la connaissait et qu’elle était la sienne. Ce qui n’était pas faux dans les deux cas ; il ne l’avait simplement pas encore arpentée alors que l’astre solaire était levé.
__–Sur la table, avaient été disposés des céréales du type le plus triste concevable et qui étaient en plus légèrement périmées, du lait et des oranges.
__–Aylan se gratta la tête. S’assit. Fit coucou au chien. Ne se fatigua même pas à regarder les céréales. Se servit un verre de lait et commença à peler son orange. Il ferait un passage par chez lui pour aller y piocher dans ses propres réserves.
__–Bon, et maintenant ?
__–Est-ce qu’Aylan avait seulement prévu de vivre à temps plein chez sa mère ? C’est qu’elle avait déjà bien témoigné, au cours des six derniers mois, son manque d’entrain à cet idée. Certes, elle lui avait dit la veille qu’une chambre existait et qu’il pouvait la prendre, mais il commençait à bien percevoir que le ménage à trois ne serait pas tenable sur la durée. Il ne l’était déjà pas de la veille au lendemain.
__–Aylan finit donc son esquisse de petit déjeuner, prit son aspirine et dès qu’il se sentit assez fort pour faire un peu de marche, alla chercher son attirail de cambrioleur. Et c’est donc avec ses baskets noires aux semelles renforcées d’un revêtement antibruit, son sac à dos d’où dépassait le bout de son pied de biche, son jogging noir, son pull rose bien trop grand pour lui et ses lunettes de vision nocturne sur le front qu’il se prépara à passer la porte.
__–« Bon bah euh, j’ai cours – c’était vrai, mais il n’allait certainement pas y assister – donc à la prochaine ! Salut le chien ! »

Je voyais bien que le petit avait pas l'air très disposé à parler. Alors je le laissais faire à sa guise. Après tout, j'imagine que c'était autant chez lui que chez moi, maintenant, t'façon. Par contre attendre le moment où j'vais aux toilettes pour tenter de se barrer viteuf eh, vraiment une famille d'ingrâts ou quoi ? J'ai à peine le temps de tirer la chasse et de remonter mon pantalon que j'entends la porte claquer dans son dos. Je me précipite pour l'ouvrir mais il est déjà au bout de l'allée. Obligé de hausser la voix :

"JEEE EUUH- SI JAMAIS, ON MANGE VERS 20H LE SOIR ET EUUUUH- SI JAMAIS J'TE REVOIS AVEC UN PIED DE BICHE TU ENTENDRAS PARLER DE MOI ! BONNE JOURNÉE, ÉCOUTE BIEN EN COURS C'EST LA MOITIÉ DU TRAVAIL DE FAIT ! "

Je le regarde s'éloigner, avec sa dégaine chelou, Tifa à mes côtés, la queue se balançant de gauche à droite. Mmffph. Ça tombe bien j'avais rien à faire aujourd'hui, j'imagine que j'vais devoir m'arranger pour rendre la pièce qui me sert de débarras vivable, au cas où.


Environ trois semaines plus tard :

"-et c'est à ce moment là que le gars il s'est levé en disant que j'avais mal dosé la vodka dans son Pornstar Martini, et que je lui ai répondu qu'il oserait jamais rien faire, parce que pour ce cocktail la dose d'alcool est proportionnelle à la taille de ses couilles ! "

Parce que c'est bien connu que se battre c'est viril, et que la virilité dépend de la taille des couilles. Plus sérieusement, le gars avait été odieux avec mes collègues et surtout avec un des plus jeunes serveurs, j'me souviens encore de son visage défait quand les vigiles l'ont sorti. Un tour de clé dans la serrure, et j'invite Luna à rentrer après moi d'un geste de la main, profitant de la situation pour mater son cul avant de la suivre. Par contre pourquoi c'est allumé dans le salon ? Cette chienne va me rendre dingue un jour purée. D'ailleurs elle est où ? Normalement elle devrait être en train de me faire la fête là, pour aller se promener maintenant que la chaleur s'est dissipée. Peut-être qu'Ipiu est rentrée plus tôt que prévu ? Et que du coup Tifa doit être en train de ronfler sur les genoux de la master ?

"J'SUIS RENTRÉ ! Tu veux boire un truc ? "

Je m'étais tourné vers la Titan en lui posant la question, mais je me dirigeais déjà vers le salon pour saluer ma colocataire. Sauf qu'à la place de cheveux blonds et d'une paire d'yeux violets, c'était des cheveux blonds et des yeux violets, mais avec des jambes fonctionnelles qui se trouvaient dans le canapé.

__–Hé ben putain j’espère qu’il baise comme un dieu ce mec sinon j’ai vraiment perdu ma soirée.
__–Non vraiment, il a eu de la chance de me chopper alors que j’étais un peu défoncée et que j’avais baisé personne depuis, pfiou, au moins une semaine. Il parle, il parle, je j’écoute… un peu, assez pour répondre un « Hmm mm » au bon moment mais pas trop sinon je vais juste en perdre ma santé mentale et le peu d’envie qui me reste de le niquer.
__–Alors par contre il m’avait pas prévenu d’un truc, ce serait qu’on ferait des galipettes chez Ipiu. Putain de merde, déjà que je flippe de la croiser à la biblio, c’est pas pour pousser des gémissements dans la pièce d’à côté celle où elle pionce. Quand j’irai prendre un grand verre de lait dans le frigo juste sapée de ma chemise et qu’on se croisera devant la cuisine, on aura l’air de quoi, toutes les deux ?
__–Enfin, quand j’ai vu qu’on se dirigeait vers les habitations des masters il m’a vite expliqué que la patronne était pas chez elle. Ouais tant mieux fréro, sinon je t’aurais planté là dans le plus grand des calmes et je serais rentré chez moi sortir un jouet de mes tiroirs.
__–Et quand on arrive en vue de la baraque, je vois la lumière à l’intérieur.
__–Hm.
__–Ouais alors j’ai largement assez baisé de personnes en couple ou vivant chez leurs parents pour sentir direct qu’il y a une couille dans le potage. (Et non je parle pas de celle d’Erik, lui il est plus dans la catégorie cheveu sur la soupe.)
__–Il ouvre la porte. Annonce qu’il est rentré. Ce qui pue, c’est pas genre il a laissé la lumière allumée en partant, il doit bien dire ça à quelqu’un.
__–Bon ben écoutez, il est temps pour moi de me désolidariser de cette petite aventure.
__–« Hm ouais je crois que j’vais te—
__–– Chalut Erik ! Chalut Luna ! »
__–Aylan ? Bah bordel il fout quoi là lui ?
__–« Salut gamin, tu mates quoi ? »
__–Pourquoi je fais la conversation, moi ? Qu’est-ce que je fous encore là ? Hé, quelque part, je peux le remercier le môme, il a dû couper d’un coup l’envie de niquer de tout le monde et ça tombe bien parce que bon ouais trop de trucs qui allaient pas là.
__–« C’est The Batman, mais c’est un peu ennuyeux ! Vous voulez qu’on change ? Il tapote son oreille, je comprends et retire ma puce de traduction et il reprend en arabe. C’est trop bien que tu sois là ! Vous avez mangé ?
__–– Erik ne m’a pas encore mangé, non. »
__–Non, attendez. Il se marre. C’est pas ça.
__–« Ah pardon ! Erik et moi n’avons pas encore mangé, non. »
__–Il fait un petit applaudissement. J’progresse !
__–« Bah Erik, j’te présente Aylan, mon prof d’arabe, qui a l’habitude d’entrer par effraction chez les gens et qui a toujours pas compris la leçon que lui a faite sa sœur on dirait. »
__–Je suis même plus choquée de le retrouver dans des endroits complètement improbables, à force.

Nan mais. Putain. J'imagine qu'on a plus besoin de capotes maintenant que la MST se tient devant nous, hein. Je camouffle un facepalm en un grattage de front. Enfin au moins il semblerait que j'n'ai pas besoin de faire les présentations. Et euh pourquoi ils parlent de- Alors oui mais- Oh. J'ai bien laissé tomber l'idée de te manger mais eh, sait-on jamais.

"Inch'allah hein. Et du coup Luna, je te présente Aylan, qui s'est introduit déjà plusieurs fois chez sa mère et moi... Les clés sont sur la commode dans l'entrée, quand tu repartiras."

Je me tourne vers Luna, chuchotant à demi en commençant à parler.

"C'était pas prévu, désolé, j'te retiens pas si tu veux filer t'façon. Et toi bonhomme, t'as encore de la place pour autre chose que MES chips ? J'dois avoir des restes au frigo, si ça vous intéresse. Doit y avoir du curry c'est sûr, et ptete même qu'il reste des takoyaki d'hier. Ptête même qu'il reste de la salade de pâtes mayo/surimi."

En vrai, c'est juste des pâtes avec de la mayo et du surimi. Ça a absolument rien d'une salade mais eh, c'est une qualité pour mon métier, que d'embellir les choses rien qu'en en parlant. Par contre, j'suis content qu'il soit là le p'tit. J'crois je l'aime bien déjà, alors qu'on a jamais vraiment échangé. Ptete c'est de la pitié. Ou alors c'est juste qu'il a vraiment l'air d'un Ipiu miniature. J'sais pas. Enfin. J'vois ça comme une opportunité d'échanger un peu. Et tant pis pour ma bite hein. T'façon j'ai sans doute un peu trop bu pour que ça soit vraiment bien, pour elle comme pour moi. Et quand je dis elle je parle de Luna, bande de dégueulasses.

"Si tu veux un vrai film Batman pas ennuyeux faut plutôt se tourner vers la trilogie de Nolan. Ou alors si tu veux des super-héros ça sera plutôt le film Watchmen."

Je viens me vautrer dans le canap' à côté de Tifa et attrape un paquet de chips. Vinaigre. Parfait. Je cherche la télécommande -sous mon cul évidemment- pour parcourir le catalogue que propose mon disque dur.

"La cheffe est pas là, faites comme chez vous. On est d'accord Aylan, t'as pas cours demain ? Ça serait pas raisonnable sinon hein."

Puis de toute façon le chef en terme de tâches ménagères ici c'est moi, tant qu'on touche pas aux affaires de Piu tout ira bien.

Toute la direction tient à présenter ses excuses pour ce qui va suivre et à rappeler que les opinions du narrateur n’ont aucun lien avec celles de leur auteur.


__–De prime abord, Aylan ne comprit pas ce que Luna voulait dire par entrer par effraction. Il était chez lui et, certes, il lui était déjà arrivé de pénétrer cette demeure sans en informer ou avec l’accord de ses occupants, mais il en était à présent un ; d’occupant.
__–Par contre, il y eut quelque chose d’autre qui fut dit, attira son attention et le fit partir d’un grand rire :
__–« Pfffff Erik c’est pas du tout comme ça qu’on le prononce ! Et comme le nom du Très Miséricordieux avait été prononcé, il chercha dans sa mémoire quelques instants avant de fredonner : « Et ne dis jamais, à propos d’une chose, “Je la ferai sûrement demain”, sans ajouter : “Si Allah le veut.” C’est la Caverne, vingt-trois. »
__–Luna comprit le message ; elle allait devoir chercher le passage cité dans le Saint Coran et tâcher d’en faire une traduction acceptable. (Le livre saint avait le considérable avantage d’être l’ouvrage en langue arabe le plus traduit au monde, ce qui rendait les exercices de version particulièrement aisés.) Il n’était cependant pas là pour un cours, ce que comprit bien son élève qui, après s’être longuement massée le front, décida que la résolution qu’elle avait pris de ne pas rester en ce lieu plus que ce qui était absolument nécessaire était encore la meilleure qu’elle avait pris de la soirée. Elle était déjà prête à partir, peut-être retenue par un brin de curiosité et l’envie de voir interagir celui dont la blancheur des cheveux n’avait d’égal que celle de la peau de celui qui avait voulu s’improviser son compagnon de chambrée, quand elle constata que ce dernier, qui avait définitivement enterré toute possibilité de s’adonner aux plaisirs de la chair avec elle, ne la considérait même plus pour ne s’intéresser qu’à comment il pouvait bien passer la soirée avec Aylan. Certes, il l’incluait dans la discussion, mais son attention était toute focalisée sur le petit Air.
__–D’aucuns pourraient en émettre la conclusion qu’Erik ne voyait les femmes que comme des bouts de viande avec qui faire la conversation n’était concevable que quand il y avait possibilité de les sauter. Nous nous abstiendrons de tenir quelque position à ce sujet. C’était en tout cas ce qu’en avait conclu Luna et elle décida que son temps ici était révolu. (Ajoutons que l’évocation d’un crime culinaire aussi grand que l’incorporation de surimis et de mayonnaise, déjà deux aliments qui n’auraient jamais dû se rencontrer, à des pâtes, ne fit que hâter son envie de déguerpir. D’extraction fort modeste, Luna avait déjà dû se contenter de repas au caractère gastronomique contestable, mais ses pires raclages de tiroirs pour en sortir quelque chose à avaler n’avaient jamais produit de résultat aussi infamant.)
__–« Je mangerai chez moi, merci. Je y vais. À jeudi Aylan.
__–– À cheudi Lunaaaaa ! »
__–Cela fait, redirigeons notre attention sur celui que la bouche pleine avait empêché d’avoir une diction correcte. (Ce qui rétablit à un partout le nombre de fautes de prononciation de l’arabe dans cette maison.)
__–Aylan avala.
__–« Et oui j’ai encore faim ! Ça remplit pas les chips en plus j’en ai pas mangé beaucoup regarde ! Pis j’veux bien des takoyakis et du curry steup ! »
__–Même notre protagoniste, qui avait connu la faim et les rations militaires, partageait l’avis de Luna.
__–Il sortit alors son téléphone, parcourut des yeux la fiche Wikipédia de Batman Begins, arbitra que cela correspondait bien à ce qu’il avait envie de voir ce soir là et le signala à Erik :
__–« Okay bah ouais alors les Batman ! Mais que un seul, parce que demaiiiiiin… J’ai pas cours non – c’était faux, mais entre en avoir et daigner s’y rendre, il y avait un monde – mais j’veux quand-même me coucher pas trop tard parce que j’ai envie d’aller faire du skate et puis y’a le live d’un tournoi de Starcraft II sur Twitch mais c’est en France du coup c’est le matin et puis après j’irai manger chez Chrys et on s’entraînera avec l’air puis je jouerai un peu à Starcraft II et puis y’a un tuto sur Python que je voulais voir mais il dure genre deux heures et il propose des exercices et tout et ça prend longtemps et puis après j’vais aussi faire les exercices que Pandora elle m’a conseillé pour mes pouvoirs et puis aussi j’aimerais essayer Cult of the Lamb maintenant qu’y a un bon repack de Fitgirl qui est sorti… ’fin voilà quoi. »
__–Quelque part, s’il n’était pas très scolaire, il était au moins actif et développait des compétences variées.

Oui bon bah eh, j'parle comme un babtou et j'te zut Aylan, jparle déjà 2 langues et demi j'avais pas pour projet d'être polyglotte à la base. La demie c'est l'espagnol. Parce que c'est la langue la plus parlée après le chinois. Et que j'commence à me débrouiller, malgré mon manque de vocabulaire. Et que j'ai pour l'instant aucune envie d'apprendre le mandarin.

Le départ de Luna m'attriste. Ma salade de pâtes est très bonne pourtant, avec un œuf dur et une ptite conserve de maïs ça régale vous êtes juste des rageux. Enfin, j'ai au moins la décence de la raccompagner jusqu'à la porte, m'adossant contre le montant en agitant légèrement la main.

"Scuse pour la fin de soirée imprévue, prends soin de toi, à la prochaine hein ! "

Non pas que j'avais pas envie de m'envoyer en l'air. Surtout avec une si jolie fille mais. Pas avec un gosse qui dort pas au rez-de-chaussée. Mes épaules s'affaissent quand je referme la porte et me dirige vers la cuisine pour aller chercher ce que le nouveau petit prince des lieux a demandé.

"Tu peux lancer le film, j'te rejoins de suite ! "

J'sors les tupperwares du frigo après avoir lancé un café bien corsé, et dispose le riz et le curry dans un bol, puis les quelques takoyakis de la veille dans une petite assiette, avant de verser deux grosses cuillères de ma SUCCULENTE salade de pâtes dans un autre bol. Oh et je rajoute le demi poivron cru qui traîne. Et quelques petits dés de fromage. Puis je vide ma tasse encore chaude d'une traite, après l'avoir fait refroidir en y diluant un peu de mon Eau.

Quand je reviens dans le salon, j'vois la grosse tête de R'as al Ghul sur l'écran géant (de mémoire il fait pas longtemps dans le film j'avais presque oublié sa présence tient), et je dépose le bol et l'assiette avec une paire de baguettes à côté du gamin, puis essaie de me glisser discrètement dans le canapé. Attention absolument inutile puisque je romps le silence en ouvrant ma grande bouche.

"Jure y a un tournois de Starcraft demain. C'est à quelle heure ? Et pour Cult of the Lamb j'dois l'avoir, tu veux que j'te prête mon compte Steam ? Comme ça ton argent de poche tu pourras en faire autre chose ! En tout cas ça te fait un sacré programme la vache- j'attrape une belle portion de nouilles et m'apprête à les porter à ma bouche -Bon ap' ! Ch'est vachement bien de ch'entrainer t'as bien raichon en tout chas, et c'est tout plein de chouettes gens dont tu me parles là, j'suis content de te savoir bien entouré."

J'suis vraiment impressionné par ce gosse. Comment il fait rentrer tout ça dans sa journée. Il enseigne une langue en plus de ça ?? Et il en apprends de nouvelles pour coder. La fougue de la jeunesse halala. Enfin j'vais pas lui dire tout ça non plus, y a un film qui passe, j'ai un peu bu, j'suis en train de manger, j'vais pas lui tenir la jambe s'il veut profiter de ce qu'il se passe à l'écran. J'gratouille un peu Tifa et manque de m'étouffer avec une portion de surimi. Que je déloge en la noyant abondement sous de l'eau que je génère magiquement. Et en toussant un peu. Ptn.

"Tu veux boire un truc ? "

__–Erik ne risquait pas d’avoir beaucoup de réponses à ses questions.
__–« Oh toi aussi tu joues à Starcraft II ??? T’es quel rang ? Moi platine et je joue zerg ! Et attends mais t’utilises Steam ? Parce que moi nan je pirate tout c’est plus facile, parce que j’ai pas de carte bleue et pfff mon argent de poche je préfère acheter des outils avec ou d’autres trucs qui je peux pas avoir gratuits. »
__–Puis il posa ses chips, prit son assiette et commença à piocher dedans.
__–« Merci Erik, toi aussi ! Bismillah ! »
__–Effectivement, Aylan était, comme avec tous les films qu’il regardait, pour le moins absorbé par ce qui se déroulait à l’écran. Le début du film était assez particulier, pour un Batman : par ce qui semblait être une scène tout à fait innocente avec Bruce, mais dégénérait très vite avec l’apparition inopinée de ce qu’Aylan devina, à la présence de chauve-souris, comme étant la batcave. Puis, sans transition, on retrouvait un Bruce adulte dans une prison chinoise. Le grand écart était brutal, entre la sympathique scène d’enfance et la brutalité carcérale comme entre ce que notre protagoniste connaissait des origines usuelles du super-héros et la réinterprétation qu’en livrait Nolan. À la phrase, lancée par Bruce à par un autre détenu voulant en découdre, « You’re not the devil, you’re practice », suivie d’un démontage de gueule en règle, Aylan haussa les yeux au ciel.
__–« Pff, ça s’voit que c’est un film parce que en vrai il l’aurait suriné et puis il serait parti le gros monsieur chinois. »
__–Enfin bref. C’est à peine s’il entendit la seconde question d’Erik, mais avec un petit temps de latence, il put y répondre.
__–« Ah non c’est bon merci t’inquiètes j’ai du coca ! »
__–La bouteille était en effet posée à ses pieds.
__–Et comme il n’y avait plus besoin de se relever, qu’Erik avait fini de s’étouffer avec sa salade et qu’il bénéficiait de la compagnie du canidé comme de sa propre chaleur corporelle, Aylan se blottit contre lui.
__–C’était, de son point de vue, un bien étrange adulte que ce Erik. En théorie son aîné dans cette maison, il ne se comportait ni tout à fait comme son simple ami, ni comme son grand-frère, ni comme le ferait un tonton – pour ce qu’Aylan connaissait de cette catégorie de personnes –, si comme n’importe quel adulte, en fait. C’était, tout bonnement, Erik, qu’il regardait avec sympathie mais sans le considérer comme une personne foncièrement rassurante, intérêt mais sans avoir envie de passer tant de temps que cela à converser ou jouer avec lui, quelques fois encore avec à cet étonnement consterné, que les personnes ontologiquement incapables d’une pensée cynique ou mauvaise ont quand ils voient leurs congénères échouer ou se ridiculiser.
__–En somme ; c’était Erik.

"Tu vas rire mais comme j'ai commencé à y jouer vraiment une fois arrivé à Terrae bah eh, je joue Terran. Et j'suis bien bien stuck à la limite entre platine et diamant en ce moment, j'crois que mon BO arrive à ses limites mais j'ai pas trop le temps de le renouveler ou de chercher à l'améliorer."

Ouais en gros j'suis arrivé à la limite de ce que mon build order théorique pouvait apporter, mais je joue pas assez pour savoir comment improviser ou le modifier si quelque chose d'imprévu se produit. Genre un Zerg Rush ou quoi, j'sais pas trop jouer contre et ça me porte souvent préjudice. Enfin bon, on va regarder un film, pas discuter de Starcraft, alors je m'empaffe dans le canap', une main contenant mes baguettes, l'autre un grand verre d'eau, et reporte mon attention sur l'écran.

La réflexion du petit air me tire un sourire. C'est vrai que le gros chinois bon. Mais eh. Le film est légèrement moins bien que dans mes souvenirs, sans doute parce que je suis devenu plus sélectif. J'sais pas trop. Mais je passe un bon moment, à décuver doucement dans mon canap' avec Tifa, le p'tit et la petite bouille d'Aegis qu'est venue elle aussi se pelotonner sur ma poitrine. J'suis tellement bien installé qu'une fois le film terminé, j'marmonne une bonne nuit à Aylan avant de décider que j'vais dormir là parce que j'ai carrément la flemme de me redresser, les derniers verres ayant fini par monter fort fort au cerveau.

'nuit bonhomme, et bonne journée demain si on se croise pas ! Et euh mes codes steams sont sur un bloc note sur mon PC, si la légalité t'intéresse-"



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Plus tard en 2022

Ça fait maintenant quelques jours que j'ai pas vu Aylan, ou que j'ai pas eu de nouvelles. J'l'ai croisé la semaine dernière, quand il séchait probablement les cours et que je passais devant l'Institut pour une balade tokyoïte. J'étais pressé, alors je m'étais contenté d'un geste de la main, mais s'il m'avait remarqué, il ne l'avait pas montré. Ok j'avais été blessé dans mon égo quand il m'avait soulevé sur SC2, mais eh, je l'avais simplement accusé d'être un petit insolent prétentieux quand il s'en était vanté devant Ipiu un soir autour de la table. J'crois pas que ça soit trop une raison de bouder. Donc j'imagine qu'il m'avait simplement pas vu. C'est en passant à l'endroit où je l'avais vu que j'me remémore cet épisode, mon esprit vagabondant tranquillement, comme mon corps. J'sais pas vraiment pourquoi j'suis là. J'voulais simplement me dégourdir les jambes avant d'aller au taf. Les environs sont plutôt calmes, en ce début de matinée, les plus jeunes étant en cours, et les autres sûrement en train de décuver de la veille. Oh et puis hein. J'sais où il habite. Parce que bon, on me la fait pas à moi, j'ai bien compris qu'il allait rarement en classe. Donc j'vais même pas essayer. Et puis au pire pour monter au 5eme étage je passe devant. C'est décidé. D'un pas rapide, parce que je sais que ce détour peut me mettre en retard, je me dirige vers le bâtiment, saluant les quelques personne que je croise d'un geste de la tête. En passant devant les salles de classe, je suis surpris de les trouver vides. La jeunesse, c'est plus ce que c'était, de mon temps on se levait aux aurores pour recevoir l'enseignement qu'on nous offrait gracieusement. Alalah. J'évite soigneusement l'ascenseur et me retrouve enfin devant la porte du jeune Air. Ou du moins ce qui est la chambre du jeune Air dans ma mémoire.

knock knock

__–Sauf que ledit jeune Air n’était pas là. Il était chez Chrys. Depuis que ce qu’on allait appeler dans quelques semaines l’Opération Thémis était entrée en phase de préparation, pour Aylan, cela voulait dire moins de temps passé à s’exercer à ses grinds en extérieur, moins de tutoriels Python avalés et exercices faits à la suite, moins de streams et révisions de ses compétences sur Starcraft II, moins de piratage intensif de films et jeux vidéos, plus que de rares visites aux cours dispensés par Terrae. Ce dont Aylan avait besoin, c’était de présences rassurantes et le temps passé en leur compagnie avait explosé.
__–On comprend, en conséquence de quoi, pourquoi il n’était plus que très occasionnellement chez sa mère, qui si elle s’en formalisait, ne l’avait pas nécessairement énoncé vocalement à qui que ce soit, notre protagoniste encore moins. Il ne faudrait pas là y voir quelque commentaire acerbe à l’attention d’Erik ; privé qu’il était d’un siège à la table des personnes chez qui Aylan allait quand il était dans un état moral médiocre. Simplement, le blond personnage qui faisait la lessive de sa mère était plus considéré par le petit Air comme un agréable compagnon de jeu, que comme quelque figure d’autorité ou rassurante.
__–Il ne faudrait pas s’en étonner ; Aylan avait, depuis son arrivée à Terrae, toujours plus ou moins considéré la tranche des vingtenaire comme ses pairs plutôt que comme ses aînés. Les quelques exceptions notables étant Ariana, Justine et Chrys.

__–Au sujet de celle-ci.
__–Aylan était donc à son domicile. Il n’avait pas vraiment précisé les raisons de son mal-être et de ses subséquentes visites, toujours plus fréquentes et allongées. Il ne fallait toutefois pas que son hôtesse fût en sus devineresse pour comprendre que quelque chose n’allait pas tout à fait bien. Il lui suffisait de demander où allait-il tous les mercredis après-midi, à savoir chez la psychologue Sylvia, ou de prêter attention à Ariana et sa relation avec son petit frère et des regards tristes qu’ils se lançaient.
__–Toujours était-il que lors des moments passés avec Chrys, il était joyeux. Peut-être était-ce justement pour cela qu’il préférait ne rien lui dire.

__–Quand Erik frappa à la porte, un feuillet se glissa sous celle-ci pour apparaître aux pieds d’Erik. Cette petite A6 disait : Je suis chez Chrys.
__–Le lecteur pourrait se demander des explications sur ce qui venait de se passer. Hé bien, conscient qu’il était de son absentéisme non seulement des cours, de chez sa mère mais aussi de chez lui, Aylan avait décidé de s’occuper les mains comme l’esprit par la fabrication d’un ingénieux système qui visait à le prévenir de la visite de quelqu’un. C’est qu’étant une personnalité assez demandée, il aurait été dommage qu’on ignorât où l’on pouvait le rencontrer et le joindre. Sur sa porte avait été attaché un détecteur de vibrations, un micro et le judas avait été remplacé par une caméra. Si quelqu’un la tapotait pour signaler son envie d’entrer, ou appelait Aylan, une alerte était envoyée sur son téléphone : celui-ci pouvait alors accéder à l’enregistrement et déterminer s’il s’agissait bien de quelqu’un et non, par exemple, d’une Terre bourrée et de son amie Eau qui s’amusaient à repeindre les couloirs de l’Institut et avaient cogné sa porte par inadvertance. Ou d’Ashton, qui venait s’enquérir de son assiduité. Ou d’un Eau au pantalon baissé et d’un Tonnerre qui jouaient à pince-mi et pince-moi. Ou de sa mère. Dans ces cas, Aylan pouvait simplement ignorer la notification. Autrement, il n’avait qu’à presser un bouton et, d’une petite machine vissée à la base de la porte, sortait une carte qui était glissée sous la porte. Quand Aylan sortait, il changeait les cartes dans le distributeur en fonction de chez qui il était parti.
__–En soi, ce mécanisme était excessivement complexe, mais ce n’était pas tant sa praticité qui avait motivé sa construction, que le défi technique qu’il représentait.
__–Du point de vue de Chrys, voilà à quoi cela put ressembler : alors qu’ils étaient en pleine partie de petits chevaux, écoute des Daft Punk et dégustation de chocolat chaud, Aylan sentit une vibration au niveau de sa poche, en sortit son téléphone, eut une expression étonnée, pressa un bouton puis se tourna vers sa grande sœur :
__–« Euuuh y’a Erik qui veut me voir, tu sais c’est, euh, enfin il vit avec ma maman et il s’occupe d’elle parce qu’elle est handicapée et elle peut pas tout faire. Il peut venir ou j’vais le voir dehors ? Il est juste là dans le couloir des Airs devant ma porte. »