On est actuellement dimanche et le dimanche, tu n’as pas cours. C’est le meilleur jour de la semaine parce que tu peux profiter. En plus, on est en plein juillet alors il fait beau et c’est agréable. Tu peux profiter de la journée pour faire ce que tu veux, tu n’es pas surveillée. Enfin, tu as des heures de repas, mais sinon, tu n’as pas Tomoe sur le dos. En vrai, tu ne l’as jamais sur le dos parce que tu es toujours sage et que tu l’aimes bien. C’est un très gentil monstre !

Par contre, tu ne sais pas trop quoi faire maintenant. Même niveau dessin, tu n’as pas d’idée. Tu crois que tu peux aller te balader ? Mais où ? Là, tu es sur ton lit, à regarder le vague sans trop savoir ce que tu pourrais faire quand soudain, t’as une idée ! Tu vas rendre visite à ton ami, à Aylan ! Bah oui, tu es une grande alors tu es sûre que maintenant, tu peux traverser son couloir même s’il te fait encore super peur. La magie ne te plaît toujours pas, mais ça n’empêche en rien de faire des efforts pour voir ses amis.

Du coup, tu attrapes ton sac de cours, tu y mets évidemment du chocolat ainsi que ton carnet à dessins et des crayons sans oublier le cadeau que tu lui as fait avant de filer en courant vers le dortoir des gens qui font de l’air. Tu es trop motivée et tu veux vraiment faire la courageuse alors tu vas le traverser ! Bon, une fois devant, ce n’est pas la même chose, le même courage. Tu regardes tout ça, un peu apeurée quand même. C’est en journée, il y a moins de monde alors ça devrait aller, non ? Tu es une grande !

Tu respires un bon coup avant d’avancer pour finalement courir vers la chambre de Aylan, histoire de passer le pire le plus vite possible. Tu as même fermé les yeux ce qui fait que tu trébuches et te ramasses au sol. Ça fait mal… Tu as les larmes aux yeux, mais comme tu es une grande, tu pleures pas et te relèves. Ça va, tu n’as rien, juste une petite égratignure au genoux. Ta petite robe à carreaux mauve le cache de toute manière. T’aimes bien les robes, tu trouves que c’est trop mignon et puis, Heinas aussi aimait beaucoup.

Devant la porte, tu viens frapper pas fort avant de te dire qu’il n’a peut-être pas entendu et frappé plus fort pour être sûre que, s’il est là, il va t’ouvrir.

__–Quand Aéna tapota à l’entrée de chez Aylan, elle n’eut pas de réponse de la part du petit Air. En lieu et place, un petit feuillet se glissa sous la porte, qui disait : Entre et regarde par la fenêtre. Le code est 724 519 452.
__–Qu’il fallait donc composer sur un petit digicode, qui doublait la serrure. Aylan en avait commandé un de faible qualité sur Internet, un système qui se prétendait sécurisé et pratique, parce qu’il permettait d’ouvrir une porte à la fois au moyen d’un code à quatre chiffres et d’une clef. Pratique il l’était, mais surtout pour un cambrioleur, qui avait l’embarras du choix sur la méthode à utiliser pour vaincre ce système.
__–Après avoir longtemps joué avec, utilisé tous ses crochets et autres outils puis l’avoir démonté pièce par pièce, Aylan avait décidé d’en faire quelque chose. Il avait changé le cylindre de la clef, ajouté des goupilles de sécurité pour rendre le crochetage plus long et ardu, rajouté une épaisseur de plastique rigide tout autour du boîtier et modifié le programme du digicode, pour requérir la composition de bien plus de chiffres. Quand Aylan avait été presque incapable de forcer son propre système, il l’avait considéré suffisant et l’avait monté sur sa porte.
__–Une fois le bon code entré et la porte ouverte, Aéna put comprendre d’où venait la feuille : qu’elle comprît de quoi il s’agît ou non, nous allons le décrire : sur la porte avait été attaché un détecteur de vibrations, un micro et le judas avait été remplacé par une caméra. Si quelqu’un frappait pour signaler son envie d’entrer, une alerte était envoyée sur son téléphone : celui-ci pouvait alors accéder à l’enregistrement vidéo pris et déterminer s’il s’agissait bien de quelqu’un qui désirait le voir et non, par exemple, d’une Terre bourrée et de son amie Eau qui s’amusaient à repeindre les couloirs de l’Institut et avaient cogné sa porte par inadvertance, d’Ashton qui venait s’enquérir de son assiduité ou d’un Eau au pantalon baissé et d’une Tonnerre qui jouaient à pince-mi et pince-moi. Dans ces cas, Aylan pouvait simplement ignorer la notification. Autrement, il n’avait qu’à presser un bouton et, d’une petite machine vissée à la base de la porte, sortait une carte qui était glissée aux pieds du visiteur. Quand il avait mis ce système en place, il y a quelques mois, elle ne distribuait qu’une seule sorte de carte, qu’Aylan devait donc changer en fonction d’où il se rendait. C’était peu commode. Aussi avait-il amélioré la machine pour sélectionner quelle carte envoyer, dans une réserve plus large.
__–Si Aéna arrivait jusqu’à la fenêtre, elle verrait, patafixée à la vitre, un papier qui disait : Je suis au pied de la fumée blanche. Et effectivement, depuis les alentours du lac, Aéna put voir un flash lumineux blanc intense et comme une petite étoile s’élever sur une bonne cinquantaine de mètres, avant de descendre doucement vers l’eau, libérant une épaisse fumée au passage.
__–Au sol, Aylan venait de tirer une fusée éclairante de sa fabrication. Quelque part, il espérait que quelqu’un vînt lui rendre visite ce jour là, pour qu’il pût faire démonstration de son dernier bricolage. En fait, il s’était rendu au lac justement pour cela. Celui-ci consistait en, d’une part, une fusée éclairante donc : Aylan avait acheté du magnésium, des feux d’artifice, récupéré la poudre, un mortier en pierre sans fer ni silex dans sa composition, l’avait moulue plus finement encore et avait fabriqué à base de carton une chambre adaptée. Pour le pistolet qui devait la lancer, il avait utilisé une imprimante 3D de l’atelier pour fabriquer un large canon de dix centimètres, avec à sa base une chambre à air et un mécanisme qui maintenait fermement fixé le projectile, tant qu’on ne pressait pas sur la première des deux détentes. Une seconde détente fermait la chambre à air. Ainsi, Aylan pouvait avec sa magie faire monter la pression dans la chambre, la fermer, puis tirer quand bon lui semblait, après avoir visé.
__–Enfin, un talkie-walkie, accroché au mur où Aylan disposait ses outils, retentit et Aéna put entendre la voix de son ami :
__–« Salut ! Ça va ? T’as vu, ça marche trop bien hein ? Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? »
__–Et à la question, pourquoi ne pas plutôt avoir appelé Aéna, ou lui avoir transmis son numéro de téléphone si ce n’était pas déjà fait, ou avoir choisi n’importe quelle autre moyen de communication plus simple, en vérité, Aylan aurait répondu qu’il ne comprenait même pas la question. Il était, et sur ce point il est exclu de le contredire, bien plus amusant et créatif de faire appel à tous ces gadgets.

Tu attends que Aylan ouvre s’il est là, mais ça n’a pas l’air d’être le cas… Tu allais partir quand tu entends un bruit à tes pieds. Un papier ? Tu regardes autour de toi. Tu es bien seule. Alors tu le prends et le lit dans ta tête. Oui, tu es une grande, tu sais lire ! Heureusement quand même, mais tu en es fière comme tout. Bon, t’aimes pas beaucoup les chiffres, mais là, ce n’est que pour un code donc ça ne te pose pas de problème. C’est pour les calculs où tu n’es pas vraiment douée en fait. Tu n’es pas scientifique du tout, c’est ce que Heinas avait dis une fois. Toi, tu es une artiste. Enfin, tu crois que c’est ça, tu n’es pas très sûre. Enfin bon, tu ouvres la porte et vas directement à la fenêtre après avoir enlevé tes chaussures à l’entrée.

Tu fais attention à ne rien déranger dans ses affaires et à venir sans encombre à la fenêtre. Il y a encore un papier ? Aylan joue à un jeu où il faut le trouver ? Peut-être que tu n’es pas la personne qu’il faut pour jouer à ça… Oh non, tu fais comment s’il s’est trompé de personne ? T’as vu tout le système qui a l’air super difficile à mettre en place, mais il a quand même peut-être eu une erreur. Ou alors, tu es arrivée avant l’autre personne du jeu ? Tu ne sais pas vraiment. La seule chose dont tu es sûre, c’est que la fusée a quand même bien volé et ça te fait sourire telle l’enfant que tu es. Ça a l’air trop bien ! Mais c’est autorisé ? Ce n’est pas grave, ça a vraiment l’air trop trop bien !

Tu t’apprêtes à partir le rejoindre comme une furie quand tu entends sa voix un peu grésillante et sursaute. Ça vient d’où ? Tu regardes partout, n’ayant pas peur parce que tu lui fais confiance, et tu trouves le truc au mur. Ça, tu n’en connais pas le nom, mais ça a aussi l’air amusé. Tu ne sais pas trop comment ça fonctionne alors tu le regardes un peu. Dans les films que tu n’as pas le droit de voir, ils appuient sur un bouton pour le faire fonctionner, c’est bien ça, non ? Les films pour adultes que tu regardais quand même en cachette t’ont quand même appris les bases des policiers même si ce ne sont que des bases du cinéma et pas de la vraie vie. Pour toi, il n’y a pas de différence. Ça ne change quand même pas à ce point. Oh, ça a l’air ça. Enfin, tu crois ? Tu appuies sur un bouton qui a l’air d’être le bon, t’es pas sûre.

- C’est trop bien ! Je veux faire comme toi ! Je peux venir ?

Tu es toute excitée. Ayant oublié momentanément ta peur et ta timidité naturelle, tu n’as même pas bafouillée comme tu peux le faire d’habitude. Tu es toute souriante, trépignant presque à l’idée de revoir ça et de peut-être le faire. Tu crois que toi aussi tu peux faire des trucs comme Aylan ? Tu crois que c’est faisable ? Sûrement pas, mais ça a l’air si amusant que tu veux tester. Et puis, c’est avec un ami alors ça ne peut qu’être génial à faire même si c’est raté, non ? Faut vraiment que tu fasses des dessins de ce garçon pour l’envoyer à ton papa, qu’il soit au moins rassuré que tu ais quelqu’un que tu aimes ici.

Et puis, tu veux à prendre à faire des fusées ! Ça doit être trop bien au milieu de la nuit et des étoiles, de faire des fusées ! Tu crois qu’un jour, il ira vraiment dans les étoiles avec une fusée ? Ça serait si bien ! Tu veux le voir et le dessiner. Dans tout les cas, t’es trop excitée que tu n’as même pas attendu la réponse de Aylan et que tu es déjà partie de la chambre pour le rejoindre. Sans tes chaussures, évidemment, mais tu as l’habitude d’être pied nu. Pour ce trajet, le couloir des airs ne te fait absolument pas peur, tu le traverses d’une traite en courant le plus vite possible, mais pas comme à l’aller. Là, c’est pour rejoindre rapidement au lac ton ami.

Tu y arrives toute essoufflée et riante de bonne humeur, lui sautant dans les bras pour un bonjour plus officiel. Tu reprends quand même ta respiration pour parler, histoire d’arriver à formuler des mots même si ça reste un peu chaotique dans ta tête.

- Tu veux bien m’apprendre ? Je veux faire décoller des fusées aussi ! Tu vas aller dans les étoiles ?

Et pouf, t’es toute rouge, te cachant aussitôt derrière tes longs cheveux, frange comprise. Tu le lâches et recules. Ce n’est pas comme ça qu’on salue ni qu’on demande quelque chose. Il ne va pas se fâcher quand même, non ? Tu tritures de nouveau ta robe avec tes petits doigts rondouillets.

- P-p-p-pard-d-d-don...

__–« Oh bien sûr, carrément que tu peux venir ! Je t’attends. »
__–Aylan s’assit, mais ne sortit pas tout de suite le reste de son matériel. Plutôt que dans une posture d’attente, il était au contraire à couvert dans des fourrés, près à détaler. Dans quelques instants, Aéna serait là, il faudrait donc qu’il lui fasse un exposé de son matériel. Cependant, en cas d’arrivée d’un adulte courroucé par l’usage d’explosifs au sein de l’Institut, il lui faudrait déguerpir au plus vite.
__–Pour l’instant, il n’entendait rien, même avec son audition de Sonore.
__–C’était bon signe.
__–Aussi, quand il perçut les pas pressés de son amie, il sortit de sa petite cachette, la reçut alors qu’elle se jetait sur lui et lui rendit son câlin. C’était fort agréable, de la voir.
__–« T’apprendre ? Oh bah oui carrément ! Tiens, j’vais te montrer, attends. »
__–Il déposa son sac et en sortit une bâche bleue, qu’il étala sur le sol, puis s’y assit et attendit qu’Aéna le rejoignît pour lui tendre une bouteille d’eau et du chocolat. (Il ne savait pas qu’elle rejoindrait, mais il était amateur de sucre lui-même.)
__–« Tiens ! »
__–Et pendant qu’elle reprenait son souffle, Aylan étala le contenu de son sac. Il y avait à l’intérieur :

• Le pistolet à air comprimé ;
  
• Quatre autres fusées éclairantes, une blanche et trois rouges, qui ressemblaient plus à des cylindres colorés ;
  
• Une large trousse remplie d’outils ;
  
• Un pot en verre, comportant des boules de papier mâché.

__–« Alors, en fait c’est pas vraiment des fusées, ça sert pas à aller dans les étoiles, non ! Mais on pourra essayer de faire un petit missile plus tard si tu veux. Ça, c’est plus, hum… comme un feu d’artifice, en fait. t’as vu ça fait plein de lumière et de fumée et tout. Je vais te montrer comment ça marche et tu pourras essayer si tu veux, d’accord ? »
__–Il prit le pistolet et le présenta à Aéna, pour lui indiquer son fonctionnement pièces par pièces. Plutôt qu’un pistolet, en vérité, il avait la forme d’un petit lance-grenades M79. Son canon et certaines pièces étaient en cuivre ou en aluminium, la crosse et d’autres parties étaient en plastique.
__–« Pour l’utiliser, c’est simple. Déjà, il faut que je mette plein plein d’air très compressé dans cette chambre, là. »
__–Il fit basculer le canon, révélant la chambre et plaça sa main au-dessus. Aéna put entendre, à défaut de voir, l’air siffler entre ses doigts et Aylan forcer pour maintenir son arme bien en place. Quand il ne put plus rien emmagasiner, il pressa une des deux détentes de l’arme, qui ferma la chambre au moyen d’un clapet hermétique.
__–« Voilà, puis tu peux mettre une munition, par le canon, là. Regarde, par exemple, tu peux mettre ça. »
__–Il prit une boule de papier mâché et l’inséra dans l’arme.
__–« Il faut que ce soit bien au fond ! Tu peux prendre un bâton pour la glisser jusqu’au bout, si tu veux. »
__–Lui s’assura que la munition était enfoncée au moyen de ses pouvoirs d’air.
__–« Et puis t’as plus qu’à tirer en actionnant la seconde détente, ici ! Tu veux essayer ? Essaie de viser l’arbre là, par exemple ! »
__–Il lui tendit, avec des gestes précautionneux, son arme.
__–« Tiens, pour tirer, tu mets ta main là, mais pas le doigt sur la détente ! Ça, c’est au dernier moment. Puis tu mets l’autre là, sur le canon, comme ça c’est plus stable. Voilà, colle la crosse contre ton épaule, parfait. Penche-toi un peu en avant. Ok, tu peux viser et tirer ! »
__–Il ne se contenta pas d’expliquer ; il guida aussi les gestes d’Aéna, dans un moment de proximité et de contact entre les deux enfants qui devait être assez touchant pour un observateur extérieur.

Oh, il veut bien t’apprendre ? Le sourire que tu fais montre parfaitement la joie que ça te donne et il est totalement sincère. Voui, tu es trop contente ! Et tu ne comptes pas le cacher à ton ami, surtout que c’est trop bien qu’il t’apprenne quelque chose ! Tu vas te faire vraiment très attentive à tout ce qu’il va te dire parce que tu veux trop que ce genre de situation puisse se faire encore et encore. Toi, tu n’as pas une aussi grande connaissance que lui, tu le sais parce qu’il est plus grand que toi et qu’il sait lancer des fusées. Aujourd’hui, tu vas être la plus sage des petites filles ! Enfin, en quelques sortes.

Tu t’assoies à côté de lui sur la bâche avec joie, le sourire et la bonne humeur toujours présentes. Aylan te tend de lait et du chocolat que tu prends en le remerciant sans trop bégayer, appréciant beaucoup la vue de ce chocolat même si tu en as toi-même dans ton sac. Ce sera pour plus tard, si jamais il n’en a plus par exemple.

Et voilà qu’il t’explique tout alors tu prends un morceau de chocolat avant de l’écouter avec une grande attention, observant ses gestes pour bien tout comprendre. Peut-être que toi aussi, tu pourras faire comme lui alors tu dois vraiment tout observer. Bon, tu comprends que lui, c’est aussi sa magie qui fait qu’il y arrive, mais ça ne te fait pas peur parce que c’est ton ami et que tu es sûre qu’il ne te fera pas de mal. Raison de plus pour bien observer et écouter.

Oh, il veut que tu essayes ? Avec plaisir, tu prends l’arme, mais pour ne pas perdre sa confiance, tu fais super attention à ne pas être maladroite. Tu ne veux pas faire de bêtises alors c’est vrai que tu te fais vraiment méticuleuse quand à tes gestes, écoutant ce qu’il te dit de faire. Tu es donc bien positionnée, la crosse contre ton épaule, le canon bien stable entre tes mains. Tu es même un peu penchée en avant pour obéir à ton professeur de tir.

Tu vises un gros arbre en prenant ton temps parce que tu veux trop réussir. Puis tu tires en essayant de bien faire. Ça touche ! Tu sautes de joie en voyant ça. T’es si contente que tu te retournes pour refaire un câlin à Aylan. Décidément, aujourd’hui est une superbe journée ! Ton papa aussi va être fier de toi quand il va savoir que tu as réussi à toucher une cible ! Bon, la dite cible est super grosse alors ça ne compte pas vraiment et pas si loin non plus, mais tu es si contente !

- On recommence ? On peut lancer les feux d’artifices ? Ça serait trop bien !

Tu parles vite, mais sans bégayer, trop joyeuse pour hésiter à parler. Et puis, tu viens de réussir à tirer sur une cible. En vrai, tu n’aurais pas touché, tu aurais quand même été trop contente puisque pour toi, ce n’est qu’un simple jeu. Et oui, normalement, à 10 ans, on est assez innocent sur ce genre de sujet.

Tu rougis de nouveau alors que tu réalises que tu as peut-être fait un peu trop de joie. Il va pas t’en vouloir, pas vrai ? C’est plutôt flatteur pour lui en plus. Et puis, tu te rappelles d’un truc alors tu vas voir ton sac et le fouille en le vidant par terre. Donc, Aylan peut voir une tablette de chocolat, une trousse pleine de crayons et un carnet de dessins finir dans l’herbe puisque tu n’y as pas fait attention. Du carnet, en faisant attention cette fois, tu sors un feuille que tu donnes à ton ami.

- P-p-p-p-pour t-t-t-t-toi.

Tu es toute rouge, les cheveux sur le visage, alors que tu lui donnes un dessin de lui. Oui, c’est Aylan qui jouait au cambrioleur la première fois que tu l’as vu. Bon, ce n’est qu’un simple dessin d’une petite fille de 10 ans, mais tu t’es vraiment appliquée très fort et tu sais quand même un peu dessiner depuis le temps. Tu espères que ça va lui plaire quand même.

__–Aéna avait très bien compris le mécanisme et semblait fort heureuse d’avoir réussi à presser une détente. À dire vrai, Aylan ne pouvait pas ne pas partager son enthousiasme, d’autant plus s’il s’exprimait d’une manière aussi câline.
__–« Bien sûr ouais ! On va tirer une rouge chacun je te propose, elles sont les plus visibles en plein jour, ce sera super beau ! »
__–Il la sortit, reprit son lance-grenades, y disposa de l’air comprimé, alors qu’Aéna fouillait dans ses propres affaires. À peine Aylan avait-il fini de réarmer son gadget qui pouvait assez difficilement être qualifié de jouet, que son amie lui présenta quelque chose, avec sa voix bégayante, signe qu’il avait appris à reconnaître : elle était anxieuse, ou apeurée, ou gênée. Et en sus de cela, elle était toute rouge. Il arrêta son manège et la regarda, interloqué, puis le dessin. C’était lui, dans sa tenue de passe-muraille, avec son grappin.
__–Aylan se gratta la tête. Cela faisait bien longtemps, qu’on ne lui avait pas offert de dessin.
__–Il était très touché.
__–Aussi le prit-il, avec une infinie délicatesse et se mit-il à réfléchir à toute vitesse. Il ne fallait pas qu’il ne subît ne serait-ce qu’un seul pli dans le trajet jusqu’à chez lui, ce qui demandait de le caler entre deux surfaces planes, lisses et de dimensions adaptées, comme dans une bande dessinée, une pochette ou un cahier, or il ne disposait de rien de cela. Une alternative était de le rouler, ce qui était bien plus envisageable, étant donné que le canon de son lance-grenades était assez long : il pourrait faire une bonne protection. Cependant, lui et Aéna allaient l’utiliser, aussi faudrait-il le laisser posé quelque part, au risque qu’il s’envolât au moindre coup de vent… Faisant la liste de ses outils, il se souvint qu’il avait de la patafix. Voilà qui serait parfait.
__–« Oh il est trop bien… Merci beaucoup. »
__–Ce fut à son tour de rougir un peu et de la prendre dans ses bras.
__–« J’vais le coller à cet arbre pendant qu’on joue, comme ça je l’oublierai pas et il s’abîmera pas, ok ? »
__–Il s’exécuta, contempla encore le dessin, songea à un endroit où il irait bien, détermina qu’il serait parfait dans un cadre sur un mur, puis fit rentrer une fusée éclairante dans son lance-grenades. Il releva aussi le chien, qui se baisserait, percuterait la tête d’allumage et ferait s’enflammer la composition pyrotechnique qu’il contiendrait. (Sans cartouche de poudre à faire exploser, cela n propulserait cependant pas la fusée : en l’absence d’air comprimé, elle aurait juste chauffé à l’intérieur du canon, ce qui aurait pu faire fondre des pièces en plastique de l’appareil.)
__–« Tiens ! Avant de tirer, fais bien attention à viser vers le haut, mais pas tout droit, un peu penché et vers le lac. Les débris ça pollue et c’est super chaud donc il faut éviter de faire des feux de forêt avec et puis c’est pas terrible si ça tombe dans l’eau, mais je peux les rattraper avec mes pouvoirs. Quand tu veux ! »

- Voui !

Tu veux trop en tirer une rouge. C’est beau le rouge, c’est la couleur de plein de choses comme les roses rouges ou les coquelicots. Ça va être trop beau, c’est sûr ! Et puis, tu as une totale confiance en Aylan donc ça ne te pose aucun problème de faire ça, ne te rendant même pas compte que ce n’est pas vraiment très bien de faire ça, surtout pour une petite de 10 ans. Après, c’est pas grave tant que tu t’amuses comme une petite folle. C’est une si bonne chose ! Et si agréable. C’est ta meilleure journée depuis que tu es arrivée ici !

Au début, tu ne sais pas trop comment prendre le comportement de Aylan. Est-ce qu’il aime ton dessin ? T’es pas sûre parce qu’il fait une tête toute bizarre. C’est peut-être pas assez beau ? Est-ce que tu t’es loupée dans les proportions ? Ou les couleurs ? Ou les ombres ? Ou autre chose ? Tu sais pas et tu as trop peur qu’il te dise que c’est moche. Oh non, ça te rendrait tellement triste qu’il te dise quelque chose de ce genre.

Mais voilà qu’il prend ton cadeau avec beaucoup de délicatesse. Oh, alors ça lui plaît ? Il devient tout rouge quand il te prend dans ses bras. Tu lui rends son câlin avec plaisir, trop contente qu’il apprécie ce que tu as fais. Ça aurait pu être un échec, mais ça n’en est pas un alors comment pourrais-tu être triste ? Surtout qu’il a même réfléchi à comment faire pour ne pas l’abîmer du tout. Toi, ça t’aurait pas choqué qu’il le plie, mais pour être honnête, tu apprécies vraiment beaucoup qu’il fasse même attention à ça.

Pendant qu’il l’accroche, tu vas ranger toutes tes affaires dans ton sac pour pas que ça traîne. Il ne faudrait pas que tu les oublies aussi alors tu fais attention à bien vérifier que tu as tout pris. Là, ça devrait être bon donc ça te plaît bien. Tu retournes donc vers lui avec le sourire. Évidemment, tu l’écoutes quand il t’explique ce qu’il faut faire. Tu reprends donc un sérieux tout souriant.

- D’accord !

Tu prends donc le lance-grenade qui ressemble toujours à un jouet à tes yeux et le remet comme tout à l’heure, la crosse bien calée contre ton épaule, le canon bien stable dans tes mains et un peu penchée. Voilà, c’est la position qu’il t’a montré. Tu fais une élève très sérieuse et très méticuleuse pour qu’il soit fier et qu’il accepte encore de jouer avec toi. Une fois fait, tu vises en l’air, vers le lac, comme c’est demandé. Tu essayes de faire au mieux pour viser avant d’appuyer sur la détente. Là, normalement, ça ira pas dans la forêt et il pourra récupérer les débris avec son pouvoir qui te fait pas peur.

Tu regardes la fusée s’envoler dans les airs à grande vitesse. Ça promet d’être beau quand le rouge va tâcher le ciel d’un beau bleu.

__–Aylan observa son amie manier l’arme-jouet. Elle s’en sortait vraiment bien : peut-être n’avait-elle pas vraiment compris à quel point c’était un objet sérieux – elle n’était pas aidée, son concepteur ne l’ayant pas tout à fait compris lui-même –, mais elle faisait preuve d’une louable application et prudence.
__–Il n’eut même pas à corriger sa posture.
__–Et ce fut le tir, avec son caractéristique sifflement d’air. Pour Aéna, ce devait être une sensation assez particulière : sitôt qu’on apprend ce qu’est une arme, on apprend qu’elle vient invariablement avec un recul ; qu’elle génère une force. Là, comme il s’agissait d’air comprimé et non d’explosion de poudre, il n’en était rien. Elle pressa la détente. Le ciel était d’un bleu clair ; il fut teinté de rouge.
__–Aylan observa le vol de la fusée avec un sifflement admiratif, autant à l’attention de sa compagnonne que de lui-même : cela marchait aussi bien que ce qu’il espérait.
__–« Trop cool… Oh puis regarde ! »
__–Il se précipita vers le lac, sans toucher sa terrible eau, inspira, visualisa un petit coussin là où la fusée allait amerrir et la récupéra, la piégea dans une main invisible, puis la fit revenir doucement vers le rivage. Sur le passage, il la trempa dans l’eau, ce qui généra un très léger fumet de vapeur. Une fois refroidie, il put saisir le débris de fusée.
__–« Regarde ! Trop méga cool, hein ? Et— ah. »
__–Le long du lac, il aperçut un adulte qui cheminait dans leur direction. Il était encore trop loin pour qu’Aylan pût être sûr de ses traits ou deviner ses intentions, mais il est certains mystères qui doivent rester inélucidés.
__–« Hm, ça te dit on essaye de tirer les autres depuis un autre endroit ? Comme elles marchent super bien ! Viens, on va tout ranger et se trouver un coin tranquille, d’accord ? Et puis, j’aimerais bien repasser par chez moi pour que ton dessin soit à l’abri ! »
__–Et il commença à ranger ses affaires avec empressement, mais sans hâte ; pour ne pas inquiéter Aéna.