Malgré ma panique, la directrice m'écoute et me calme. Je finis par acquiescer à ses paroles, et prend le temps de reprendre mon souffle. Je me sens revivre. Le fait qu'elle me dise qu'on va s'occuper de ma famille ça me rassure dans un premier temps. Ma panique passe tandis lentement. Je reprends possession de mes moyens et arrive à penser plus clairement.

Misao nous rejoins, je pointe les capteur au creux de mon coude.

- Je peux les retirer ?

Il ne devrait plus y avoir beaucoup d'énergie à quantifier, mais on ne sait jamais. J'acquiesce quand Hideko nous dit qu'elle va nous accompagner à l'infirmerie et que je pourrais lui expliquer la situation en chemin. L'eau qu'elle envoie sur mes plaies me rappelle que j'en ai besoin, de cette infirmerie.

On commence à se mettre en route. Je reprend possession de mes jambes et je m'aide du mur pour marcher. J'attends que l'on soit descendu de l'étage où... j'ai tout cramé, finalement pour commencer à parler.

- Alors, euh, par où commencer. Vous savez, quand je suis arrivé à Terrae c'était pendant l'éclipse et j'ai passé quelques mois dehors. Et, les gens de mon village ont découvert mes pouvoirs, ça ne s'est pas bien passé.

J'ai la gorge qui se serre un peu à parler de ça.

- Et visiblement, les habitants ont reporté leur haine sur ma famille, en particulier ma soeur. Je crois... Elle a des problème à l'école. Je voudrais qu'on les aide à déménager.

Tandis que j'explique la situation, que je donne un maximum d'information à Hideko, on arriver à l'infirmerie. Je crois que je n'y suis jamais allé.

J'aurais aimé que ça continue, mais bon.

La master en charge de celle-ci nous accueillent et nous prends en charge très rapidement. Elle me pose les questions habituelles - j'imagine ? - lors d'une situation de ce genre. J'essaie de répondre le plus précisément possible, mais mon esprit est encore embrumée par tout ce qui m'est arrivé. J'adresse un regard à la directrice et Misao.

- Merci beaucoup, pour tout. Je ferais en sortes de me soigner.

J'ai le corps parsemée de brûlure, et les cheveux dans un sale état, donc quand je dis ça, ça sonne un petit faux. Mais on fait ce qu'on peut, hein.

Alors que nous prenions la direction de l'infirmerie, j'écoutais Katsuyo me donner plus de détails sur les soucis qui la tourmentaient. Nous avions dû accueillir rapidement beaucoup de personnes lors de l'Eclipse, tous révélant leurs pouvoirs sans passer par la case Terrae, partout dans le monde. C'était toujours assez compliqué de replacer les histoires de chacun, surtout quand on devait traiter en masse une grande quantité de dossier chaque jour. Et pourtant, alors qu'elle parlait, je me revis ouvrir la première page de ce dossier pour en confirmer le transfert ici, à Terrae. Une histoire assez chaotique à cause de l'arrivée des pouvoirs, quelque chose qui m'avait replongé dans mon propre passé lorsque la première Eclipse, l'originelle, m'avait choisie pour perpétuer la légende de Terrae qui s'était pourtant éteinte de nombreuses années auparavant. Ces pouvoirs avaient parfois le don de nous pourrir la vie... Et de sévir encore des années après.

-Nous les aiderons à déménager, ne t'en fais pas. Nous ferons tout notre possible pour les accompagner dans cette démarche et les aider à reconstruire quelque chose ailleurs où ils ne seront plus pris pour cible.

Peut-être que je prenais cette situation un peu trop à coeur, me projetant personnellement dedans. Lorsque mes pouvoirs avaient été révélés au monde, j'avais été enlevée et plongée dans un coma artificiel pour être étudiée. Lorsque j'avais repris connaissance, le laboratoire flambait et je m'en éloignais. N'ayant plus rien, j'avais continué à errer. Le manque de contrôle avait répandu mort et désolation autour de moi, aussi avais-je pris la décision de ne plus jamais retrouver ma famille. Et cette décision avait amené Misao à prendre l'une des pires décisions, guidé par ce besoin de me comprendre et de me retrouver. Ce ne fut que quelques années plus tard, après que nous nous soyons retrouvés, que j'avais enfin accepté de revoir nos parents... Et finalement, même encore maintenant, j'en restais encore éloignée, persuadée que ma présence pourrait encore et toujours leur causer du tort.
Alors oui, peut-être que je prenais cette histoire à coeur... Mais peut-être que si j'avais pu agir autrement, j'aurais aimé pouvoir aider mes parents comme Katsuyo en avait la possibilité aujourd'hui. Aider Misao comme elle aura la possibilité d'aider sa soeur.

Lorsque nous arrivâmes à l'infirmerie, je laissais l'infirmière prendre en charge les deux Feux. Je restais à l'écart, patientant sur l'un des sièges à disposition et prévenant Ryu que je ne devrais plus tarder maintenant que le plus gros était passé. Demain serait une longue journée, j'allais devoir réfléchir aux fonds que nous pouvions récupérer pour aider à leur déménagement. Avec l'aide de certains Terraens volontaires, j'imaginais bien que nous pourrions réduire les frais et faciliter le déplacement de la famille...

Enfin debout après l'administration des premiers soins, la jeune Invisible revint vers moi et je lui offris un léger sourire alors qu'elle reprenait la parole.

-Je compte sur toi, en effet. Tu ne seras d'aucune aide pour ta famille si tu restes blessée. Nous nous reverrons très vite pour organiser leur déménagement, est-ce que ça te va ?

Une fois Hideko arrivée, c’est plus simple pour Misao de rester en retrait. Il n’est pas fait pour ça, pour les responsabilités ; il peut gérer les urgences quand il le faut, mais réparer, s’organiser, mobiliser des ressources, ce n’est pas forcément son fort. Il toussote un peu tout en restant à l’écart, sans intervenir durant un moment, jusqu’à ce que Katsuyo lui parle des capteurs… il avait zappé ça, ouais.

—Oui, bien sûr. Désolé.

Il acquiesce donc d’un air gêné, et les récupère pour les ranger dans sa poche. Le petit appareil, qu’il reprend en main, semble avoir bien enregistré les données… … Il vaut mieux qu’il explique pas directement ce qu’il faisait à Hideko, hein, elle va s’énerver.

Bientôt, Katsuyo explicite le gros de ses difficultés… le harcèlement que sa famille subit… et il se renfrogne un peu, jusqu’à finalement se laisser prendre en charge par Norah. Enfin, pour le moment, il attend surtout assis sur un tabouret, comme perché dessus, le temps qu’elle s’occupe de Katsuyo. Tant mieux si la situation s’arrange… mais en même temps, il faudra plus qu’un peu de temps pour se soigner ; peut-être un peu de temps pour se reposer tout court. Il aurait dû la foutre à la porte du labo en lui imposant des vacances, cet été, il a été con. C’est pas parce qu’il s’épuise au taf qu’il doit l’autoriser à faire de même.

… il ne se remettra pas en question, non. Il lui suggère :

—Tu devrais te reposer quelques jours. Prends ta semaine.

Enfin, est-ce que c’est vraiment une suggestion, à ce niveau-là ?

—Ou deux.

Ou tr-

Il lève les yeux vers sa soeur, la fixant quelques instants. Boh, elle gère. (Elle aurait pu venir plus vite quand même, hein.)

Quand Norah se tourne vers lui, il accepte un examen rapide des ses poumons, alors qu’elle les débarrasse lentement des résidus, lui provoquant une quinte de toux désagréable.

—La vache !

Sa voix est un peu sifflante. Il souffle. C’est bon il peut partir ??????

—Tout va bien se passer, tu verras.

Oui ça sort de nulle part. Mais. Voilà.

—Selon l'état de ta chambre, euh... Est-ce qu'il vaut mieux pas te faire dormir ailleurs ce soir ? Non, c'est pas une proposition, ajoute-t-il directement à l'intention d'Hideko.

C'est bon, il a déjà donné avec Karen, il dormira pas sur son canapé ce soir.

Les mots et l'aura de la directrice me rassurent. Elle m'annonce finalement que les choses seront faîtes pour aider ma famille à sortir du notre village natal. Je ressens de la mélancolie et une enclume de culpabilité sur les épaules, mais je reste digne et concentré. Misao revient peu après avoir été ausculté par Norah et m'octroie deux semaines de repos. J'acquiesce.

- Merci Monsieur, je me rattraperais. Et désolé, pour, eh bien , tout ça.

Il souligne le fait que ma chambre ne soit peut-être pas le meilleur endroit pour endormir. J'acquiesce.

- Je peux demander à une amie, ou alors, retourner au dortoirs des novices, ça ne me dérange pas. Mais je ne veux pas davantage abuser de votre générosité et de votre temps à tous les deux. Je vais me débrouiller merci beaucoup.

Cette nuit, je peux au moins dormir chez Aria, c'est sûrement la plus au courant de ce qu'il s'est passé. Et après, je pourrais passer aller chez Camil en attendant que ma chambre soit en état.

- En revanche, j'aurais peut-être besoin d'aide pour le déménagement de ma chambre. Vu que, je suis étoile, maintenant, je crois ?

Je vais aussi demander un peu de temps à Luna, je dois vite trouver quelque chose pour ma famille. Je m'adresse à la directrice.

- Je vais revenir vers vous rapidement pour vous prévenir de comment la situation avance. Merci pour tout.

L'infirmière revient pour me dire qu'elle va me garder encore quelques temps. Je négocie quand même la possibilité d'aller récupérer mon ordinateur pour commencer à chercher des logements, et il faut que je prévienne mes parents. Aaaah, je suis fatiguée.

Mais pour une fois, j'ai pas envie d'une clope.

J'ai vu assez de chose brûler pour aujourd'hui.