Sa journée touchait à sa fin. Même s'il était encore tôt, Ys put enfin terminer son service. Disons que commencer très tôt le matin pour préparer le nécessaire en cuisine afin d'assurer une qualité de service, pouvait aussi être épuisant. De ce fait, lorsque le chef annonce qu'il est enfin quatorze heure et que les cuisines sont propres, c'est avec soulagement que le garçon peut rendre son tablier.

Face à son casier, malgré son handicape, il se débrouille suffisamment bien pour avoir fait ses preuves et être admis au sein de l'établissement. Certes il aurait pu couler des jours heureux s'il avait accepté ne serait ce qu'un billet de son héritage. Mais non. Ne désirant n'être lié en rien avec son défunt père, Ys eu enfin la chance de trouver un travail qui ne lui est pas inconnu.

"Hé Ys?! Ca te dit de te joindre à nous ce soir? On va au bar, tu sais, celui qui a des airs de jungle."

"Non ça ira, merci les gars."Lance-t'il à son tour.

Ici, personne ne le connait réellement, du moins, pas en ce qui concerne son passif. De ce fait, il est accepté sans grand mal. Calme, réservé et serviable. Le parfait collègue sans problème.
Casier fermé, casquette sur la tête, veste en cuir noire camouflant ce "manque", Ys est l'un des derniers à quitter les lieux tout en saluant le chef de cuisine. Jetant un coup d'oeil à son téléphone, vérifiant ainsi l'horaire, le jeune homme jugea bon qu'il était plus désirable de profiter de cette journée avant d'aller se reposer dans son appartement.
Un appartement avec une meilleure apparence, et ce grâce au coup de main d'Aria. Il faut dire que la rouquine est surement l'une des personnes les plus têtues qu'il puisse connaitre. Malgré ses revendications, cette dernière avait insisté pour l'aider et remettant ainsi de l'ordre dans sa vie. Et en soit, c'était aussi une excuse pour avoir de la compagnie. Un sentiment d'exister, et heureusement qu'il avait son amie pour cela, il lui devait énormément.

Ceci dit, Ys jugea agréable de boire un café avant de disparaitre jusqu'au lendemain. Le temps lui permettant même de profiter de la terrasse. Un lieu idéal en ces temps ci où le soleil illumine les jours, d'ailleurs le monde présent le prouve. Cependant, il restait des tables de vides mais son attention fut attirée par autre chose. Il reconnut sans grand mal Mitsuki, seule. A moins qu'elle n'attend quelqu'un, Ys eut un brève hésitation, restant en retrait à la contempler un instant.

Après tout, leur dernière rencontre s'était mal passée. Elles se passent toujours mal. Alors un peu plus ou moins, qu'est ce que ça peut bien changer?
Il fallait faire des efforts, n'est ce pas Aria? Toujours des efforts.
Alors c'est d'un pas calme et serein qu'il se dirige vers elle sans qu'elle semble s'en rendre compte.
Et seulement à sa hauteur, il l'accoste enfin d'un doux sourire.

"Salut. Je peux me joindre ou tu attends quelqu'un?"

HRP : J'ai oublié de te le dire par MP et la flemme de faire un double envoi, mais du coup : Ys travaille au restaurant alors (et la demande officielle là-dedans ?! ) ? Cuisinier, serveur ? Que je puisse mettre à jour la liste des employés de Terrae héhé (J'te pardonne parce qu'avec ta longue absence t'as perdu la main, j'comprends) (lol j'viens de relire mon post avant de poster, pour les erreurs tmtc, et en relisant ce "t'as perdu la main j'comprends" j'ai juste trop ri, c'était pas volontaire mais qu'est-ce que je peux être drôle quand même)

Aujourd'hui, horreur en salle des Masters. Quand je suis arrivée ce matin, j'ai appris que la machine à café était cassée. Et là, plusieurs réactions possibles, je le sais :
1) T'es Tonnerre et bricoleuse, non, il te suffit de la réparer ? BEN OUI MAIS NON QUAND UNE PIECE EST CASSEE, ELLE EST CASSEE et je crée pas encore des morceaux de plastique avec l'électricité.
2) T'as peut-être pas vraiment besoin de café, t'es assez énergique comme ça. JE NE PRENDRAIS MEME PAS LA PEINE DE REPONDRE.

J'étais donc à cran depuis ce matin. Parce qu'en plus j'avais oublié d'en racheter en courses la dernière fois donc j'en avais plus à la maison DONC j'avais pas non plus pu prendre de café avant de venir ici. Bref, cette journée commençait aussi mal qu'un lundi en début de semaine, sauf que c'était même pas un lundi. Et on s'en fiche en fait.

Evidemment, la machine à café étant l'un des éléments clé dans chaque espace de travail, une nouvelle machine avait déjà été commandée. Sauf qu'elle arriverait le lendemain. Et en attendant, on devait tous prendre sur nous. MONDE CRUEL.

Après avoir fini ma matinée à l'Institut, matinée bien mangée par le travail, parce qu'en fait il était carrément 14h, mais que voulez-vous, je m'étais prise dans le codage que j'essayais de réaliser pour automatiser la prise d'information des caméras de sécurité de Terrae, j'avais pris la décision de prendre un café au village de Terrae avant de rejoindre le laboratoire pour tester les nouvelles technologies que j'avais mises au point. Enfin, c'était vraiment encore à l'état de prototype, mais je voulais vraiment essayer d'exploiter cette nanotechnologie de la poussière de cristal, alors je n'avais qu'à tester. Et fallait être honnête, le laboratoire de Terrae était mieux équipé que mon atelier pour ça. Et ça allait être encore mieux quand nous aurions enfin un VRAI GRAND LABO QUE POUR NOUS oui parce que pour l'instant on partage quand même la salle d'expérience avec les élèves de Terrae, du coup on doit ranger tous les jours ce qu'on sort dans des armoires fermées à clé pour qu'ils fassent pas n'importe quoi pendant leurs cours.

Bref. Tout ça c'est pour dire que j'avais besoin de force. Et donc de café.

Mon précieux récupéré, je m'installais en terrasse pour profiter du soleil qui revenait doucement mais sûrement. C'était sans compter sur l'apparition d'un gros nuage.

Mes yeux se levèrent lentement vers lui. Je restai quelques secondes muette, me mordant l'intérieur de la joue. Je vais pas dire "Pourquoi est-ce qu'il est là encore ?!". Quelque part, il m'a laissé le choix (que je n'avais pas à faire), alors... Enfin Terrae c'est pas grand, donc c'est normal qu'on se croise. Mais vraiment, j'aurais préféré que ça n'arrive pas.

Je baissai le regard sur mon café.

-Non, j'attends personne.

ET POURQUOI J'AI PAS JUSTE DIT QUE TU NE POUVAIS PAS T'INSTALLER HEIN CA ON SAIT PAS.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

Bah il prend un café en fait. Genre vraiment c'est ce que tout le monde fait ici. Pourquoi j'engage la conversation, au juste ?!
Et voilà qu'il s'installe, la boule dans l'estomac s'installe, help.

HRP> "perdu la main"  AHAHAHAHAH kumpf kumpf!
Pardon je m'étouffe tellement c'était drôle -_-  (raciste des handicapés va x'D)


Si appréhender sa réaction est toujours une épreuve pour le jeune homme, Ys réussit néanmoins à le réaliser avec moins de difficultés. Disons, qu'il l'aborde désormais comme n'importe qui, qu'importe son comportement, si Mitsuki souhaite le repousser ou inversement. (même quand il est catégorisé de GROS NUAGE!!!)
Bel évidemment, la réaction de la Master ne fut pas une surprise. Cependant cette dernière ne rejette pas pour autant la présence du garçon et le questionne même sur la raison pour laquelle il se trouve ici. Ce à quoi, arquant un sourcil, Ys jette un coup d'oeil autour d'eux avant de répondre avec légèreté:

"Hum, disons un peu comme tout le monde ici..."

Ouais, elle est étrange sa question. Soit clairement sa présence la dérange et l'envoie sur les roses avec une question sans intérêt, soit elle s'intéresse réellement à lui. (LOL)
Et pour appuyer sa réponse, Ys pose son café sur la table avant de s'installer aux côtés de la jeune femme.

"Je sors tout juste du travail en fait. Et toi? Dure journée?"

Comme à son habitude lorsqu'Ys lui adresse la parole, la jeune Master détourne des yeux. C'est si compliqué de lui adresser un regard? Pour tout dire, c'est assez déstabilisant en ce qui concerne l'homme, mais il garde la face, reprenant une profonde inspiration.
Toutes leurs rencontres allaient-elles forcément se passer de la sorte?
Ys s'y refuse. Il aimerait pouvoir entamer une conversation avec son ex sans l'intime conviction de la déranger. Alors il décide de prendre les choses autrement.

"Je peux te proposer quelque chose? Et si on reprenait, comme deux personnes qui se rencontrent la toute première fois. Si on reprenait depuis le début?

Probablement que cela serait plus simple. Peut être que se redécouvrir permettrait d'avancer sans aucune rancune, sans aucune haine. Ainsi il n'y aurait plus de mal à l'aise entre eux, du moins, un peu moins.
Alors, ne perdant pas confiance, Ys lui tend sa main et reprend d'un doux sourire:

"Salut, moi c'est Ys. Est ce que je pourrais t'offrir ce café?"

HRP : C'était absolument pas volontaire, je l'assure.

Oui bah oui bien sûr qu'il vient ici pour faire comme tout le monde et prendre un café. C'était vraiment une question stupide. Est-ce que je vais encore retomber dans l'inlassable boucle du "Ah pourquoi je réagis comme ça ça m'énerve ça y est je suis agacée voilà j'en ai marre" ?? Oui, fort probablement.

Ys s'installa donc. Il quittait donc du travail. Où est-ce qu'il travaillait ? Non, ça ne me regardait pas. Rien dans sa vie actuelle ne me regardait plus désormais. Je devais faire taire cette curiosité.

Je restais silencieuse face à son retour de question. Mon doigt commençait à tapoter à côté de ma tasse, signe de... Je ne sais pas, anxiété, stress, mal-être, tout ce que vous voulez.

Je risquais pourtant un regard dans sa direction alors qu'il reprenait la parole. Il ne lâchait jamais l'affaire. Il tentait encore et encore. Mon coeur se serra à ce constat. Combien de fois avais-je été dans la situation inverse autrefois, quand il partait et que je tentais de le faire revenir ? Et inversement, probablement... On ne voit toujours les choses que de notre point de vue...

Je me pinçai les lèvres et tournai la tête sur le côté, m'intéressant une fois de plus à tout ce qui se passait autour plutôt qu'à lui. Genre ces gens qui ont l'air de passer vraiment un trop bon moment à côté de nous et qui n'ont pas du tout l'air mal à l'aise comme moi actuellement. WALLAH c'était trop demandé de juste prendre un café en profitant du soleil ?!

Et Ys reprit la parole. En même temps, qui ne dit mot consent, hein ? Fichu proverbe.

Alors que mes yeux tombaient sur cette main tendue dans ma direction, je sentis mon coeur se serrer - vraiment fort cette fois. Mes yeux s'embuèrent presque instantanément et je relevais le regard vers lui, perdue.

Ce flash. J'aurais voulu ne jamais l'avoir. Jamais.
Cette jeune Mitsuki qui avait l'un de ses fameux coups de mou. Qui traînait au lac, attendant que le temps passe, profitant de l'air frais, avant de finalement décider de rentrer pour aller dormir. Et qui trouva alors, adossé contre sa porte de chambre, celui qui allait jouer un rôle si important dans sa vie.
Cette première nuit passée ensemble. Ces premiers rires. Ce jour où il m'a demandé de devenir sa professeur.

Je reniflai péniblement, essuyant maladroitement les larmes qui avaient roulé sur mes joues, la main tremblante.

-Non, Ys, je...

Je m'arrêtai pour prendre une lourde inspiration, essayant de calmer les battements de mon coeur. Pourquoi. Pourquoi avait-il fallu que je revois ça ?

-Je suis pas capable de faire ça, je suis désolée.

Je suis désolée. Encore et toujours. Alors que je pensais être en colère contre lui, je réalisais seulement maintenant que je passais mon temps à m'excuser à chaque fois que je le voyais.

-Je peux pas faire comme si on se rencontrait seulement. Il s'est passé trop de choses et je...

Et maintenant que tu es là, tout me revient en pleine face. C'est la réalité, finalement. J'avais fait mon "deuil". J'étais passée à autre chose. J'avais évolué, j'avais grandi. J'étais vraiment allée de l'avant. J'avais réussi à dépasser ça, j'avais même réussi à le dépasser suffisamment pour me porter volontaire dans les recherches. Pour aller le chercher moi-même. Mais est-ce qu'au fond je n'avais pas fait ça justement parce que c'était lui ? N'importe qui aurait pu faire cette mission. Certes, j'avais la capacité de le sentir, plus que les autres Masters. Mais n'était-ce pas infime, finalement ? Cette différence ne tenait à rien. N'importe qui aurait pu prendre cette fichue bague et faire cette mission à ma place. J'avais juste eu besoin de le faire pour voir. Pour savoir. Pour le voir.

Mes yeux à nouveau remplis de larmes, je posai à nouveau mon regard sur lui, m'essuyant encore avec maladresse.

-Je crois juste que quelque chose s'est brisé.

HRP> Je te crois... mais c'était drôle x'D



La main suspendue dans le vide, Ys ne s'attendait pas à une telle réaction. De toutes les possibilités, il préfère quand elle l'ignore ou le rejette, plus ou moins directement. Mais aucunement il n'apprécie ce qu'il se déroule sous ses yeux.
Le regard de la jeune femme fut déboussolant pour lui. Il n'aurait jamais pensé qu'une telle proposition puisse autant la bouleversée.
Si c'était pour obtenir un tel résultat, il aurait mieux fait de s'abstenir et de la laisser tranquille. Après tout, n'était ce pas le message qu'elle tentait en vain de lui faire parvenir depuis le début?
Seulement il serait trop lâche de partir en la laissant ainsi et dans le fond, il en était incapable. Il ne souhaite plus jamais voir Mitsuki dans un tel état, surtout quand ça le concerne.

Autrefois, il se serait battu avec n'importe qui. N'importe qui qui aurait osé l'attrister. C'était le cas. Puis un jour, tout a changé. A moindres fois, ce fut li qui la faisait pleurer. Depuis quand ne voit-il plus clair?

Sa main vint toucher la table lentement, tandis qu'il écoute les paroles de la jeune femme. Et le verdict qui tombe est juste plus pénible encore. Mitsuki brisée est probablement la pire chose qu'il aurait à entendre. Il fixait la jeune femme sans quoi répondre, baissant à son tour les yeux sur les cafés.

La plaie est encore bien ouverte.

Puis, il se reprend, il le faut. Car malgré sa détresse, il ressent qu'elle a besoin de lui. Pas de Ys, mais de quelqu'un sur qui s'appuyer. Quelqu'un pour la consoler, l'écouter. Alors le jeune homme tâte ses poches et en sort un paquet de mouchoir. (depuis son accident avec Alyona, il gardait toujours un paquet sur lui par prudence).
Tendant cette fois un mouchoir à la Master, il reprit d'une douce voix:

""J'ai bien conscience que je t'en demande beaucoup mais j'aimerai vraiment pouvoir te parler, de temps en temps."

Même s'ils ne sont plus le couple Mitsuki et Ys, il n'en demeure pas moins qu'elle reste une personne essentielle et unique dans sa vie. Il aura toujours besoin d'elle. De lui parler, de la voir. Evidemment il respecterait son choix si cette dernière ne souhaite pas continuer une quelconque relation avec lui.
Mais la croiser lors d'un regroupement ou d'une fête, juste pouvoir l'apercevoir sans jamais lui adresser la parole serait douloureux à supporter.

"Je te demande pardon de t'avoir fait souffrir. Je te demande pardon pour toutes les souffrances que je t'ai causé Mitsuki."Souffle-t'il.

Elle avait probablement besoin de l'entendre tout comme il avait besoin de lui dire. Sa culpabilité le rangeant suffisamment quand il s'agissait de ses amis, mais d'autant plus quand il s'agissait d'elle.

"J'aimerai juste pouvoir être avec toi, de temps à autre. Te demander comment se passent tes journées. Ce que tu aimerais faire ce week-end. Quels sont tes projets. Si tes parents vont bien aussi. J'aimerai... est ce que tu aimerais, toi, qu'on se donne une chance de partager du temps ensemble?

Je fixai un long moment le mouchoir qu'il me tendait, mon cœur continuant à tambouriner contre ma poitrine. Ca y est, j'avais craqué. J'avais pleuré devant lui. C'était minable. Et pourtant, je n'arrivais pas à arrêter. Pourquoi avait-il fallu que mon coeur le choisisse lui ? Tout aurait été tellement plus simple si ça avait été quelqu'un d'autre. Rien de tout cela ne serait arrivé. Si je ne l'avais pas invité dans ma chambre ce soir-là, si je n'avais jamais accepté de devenir son professeur... Il aurait rencontré quelqu'un d'autre. On va pas se mentir, les couloirs des Tonnerres étaient remplis de personnes comme moi. A quelques minutes près, c'était quelqu'un d'autre qui le trouvait dans le couloir et qui lui proposait son aide. A quelques minutes près, il rencontrait quelqu'un d'autre, et nous ne nous rencontrions jamais...

Jamais, vraiment ?

Terrae est si petite...

Il reprit la parole. Je n'avais pas envie de prendre ce mouchoir qu'il me tendait, mais je fus obligée de reconnaître que je n'en avais pas trop le choix. J'essuyais d'abord mes yeux avant de me moucher dedans.

J'avais rien à répondre. Oui, c'était beaucoup demandé. Mais c'était stupide d'appuyer le point. Il l'avait déjà dit.

Ses excuses firent naître un nouveau sentiment étrange en moi, mais je ne l'identifiais pas. Peut-être que j'en avais besoin. Peut-être pas... J'étais trop perdue.

Le mouchoir déjà utilisé, je recommençais à essuyer les larmes qui continuaient à perler sur mes joues avec la manche de ma veste. Ce qui était parfaitement ridicule parce que cette veste était en cuir.

Je serrai ce petit morceau de tissu entre mes doigts comme s'il s'agissait de la seule ancre à laquelle je pouvais me rattacher pour ne pas sombrer. C'était stupide, bordel, mais il fallait que ça cesse !

Et les larmes se tarirent donc. Je relevai de nouveau mon regard vers Ys, cessant de fixer mes poings serrés sur mes cuisses.

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, au cours de ces dernières années ?

Je ne répondais pas à ces questions. Je n'arrivais pas à trouver la volonté de le faire. Mais visiblement, cette curiosité-là avait besoin d'être assouvie.
Oui, Ys. Qu'as-tu traversé au cours de ces trois dernières années ?
J'ai avancé. J'ai grandi. Tu le sais déjà. Tu l'as vu. Mais moi, je ne sais rien de ce qui t'est arrivé depuis que tu es parti.

C'est un murmure. Non, même pas, je crois que c'est juste une pensée que j'ai espéré prononcé assez fort.
J'ai besoin de savoir. J'ai besoin d'avoir des réponses à mes questions. Si je me suis reconstruite, j'ai aussi beaucoup tourné en boucle au début. "Qu'est-ce qu'il fait aujourd'hui ?" "Est-ce qu'il va bien ?" "Est-ce qu'il reviendra ?" "Non, il ne reviendra pas. Mais où est-il, finalement ?" "Est-ce qu'il est blessé ?" ... Et tant d'autres questions laissées sans réponse. J'ai appris à me reconstruire sans avoir les réponses à ces questions. J'ai appris à me reconstruire en inventant des réponses à ces questions. "C'est pour le mieux." "Si c'est arrivé, c'est que ça devait arriver." "Ca n'aurait probablement jamais pu bien se terminer entre nous de toute façon." "Il doit aller mieux. C'est ce qu'il voulait après tout."

Mais maintenant, j'avais la possibilité d'avoir des réponses. Peut-être que je devais commencer à voir les bons côtés de son retour, plutôt que continuer à me torturer l'esprit sur l'état dans lequel ça me met.

Les réponses à toutes mes questions sont enfin à portée de main, finalement.

Mais au lieu de me répondre, il fait le choix de parler d'autre chose. Je ne peux pas lui en vouloir, je fais la même chose. S'il y a bien une chose que je sais, c'est que déjà avant son départ, la communication n'était pas notre fort.

Je remarquais que je serrais le paquet de mouchoirs qu'il avait tendu dans ma direction entre mes doigts quand il acheva sa dernière phrase. Mes yeux se perdirent un instant dans l'immensité noire du café qui trônait en face de moi et que je n'avais toujours pas bu. Quel gâchis, il devait être froid maintenant.

Mon coeur se serra encore, mais je crois que je n'étais plus à ça près. Boh, de toute façon, au point où j'en étais... Peut-être qu'on pourrait dire quelque chose comme "Au moins les choses sortent enfin.".

-Ca doit être à cause de la bague que tu avais laissée derrière toi.

Je ne pouvais plus l'appeler "ma bague de fiançailles".
J'imagine que son énergie, ancrée à l'intérieur, avait permis à nos esprits de se retrouver parfois. La magie, tout ça. Finalement, il y aura probablement toujours des choses qu'on ne sera jamais capable d'expliquer. Toujours est-il que ces sensations, ce rêve... Tout ça avait cessé lorsque j'avais remis la bague aux Masters. Alors soit c'était la bague. Soit c'était le temps qui avait passé. Soit mon deuil de notre relation avait franchi l'étape supérieure et avait coupé ce contact.

Je n'ai jamais parlé de ce rêve aux Masters. Ou à Aoi, ou à Aaron. De toute façon, au moment où c'est arrivé, je n'étais capable de parler à personne. Et je n'en avais pas envie. J'avais juste envie de rester toute seule. Ce que je sais, c'est que c'est arrivé. Et avec le recul... Avec le recul, je réalise que, peut-être, si j'en avais parlé, nous aurions été en mesure de retrouver Ys plus tôt. Et tout cela ne lui serait pas arrivé. J'imagine. Peut-être. De toute façon, avec des "si" on pourrait refaire le monde. Ce que je sais, c'est que je n'aurais jamais été capable de faire ça à l'époque. Et finalement, après que je leur ai remis la bague, ils ont pu continuer et approfondir leurs recherches ; Ipiu et Athéna étaient même allées à sa rencontre - pour revenir les bras vides. Mais ce n'est pas comme si je n'avais pas participé du tout.

-Ce n'est pas à toi de savoir ce que j'ai besoin de savoir ou pas.

Mon ton est un peu plus sec que ce à quoi je m'attendais. Mes yeux s'ancrent dans les siens. Il a sa réponse. Je sais très bien qu'il pourra l'avoir en lisant dans mon regard. Ce n'est pas pour rien que je suis incapable de faire comme si nous nous rencontrions seulement ; il y aura toujours quelque chose entre nous. En revanche, moi je ne l'ai pas. Et j'ai besoin de mots.
Ok, peut-être a-t-il besoin de mots aussi. Mais j'ai posé ma question en premier.
C'est pas très juste. J'en suis consciente. Mais là, je crois que j'ai juste besoin d'être égoïste et capricieuse.

Je ne céderai plus aussi facilement qu'avant. Je l'ai déjà dit : quelque chose s'est brisé. Et peut-être que c'est simplement ma dépendance à lui.

Etait-il déçu par ma réponse ? Je le regardais allumer une cigarette sans rien dire, les yeux rivés sur lui, prête à reprendre la parole. Cette fois, ce n'était plus moi qui avait le regard fuyant. Et étrangement, c'était... satisfaisant, après tous ces moments où je m'étais montrée si faible face à lui, depuis son retour.

Je l'écoutais donc m'expliquer comment s'était déroulé son voyage sans dire un mot.
Je fronçais légèrement les sourcils à la fin de son récit. Et... C'était tout ?

Non. Je ne devrais pas faire ça. Il avait mesuré chacun des mots qu'il avait utilisé. Il avait fait attention à chaque information qu'il m'avait fournie. Je savais très bien que ce périple avait été bien plus difficile que ce qu'il ne me disait là. Ok, il évoquait Akira qui lui avait permis de rester... "humain". Mais il y avait bien plus. Il ne se perdait pas dans les détails consciemment.

Sauf que quelque part, c'était décevant.

Décevant, parce que sans partir, nous étions arrivés aux mêmes conclusions. En restant ensemble. En travaillant ensemble. Je m'humectai les lèvres, portai ma tasse à mes lèvres avant d'arrêter de boire. Ca n'avait plus d'intérêt, le café était froid maintenant.

-Nécessaire pour toi.

Je marquai une pause. Non, sans contexte, cette phrase n'avait aucun intérêt. Mais comment formuler ça sans être blessante ? La seule chose que j'allais obtenir avec ce genre de réflexion, c'était encore des excuses, et je commençais à en avoir marre des excuses : il les avait déjà formulées encore et encore, ça ne servait à rien de continuer à tourner en rond. S'il y avait bien une chose sur laquelle j'étais d'accord avec lui, c'était qu'il fallait aller de l'avant. Je me mordillai un court instant la lèvre inférieure avant de reprendre la parole.

-Nous sommes finalement parvenus aux mêmes résultats que toi... en agissant avec nos méthodes.

C'était inutile, ça aussi. Il le savait, je savais pertinemment que ça avait dû lui être rabâché encore et encore depuis qu'il était revenu. C'est d'ailleurs la seule raison qui expliquait que nous ayons finalement pu le retrouver et le sauver des griffes du Centre : nos recherches avaient abouties aux mêmes résultats.

-Est-ce que tu as eu les réponses que tu voulais ? Est-ce que cette... aventure t'a permis de... d'avancer ?

Je ne savais pas vraiment comment poser cette question, parce que finalement, même encore maintenant, je ne comprenais toujours pas ce qu'il avait cherché à faire. Je crois qu'il aurait beau me le répéter encore et encore, le sens me paraîtrait abstrait. Je n'arrivais pas à me représenter ce que lui semblait voir si distinctement.

Mais une autre question s'imposa à moi.

-Est-ce que tu as le sentiment d'avoir fini ce que tu cherchais à faire ?

Ou bien aurais-tu préféré continuer ta quête loin d'ici, loin de Terrae ? Aurais-tu préféré que nous ne venions pas te récupérer pour... t'emprisonner ici ?

Tout détruire. Ca ressemble bien aux discours qu'il tenait avant de partir. Mais tout détruire... Ce n'est pas non plus la solution. Si ? Est-ce que je suis trop imprégnée de l'esprit de Terrae ? Est-ce que mon jugement est faussé ? Mais si on détruit tout, on tue aussi des personnes innocentes... Des gamins formatés. Qui n'ont jamais rien demandé et qui un jour se sont fait enlevés pour les besoins de Centre... Des soldats qui ont été embrigadés. Je ne sais pas. Peut-être que je ne perçois pas une nuance qu'Ys voit clairement. Mais tout détruire me paraît tellement... exagéré.

Mon regard se voila alors qu'il m'avouait avoir la sensation que toute son existence n'avait toujours été que colère. Toute son existence. Même nous ? Même ce qu'on a pu vivre ?

C'est difficile de le voir. C'est difficile d'affronter son regard. D'entendre sa voix. De sentir sa présence - même sans pouvoir, je sens son odeur, son regard, je devine ses mouvements... Mais même avec ça, même avec tous les moments difficiles qu'on a vécus -parce que ça j'ai bien fini par le comprendre à mes rendez-vous psychologiques ; la dernière fois où l'on s'est vus n'est pas la seule fois où ça a dérapé... Malgré toutes les péripéties, il y a quand même eu des bons moments dans notre relation, non ? Des moments où ce n'était pas juste... de la colère ?

Ma posture se ferma un peu plus, blessée par ces mots. Les suivants ne m'atteignirent même pas. Non, il ne comptait pas revenir. Et finalement, je ne l'attendais plus. Je ne pensais pas réellement que nous le retrouverions un jour. Et surtout pas en vie, le cas échéant. Alors non, moi non plus je ne pensais pas qu'il reviendrait. Je m'étais faite à l'idée. Il était parti en disant qu'il créerait un monde meilleur, un monde où je pourrais vivre sans craindre le moindre danger : ce monde n'existe pas. J'irais toujours à la rencontre du danger, parce que c'est comme ça que je suis. Alors fondamentalement, il n'aurait jamais pu revenir, s'il s'agissait là de son véritable objectif.

-Oui, j'ai d'autres questions.

Je sentis que ma bouche était sèche, mais ce n'était pas grave. J'étais lancée, je ne devais pas m'arrêter.

-Même si tu ne comptais pas revenir, tu es à Terrae maintenant. Tu regrettes d'avoir été... sauvé ? Ou enlevé ? Je ne sais pas trop comment tu vois les choses...

Mes yeux se perdirent un instant sur mes doigts qui jouaient avec l'anse de ma tasse. Je reportai mon regard sur lui.

Bizarrement, je m'attendais à cette réponse. Je ne suis même pas déçue ou triste. Il est parti, et on l'a ramené de force. Nous n'avions pas le choix quelque part ; on ne pouvait pas laisser le Centre accéder à ces informations - et encore, ils en ont déjà trop appris, nous aurions dû le récupérer avant. Et on ne pouvait pas le laisser continuer à tout détruire autour de lui. Même si je n'étais pas encore impliquée dans sa recherche à ce moment-là, je ne suis pas ignorante non plus, je sais très bien ce à quoi Ipiu et Athéna ont dû faire face à l'époque.

Mes pensées se dirigèrent un instant sur Akira. Etait-il déçu, lui aussi, d'être de retour ici ?

Je reportai mon regard sur Ys alors qu'il reprenait la parole pour m'indiquer qu'il ne nous en voulait pas, ni à Aoi, ni à moi, ni à l'ensemble des Masters en fait. ...Est-ce que je peux espérer que quelque part, il soit un minimum reconnaissant envers nous pour lui avoir sauvé la vie ? Ou peut-être aurait-il préféré...

-Tu aurais préféré mourir ?

Je ne pourrais pas lui en vouloir pour ça non plus. Parfois, la mort est plus facile à gérer que la rédemption. Je ne dis pas que ce n'est pas des réponses douloureuses à entendre. Cela creuse encore un peu plus profondément le fossé qui nous sépare désormais. Mais je crois que j'ai quand même besoin de l'entendre.

Je sais très bien qu'il peut me répondre "oui" à cette question. Même s'il essaie de se reconstruire pour... son amie.

Je haussai une épaule, me rappelant qu'il m'avait demandé si je souhaitais reprendre un café. Je n'avais même pas répondu, trop obnubilée par toutes ces pensées qui tournaient dans mon esprit. J'avais enchaîné sur une autre question, encore. Quelque part, je devais bien lui reconnaître ça : il avait gagné en patience...

-Si tu veux.

Ce n'est pas un oui. Mais ce n'est pas un non. J'imagine que je lui dois au moins ça, après toutes les réponses qu'il m'a données. Peut-être que lui aussi a des questions. Non, je sais qu'il en a, je les ai juste évitées jusqu'à présent en l'ignorant ou en lui disant que je n'étais pas capable de répondre. Mais je lui dois au moins ça.

-Je suis venue tous les jours. Lorsque tu étais hospitalisé. Je suis venue tous les jours. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, mais j'imagine que tu es en droit de le savoir.

Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui dis. Probablement parce que j'estime qu'en effet, il est en droit de le savoir. Et étonnamment, le dire ne me semble plus si difficile que ça. Je crois qu'avoir des réponses à mes nombreuses questions m'a apaisée un peu.

Je vivais dans l'illusion d'un Ys similaire à celui que j'ai aimé. Mais cette personne est bien loin désormais.

Il fera donc ce qu'il voudra de cette information.