Franchement, j'ai pisté des trucs plus compliqués qu'un feu en colère. Me glissant entre les gens qui fument à l'entrée, et ceux qui cherchent un peu de calme ou d'intimité, je ne peux pas m'empêcher de laisser trainer mes oreilles de CHIENG. Nan parce que bon, oui, okay, la vie privée, tout ça eh oh. On est à Terrae quand même. Y a aucune raison que tous les ragots croustillants soient lancés par des Télépathes merde. Ok ça parle encore du bisou, apparemment le coup d'éclat de Tiago a pas encore atteint la ceinture de fumeurs. Et là, j'entends des mots qui me font sourire, un peu plus loin. J'ai l'ouïe fine, après tout. Je suis un chiengue. Aria. Accompagnée. Et ouais ma reus. La petite Ariana elle est amoureuseuh. J'suis si content pour elle bordel et- Wsh. Ma reus. Comment ça en parler à son bouffon d'ex là ??? Genre. Woah et. Je m'arrête deux secondes, fixant les deux personnes qui discutent. Ou plutôt celle qui parle, que je reconnais au moins de nom et de visage, à défaut de l'avoir jamais vraiment fréquenté. Puis celui qui écoute. Le frère de la directrice. Le savant fou un peu geek et fan de baseball. Trop mims. Par contre meuf. COMMENT CA TU SAIS PAS COMMENT EN PARLER A ALLEN ? ET POURQUOI TU EN PARLERAIS A ALLEN ??? Et surtout, la con de toi là. Pourquoi tu parles de ton pote et de son ex -fantastique ex, au passage-, alors qu'Honda-sensei il veut juste danser avec toi. Juste. Danser. Merde. EHO C'EST TON DATE OU TON POTE GAY HEIN ????? GENRE LA TOUT DE SUITE, VOUS ETES SUPER CANONS AU BAL DE NOEL, ET TU PARLES DE LA VIE SENTIMENTALE DE TES POTES AVEC LE GARS QU'EST CROQUE LOVE DE TOI ET OUAH. Gros respect m'sieur Honda. Il veut juste danser avec toi, tu viens de le dire meuf. Il t'a invité au bal. Alors allez danser. Arrête de parler de ma POTE et de son DATE et EMBRASSE LE JSP ET IL EST PAS CENSE ETRE FEU LE FRERE DE LA DIRLO LA ???? Plus d'action moins de blabla wsh.

Bon et il est où ce con de feu ? 100 % il s'est arrêté pour fumer une clope qu'il va fumer 5 fois trop vite parce qu'il va en cramer la moitié à l'allumage. TIAGOOOOOOO JE SAIS QUE T'ES PAR LA.

Une fois la porte d'entrée (et dans ce cas, de sortie) passée, je me rends compte que l'institut est un peu loin. Beaucoup trop loin pour que je contienne toute cette rage qui fait tourner mon sang bien trop vite. Il y a des signes qui ne trompent pas.

Mes doigts qui tremblent beaucoup trop pour que je sois en capacité de retirer correctement une clope de mon paquet qui se retrouve écrasé dans mon poing, avant de finir en cendres. Je me brule même la main au passage, ce qui ne m'était plus arrivé depuis un moment.
Ou les buissons qui ont pour seul tort de se trouver sur mon passage. Ils subissent le même sort que mes clopes.

Le pire, c'est que ça ne m'aide même pas à redescendre en tension. Au contraire. Alors j'accélère le pas. Heureusement, ce soir, il n'y a pas grand monde dans le village. Pour ne pas dire personne. Du moins, c'est ce que je pensais, jusqu'à apercevoir un clebs qui me suit. Et je ne suis pas complètement con non plus. Je suis à Terrae depuis bien assez longtemps pour sentir les embrouilles.

- "J'sais pas qui t'es, mais t'as intérêt à vite te barrer si tu veux pas finir en hot dog."

Et ça n'a rien d'humoristique au cas où certains auraient un doute. Bon ok, je kiffe un peu trop les chiens pour être vraiment capable de mettre ma menace à exécution si le chien reste à l'état de chien suicidaire. Même si je ne crois pas vraiment aux coïncidences, en vrai... bah on ne sait jamais.

Il a vraiment eu du bol de ne pas choisir la version chat.

Au final pourquoi je me fais chier à faire le chien avec un bon odorat quand je peux juste suivre la traînée de cendres hein ? Pourtant, par habitude, et pour éviter de tâcher mon joli costume, je trottine sous cette forme jusqu'au Marionnettiste. Eho. Doucement sur les menaces. M'étirant en reprenant forme humaine, je grogne :

"Tu feras gaffe, je suis pas autant sans défense que le nez du chauve ou l'innocent verre et son pauvre contenu que t'as balancé, Tiago."

Puis je sors une clope, que je porte à mes lèvres, et, après avoir fait craquer la pierre du briquet, prenant tour mon temps, sans porter d'attention au Colombien, je lui tends le paquet.

"C'était cool que tu viennes. J'suis désolé que ca se passe comme ça,  meme si ouais, pauvre Senri. Tout ca pour faire golri une meuf et te calmer les nerfs à cause de l'autre pétasse qui savait très bien ce qu'elle faisait. 'fin bref. Merci davoir pris sur toi et d'être passé."

Je marque une longue pause, tirant sur ma clope en fixant le Feu.

"Tu veux pas genre. Revenir. Prendre ce putain de micro. T'excuser. Et profiter de la soirée avec Katsuyo, Camil, Nana et moi ? Tranquille, sans jugement. Juste profiter quoi. L'année était suffisamment merdique comme ça."

Comment je vous implique dans des trucs chelous sans votre consentement les potes désolé mdr. Mais vazy ça commence à me casser les couilles cette situation de merde. Même si il cherche, le con. Même s'il mérite. C'est Noël merde.

Erik donc. Outre le fait que je ne sois pas étonné que ce soit lui qui soit assez taré pour quitter le bal en me suivant (sous forme de chien...), je crois que c'est aussi l'un de ceux qui me font le moins grincer des dents. Parmi les Morphes en tout cas. Même si je comprends encore mal pourquoi il se donne cette peine.

Enfin, il me propose une clope alors, je peux bien prendre un minimum sur moi. Parce que comme j'étais parti, fallait que j'attende de rejoindre ma chambre pour choper un nouveau paquet. Et ma chambre, c'est loin.

J'allume ma clope (celle que j'ai réussi à attraper en contrôlant un peu plus mon énervement) en écoutant ce qu'il a à dire. Et encore une fois, j'en suis sur le cul. Ce mec est une véritable énigme. Mais, ça a le mérite d'atténuer toute la rage qui je ressentais. Oh, je ne suis pas parfaitement calme non plus, mais je retrouve une stabilité à peu près correcte.

- "Vraiment... j'te comprendrais jamais."

C'est sûrement la première chose qui me traverse l'esprit. Ok, peut-être que ça m'a un peu fait sourire ce résumé foireux. Mais je n'ai aucune idée d'où il peut me sortir un merci. Parce que je ne suis pas stupide. J'ai bien capté que tout a été de travers dès le moment où j'ai posé un pied dans cette foutue salle.

- "Laisse tomber, il est beaucoup trop tard pour que je revienne. Après c'qui vient de se passer... j'ai plus envie."

Même si j'apprécie largement Nana et Katsu, que visiblement, Erik aussi, et... bon ok, ce serait toujours aussi chelou de parler avec le mec que j'ai pris pour une meuf et... Nan mais en temps normal, ça ne me dérangerait pas. Mais en sachant que la moitié des gens jugeraient mon dernier excès de rage encore trop récent (et peut-être ils ont un peu raison... ?), c'est juste impossible.

Et je ne parle même pas de présenter des excuses au micro. Mdr. Il a cru que j'étais Eau ?

- "J'apprécie... vraiment. C'est cool de proposer. Mais c'est pas la peine."

Et à défaut de passer une bonne soirée, il m'évite probablement de m'exploser la main contre le prochain arbre qui aurait croisé ma route (parce que les cramer ne m'apporte manifestement aucun bienfait).

"Après qu'il se soit passé quoi ? "

C'est clairement une question rhétorique. Pourtant, je laisse le silence s'installer, le temps de tirer une taffe sur ma clope. J'avais délibérément ignoré sa première remarque, sur le fait qu'il ne me comprendrait jamais, parce que ouais, sans doute que c'était vrai, mais que surtout, j'avais obtenu ce que je souhaitais. Un peu de calme. Un peu d'apaisement.

"J'veux dire. T'as balancé un verre, et doit y avoir 3 connards qui ont compris pourquoi Alice est venue te parler. Ouais t'as merdé. Comme d'habitude. Okay. Lourd. Moi non plus je te comprends pas, Tiago. T'en as clairement marre, de passer pour le connard condescendant, même si tu sais faire que ça, en publique. Pourtant tu essaies. De faire mieux, j'veux dire. De prendre sur toi. Maintenant, si tu le fais qu'à moitié, ça convaincra personne, en fait. Ça te convainc pas toi même. Ça coûte quoi, de prendre ce micro et de dire "Salut, je suis Tiago Marquez, et je vous présente mes excuses pour mon comportement ce soir". J'te demande même pas de parler de ce que t'as sur le coeur t'sais. Si tu veux, je passe sur scène avant toi, et je lâche un dosser honteux, pour te mettre en confiance. Genre : "Bonsoir, moi c'est Erik, le gars qui a failli pisser dans l'ascenseur une fois parce qu'il était ENCORE en pane. Ah oui et la coupure d'eau et d'électricité le 9 juin 2018 c'était de ma faute."

J'suis moyennement convaincu que ça aide. Mais eh, ça pourrait être marrant, un de ces quatre, une sorte d'open mic' des trucs honteux à Terrae. Je note l'idée, je note... En tout cas voilà. Merde. Tiago. une nouvelle bouffée de fumée emplit mes poumons et je reprends.

"T'as une réputation, Tiago. Une réputation méritée, en plus de ça. Pourtant, il y a des gens qui t'apprécient, qui comptent sur toi en mission, ou au quotidien. T'as une fille. Et j'évoquerais même pas le fait de récupérer sa garde, je sais pas ce que tu veux ou ce qui est faisable. Mais si l'image que tu te fais de toi suffit pas à motiver le changement, et que tu arrives toujours pas à sauter le pas. Fais le pour elle. Qu'elle se bouffe pas des réflexions de ses camarades à propos de son père le coureur de jupon arrogant et bagarreur tous les quatre matins, quand elle ira à l'école. Puis merde hein. Regarde les arguments que tu me fais sortir putain- j'éclate de rire Bouge ton cul. Assume tes putains d'actes. Les bons comme les mauvais. Et peut-être que les gens arrêterons de voir que le mauvais en toi. Parce qu'à un moment, ta belle gueule suffira pas pour pécho. quand tu auras brisé le cœur de toutes les filles du coin."

J'écrase mon mégot sous mon talon, mon regard dans celui du Colombien. La dernière phrase, c'était pour finir sur une note plus légère. Et c'est probablement la phrase qui fait que je risque de tâcher mon super costume fait sur mesure par Aria. À moins que ça soit la phrase sur sa fille. En tout cas s'il le prend mal ça sera pour une de ces deux raisons j'imagine. Mais putain. Grandit. Merde.

Il tient vraiment à ce que je donne plus de détails ? Les yeux toujours braqués sur lui, j'attends qu'il reprenne. Parce que non, je ne compte pas me donner cette peine.

Sauf que bien sûr, je devrais commencer à le savoir, quand Erik reprend la parole, ce n'est pas pour lâcher dix ou même vingt mots au gré du vent. Non. C'est le déluge. Et plus il parle, moins j'arrive à être d'accord avec moi-même.
Est-ce que je suis un peu étonné, voir même impressionné de me rendre compte qu'il a vraiment essayé de comprendre mes actes ?
Ou est-ce que j'ai juste envie de le frapper, à l'entendre émettre ces hypothèses que je n'ai absolument pas envie d'entendre ?
Le choix est compliqué.
Mais il y a une autre chose qui est parfaitement évidente.

- "Ce que ça me coute ? Mec, si je fais ça, c'est mon âme qui quitte mon corps pour partir brûler en enfer sur le champ ! T'as vraiment aucune idée de ce que c'est que l'ego pour balancer tout ça ?"

Je ne vois pas d'autre solution.

- "Et tu t'plantes. Je n'essaie de convaincre personne."

Mais il faut admettre que ça a au moins participé à me détendre. Partiellement. Il ne faut pas en demander trop non plus. A moins que ce ne soit la nicotine. Quoi qu'il en soit, je n'ai plus l'envie irrépressible de cogner dans tout ce qui est à portée de poing.

Enfin ça, c'était avant. Pourquoi il faut toujours qu'il en dise trop ? A l'évocation de Shana, je sens mes veines se gonfler sous l'afflux sanguin qui repart de plus belle. Mes tempes recommencent à vrombir et je dois me faire violence pour ne pas le faire taire immédiatement. Ce n'est pas le moment. Et si ça le fait rire, moi, pas. Et ça se voit.

- "J't'aime bien, mais fais gaffe au sujet que t'aborde quand même. Ce serait con qu'ta meuf doive se trouver un nouveau cavalier pour la soirée."

C'est bien parce que c'est ce gars là qui m'a servi mes premiers verres quand j'ai débarqué ici que je ne lui en colle pas une direct. Une envie qui transparait très bien dans mes mots. Ou alors c'est parce que j'ai déjà bien compris qu'il ne cherche pas juste à m'enfoncer. Mais merde. Il y a un timing à respecter ! Et au cas où ce ne soit pas assez évident, je ne suis absolument pas en état de recevoir ce genre de discours.

- "Et là encore tu t'plantes. Je n'ai jamais compté que sur ma belle gueule pour ça."

Cette fois, j'arrive quand même à afficher mon super sourire parfaitement arrogant. Ce qui ne participe sûrement pas à me rendre plus sympathique pour autant.

- "Mais t'en fais pas. J'assume parfaitement mes actes. On n'a juste pas la même façon de le faire."

Parce que non, il est hors de question que je m'excuse auprès de qui que ce soit pour ce qui s'est passé ce soir.

Je souris à la plaisanterie du Feu, bien conscient que ça risque de ne pas durer. Parce que plus je parle, plus son visage se ferme. Jusqu'à l'évocation de sa fille. J'ai jamais été très doué pour sentir les énergies, c'est vrai. Pourtant, là, il fait étrangement plus chaud, d'un coup. "Etrangement".

"Elle aurait aucun mal à ça je réponds en parlant de Nana et de sa menace à peine voilée. Parce que ça n'a pas grand chose d'une plaisanterie. Pourtant, je ne m'adoucie pas le moins du monde, continuant de parler, préférant le prendre à la légère, prenant soin de ne pas montrer la tension qui monte en moi, au cas où ça déraperait Mais j'avoue qu'elle serait déçue, et moi aussi."

Je ne m'excuse pas pour autant. Quand il plaisante enfin à son tour. Parce qu'il plaisante, je crois ? Quand il parle d'autre chose que de sa belle gueule, il parle bien de sa bite on est d'accord ? Enfin quand il en parle, du coup, je n'esquisse pas un sourire. Contrairement à lui.

"T'assume de ouf ouais. À te barrer en faisant une scène. Tout ce que tu assume, c'est quand on te met le nez dans ta merde, et que tu pars dans la confrontation. C'est la confrontation que tu assumes. Pas tes actes. ¡No seas niño! Grow up. 育ち行く. Faut te le dire en quelle langue ? Merde hein. J'voulais juste te remercier d'être passé."

Quand j'ai commencé à jouer les google traduction, j'ai senti mes épaules s'affaisser, mon regard tombant à ses pieds, la tête basse. Franchement, j'sais pas quoi faire. Quoi dire. Peut-être que ça aurait pu attendre une autre occasion, pour essayer de discuter. Mais est-ce que ça aurait été différent ? Est-ce que sa réaction aurait été différente ?

"Joyeux Noël, Tiago."

J'ai réussi à relever la tête en lui souhaitant sincèrement un joyeux Noël. Je n'espère pas pouvoir continuer à parler avec le colombien ce soir, ça me semble compromis. Sans doute que je vais juste tourner les talons et retourner auprès de ces gens que j'aime, qui m'attendent dans la salle des fêtes. Au chaud. Avec la musique et les petits fours. Et j'pourrais que penser à lui, seul, dans sa chambre, à ruminer ou brûler des trucs. Joyeux Noël, ouais...

Si la tension a level up d'un coup, ce n'est sûrement pas ce qui risque de me gêner. Mes émotions ont l'habitude de jouer aux montagnes russes en ce moment. Ce pic nouvellement atteint, qui fait bouillir mon sang et me donne de nouvelles pulsions de violence, je suis habitué à cohabiter avec. Suffisamment pour encore être capable de faire la part des choses. Et avoir conscience de qui j'ai en face de moi.

La colère qui m'habite a beau bloquer une partie de mes facultés de réflexion, je suis encore capable de ressentir ce qui se dégage de la scène générale. A moins que ce ne soit un reste de mon passé de sensitif ? Quoi qu'il en soit, je n'ai aucune envie de m'en prendre à Erik.

Pourtant, ses mots me font un peu mal. Pas forcément parce que je considère qu'il a raison (cela dit, il n'a probablement pas tort non plus), mais parce qu'à ce moment là, je me rends compte d'un truc. Même les rares personnes qui essaient, qui font un pas dans ma direction, qui arrivent à choper cet équilibre complexe à ne pas trop en faire sans pour autant flipper à me dire des trucs chiants à entendre ; je ne suis pas foutu de les accepter.

Il me faut quelques secondes pour réagir. Encaisser. Quelques secondes où mon visage n'exprime plus rien du tout. Sûrement parce que je ne sais plus où j'en suis à ce moment.

- "Merci. D'essayer. Je ne peux pas retourner dans cette salle. Ca ne finirait que plus mal. Mais, c'est cool. D'être venu."

Je ne peux pas m'empêcher de me dire qu'il perd son temps. Que je ne serai jamais capable de répondre à un problème autrement que par la confrontation. Mais je n'ai pas envie de revenir dessus. Parce que je me rends aussi compte qu'il est là, et que ça ne doit pas être évident de lâcher ses potes (et sa meuf) pour rattraper le connard qui plombe toujours l'ambiance.

- "Joyeux noël à toi aussi."

Je manque sûrement d'enthousiasme pour ces mots, mais je lui souhaite sincèrement de profiter de cette soirée. Même si des fois j'ai sérieusement envie de le cogner.