Ça fait déjà bien deux mois, voire trois que je suis à Terrae. Et j'ai été initié, donc j'ai reçu des pouvoirs... Tonnerre téléporteur, chouette. Non, vraiment, je rayonne de bonheur. J'ai pas du tout la crainte de me téléporter après le désastre de l'ascenseur avec Erik. Haha. C'est faux, je  veux pas rendre mes tripes devant d'autres gens. Erik ça m'a suffit.

Mais on dirait que je ne vais pas avoir le choix, vu que je dois participer à des cours. Donc, allons-y joyeusement. J'écoute les instructions sagement, même si comme d'habitude mon esprit est un véritable navigateur web : 19 onglets sont ouverts, 3 sont en train de ramer et je ne sais pas d'où vient la musique. Anyway on commence avec des exercices sur le côté tonnerre qui se passent plutôt pas trop mal : quelques coups de jus tout au plus.

Puis vient le moment des exos sur la téléportation. Première, pan ! Dans le mur. Hop un coquard. Deuxième, je sors de la salle. J'ai beau visualiser la cible, impossible de m'en rapprocher. Je reviens dans la salle d'entraînement et attends mon tour. Quand c'est enfin à moi, je ferme les yeux, fronce les sourcils et me concentre. Je sens encore cette sensations d'élastique qui se tend, se tend... Allez mon petit Camil. Je peux le faire ! La résistance augmente encore, et... Pop !

... J'ose pas ouvrir les yeux. Bon allez voyons-voir où j'ai atterri. J'imagine plein de choses, genre que j'ai atterri dans l'ascenseur et que je suis à nouveau coincé. Ou que je me suis retrouvé dans la chambre de quelqu'un... Mais je suis visiblement à genoux. J'ouvre les yeux et me trouve face à un pan de bois. J'entends des voix un peu tout autour. Et de l'autre côté, une paire de jambes. En essayant de me relever, je me cogne contre la planche en bois au dessus de ma tête.

- Ouaille ! Les voix se taisent autour de moi. Euuuh... Bonjour ?

Je suis dans la merde.

Une question me taraude depuis ce matin : pourquoi on n’a pas simplement annulé les cours à Terrae, cette semaine, en fait ? Je sais que la mission n’a pas lieu tout de suite, mais quand même, les gars, j’arrive pas à me concentrer, c’est la semaine prochaine en fait. Certains des gamins face à moi sont pas plus concentrés que moi — même si j’avoue que je sais pourquoi : on est en cours de maths, lol, tout le monde s’en balance. La preuve que c’est une idée merdique ! Ahh, qu’est-ce que je suis gonflé. J’aimerais passer du temps avec ma famille avant qu’on parte ; pas à faire cours à des mioches qui ont juste autant envie de se casser d’ici que moi… Hmng.

Jambes croisés, lunettes sur le nez, je suis donc accoudé à mon bureau, en train de surveiller les gamins pendant qu’ils essaient de faire un exercice que je leur ai donné en papotant avec leurs voisins. On vient de finir la leçon et la mise en pratique, maintenant l’objectif c’est qu’ils essaient tout seul et me posent leurs questions tout à l’heure.

Heureusement, ou pas, en fait, j’en sais rien ??, y a une flamboyance d’énergie et… d’un coup j’ai vachement moins de place au niveau des jambes. Je me redresse d’un bond, me recule un peu et… d’un coup la chose, enfin la personne quoi, qui s’est téléportée sous le bureau se redresse et s’explose le crâne dessus. Ouch. J’ai mal pour toi, frère. Soeur. Sibling.

Haussement de sourcil, puis sourire en coin.

—Tiens tiens tiens, bonjour par ici ; avez-vous une minute pour parler d’équation différentielle ?

Silence dans la salle. On m’fixe chelou. Je lance à la classe :

—Nan c’est bon j’déconne, les équations différentielles c’est pour la classe avancée, j’ai pas envie que vous me chialiez dessus parce que vous comprenez rien, j’suis pas un tyran à ce point. Sauf avec toi (je pointe un mec dans la classe) mais c’est parce que tu te paies vraiment ma tête.

Le gars transforme sa tête en… la mienne, ouais, il fait ça tout le temps pour m'imiter. P’tit con, va. Ah merde, j’ai oublié un truc attendez… Je glisse un regard sous le bureau vers la pauvre créature qui s’y est perdue, sans pour autant bouger. Essaie de me faire dégager ou téléporte-toi, mdr.

—T’es pas encore reparti, en fait ? T’attends que la fin de l’heure sonne ou ça se passe comment ?

Équa-quoi ? Je ne sais pas si c'est le coup sur ma tête ou le mur que je me suis pris un peu avant, mais je ne comprends pas tout de ce que raconte le... l'homme dont je vois les jambes ? Belles jambes d'ailleurs, très longues. J'apprécie. BREF. Je préfère ne rien répondre, alors que lui enchaîne. Si je comprends bien ce que j'entends - ce qui n'est pas sûr, vu les coups que j'ai pris - j'ai atterri dans une salle de classe. En plein cours de maths. Et le prof, vu que c'est ce que doit être l'homme à qui appartient les jambes qui me barrent le chemin pour sortir, en profite pour bâcher ses élèves. Quel prof médiocre.

En attendant, je peux pas décemment balayer les jambes dudit prof pour m'enfuir tel le chat qui a touché de l'alu. Je suis coincé. Et je peux pas non plus lui demander poliment. Imaginez : "Ouiii bonjour alors désolé c'était une erreur, je vais m'en aller hein. Bye bye, bon courage les n'enfants !" Hahaha... Non. Non, définitivement, ça le fait pas. Donc je reste là, tel un repose-pieds XXL avec option taser. Non, je crois que ma seule option d'échapper à une humiliation c'est de me téléporter à nouveau. Donc c'est parti, allons-y gaiement.

Concentration... Je sens l'élastique qui se tend... Encore un effort...

Ah. Oups, je suis découvert.

- Hahahaaaa... Vous allez rire, mais ça marche p-

Et là, au milieu de la phrase, mon putain de pouvoir m'autorise enfin à me téléporter. Re-pop, re-bang. Droit dans la porte.

- Oh, for fuck's sake...

J'ai marmonné ça sous le coup de la douleur. Je hais ce pouvoir. Je le hais depuis ma première téléportation involontaire. Enfin, au moins cette fois j'ai pas rendu mon petit déjeuner. Maintenant j'ai plus qu'à me préparer mentalement. Parce que si le prof me défonce pas, c'est ses élèves qui vont se faire un plaisir de se payer ma gueule... Je vais en entendre parler longtemps de celle-ci. Le jour où Camil a pris la porte. Littéralement.

Pouah, franchement la jeunesse c’est plus ce qu’elle était ! Même pas ils rigolent à mes blagues, j’suis déçu. L’autre Morphe, là, il se fout de ma gueule mais il interagit au moins. En vrai je l’aime bien — t’es un p’tit rigolo. Je te dirai jamais que t’es mon préféré, après tu seras encore plus insupportable.

Passons. Je baisse les yeux vers le blondinet sous mon bureau, m’appuyant vers l’arrière, un bras contre le dossier de ma chaise. J’me sens un peu comme un prince dans ma demeure, et en plus je sens bien qu’il MATE alors mate autant que tu peux mon bichon, je suis un homme presque marié mais ça interdit pas que je sois un bonbon pour les yeux-

Ok on se recentre. Comment ça, ça marche pas ? Fais un effort, chais pas ?? C’est pas si compliqué de se téléporter, hé ! Petit souvenir de ce moment où j’étais Téléporteur durant l’Eclipse et que je n’arrivais juste pas à m’empêcher de me téléporter, lol. Horrible moment. J’ai dû envoyer un courrier d’excuse à la Reine d’Angleterre la semaine suivante, parce qu’on a eu des plaintes ahem.

Enfin ! J’ai pas le temps de lui répondre qu’il s’est téléporté… dans la porte, visiblement. Toute la classe éclate de rire, et je lâche un petit “ouch” pour lui ; non pas à cause de la porte, mais parce que LA VACHE, sa réputation est morte maintenant. Pauvre de lui, tout le monde va parler du p’tit téléporteur qui s’est bouffé la porte après avoir fini sous le bureau du prof de maths. …. Faudra juste que je donne une explication valable à Lou pour cette partie de l’histoire, par contre. Cela étant dit :

—Eh, ça va ?

Je me lève et oblige le blondinet à reculer, le poussant un peu vers le bureau. Puis je m’adresse à la classe :

—Bon, allez les mioches, on a tous la flemme aujourd’hui : vous finirez la page d’exercice pour la prochaine fois, je vous libère plus tôt MAIS si Hideko vous demande, vous dites que c’est parce qu’un téléporteur a foutu le bordel dans la classe, compris ?! Allez go, sortez.

Explosion de joie, je crois qu’ils ont pas entendu la fin de ma phrase, et pourtant mon regard inquisiteur par-dessus mes lunettes n’a eu aucun effet. Tsssk. J’en entends encore certains rire, d’autres râler parce que LA PAGE D’EXERCICES ENTIERE eh ben ouais, c’est comme ça, c’est la vie. S’ils sont trop pénibles je noterai leurs exercices en DM, non mais. Avec un peu de chance je vais claquer lors de la mission et ils auront plus à me supporter lol. …. Déso les télépathes.

Puis je croise les bras et hausse un sourcil moqueur à l’adresse du blond, m'appuyant sur un des pupitres.

—Tu t’es pas loupé. T’as pas trouvé un meilleur endroit où te téléporter ? Ils vont en parler longtemps.

La porte, mon nez, un amour inatteignable. J'ai mal. Mais je crois que c'est rien à côté de la douleur que m'infligent les rires des élèves. Bordel, je suis pas là depuis six mois que déjà je vais être la risée de l'institut... Autant retourner à mes étudiants à Dublin. Au moins là-bas, on me respectait. Mais là le respect est mort et enterré. Bon, heureusement le prof est sympa, il me demande si ça va. Ce à quoi je réponds par un "Boui" un peu mouché. Pitié j'espère que je saigne pas du nez. Ah bah si.

Je garde mes mains sur mon nez et recule pour laisser la place à la horde d'élèves qui sort avec force de cris et d'enthousiasme, avides de répandre la rumeur du téléporteur bouffeur de porte. Une fois les sales gosses sortis râler / papoter / rigoler dehors, je reste seul avec le prof que je connais... de quelque part ? Où est-ce que je l'ai déjà vu celui-là ? C'est bien le moment d'avoir une mémoire de poisson rouge tiens. Tourne, tourne dans ton bocal... On se concentre. Le monsieur il te parle, Camil.

- Moui, je sais. Et j'ai pas vraiment choisi... Ça fait quoi, même pas une semaine que j'ai ces foutus pouvoirs. Je grogne, un peu boudeur.

Je dois avoir l'air fin, avec mon début de coquard, et mon nez tout rouge... Eh oh, si il se moque, prof ou pas je le tape. C'est pas gentil de rire du malheur des autres. Enfin, les gosses ont ri aussi, mais c'est des gosses. On a dit pas les maman, les mamies, et les enfants. Mais bon on essaiera alors de pas trop abîmer le joli minois, parce que y'a pas que les jambes que j'apprécie. Ahem.

- Franchement, je sais même pas pourquoi je suis tombé sur la téléportation. j'avais eu un avant-goût et j'aurais préféré résilier l'abonnement tout de suite, merci bien. Je continue de râler.

Si il me force à retourner à la salle d'entraînement, je me re-téléporte. Loin de lui, avec un peu de chance. Ou pas. En plus maintenant j'ai faim. Tiens, avec un peu de chance je pourrais me téléporter à la cuisine, vu que j'ai faim. Quoique, non, j'abandonne.

- Pff... Laissez tomber, je râle tout seul. Désolé d'avoir interrompu votre cours.

Je soupire. J'espère que je vais trouver un steak pour atténuer le coquard. Sérieux, ce type me dit quelque chose...

Franchement, je comprends pas pourquoi les gosses me détestent comme prof : je suis trop sympa, je les libère vachement plus tôt. Ouais je sais que je leur ai donné masse d’exercice mais après ils vont me saouler parce qu’ils ont rien compris de nouveau, ils vont dire que c’est parce que j’explique mal. Non puis s’ils pouvaient gueuler moins fort, par contre, ce serait DINGUE parce que ça va s’entendre dans le couloir. Je me pince l’arête du nez derrière mes lunettes, épuisé par la vie — j’peux même pas dire que ça me fatigue d’être prof, je suis en cours 5h30 par semaine avec eux ahem — puis vais tirer une serviette en papier du distributeur accroché au mur, à côté du lavabo. Ouais ça pollue, mais flemme de laver la serviette en tissu tous les jours ok, j’suis daron d’assez de gens comme ça j’vais pas me rajouter la lessive de l’institut en plus.

Enfin, comme j’suis bon prince, je hausse un sourcil et lui tend la serviette en papier, un sourire au coin des lèvres.

—Ah ouais, j’comprends du coup, dur. Courage, ça ira mieux ensuite.

J’acquiesce tranquillement pendant qu’il parle, compréhensif… enfin jusqu’à ce qu’il dise qu’il est tombé sur un pouvoir de merde. Euuuuuuuhhhhhhhhhh ouais mais non on va se battre là mdr, dis pas ça à voix haute dans le dortoir des Tonnerres ou t’as la moitié qui va te péter la gueule parce qu’ils ressentent les émotions des autres et qu’ils l’ont pas choisi—

Je roule des yeux et vais à nouveau chercher une serviette en tissu, l’autre commence à être bien imbibée — je lui désigne la poubelle de la main.

—T’es bien la seule personne au monde à dire ça, franchement être Téléporteur ça vaaa. Imagine : l’autre pouvoir c’est d’être Sensitif, tu ressens les émotions de tout le monde et t’as envie de te péter le crâne. Ca, c’est un vrai pouvoir de merde.

Puis je m’approche et demande au gars de faire un pas vers moi, attrapant alors délicatement son menton pour le soulever et incliner légèrement sa tête pour analyser l’état de son nez. Hm. Je tapote doucement sa joue avant de me reculer à nouveau en lui glissant la serviette dans la main.

—Bon ça va, ça pourrait être pire, tu seras pas défiguré. Tiens ta tête en arrière et pince le nez avec le mouchoir, ça va passer tout seul. T’inquiète pour le cours, j’avais la flemme de toute manière. On part en mission suicide la semaine prochaine, j’ai autre chose à penser.

C’est avec un peu de détachement que je prononce ces mots, mais c’est vraiment parce que j’ai du mal à process ce qu’il va se passer. J’ai juste hâte que tout ça soit derrière nous.

—C’est quoi ton nom ? Si tu veux je t’accompagne à l’infirmerie, tu commences à avoir un bleu.

Je tapote mon arcade sourcilière, pour désigner en réalité la sienne.

Je prends la serviette que me tend le prof et essaie de ralentir le sang qui coule de mon nez. Le frais de l'eau me fait déjà du bien et ma mauvaise humeur s'allège un peu. Elle s'imbibe assez vite, et pendant ce temps je me fais remonter les bretelles. Eh oh, j'ai jamais dit que c'était un pouvoir de merde. Bon ok, j'ai pu peut-être l'insinuer un peu. Mais je sais bien qu'il y a pire. Puis j'ai du bol quand ça foire, c'est la première fois que j'atterris pas dans une situation complètement incongrue comme celle-ci.

- Je voulais pas dire que c'est un pouvoir de merde.

Je me justifierais pas plus, j'ai pas envie de partir dans un débat. En plus je sais très bien que tout ça c'est juste le résultat de ma frustration de ne pas tout réussir parfaitement tout de suite. J'attrape le second papier que me tend l'homme et jette le premier à la poubelle qu'il me désigne.

- Merc-

Euh. Il fait quoi ? Il est un peu beaucoup proche là. Non parce que monsieur, vous êtes très séduisant, mais ça va un peu vite pour moi là... Help. Dans le doute, on va pas bouger et..

Ah. Ok, il checkait juste mon nez. Faut prévenir avant de faire ce genre de chose là. C'est un coup à faire une crise cardiaque ! Enfin, ça me permettrait de savoir si en effet, les Tonnerres sont des défibrillateurs portables et autonomes.

Mon cerveau se reconnecte et rattrape ce que l'homme vient de me dire. Ça me fait un peu l'effet d'une douche froide.

- Ah... Navré, pour la mission.

Je suis assez intelligent pour ne pas poser de questions et je profite du changement de sujet. J'obéis et je bascule la tête un peu en arrière tout en essayant de pas trop parler du nez.

- Je m'appelle Camil Andrews. C'est gentil de proposer, et je voudrais pas vous embêter... Mais je crois que je vais avoir besoin d'un coup de main pour trouver l'infirmerie, en effet.

J'ai compris que j'avais atterri dans une salle de classe, mais dans quel bâtiment et à quel étage... Là c'est une autre histoire. Et puis soudain, sans prévenir, ça fait tilt.

- Aaah mais oui !! J'vous ai déjà croisé, vous étiez avec la petite déguisée en dragon à Halloween ! Comment elle s'appelait... Charlotte je crois.

Haussement de sourcil moqueur de ma part. Genre t’as pas dit que c’était un pouvoir de merde ; j’te retiens. Enfin, je dis ça mais aujourd’hui j’aurais détesté être téléporteur. C’est tellement plus sympa de pouvoir savoir en direct tout ce que les gens ressentent, ça m’évite de me poser trop de questions vu que j’suis à moitié autiste lol-

En plus c’est qu’il panique, on dirait ! Ouais j’suis sans gêne, j’ai pas trop tilté c’que je faisais, j’ai trop l’habitude avec les gamins. T’as mal ? Montre-moi. Ouais. Dans ce genre. Bon. Déso gars, j’comprends que je te perturbe. …. Naaaaaaaaaaaaan mais ça me donne envie de le faire chier en plus, faut que j’arrête ptdr, plus j’suis stressé et plus j’suis insup’ avec les gens. Ca me donne envie d’en faire encore plus, mais j’vais me calmer et me contenter de m’écarter tranquillou. Je hausse finalement une épaule quand il répond par rapport à la mission. Ouais. Ben. Qu’est-ce que tu veux que je te dise, faut bien que je fasse mon boulot de Master. Si j’y allais pas, quelqu’un d’autre devrait le faire…… et déjà j’ai mes deux garçons qui y vont, ma future belle-fille, les amis de mes gosses, ma meilleure pote, mes collègues ; BON. HEIN. VOILA. Je suis obligé de faire le taf.

Putain j’avais dit que j’avais pas envie d’y penser.

—Boh t’inquiète. Ravi d’te rencontrer, moi c’est Aaron. Prof de maths, du coup, comme tu t’en doutes.

Je me décale du bureau pour finalement me diriger vers la porte, lui faisant signe de me suivre. Puis hausse un sourcil, plisse les yeux et sourit :

—Ahhh on s’est croisés à Halloween ?........... OH mais oui, le blondinet ! J’suis désolé, j’ai vraiment une mémoire des visages complètement débile. Mais oui c’est ça, c’est Charlotte ! Elle était contente de s’être fait un copain pendant la chasse au bonbons, je souris en coin, avant de fermer à clés la porte de la salle de classe. C’est cool que tu parles aux petits.

Enfin petits, petits ; elle est grande maintenant, sniff. J’suis le papou le plus malheureux du monde, mes gamins grandissent trop vite………. j’aimais trop m’occuper de mon p’tit bébé là. Et là elle est en primaire. Je suis éreinté juste à y penser ; la prochaine étape c’est la fac et le mariage omg j’suis pas prêt. (Aucun drama ici)

—Tu t’es fait initier la semaine dernière du coup, c’est ça …? (J’essaie vraiment de me souvenir, mais punaise c’est pas possible d’être une telle teub pour se souvenir des gens mdr. J’suis vraiment un touriste pendant les Masterisations. Euh. Initiations. Roh, c’est pareil…) Tu gères comment, globalement ? Enfin quand tu te manges pas dramatiquement des portes, quoi.

Au haussement de sourcil du gars, je devine que je suis pas pris au sérieux. Eh mais c'est vrai ! J'ai jamais dit "oh là là c'est de la merde ce pouvoir". J'ai juste dit que je l'aimais pas. Il est papa, non ? Il devrait savoir qu'on dit pas "c'est pas bon", on dit "j'aime pas". Tous les parents disent ça à leur gosse à un moment dans leur vie. Mais bon, en parlant de gosses, j'en suis pas un alors je vais pas bouder, et je refuse de me justifier. Donc j'ignore simplement la tête dubitative du prof.

Prof qui donc s'appelle Aaron. Je le trouve bien zen pour un gars qui part en mission-suicide. Mais bon, peut-être qu'il ne l'est qu'en surface, alors je laisse glisser et préfère me concentrer sur la suite. Donc, c'est bien lui le papa de la petite choupette déguisée en dragon ! Il me fait signe de le suivre et je m'exécute. Pour voir où je vais, je suis obligé de remettre ma tête droite et la seconde serviette s'imbibe illico de sang. Je la jette et en attrape une vite fait avant de suivre Aaron.

- Heh, j'ai un faible pour les enfants. Enfin, je veux dire que je les aime bien. Ils sont choux, plein d'énergie et je trouve ça super enrichissant de les côtoyer. Je sais pas trop comment décrire ça, mais c'est plus intéressant que les étudiants en fac.

Ça m'étonnerait qu'il pige ce que je veux dire, mais pas le temps d'éclaircir le sujet qu'Aaron a enchaîné.

- Ouais, il y a un peu moins d'une semaine. Je dis en le suivant dans le couloir, soulagé de voir ce dernier vide. Il manquerait plus que ses élèves soient dans les parages pour se foutre de moi. Côté électricité, ça va. J'ai pris quelque châtaignes au début, mais je m'en sors pas trop mal.

En fait, je n'ai pas tant eu de mal que ça avec le côté tonnerre. Vraiment ce qui me fait galérer c'est la téléportation.

- Après comme tu l'as si bien dit, la téléportation c'est autre chose. Disons que ma première a été tout à fait improvisée, et totalement involontaire : je me suis retrouvé coincé dans un ascenseur et c'est un Master téléporteur qui nous a sortis de là... En nous téléportant. J'ai pas très bien supporté.

Que dire de plus ? Je ne vais pas non plus lui raconter l'incident en détail. Je hausse les épaules.

- Du coup, inconsciemment je dois avoir un peu peur d'utiliser la téléportation, et j'utilise les murs ou les portes comme piste d'atterrissage.

Putain il va dégueulasser le sol, si ça continue… Pfft bon faut qu’on se grouille d’avancer jusqu’à l’infirmerie. Une chance qu’on soit au premier ; l’infirmerie est au rez-de-chaussée. Je lui jette un petit regard mi-compatissant mi-mdr-rip. Nan mais quand même, l’action était drôlesque. J’acquiesce lentement, un peu impressionné par le discours de boucles d’or. Vrai que c’est enrichissant, les enfants ; après de là à dire que c’est trop bien qu’ils aient trop d’énergie, faut pas pousser non plus. Ca se voit qu’il est pas papa, lui, omg.

—Un faible pour les enfants ? Plus jamais j’te laisse t’approcher de ma fille, je le nargue. T’as donné des cours, ou je sais pas quoi ?

Ouais, j’vois pas pourquoi il aurait causé d’étudiants et de gamins dans la même phrase. Puis j’acquiesce tranquillement quand il me parle de son contrôle limite de l’électricité ; classique quoi. Ca nous arrive à tous, les débuts sont durs hein. J’lui laisse le temps de parler, haussant un nouveau sourcil… avant de ricaner bêtement. Ah ouais, c’est ballot ça en vrai. Punaise attends….

—Ouais ben crois-moi, j’comprends fort. C’est vraiment pas fac— Oh mais attends… OHHHHHHH AHAHAHA. Naaaaan… L’autre jour, là ?! J’devais aller vous ouvrir, mais j’ai eu la flemme, j’ai envoyé Nikkou à ma place. Il était vénère, c’est toi qui a essayé de pisser dedans ?!

PTDR MAIS QUEL BLAIREAU. J’suis éclaté, c’est bon : entre la porte dans la gueule et ça, il est fiché à vie. J’arrive pas à m’empêcher de rire, j’me tiens le bide tellement j’ai mal.

Je cligne des yeux sans comprendre au début. Pourquoi je ne pourrais plus approcher Charlotte..? Ça me rendrait super triste-

AH. J'ai pigé. Mais non, mais pas comme ça !! Mais pas du tout !

- Mais non, mais le prend pas de travers ! J'aime juste passer du temps avec eux.

Je marque une pause. Oh god...

- C'est encore pire, je m'enfonce hein ? Quelle honte. Mais oui, j'ai enseigné un an en fac avant d'arriver ici.

Vite vite changeons de sujet... Je comprends vite qu'on passe à un sujet encore pire. Je tique pendant qu'Aaron éclate de rire et hurle littéralement dans le couloir. Eh y'a pas moyen que je porte le chapeau ! J'ai jamais eu ne serait-ce que l'idée de pisser autre part que dans des toilettes ! Je sais me retenir, moi !

- Alors je t'arrêtes tout de suite. C'était pas moi ! Le seul qui a tenté quoi que ce soit dans cet ascenseur, c'est Erik. Je suis une victime collatérale ! Je proteste pendant que le grand brin ricane telle une hyène en détresse.

Donc en plus de m'avoir fait rendre tripes et boyaux, ce satané Master est allé raconter l'incident sans désigner de réel coupable ?! Non mais je sais pas, si tu as dans l'idée de raconter ce genre de chose, pense à donner des noms ! Là, je suis fiché pour le reste de ma vie... Par contre, depuis quand je suis passé au tutoiement..? J'ai pas fait gaffe.

- T'as pas dit à tes élèves il y a juste quelques minutes de pas faire de bruit dans les couloirs ?

Je ronchonne, histoire d'éviter de montrer que je suis à deux doigts de me mettre à ricaner à mon tour, même si en même temps je suis vexé.

Ptdr c’est vraiment une victime ce gars, le pauvre. Il aurait mieux fait de tomber sur Ashton, il l’aurait juste jugé très fort du regard avant de le renvoyer à l’infirmerie accompagné d’un élève, au moins il aurait pas eu à me subir sur le chemin. Je retiens un rire moqueur et lui donne une petite tape dans le dos.

—J’avais compris, t’inquiète, je te taquine.

Le fait que je sois obligé de le dire, mdr. Vraiment, le pauvre gamin, il a du mal avec le second degré on dirait. Enfin, j’aurais voulu lui demander ce qu’il enseignait exactement à la fac — dingue, ça veut sûrement dire qu’il était plus diplômé que moi quand j’ai commencé à enseigner ici. Enfin, c’est pas difficile vu que j’ai commencé à donner des cours en YOLO à l’époque. J’ai quand même fini par faire valider mes acquis en maths avec des cours à distance, mais franchement j’en avais tellement rien à branler que je suis pas sûr qu’on puisse appeler ça un diplôme en vrai.

Enfin, on parle d’un truc BEAUCOUP PLUS REJOUISSANT et autant vous dire que je suis plié en deux, en train de me bidonner dans le couloir. Oh putain j’en pleure presque, mais c’est vraiment un blaireau ce gars en fait ? Il essaie de se justifier… et puis soudain, il me parle d’Erik, je me redresse, le fixe en cessant de rire, lâche :

—Attends, Erik le blondinet coloc d’Ipiu ?

Et j’suis reparti en fou rire.

—Oh punaise, va falloir que je raconte ça à Piu, elle va tellement se foutre de sa gueule ! Mais quel débile.

Nan mais vraiment, gros gros débilos ce Erik. Il est sympa hein, j’dis pas, mais qu’est-ce qu’il me donne envie de rouler des yeux. J’me redresse et regarde Camil un instant, encore un peu hilare.

—C’est pas faux, je réponds en regardant autour de moi, comme un gamin pris en faute. Allez viens, on accélère jusqu’à l’infirmerie, tu vas finir par te vider de ton sang par terre.

Je nettoierai pas, frère. Ouais j'dis ça comme si c'était lui qui trainait, c'est normal.

—Ahlala sacré Erik. Attends, rassure-moi, t’étais consentant au moins ?!

Nan parce que si c'est pas le cas, je le décalque omg. Et par contre si vous voulez niquer dans un endroit random, faites le dans un placard au moins, chais pas, pas un ascenseur à côté des salles de classe p'tetre… Trop chelous, les deux, là.

Je marche dans le couloir en affichant une moue boudeuse. Ouah, je sais que je suis un peu naïf mais là, je marche pas, je cours. C'est super frustrant !

Et l'autre qui se bidonne telle une baleine asthmatique... Non mais gars, c'est pas si drôle que ça hein. Ce qui me console un tout petit peu, c'est qu'il va en parler à la coloc' d'Erik. Tant mieux ! Comme ça Erik aussi se retrouvera dans cette situation. Ce n'est qu'un juste retour de choses vu comment je m'en prends plein la tronche.

Quand j'en ai assez de voir Aaron se tordre de rire je lui rappelle où on est et qui il est, et j'ai au moins la satisfaction de voir sa tête de gosse pris en flag'. Ah tiens, on me dit "cheh" dans l'oreillette. Je le suis donc en marchant, le mouchoir toujours contre le nez. Je sens que ça coule déjà moins, tant mieux...

C'est là que le gars me pose une question... Ou plutôt une bombe. Je trébuche et manque de me casser la figure, encore une fois. Consentant ? Comment ça consentant ?! Mais qu'est-ce qu'il s'imagine l'autre ?!

- Mais de quoi... qu'est-ce que... Enfin..! Je proteste, atterré.

Ça y est, je suis soûlé. Le gars se fait des films, ils ont un plus gros budget que les MCU !

- Non mais je me jette pas sur tout et n'importe qui ?! On sait pas où ça a traîné !

Ouah c'est ambigu. Il faut vite que je clarifie les choses, parce que là il va partir en live sinon...

- Qu'on soit très clairs. Je ne risque pas de me taper Erik. Déjà il est clairement pas mon genre. Ensuite, vu de quoi on a parlé, c'était absolument pas le moment. Et enfin, le mec m'a traité de ficello. Et aussi frustrant que ce soit de l'admettre, vu la différence de carrure, il m'aurait complètement écrasé.

Bon le dernier argument est quelque peu... Contre-productif. "Crush me daddy" je connais hein. Mais c'est pas mon truc.

- Toujours pareil les clichés sur les pan... Je marmonne, un peu vexé.

Ah, il a pas l’air d’accord avec ma conclusion. Ah. Bon. C’est pas ça, du coup je suppose qu’ils ont vraiment essayé de pisser dans l’ascenseur. Enfin, qu’ERIK a vraiment essayé de pisser dans l’ascenseur, du coup, comme il a l’air de pas assumer à 300% ce qu’il s’est passé là. C’est pas grave, c’est habituel, les gens qui assument pas, ici…. Je hausse un sourcil à son attention, à la fois curieux et saoulé par sa saoulance. Mais quoi !!! J’pose la question de si l’autre crétin ne lui a pas imposé la vue de son membre rikiki ou si c’était son kink, c’est une question IMPORTANTE. J’vois pas le problème. Au pire il me dit que c’est juste un dégénéré qui voulait vraiment pisser là, et j’dis ok hein.

—Bah j’espère bien ?! je m’outre à mon tour quand il me dit qu’il se jette pas sur tout et n’importe quoi. Puis même quand tu sais, hein, les protections c’est important.

Nan j'avoue là j'le provoque. Par contre, pourquoi on parle de ça au milieu du couloir ??? Chuis perdu. Mais je suis le flow, j’dis rien, je suis, j’accepte. J'décompense complet j'crois.

“Qu’on soit très clairs”. Oui ben je veux bien qu’on soit très clairs entre nous, mais sois clair pour de vrai, du coup, chépa. Oh. Il risque pas de se le taper, ok. Nan mais j’en sais rien moi, Erik il a l’air con comme un hétéro comme ça de loin, mais parfois on glisse et puis voilà, ça arrive hein. Ca parle de se toucher la bite dans un ascenseur — enfin pas tout à fait, j’rajoute des éléments là j’crois — donc excusez-moi de poser les questions importantes hein.

Je plisse le nez d’un air confus à ses excuses clairement bidonnes là, excusez-moi du terme. Nan mais il aurait pu avancer d’autres arguments, c’est chelou, c’est pas parce qu’ils se jaugent en mode “woah t’es pas mon genre j’ai pas du tout envie de te ken” que ça arrivera jamais, j’veux dire, Gaetano et moi c’était pareil !!! Enfin, j’déconne, Gaetano c’était complètement mon genre lol, le problème c’est que c’était le meilleur pote de mon ex, c’était déjà plus galère comme bail, et surtout il avait l’air trop hétéro pour s’intéresser à mon cul.

……….. Putain mais je sais plus de quoi on parle là.

Ah oui : il l’aurait écrasé.

Ennemies to lovers ptdr

—Hmhm, j’acquiesce, avec un air peu convaincu, l’air de dire “oui oui, il t’aurait écrasé, HMHMHMH”… avant de reprendre : Quoi les clichés sur les pans, je le suis aussi ! Ca parle de sortir sa teub dans un ascenseur, j’te demande juste s’il a pas été incommodant, j’m’inquiète moi ! je râle. Dans l’intimité vous faites ce que vous voulez. Juste pas dans l’ascenseur quoi. Et OUI j’ai compris que t’avais pas envie de te le faire, me regarde pas comme ça, pas besoin de réexpliquer. … Nan par contre la prochaine fois, trouve de meilleurs arguments que “il m’a traité de ficello et il m’écraserait”, ça n’a jamais arrêté personne !

Bah ouais. Vraiment.

—Par contre j’comprends que ce soit pas ton genre, pouah, je rajoute avec un mouvement de balai de la main.

Trop hétéro. Ou alors il fait bien semblant. Chais pas. J’suis perdu avec toute cette histoire. En fait, ça doit être parce que ça me paraît tellement invraisemblable que quelqu’un essaie de pisser dans un ascenseur que mon cerveau essaie de trouver n’importe quelle autre idée. Ouais.

Et aussi : j’avais raison, ce mec est ultra gay.


hrp : désolée Erik jtm

- Les protec- Mais puisque je te dis qu'il s'est juste tapé un kiff à pisser dans l'ascenseur ! Quoiqu'il a pas eu le temps de faire quoi que ce soit, avec le gars qui nous a téléporté dehors, tu me diras. De toute façon j'aurais rien pu voir, il y avait une coupure de courant à ce moment... Mais là n'est pas la question !

Je proteste vigoureusement, et pour cause ! Oh, j'ai peut-être la gueule d'un jeune mais je suis majeur et vacciné ! J'ai pas besoin qu'on me baby-sitte, surtout pas si c'est un inconnu !  

- Non mais sérieux, tu me donnes quel âge..? Je suis pas un gosse hein. Je marmonne.

Je veux dire, mec c'est sympa de t'inquiéter pour moi. J'entends bien que je fais ce que je veux et encore heureux.

- Je sais que mes arguments sont pas super convaincants hein. Mais si tu veux un argument plus intéressant : Erik est hétéro jusqu'à la pointe des cheveux.

J'aurais peut-être dû commencer par là tiens. Ça aurait évité de se retrouver dans cette situation complètement incongrue. Par contre sa dernière remarque me fait marrer. Ouais Erik est un chic gars, mais clairement pas mon style. Il est pas moche à regarder hein, mais moi je préfères les gars plus... distingués ? Après je dis pas non à un mec grand et fin, avec des cheveux foncés et intelligent. Je jette un regard à Aaron. C'est totalement une coïncidence si il entre dans mes critères.

- Meh, j'ai pas vraiment de "type" à proprement parler. Je veux dire si la personne est agréable à regarder c'est un plus, mais l'important c'est qu'il ou elle ait pas un caractère de merde. Je dis en haussant les épaules.

Mon nez sembla avoir enfin fini de couler. Je retire l'énième mouchoir que je gardais pressé contre mon nez et pousse un soupir de soulagement.

- Bon, on dirait que ça s'est calmé. Désolé de t'avoir traîné dans les couloirs comme ça.