Les cours ont repris depuis à peu près un mois et pourtant Ewen n'arrive toujours pas à se faire à ce rythme. Se lever à des heures auxquelles il se couche habituellement, rester éveillé, et surtout, attentif, la journée, pour rentrer bosser la soirée, voilà qui sonne comme un vrai supplice pour le garçon descolarisé depuis trop longtemps. Le pire, c'est qu'il n'y a que des ados bien plus jeunes dans sa classe et pourtant, ils sont tous bien meilleurs que lui. De quoi dégrader encore un peu plus le peu d'estime qu'il a déjà de lui-même.

Alors aujourd'hui, il a décidé qu'il en avait marre et que tant pis, cet après midi, il n'irait pas en cours. Il porte pourtant son uniforme, mais après la pause déjeuner, à l'heure où la plupart des jeunes repartent en cours ou éventuellement réviser selon leur emploi du temps, Ewen lui, retourne vers le dortoir dans lequel il est relégué depuis son arrivée. Même ça c'est hyper chiant. J'en peux plus de partager ma chambre avec tous ces gens ! S'il arrivait encore à prendre sur lui les premières semaines, ce manque d'intimité commence à lui peser sévèrement sur la conscience.

Heureusement, quand il pousse la porte, il constate pour son plus grand plaisir que la pièce est vide. Tous ses colocataires sont sortis, ce qui lui laisse un petit moment de répit. Et s'il hésite à faire la sieste (c'est qu'il ne dort clairement pas assez en ce moment) c'est son estomac qui le rattrape. Parce que comme souvent, il n'a pas non plus pris la peine d'aller manger à midi. Rebelle jusqu'au bout, que voulez vous.

Mais il sait. Il a bien capté que l'un de ses colocs était du genre à avoir constamment des réserves de bouffe sur lui. Quelque part dans l'un de ses sacs. Si Ewen est très doué pour se faire oublier, il l'est tout autant pour observer ce qui l'entoure. Et ce genre d'information ne passe pas inaperçue. Surtout qu'ils ont l'air beaucoup trop bons ses gateaux... Le genre de gateaux qu'on ne trouve pas à la cantine et qu'il n'a très certainement pas les moyens de s'offrir.

Il dépose son sac à dos (archi usé et tout rapiécé) au pied de son lit, et profite d'avoir le champ libre pour fouiller dans les affaires qui doivent contenir de quoi sustenter son estomac vide. Et des sacs à fouiller, il y en a quelques uns. Beaucoup plus que ceux que lui-même ne possède. Mais au moment où il trouve enfin l'objet de son désir (un paquet à l'emballage criant de couleurs flashy et à l'écriture qu'il ne saurait déchiffrer), il entend la porte s'ouvrir. Merde. Se rendant bien compte qu'il ne peut retourner à son lit comme si de rien n'était, Ewen tente le tout pour le tout, prenant place sur le lit de son camarade gourmand comme s'il s'agissait du sien. En espérant que ça passe.

Un bon mois de cours, de programme chargé sans vraiment prendre le temps de se reposer. La fatigue commençait à pointer le bout de son nez, à se faire sentir. Ca devenait compliqué de se lever le matin, de suivre les cours comme il faut et de les apprendre. Le jeune homme aux longs cheveux bruns puisait dans ces dernières sources d’énergie, il allait bientôt être à sec, s’étonna même d’avoir tenu aussi longtemps. Cette matinée aussi fut assez chargée, il avait aucune heure d’études, de pause, des cours à s’en arracher la tête; des mathématiques et de la physique chimie. L’après midi arriva, suite à un bref repas à la cantine, fut plus tranquille et amusant pour lui. Il eut sa matière préférée, à savoir deux heures de sport. Sorin pu se défouler, dépenser le reste de son énergie dans des efforts physiques. C’était bénéfique, malgré sa fatigue, à tout niveau: Le prince de la jungle restait trop assis en semaine, ses muscles en prenaient un coup, son souffle n’était plus le même et il avait remarqué une perte considérable de poids. En ce moment, ils faisaient de l'athlétisme, de la course et de l’endurance. Au niveau de la vitesse, Sorin n’avait aucun soucis à se faire, arrivait souvent dans les premiers à l’inverse de l’endurance ou il peinait à cause de sa respiration. Il arriva en sueur, à bout de souffle, l’une de ses mains sur son torse. Il toussa à plusieurs reprises, donna l’impression de cracher ses poumons. Le professeur le remarqua, eut une petite peur et alla le voir. Il mit sa main dans son dos, l’enfant de la nature en fut surpris, lui conseilla d’aller s’asseoir sur le coté pour le restant du cour. Il le mettait sur la touche, ca avait été dit directement, le coeur sauvage l’eut un peu mauvaise même s’il ne discuta pas son ordre.

Le jeune homme aux longs cheveux d’or s’était permis de lui demander s’il pouvait récupérer son petit sac avant d’aller se poser sur l’un des bancs autour du stade. Là, il prit sa bouteille de son sac, une sorte de jus de fruits à base de pommes Sorin en bu quelques gorgées, attendit le reste de la classe. Les derniers arrivaient tranquillement de leur marathon. Ils avaient eut un parcours assez long à travers une forêt, la ville, indiqué par des petites balises jaunes et bleus sur les cotés, souvent accrochés en hauteur de façon à être bien visible. A la fin du cours, le coeur sauvage alla se changer avec les autres, jeta un oeil sur son emploi du temps et vit avec émerveillement un grand vide en bas de la case sport dans la cologne du jeudi. Sa journée était fini, il était temps, le jeune prince de la nature allait pouvoir se reposer et prendre un peu de temps pour lui dans les dortoirs..

“ .. Descends de suite !”

A peine ouvert la porte, Sorin sentit une énorme colère, rage monter en lui. Un grognement sourds, les poings et les dents serrés, le prince de la nature se rua de suite vers cet avorton, le prit par le col et le tira de son propre lit.

“ Pourquoi? “

Il parlait mais ses mots sonnaient plus comme des grognements bestiaux, de fauves voir de monstre.

Faire comme si de rien n'était. Ne pas prêter attention au nouvel arrivant. C'était le plan de départ. Un plan qui vole en éclat en moins de deux secondes. Cherchant à faire le calme en lui pour cacher la surprise créée par l'ouverture de la porte, c'est l'ascenseur émotionnel lorsque la voix de l'autre garçon lui parvient. Une voix accusatrice dans laquelle il n'est pas difficile de comprendre qu'il ne pourra pas s'en sortir aussi facilement.

- "Eh att..."

Pas le temps d'articuler plus de deux mots que voilà déjà le colosse (parce que oui, du haut de son mètre cinquante avec ses quarante kilos Ewen ne pèse littéralement pas bien lourd face à son adversaire) qui l'empoigne, ne lui laissant aucune possibilité d'explication. Ses doigts se referment sur les poings qui enserrent son col, et c'est avec l'ondulation disgracieuse d'une anguille qu'il se laisse glisser en dehors de son sweat, l'abandonnant à l'adversaire pour aller se réfugier, se trainant à quatre pattes, vers son propre lit.

Le coeur qui bat à mille à l'heure, il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas ressenti une telle trouille. Enfin, longtemps, tout est relatif. Disons qu'avant, ça faisait partie de son quotidien. Maintenant, ces cas extrêmes sont seulement un peu plus espacés.

- "J't'ai rien fait du tout, pas la peine d'être aussi agressif !"

Se sentant pousser des ailes par on ne sait quel miracle (sûrement parce qu'il est coincé dans cette chambre et qu'il ne pense pas une seconde être capable d'aller plus vite que l'autre) il tente de présenter les choses de la façon qui l'arrange le plus.

Parce qu'il y a toujours un autre problème. Si son petit tour de passe passe lui a permis d'échapper à la prise du mécontent, eh bien, maintenant, il n'a plus de sweat. Alors qu'il venait de l'acheter, bien grand, espérant qu'il puisse lui durer plusieurs années ainsi. Ce serait vraiment bête de le perdre au bout d'une semaine.

Non. Il ne peut pas abandonner si facilement autant d'argent !