Je regardais Pandora avec un air un peu surpris. Ok, je lui avais probablement jamais parlé de Matthew, en même temps pendant des années ça a été la honte quand il était à Terrae, et après quand il est parti, j'ai juste préféré faire comme s'il n'avait jamais existé. Et puis je me suis habituée à ça, et voilà. Mais je ne savais pas non plus qu'un certain Matthew était à l'origine de son arrivée à Terrae ! Imaginez c'est le même HAHA

-C'est des personnes peu recommandables les Matthew, en effet... Qu'est-ce qu'il t'avait fait ?

Enfin, j'dis ça, j'dis ça... Le pauvre avait pas vraiment choisi de vivre la vie qu'il a vécu, j'en suis conscient maintenant, avec le recul.

-Et il était plus vieux que moi ! Mon père était un peu... Compliqué, disons. Il est retourné faire sa vie en Angleterre quelques temps avant de finalement revenir au Japon pour retrouver ma mère. Et de là, ils m'ont eu. Matthew est né dans cette période, mais je ne suis même pas sûre que ça ait été volontaire...

Enfin, ne revenons peut-être pas sur le sujet des enfants non-désirés...

Un petit sourire amusé étira mes lèvres alors que Pandora m'ébouriffait les cheveux en me certifiant que je pourrais, selon elle, être un très bon père. J'éclatai d'un rire léger.

-Ouais, on verra si l'occasion se présente hein, pour le moment ça m'attire vraiment pas ; ça bave, ça pleure, et ça fait des caprices. J'ai déjà assez de faire la babysitter, heureusement TRES RAREMENT, pour Aoi quand elle sort avec Huo !

Je me repenchai ensuite sur la photo que me montrait Pando.

-On ne peut pas ressembler à tout le monde ! Et de ce que tu me dis, j'ai quand même l'impression que tu ressemblais beaucoup à ta mère. Mais même si vous ne vous entendiez pas tant avec ta grand-mère, je suis sûre quand même qu'elle n'a toujours voulu que ton bien... On est toujours un peu dur avec ceux qui s'occupent de nous quand on grandit. Surtout quand en plus on souffre...

Bien sûr qu'elle avait évoqué la perte de sa mère, mais ça ne se résumait pas qu'à ça. Tout le monde était à Terrae pour des raisons différentes, mais s'il y avait bien quelque chose qu'on partageait tous, c'était la souffrance qu'on avait subie avant d'arriver ici...

J'ai un sourire en coin à la réflexion d'Allen sur les Matthew, avant de hausser une épaule.

"Il m'a volé toutes mes compositions pour lancer sa carrière solo, dans mon dos... Ca semble un peu dérisoire, rétrospectivement. - mais à l'époque, il était mon seul ami proche, et ma musique comptait énormément pour moi. Enfin c'est toujours le cas hein, mais ma vie ne tourne plus uniquement autour de ça, quoi... Perdre les deux d'un coup, ça a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase."

Même si j'ai été malheureuse, seule et en colère pendant des années - ce n'était juste pas suffisant pour créer ce fameux Vide, il faut croire. J'ai du perdre tout ce qui comptait pour moi pour en arriver là. Mais c'était peut-être un mal pour un bien, au final, parce que je crois que je n'aurais jamais réussi à dépasser tous mes traumas d'enfance si j'étais restée ici. Je n'ose pas trop imaginer ce que je serais devenue, si je n'étais pas passée par la case Terrae...

Je hoche la tête aux explications de mon ami ; je vois, donc son père n'était pas un ange non plus... Décidément, que de chouettes points en commun on se découvre, aujourd'hui ! Je souris plus doucement quand Allen évoque ne pas être vraiment contre l'idée d'avoir des enfants, sans non plus être pour - ou du moins, pas pour le moment.

"Je comprends - je t'avoue que je n'ai jamais trop réfléchi si j'en veux ou pas, moi. Il faudrait d'abord trouver un papa avant de penser à faire des bébés, ahah ! Et c'est pareil pour toi, d'ailleurs....."

Je lui lance un regard lourd de sous-entendus, mais n'ajoute rien de plus - rho ça va, je sais que j'ai promis de ne plus le saouler avec ça, mais je peux bien le taquiner un tout petit peu sur son statut de célibataire endurci, quand même ! Il faut dire qu'on fait bien la paire, tous les deux... Je hoche ensuite la tête aux paroles de mon ami, une petite moue sur les lèvres.

"Je ne lui en veux pas, ça a dû être très dur pour elle - perdre sa fille unique et se retrouver avec une pré-adolescente dépressive sur les bras... On n'arrivait pas à communiquer, mais ça ne veut pas dire qu'on ne s'aimait pas. Elle a toujours veillé à ce que je ne manque de rien, du moins sur le plan matériel."

Mes besoins affectifs, par contre... Mais comment aurait-elle pu savoir de quoi j'avais besoin, comme je ne lui parlais pas - et elle ne savait probablement pas comment me le demander non plus. Enfin, on ne refera pas le passé, de toute façon, les choses sont ce qu'elles sont et j'ai appris à vivre avec ; grâce à la thérapie, surtout. Je soupire un peu en récupérant l'album photo, que je pose sur la table basse.

"Je crois que je vais garder toutes les photos et les trier quand je serai rentrée... Et je vais reprendre mon piano, aussi. Tout le reste, par contre... Ca ira aux ouvres de charité ou à la poubelle, hein ! Tu m'aides à mettre tout ça dans des boîtes ?"

Je demande avec un sourire, en pointant vers les photos. J'appellerai le Charity shop local pour qu'ils viennent récupérer ce qu'ils veulent, je n'ai pas envie de m'ennuyer à tout trier et rassembler, j'ai assez pleuré pour aujourd'hui, hein.

Je fronçai légèrement les sourcils quand Pandora me raconta ce que son Matthew lui avait fait. Ouais, ça ne paraît pas si "dérisoire" que ça, même rétrospectivement... Ca reste clairement une trahison, et avec tout ce qu'elle avait vécu... Elle n'avait clairement pas besoin de ça en plus. Surtout que j'imagine bien que ce n'est même pas juste le fait de voir ses compositions être dérobées qui ont déclenché son Vide, mais probablement plutôt le fait de voir que cette amitié qui semblait tant compter pour elle était surtout à sens unique, vraisemblablement... Et quand on n'a déjà plus grand monde sur qui se reposer, c'est encore plus douloureux.

Mon coeur se serra un peu à ce constat et je posai mon regard dans celui de Pandora, sans rien dire d'abord. Je te promets que moi je ne te laisserai jamais tomber Pandora. Ca vaut ce que ça vaut, mais c'est là quand même, j'espère...

Je lui racontais ensuite un peu la vie qu'avait visiblement menée mon père avant de devenir... mon père, justement, sans entrer dans les détails non plus, et acceptais ensuite volontiers le changement de sujet visant à parler d'enfant... Ouais, bon, j'ai été un peu trop rapide pour accepter ce changement de sujet, c'est pas le feu non plus.

Le regard lourd de sous-entendus de Pandora m'arracha un sourire amusé.

-Bon, d'accord, je vais commencer à chercher un papa digne de ce nom avec lequel avoir un enfant alors... Mais d'après les règles de la nature, ce ne sera pas si facile que ça pour nous d'avoir un enfant, tu le sais ?

Alleeeeez c'était trop une réflexion de gamin qui saute sur la perche tendue la moins subtile du monde et vous savez quoi, c'est pas grave parce que ça a au moins le mérite de me faire rire. Et je crois que même si les larmes se sont un peu taries sur les joues de Pandora, j'ai vraiment bien besoin de rire pour détendre un peu cette atmosphère.

Ce fut ensuite à mon tour de hocher la tête aux dires de mon amie. C'est sûr que ça n'avait vraiment pas dû être facile, ni pour elle, ni pour sa grand-mère. Mais enfin. Il était temps de passer à autre chose. Sans rebondir sur la conversation qui semblait arriver à sa fin, je me levai après Pandora alors qu'elle reposait son album photo sur la table, m'indiquant la suite des opérations.

-Oui, bien sûr ! répondis-je du tac au tac. Tu veux récupérer les cadres qui sont avec les photos, ou uniquement les photos ? demandai-je.

J'attendis sa réponse avant de me mettre au travail. Je n'osais pas encore aller chercher dans les autres pièces s'il y avait des photos, aussi me penchais-je uniquement sur le salon en attendant d'autres directives de Pandora. A certains moments, je m'arrêtai un peu sur les photos que je tenais en main, prenant le temps d'observer la lueur qui brillait dans le regard des personnes représentées sur les photos. Avant que tout se complique avec la perte de sa mère, Pandora semblait vraiment avoir eu une jolie enfance.

Visiblement, le sujet des enfants met Allen un peu mal à l'aise - c'est vrai qu'on n'en avait jamais parlé avant, et je ne suis pas tellement surprise de son inconfort, même si je reste convaincue qu'il ferait un super papa. Encore faut-il commencer par se trouver une relation stable avant d'envisager ça, de toute façon, et c'est d'ailleurs à ce sujet que mon ami décide de faire une blague vraiment super nulle. Mais qui me tire un rire malgré tout, alors que je lui donne une petite tape sur le torse.

"Mais t'es vraiment bête parfois, hein !!! Enfin, après, si c'est dans cette direction que s'orientent tes préférences, il y a toujours l'adoption......."

Et je lui lance un regard goguenard accompagné d'un sourire en coin. Non mais je sais bien qu'il n'est pas gay, mais juste l'imaginer avec un autre homme... Ouais, non, désolée mais c'est hilarant en fait !

Les sujets difficiles derrière nous, je referme l'album photo et me lève du canapé en demandant au brun de m'aider à emballer tous ces souvenirs dans des cartons. Je hausse les épaules à sa question avant de lui répondre ;

"Oh, t'ennuie pas à enlever les photos des cadres, tu peux juste tout mettre dans une boîte et je trierai tout ça quand je serai chez moi... Il y a quelques albums dans la commode que tu peux mettre avec aussi. J'vais faire un tour dans les chambres, mais j'pense pas qu'il y reste quoi que ce soit que je veuille ramener..."

Je dis ça, mais finalement, quand je reviens une dizaine de minutes plus tard, j'ai quand même quelques objets dans les mains - quelques CDs, posters et babioles de ma chambre, des photos en plus, et les bijoux de ma grand-mère (que je ne mettrai jamais, mais je sais qu'elle aurait détesté l'idée que je les vende ou les donne, alors bon). J'ajoute le tout sur le dessus de la caisse, qui est pleine à craquer maintenant. Juste une caisse pour 20 années de vie, c'est peu quand même... Je soupire un peu avant de jeter un regard circulaire à la pièce.

"Bon... Eh bien voilà, je pense que c'est tout. Je vais essayer d'organiser un rendez-vous avec le foyer pour sans-abri du coin, qu'ils viennent récupérer tous les meubles et autres trucs qui restent. Et il restera plus qu'à le mettre en vente, hein !"

A ces mots, une boule se forme à nouveau dans ma gorge - ça ne me fait quand même pas rien, de me séparer de cet endroit... Mais je sens que j'en ai vraiment besoin. Je regarde une dernière fois autour de moi, avant de m'approcher d'Allen pour poser mon front contre son épaule et m'appuyer un peu sur lui.

"On y va ? On peut prendre le taxi pour retourner à l'hôtel, histoire de pas porter cette méga caisse sur le trajet..."

Oui, bon, étant tous les deux Airs, on pourrait la porter très facilement, hein - mais c'est autant éviter de se servir de nos pouvoirs en dehors de l'institut, vu que c'est pas trop un cas de force majeure.

Je fis la moue à la mention de l'adoption -elle a vraiment réponse à tout- mais joignis pourtant mon rire au sien.

Une fois les instructions de Pandora passée, je hochai la tête et m'attelai à ma tâche tandis qu'elle sortait de la pièce pour aller récupérer d'autres choses dans les autres pièces. J'entassai les cadres et albums photos à sa demande, me permettant parfois d'ouvrir d'autres tiroirs, bien qu'elle ne m'en ait pas donné l'autorisation, afin de vérifier que d'autres photos ne se trouvaient pas là.

Lorsque le travail fut terminé, Pandora revint rapidement avec d'autres affaires qu'elle déposa également dans le carton. Je lui adressai un léger sourire rempli d'émotion - terminer de débarrasser cet endroit, le mettre à la vente. C'était la dernière ligne droite... Et après tout serait terminé. Mais c'était aussi une grosse page à tourner, et j'en étais bien conscient. Aussi, quand elle appuya sa tête contre mon épaule pour me proposer de prendre un taxi, je levai une main que je passais machinalement dans ses cheveux, fermant les yeux une demi-seconde pour profiter de ce contact.

-On fait comme tu veux, cheffe.

Je déposai un peu sans réfléchir un baiser sur ses cheveux (mdr qui l'aurait cru) et je me replaçai pour pouvoir tourner la tête vers elle (ou plutôt vers le sommet de son crâne).

-Je vais appeler le taxi, t'en occupe pas.

Je sortis ensuite mon téléphone de ma poche et cherchai le service de taxis de Londres sur internet. Une fois trouvé, je composai le numéro et portai l'appareil à mon oreille. Je demandai à Pandora de me réindiquer l'adresse de l'appartement où nous nous trouvions et indiquai ensuite l'emplacement de l'hôtel. Je raccrochai finalement.

-Bon, il devrait être là dans une dizaine de minute, quinze s'il y a des bouchons ! Est-ce qu'il y a une dernière chose que tu veux qu'on fasse avant de partir d'ici ?

Après un rapide tour dans les chambres, je reviens avec quelques photos et babioles - les dernières choses que j'ai envie d'emporter de cet endroit. Je les dépose dans le caisse déjà bien remplie, et ça y est. C'est terminé. J'essaye de garder un air neutre en soulignant que la dernière étape est d'appeler l'agence immobilière pour mettre l'appartement en vente - mais je n'y arrive pas trop, parce que malgré tout, c'est difficile. Une page de 10 ans qui se tourne, ce n'est jamais une mince affaire, même si dans mon cas, c'est nécessaire.

Je viens poser la tête sur l'épaule de mon ami, et ferme les yeux au contact doux de ses doigts et de ses lèvres dans mes cheveux. Il sait toujours quoi faire au bon moment, pour que je me sente mieux, soutenue surtout. Sans avoir besoin de mots. Et c'est parce que nos moments d'affection et de proximité physique sont rares, qu'ils sont aussi précieux et ont un véritable impact. Je sais que ça va aller, parce qu'il est là avec moi - lui demander de m'accompagner était carrément la meilleure idée que je pouvais avoir. Il prend les choses en mains et appelle le taxi pour me laisse souffler un peu. Finalement, à sa question, je secoue un peu la tête.

"Non, je crois que c'est bon... J'aurai encore plus de mal à partir si on s'attarde, alors il vaut mieux qu'on aille attendre en bas !"

J'attrape un côté de la caisse et laisse Allen se saisir de l'autre avant de la soulever - prenant quand même une seconde de pause à la sortie pour verrouiller la porte avant de partir. Je jette un oeil à la porte à l'opposé du palier - l'ancien appartement de Matt. Enfin, celui de sa mère plutôt ; et peut-être qu'elle vit toujours ici, qui sait ? Je n'ai aucune envie de le découvrir ni de risquer de la croiser, aussi je m'engouffre rapidement dans les escaliers. Et une fois que nous passons la porte pour retrouver la rue, je me sens respirer à nouveau. J'inspire une grande bouffée d'air avant de relâcher avec un soupir sonore.

"Woah... Je me sens déjà mieux dehors. Tu veux manger un truc en attendant le taxi ? Il y a un vendeur ambulant qui fait des churros et des beignets à l'angle de la rue... Enfin, il y avait en tout cas, j'espère qu'il est encore là !"

Oui, écoutez, après une crise de larmes je crève toujours la dalle...

Je laissais Pandora me guider, suivant ses envies et surtout ses besoins du moment. On ne s'attarde pas, ok. On sortit, elle referma la porte, attarda quelques secondes son regard sur la porte en face. Je ne posais pas de questions ; elle devait avoir encore un millier d'autres souvenirs dans cet endroit, et si elle voulait me les partager, elle le ferait. Ce n'était en aucun cas à moi d'aller les chercher.

Je respectais donc son silence alors que nous descendions les marches, et une fois en bas, je me penchai pour déposer la caisse sur le sol, écoutant avec satisfaction le soupir qui s'échappait des lèvres de Pandora. Ca y est, c'était fait. C'était dur, j'en avais bien conscience, mais c'était fait. Et maintenant, elle ne pouvait plus qu'aller de l'avant.

-Oui, bien sûr, allons-y ! répondis-je à l'intention de mon amie.

Je lui adressai un sourire et la suivis pour acheter des churros que je partageais avec elle. Nous n'attendîmes ensuite pas longtemps avant que le taxi arrive, et nous rentrâmes rapidement à l'appartement. Je laissais à Pandora le temps et l'espace dont elle avait besoin, même si cela se traduisait par une douche relativement longue pour se débarrasser de cette longue journée (on est dans un hôtel, il ne peut pas y avoir de rupture d'eau chaude, tout va bien).

Le lendemain, nous reprîmes l'avion en direction de Terrae, emportant les affaires de Pandora avec nous après les avoir calées dans nos valises. Après notre retour, je fus bien content de retrouver ma chambre et mon lit. Je proposais tout de même à Pandora l'idée d'un film, si elle le souhaitait, et profitais ensuite d'une merveilleuse nuit dans mes draps tout propres changés spécialement avant notre départ pour savourer au maximum ce retour à la maison. Quelque part, même si je doute parfois de Terrae, je sens bien que c'est bel et bien ici que se trouve ma nouvelle maison...