ATTENTION TW :

Sur le toit. Nana est seule. Elle est sortie de l'hôpital depuis peu.

Passive - A Perfect Circle ♫

J’ai perdu le goût du sommeil depuis mon retour de mission. Enfin, disons qu'après un long moment de sommeil continu et de sédatif, le retour à la réalité est dur, je ne peux même plus somnoler. Respirer est un fardeau. Après la case hôpital, j’ère dans l’Institut. On est revenu avec les données mais aussi avec un corps, un jeune corps. Les cris du Feu Morphe me hantent, me tirent de la réalité tandis que la vision de son corps tordu par la douleur jusqu’à son dernier souffle se joue en boucle à chaque fois que je ferme les yeux. C’est donc cette douleur que porte un soldat en continu.

On a pas encore eut de retour des examens, ils doivent sûrement être en train d’autopsier ou peut-être que depuis le temps c'est fait mais ils disent rien.

Bordel, la réalité me frappe la tronche de nouveau. Après la galère d’être seule à vagabonder aussi longtemps comme un vieux grain de poussière, je m’étais refaite à Terrae. Après, ai-je du regret pour ce qui s’est passé ? Pas tant car je me battrais toujours pour éteindre nos ennemis. Mais, ce n’est pas un scientifique que j’ai tué, c’est un jeune qui malheureusement avait le cerveau retourné, qui tentait de survivre autant que je le faisais avant mon retour.

Je ne serais pas revenue en vie si Senri, Aaron et Cooper n’avaient pas été là lorsqu’explosion dans le bunker arriva. Au final, c’était soit moi qui crevait à l’explosion d’Aaron, soit le petit crevait par mon électricité. Enfin, le Master a beau me répéter que ce n’est pas de notre faute, que ses pouvoirs étaient incontrôlables, je sens dans mon cœur que c’est faux. Fais chier.

Est-ce si difficile de se reconstruire une carapace une fois qu’elle est brisée ? Malgré mes séances chez Arnaud avant tout ce foutoir, ça allait très bien mais, il est vrai que je ne l’avais pas reformé. Je me voilais la face parce que j’étais avec des gens que j’aime. Depuis tout ce temps je me repète que je veux redevenir forte et merde, on dirait que je suis pas capable. Grâce à Senri, physiquement j’ai pu me muscler convenablement et me baraquer pourtant. Mais le physique ne fait pas le mental.

Je me déçois.

Pitoyable est un petit mot pour ce que je me dis. Mon corps a lâché tellement de fois quand j'ai vu mon entourage me rendre visite, Aylan fut le plus difficile, il est si jeune...

Le vent froid me brûle les joues qui rougissent progressivement. Je garde mes gants pour fumer. Il a fallu quand même un certain repos pour me remettre de mon Étoilisation ainsi qu’un passage chez Hideko bien sûr. Mes bras sur la barrière, je regarde l’horizon sombre. La lune est en croissant et brille peu.

J’ai pas envie de retomber dans les antidépresseurs comme à mon adolescence. Mais je suis fatiguée de mon cerveau. Dégommer quelqu’un c’est une chose, tuer c’est une autre. Mon regard tombe sur le sol. Et si-

Et si je me laissais disparaître, je serais apaisée pour de bon. Je devrais juste me pencher un bon coup. Ce serait égoïste non ? Ou bien ce serait comme cette soirée à la plage où je voulais me laisser mourir avant que l’électricité, la mienne, ne resurgisse. J’sais pas.

Je me penche très légèrement pour avoir une meilleure vue du bas, puis mon téléphone retentit.


«Allô ?

-Salut grosse tête c’est Max, j’ai reçu ton message ! (Tardivement mais tu connais quoi) T’es de retour alors ?

-À moins que t’entende des coups de mitraillette derrière moi, ouais j’suis rentrée mais je…

-Tu veux me raconter ?»

Je ne rentre pas trop dans les détails, je parle très doucement pour tenter de contrôler mes émotions mais à l’énonciation du Feu, ma voix se coupe par mes larmes qui déferlent sur mon visage. Maxime est resté silencieux tout le long jusqu’à ce que je termine. Mon accumulation a fini par imploser. Bordel. J’ai la haine.

«Écoute moi bien. T’es pas responsable OK ?

-Non mais je-

-Nana j’rigole pas. Le seul endroit safe pour toi, pour les autres, c’est Terrae.

-Et pas pour toi tu me dis ? Crachais-je. J’ai failli me foutre en l’air déjà une fois et là je v-

-Eh oh, pas de conneries tu m’entends hein !»

On part sur une longue morale où Max ne me laisse pas la place de m’exprimer. Mais je sais qu’il a raison. Mes doigts se baladent sur la barrière froide pendant que j’écoute, essuyant mon visage mouillé.

«T’es entourée de gens qui t’aiment, c’est pas la fin du monde de ressentir des émotions, après tu peux les renforcer c’est sûr, mais je veux pas t’entendre que tu veux crever HEIN. T’es bien plus forte que ça. Le jour où on se verra, c’est pas pour ton enterrement.»

Un sourire élargie mes lèvres. Je suis déjà bien heureuse qu’il puisse parler de retrouvailles, ne serait-ce qu’une heure ça m’irait de revoir sa tête verte.

«Tu me manques vraiment tu sais…

-Toi aussi, rajoute-t-il. Et DONC t’as pas intérêt de te laisser crever sinon c’est moi qui vient s’en charger.

-OK OK MAX P'TAIN TU SAOULES.

-Tu mérites la terre entière, je le sais on est du même sang.»

On se fait la conversation une bonne heure pendant que j’enchaîne quelques clopes, c’est une occasion rare de pouvoir se parler aussi longtemps. J’ai le cœur qui s’allège très légèrement. J’oublie, enfin, un peu la réalité. Puis, mon téléphone se met à vibrer, le nom d’Aaron s’affiche.

«Je dois te laisser j’ai un appel important, on se reparle bientôt hein ?

-Tu connais déjà comment ça s’passe, mais dès que possible oui.»

Un dernier au revoir puis j’enchaîne avec le Master. Ce dernier vient prendre des nouvelles ainsi que m’annoncer qu’à la suite de l’autopsie, bien qu’il ne peut pas me révéler grands détails, il me confirme d’un ton très sérieux qu’on était pas responsable du décès. Je ne peux que m’avouer que cette fois-ci, c’était une vérité que je peux accepter. En grande partie. Les bouts de mémoire me hanteront encore un bon moment, mais je pouvais m’enlever l’étiquette de tueuse de gamin.

«Merci du fond du cœur Aaron.»

Je jette ma dernière cigarette tout en raccrochant après une petite conversation rapide, observant la noirceur une dernière fois. Un poids de moins, mon dos se relâcha. Arnaud était pas prêt de ne plus me voir. Dès demain, je postule au club d’auto-défense et de combat où est Senri, et je vais aller me chercher du boulot aussi.

J’ai besoin de recommencer à vivre correctement. Je dois m'occuper le crâne absolument pour surpasser toute cette merde.