Décembre est déjà de retour, les fêtes de Noël arriveront bien vite - cette année est passée tellement rapidement, c'est dingue... Je n'avais pas du tout la tête à célébrer, l'année dernière, avec le retour de mission très compliqué, aussi j'ai bien l'intention de profiter comme il se doit cette fois, pour me rattraper un peu. Et profiter, ça passe aussi par s'échanger des cadeaux avec les gens qu'on aime - je m'y prends tôt pour être sûre de trouver de bonnes idées (sinon je vais encore finir par offrir des fringues de la boutique à tout le monde, super original hein). Ma journée de travail terminée, je flâne donc un peu dans les boutiques en quête d'inspiration, profitant également de l'ambiance festive qui règne dans le village.

Je trouve quelques idées intéressantes, que je note dans mon téléphone, mais décide d'attendre un peu avant de faire des achats. Et finalement, quand je rentre vers l'institut, il est déjà plutôt tard. Et il fait carrément froid sur le chemin du retour, une fois quittée l'effervescence de la rue principale ! Je décide de prendre un raccourci pour retourner à ma chambre - autrement dit, par les airs ! Je laisse toujours la fenêtre entrouverte pour mon chat, ce qui est pratique pour des situations comme celle-ci également.

Arrivée au niveau du dernier étage, j'entends une faible mélodie qui se mélange au vent frais me fouettant le visage. Si je crois d'abord à une radio qui filtre à travers une fenêtre ouverte, je me rends compte rapidement que c'est une personne qui joue de la guitare, et qui chante également. Une petite voix fluette, aigüe, pleine d'émotion. Je crois qu'elle vient du toit, et décide de faire un petit détour jusque là - je ne reconnais pas la voix, mais il faut absolument que j'invite sa propriétaire à rejoindre le club de musique !

J'atterris derrière la musicienne, à une certaine distance et aussi silencieusement que possible pour ne pas perturber sa chanson. Et maintenant que j'entends sa voix qui se brise un peu sur certaines notes et la tristesse qui se dégage de la mélodie, je me demande si j'ai bien fait de venir sur le toit ; j'ai l'impression de m'immiscer dans un moment privé auquel je n'aurais pas dû assister. Je crois qu'elle pleure... Mais malgré tout, je n'arrive pas à me résoudre à tourner les talons et redescendre dans ma chambre. Une telle fragilité se dégage de la jeunes femme, une grande détresse aussi - est-ce bien prudent de la laisser seule ainsi, au bord du vide ? Non, je crois qu'il vaut peut-être mieux que je reste.

La chanson terminée, elle murmure quelques paroles au vent, et je sens ma gorge se serrer à la mention de sa maman. Je m'approche un peu et pose une main doucement sur son épaule toute frêle, pour ne pas la surprendre en prenant la parole.

"Est-ce que ça va ? Désolée, je ne voulais pas être intrusive, mais je t'ai entendu chanter. C'était très joli..."

J'enlève ma main, et observe quelques instants la guitare qu'elle a entre les mains. Finalement, je pointe vers le sol, à côté d'elle.

"Ca te dérange, si je m'assois avec toi ?"

Alors que je pose ma main sur son épaule, la jeune femme tourne doucement la tête dans ma direction ; je comprends à son regard, d'abord plein d'espoir et ensuite de douleur, qu'elle s'attendait à voir quelqu'un d'autre. J'esquisse un minuscule sourire, avant de la complimenter sur son chant et de lui demander si je peux m'asseoir - juste pour m'assurer qu'elle ne va pas... Eh bien, sauter, tout simplement. Elle a l'air si fragile et si triste ; et il n'y a pas si longtemps, c'est moi qui étais à sa place, alors ça me serre le coeur, et ça m'inquiète - même si je ne la connais pas.

Il lui faut un moment pour me répondre, mais finalement elle m'autorise à m'asseoir, ce que je fais en pliant les genoux pour me retrouver assise en tailleur au sol. Je hoche la tête quand elle m'explique qu'elle n'avait plus chanté depuis longtemps ; je comprends ça, les passages à vide musicaux. J'en ai eu aussi. Ce qui est en général un indicateur assez sérieux que je suis au plus bas... Mais la musique n'a pas cette importance vitale pour tout le monde ; alors peut-être que pour elle, ce n'est pas si grave.

"C'était très bien, pour une reprise après une longue pause. Je suis désolée d'avoir interrompu le moment, j'étais curieuse en entendant ta voix..."

Et maintenant que je suis là, je me dis que son visage délicat, fin et pâle correspond vraiment bien au son de ses cordes vocales. La jeune femme s'enlace de ses bras, et pendant un instant, j'ai envie de tendre la main vers elle pour caresser son dos dans un geste réconfortant. Mais on ne se connaît pas, et tout le monde n'apprécie pas forcément le contact (moi la première), donc je me retiens. Ses paroles me touchent, même si la tournure de phrase est un peu étrange, et je tourne le visage vers elle avec un sourire doux.

"Je comprends ce sentiment... Il faut continuer de nager, persévérer et ne pas se laisser couler. Et après un moment, ça deviendra plus facile, tu verras."

Mes mots se veulent réconfortants, même si je ne suis pas sûre qu'ils le soient vraiment. J'enlève ma grosse veste canadienne et la pose doucement sur ses épaules, pour l'aider à se réchauffer un peu, activant ma magie pour faire souffler une brise d'air tiède - histoire que je ne crève pas de froid non plus, hein.

Je souris doucement et hoche la tête quand la jeune femme me dit de ne pas m'excuser, qu'elle aurait fait pareil ; la curiosité est un vilain défaut, pourtant. Un défaut que je n'ai pas, généralement, sauf quand il s'agit de musique justement... J'essaie de la réconforter et de l'encourager maladroitement dans mes paroles, et je ne sais pas si ça fonctionne, mais elle m'avoue se sentir coupable de commencer à aller mieux. Et là, sans raison, elle s'ouvre un peu à moi, m'explique ce qui la rend si triste. Mon coeur se serre, je ne connais que trop bien ce qu'elle traverse... Je tourne la tête vers l'horizon et regarde le ciel parsemé d'étoiles pendant quelques instants avant de répondre.

"Tu ne devrais pas te sentir coupable... Au contraire, tu ne penses pas que ta mère serait heureuse de savoir que tu avances et que tu réapprends un peu à vivre, malgré la douleur ? Le premier pas est le plus difficile, mais c'est mieux de s'y confronter plus tôt que tard, crois-moi."

Parce que sinon, on stagne et on devient incapable d'avancer - comme je l'ai fait pendant de nombreuses années. Et plus on attend pour faire ce premier pas, plus il est difficile à entreprendre. Je ne souhaite à personne de refouler toute cette tristesse au plus profond de soi, jusqu'à finir par imploser ; il vaut mieux tout laisser sortir. Alors, doucement, je pose ma veste sur ses épaules, qui est bien trop grande pour elle, et après une petite hésitation, frotte son dos tout frêle pour essayer de la réconforter comme je peux. Je souris quand elle note qu'il ne fait effectivement pas très chaud - normal, en Décembre au Japon. Et encore, il ne neige pas, Janvier et Février seront bien pire !

"Oh, ne t'en fais pas pour moi, j'ai ma magie pour me réchauffer - ou pour réchauffer l'Air, plutôt. Bon, ce n'est pas aussi efficace que l'étreinte d'un Feu, mais c'est pas si mal."

Je me tourne vers la jeune femme avec un petit sourire amusé, essayant de ne pas trop penser à l'étreinte que j'aimerais beaucoup recevoir d'un certain Feu en particulier. Je pose mon coude sur mon genou et viens appuyer ma tête contre ma main, observant toujours la jeune chanteuse.

"Je m'appelle Pandora, au fait, et toi ?"

La jeune femme semble se perdre dans ses pensées quelques instants, le visage toujours baigné de larmes, avant de conclure que les émotions défient parfois la logique - souvent, même, je dirais... Et souvent, aussi, elles sont compliquées à comprendre, ce qui les rend par conséquent compliquées à accepter ; mais il faut essayer, et continuer d'avancer. Ce qu'elle a l'air d'essayer de faire, et c'est une bonne chose...

Je pose ensuite ma veste sur ses épaules en lui frottant le dos, et la rassure sur le fait que je n'aurai pas froid - grâce à ma magie. Oh, elle est donc Air également ? Il ne me semble pas l'avoir croisée dans le couloir pourtant. Je comprends vite pourquoi lorsqu'elle se présente en me demandant si je suis bien la Préfète des Airs Lunaires ; Lou Adams, c'est la toute nouvelle recrue de notre affinité ! Elle a été mentionnée lors de notre dernière réunion, mais je n'avais pas encore eu l'occasion de mettre un visage sur ce nom - ce qui est maintenant chose faite.

"Oh, enchantée Lou ! Oui, c'est bien ça, je suis Préfète pour notre affinité - du coup, si tu as la moindre question, n'hésite pas ! Tu as reçu tes pouvoirs très récemment, c'est bien ça ?"

Le moment me semble assez mal choisi pour lui donner des conseils sur la maîtrise de notre magie - ou pas, peut-être que ça lui changerait un peu les idées justement ? Enfin, je préfère la laisser me poser des questions et diriger le sujet dans la direction qu'elle souhaite. En attendant, je lui souris doucement alors qu'elle s'essuie les joues, ses larmes visiblement taries.

"Ca va, tu te sens un peu mieux ? Est-ce que tu veux que j'aille te chercher une boisson chaude ?"

Ou alors on pourrait carrément rentrer et se trouver un endroit plus confortable pour discuter ; mais peut-être qu'elle se sent mieux dehors, à l'air libre.

L'Initiation de Lou est donc toute récente - je hoche la tête avec un sourire pour lui confirmer que notre rôle est bien d'aider les nouveaux, entre autres. Elle a l'air intéressée d'en savoir un peu plus sur les responsabilités des Préfets, d'ailleurs, aussi je lui explique.

"C'est surtout un rôle de soutien aux Masters - ils sont très occupés et il y a de plus en plus de résidents, donc on donne un coup de main quoi... Principalement l'accueil des nouveaux, leur faire visiter l'institut et répondre à leurs question. Il faut parfois gérer certains conflits entre voisins trop bruyants, ahah. On aide aux entraînements aux pouvoirs, et on organise des permanences si les résidents ont besoin d'aide ou veulent soumettre des idées à la direction aussi. C'est un peu comme, euh... Un délégué de classe j'imagine, tu vois le genre ?"

Je lâche un léger rire à cette pensée ; je n'aurais jamais imaginé, quand j'étais au lycée, que qui que ce soit puisse me faire suffisamment confiance et m'apprécie assez pour être recommandée à ce poste. Mais au final, j'aime bien - il paraît que j'ai un petit côté autoritaire, mh. Et puis, les Airs sont quand même assez calmes, ça doit être moins fun d'être Préfet chez les Feux ou les Tonnerres.

"Les Etoiles, c'est un genre de niveau intermédiaire entre les Initiés et les Masters. Après un certain temps - ça varie d'une personne à l'autre - et quand tu commences à bien maîtriser tes capacités, le Sceau finit par se briser. On t'en remet un autre, mais moins restrictif, tu auras accès à plus d'énergie magique, en gros..."

J'évite de lui expliquer dans quelles circonstances le Sceau se brise, ça ne me semble pas nécessaire de lui donner ces détails alors qu'elle est encore en proie à une certaine détresse émotionnelle - même si elle a séché ses larmes. Ah, eh bien non en fait, en voilà d'autres qui franchissent la barrière de ses yeux... C'est de ma faute, c'était trop tôt pour lui demander si elle se sentait mieux - c'est évident que non. Je m'approche un peu de Lou et passe un bras autour de ses épaules frêles, frottant doucement son bras.

"C'est normal, il va te falloir un moment, mais ça ira... Tu verras vite qu'ici, tu trouveras toujours du soutien si tu en as besoin, alors n'hésite pas à demander, d'accord ? Le Vide, on l'a tous connu, alors on fait ce qu'on peut pour prendre soin les uns des autres..."

Je relève ensuite les yeux vers l'horizon quand la jeune femme explique que sa mère aurait bien aimé cet endroit. Le ciel est dégagé, on voit les étoiles, et c'est vrai que c'est joli - je venais souvent ici au début, quand je suis arrivée à l'institut. C'est paisible et être à l'air libre m'aide à réfléchir (on ne s'étonne pas trop de mon affinité, du coup, ahah).

"Tu parles de Terrae de manière général, ou la vue du toit en particulier ?"