Contexte : Le RP se déroule 4 jours après le retour de mission dans la base du Centre.

Etat de Mitsu : Vaseuse, le corps encore épuisé par tout ce qu'il a enduré. Son bras droit est en attelle (blessure par balle).


Mes yeux s'ouvrirent assez difficilement alors que j'entendais quelques coups être frappés à la porte.

Cela faisait déjà... je ne sais pas, quelques temps que j'étais alitée ici. J'avais fini par réaliser que j'étais bien à Terrae quand Yuuna avait franchi le seuil de la porte pour vérifier ma tension. Je lui avais bien demandé quel jour nous étions, mais sa réponse n'était jamais parvenue à mes oreilles, étant beaucoup trop épuisée pour accéder au sens de tous ses mots. Elle m'avait aussi expliqué des choses sur ma situation, mais les propos étaient restés flous. Je constatais bien toute seule, de toute façon. Mon bras était attaché, ma greffe était bloquée, et les perfusions continuaient à être changées régulièrement.

Ce matin-là, n'ayant toujours pas vraiment conscience du temps qui s'écoulait depuis que j'étais rentré (nous étions le troisième jour ? quatrième ? cinquième ? La seule chose dont j'étais certaine, c'est que cela ne faisait pas encore une semaine ; Yuuna employait toujours le mot "jour" quand elle me répondait), j'émergeais lentement alors que la porte de ma chambre d'hôpital s'ouvrait, comme d'habitude.

-Yuuna, c'est toi ?

Alors que ma vue s'habituait à la luminosité de la pièce, j'aperçus une silhouette qui ne correspondait pas à celle que je m'attendais à voir. Il me fallut quelques secondes pour réaliser qu'il s'agissait de Misao. Je baissais les yeux sur l'équipement qu'il semblait avoir emporté avec lui. C'était difficile de rester alitée à l'hôpital, mais encore plus lorsqu'on était seul, sans personne avec qui parler. Sans personne non plus pour nous rendre visite car toutes les personnes qui auraient pu le faire devaient se trouver ici elles aussi... Le temps était terriblement long.

-Qu'est-ce que tu fais ici ?

Misao poursuit ses visites des chambres des blessés. Ca grouille encore de monde dans les couloirs, mais moins que plusieurs jours auparavant ; les blessés les plus légers peuvent se déplacer, certains sont rentrés chez eux mais on des rendez-vous réguliers avec les médecins de Terrae. Certains des non-terraens sont rentrés chez eux, mais il reste encore le lieutenant gravement blessé de la mission de récupération des enfants.

Son rôle est simple aujourd'hui : vérifier les constantes des blessés, notamment par rapport à leurs pouvoirs déglingués. Ceux qui l'intéressent le plus sont évidemment Nicolas et les membres de la mission de destruction de la machine anti-pouvoirs, qui a été ramenée via la Greffe d'Aaron grâce à l'action héroïque de l'équipe de Mitsuki. Grâce à eux, il pourra prendre le temps d'étudier cette machine, et il espère surtout pouvoir obtenir l'aide de Mitsuki pour la remonter et la tester. Quoiqu'il en coûte, car il est prêt à la lancer dans un coin vidé de toute population de Terrae... Mais ils n'y sont pas encore. Pour l'instant, les blessés peinent encore.

Il rejoint la chambre de Mitsuki. Difficile. Elle ne sera sûrement pas ravie de le voir, mais… Ouais, il faut quand même qu’il entre, c’est son boulot. Misao rassemble son masque professionnel habituel. Il toque doucement contre le battant de la porte, et sent son coeur se serrer à la vision de la Master alitée. Ce n'est pas la première fois qu'il pénètre dans cette chambre, mais bien la première fois qu'elle est réveillée en sa présence. Il lui sourit maladroitement ; leurs disputes récurrentes et leurs querelles n'ont pas leur place ici. Et au fond, il la considère elle aussi comme son amie, à leur manière.

—C’est Misao. (Pause.) Je venais voir comment tu allais, rapport à tes pouvoirs.

Il referme la porte derrière lui et s’avance, à une distance respectueuse.

—Comment tu te sens ? (Pause, hésitation.) Ca me fait plaisir de te voir.

Il est content qu’elle soit rentrée.

Mon regard si vida à la mention des pouvoirs. S'il n'était déjà pas tellement expressif à cause de la fatigue, c'était encore pire maintenant. Mes pouvoirs...

Bien que je n'ai pas vraiment eu l'opportunité de les utiliser ces derniers jours, je sentais bien que je n'avais pas récupéré mon énergie d'origine. Est-ce que j'allais rester comme ça indéfiniment ? Est-ce que c'en était fini de mon affinité de Tonnerre, de ma téléportation si précieuse ?

Mes yeux glissèrent vers la fenêtre et je me contentais de hocher la tête. Moi qui avait, fut un temps, tant détesté Misao à cause de ce qu'il avait fait par le passé lorsqu'il travaillait encore avec les scientifiques, je n'aurais jamais pensé un jour pouvoir reposer tous mes espoirs sur lui, et uniquement sur lui.

Oh bien sûr, malgré tout, nos relations s'étaient améliorées depuis. J'étais rancunière, mais j'imagine que le temps m'avait permis de comprendre qu'il voulait vraiment changer. C'était de l'histoire ancienne, tout ça. Mais quelque part, c'était aussi risible d'y repenser là, maintenant, et de constater qu'après avoir été l'objet de ma haine, il était devenu l'objet d'un espoir nouveau.

Je reportai mon attention vers lui quand il m'indiqua être heureux de me voir. Je sentis mon coeur se serrer douloureusement alors qu'une larme solitaire perlait dans le coin de mon oeil.

-Ca pourrait aller mieux, répondis-je.

N'osant pas affronter son regard, je reportai une fois encore mon regard vers la fenêtre. Les paupières lourdes, autant à cause de la lumière vive que de la fatigue, je luttais pour ne pas m'endormir encore.

-Il faut... que je fasse quelque chose ? articulai-je à mi-mot.

Peut-être que ce n’était pas encore le bon moment pour venir voir Mitsuki… Mais au fond, Misao avait aussi envie de prendre de ses nouvelles, et son travail n’était qu’une excuse. Silencieusement, il se rapproche de la blessée pour tirer une chaise et s’installer, sans la brusquer. Ca doit être déstabilisant pour elle ; à la fois à cause de ses pouvoirs qui ont tant changé, mais aussi à cause de l’opération, des effets de sa Greffe, et ce genre de choses. Heureusement, sa Greffe ne l’attaque plus aujourd’hui ; mais peut-être aurait-il fallu couper son énergie Terraenne encore un peu… Enfin, ce n’est pas à Ryu que Misao allait dire quoi faire, ils s’entendraient plutôt mal à ce sujet. Comme à tout le reste.

La voir pleurer comme ça, en revanche, ça fait mal.

—Je me doute. Désolé.

Ce n’est pas dit avec brusquerie, ni pour minimiser ce qu’elle dit. Plutôt avec tristesse et compassion, mais aussi embarras face au temps qu’il va lui prendre et l’énergie qu’il va lui voler, alors qu’elle se réveille à peine de son état difficile.

—Pas si tu n’en as pas l’énergie. C’était peut-être un peu tôt pour venir te demander d’utiliser tes pouvoirs.

Il prend son temps, et laisse Mitsuki faire de même. Tranquillement, car ils ne sont pas pressés.

—Luna et Tiago sont dans des chambres stériles, ils ont subi des brûlures importantes à cause de la dernière explosion, explique-t-il calmement. Ils vont un peu mieux et se sont réveillés. Eux aussi ont eu une altération de leurs pouvoirs, mais on n'a pas plus d'infos, on va attendre un peu avant d'aller les voir. On pense que ton état est surtout dû à la réaction de ta Greffe suite à l’irradiation que tu as subie et de tes blessures.

Mieux vaut ne pas dire ce que Misao pense au sujet de sa Greffe : ce n’est pas la première fois qu’elle essaie de la tuer ; ou, plutôt, manque de le faire.

—Tu te souviens un peu de ce qu’il s’est passé ?

Je tentais de me concentrer sur les mots de Misao, luttant contre l'envie de dormir. Je reportai mon regard sur lui et sur ses lèvres, pour comprendre les mots qu'il prononçait même si je ne les entendais pas toujours. C'était quand même bien pratique qu'on soit japonais tous les deux.

Je me perdis un peu dans les explications sur Luna et Tiago. Je crois que Norah m'en avait déjà parlé elle aussi, mais j'avais quand même l'impression d'apprendre encore des choses. Silencieusement, je hochai la tête, essayant de retenir les informations sans vraiment être sûre que ça puisse être un succès, surtout après ma prochaine sieste. J'imagine qu'à partir du moment où mon cerveau avait compris qu'ils étaient encore en vie, il n'avait pas jugé utile de garder les autres informations. Son analyse sur mon état me fit détourner le regard vers la fenêtre une énième fois. De toute façon, ma greffe prenait toujours un malin plaisir à m'attaquer lorsque l'occasion se présentait.

-Tu dois avoir raison, parvins-je à articuler.

Quand il me demanda si je me souvenais de ce qu'il s'était passé, je secouai lentement la tête de gauche à droite.

-Pas vraiment. Pas la fin en tout cas. La seule image qui me reste vraiment c'est lorsque j'ai finalement réussi à désactiver la machine. Après, tout est flou.

Et même avant, le fameux choc, la fameuse onde radioactive, tout ça restait assez vague dans mon esprit.

-Tu dois me faire un prélèvement ou quelque chose, aujourd'hui ? demandai-je, les paupières mi-closes, en tournant le visage vers lui.

Mitsuki n’est vraiment pas en forme, aussi Misao prend son temps lorsqu’il lui explique. Il lui répétera au besoin, il sent bien qu’elle peine de plus en plus. Son attention sera de courte durée. Ses constatations, en revanche, ne plaisent pas trop à la Master, ou bien la mettent mal à l’aise, en tout cas. Elle détourne la tête et fixe le ciel un instant, vers la fenêtre. Il a plutôt l’impression de la voir fixer le vide, et la voir en si petite forme lui fait forcément quelque chose.

La relation de Mitsuki et Misao… est complexe. Il sait très bien pourquoi ça a merdé — c’était de sa faute — mais il n’a jamais vraiment oublié la relation particulière qu’ils avaient lorsqu’ils communiquaient par écrit, avant de comprendre qui se cachait derrière leur pseudo en ligne. Pendant un temps, Mitsuki avait été une amie importante à ses yeux, il lui était plaisant de l’écouter parler à toute vitesse, raconter son quotidien, ses escapades, ses déboires. Ensuite, ils s’étaient détestés — et ensuite encore, elle lui avait sauvé la vie, bien que sa seule présence auprès d’elle lui causait de la souffrance. Et il l’aime bien, Mitsu, même quand ils se chamaillent. Ca lui rappelle quand il était jeune et s’engueulait avec sa soeur, c’est pas tout à fait pareil qu’avec Elwynn où ils sont presque trop doux, trop gentils l’un envers l’autre.

Alors là, comme ça, dans ce lit d’hôpital, c’est dur. Surtout entendre cette voix. Il acquiesce lorsqu’elle lui indique ne pas se souvenir de grand-chose.

—Je comprends, le choc a dû être important. Il y a eu une explosion ensuite, Luna a fait exploser une grenade avec deux cristaux Tonnerre. Je te laisse deviner le carnage, sourit-il. Tu t’en es bien sortie avec la machine. On a pu tout récupérer, ça nous permettra de comprendre comment ils l’ont modifiée. Quand tu iras mieux, nous aurons besoin de toi, si tu es ok.

Lui laisser une note d’espoir, un projet. Une motivation pour se relever, après cette horreur.

—Non, pas vraiment ; ce sont les infirmiers qui s’en chargent… (Il hésite.) En vrai, je venais surtout pour prendre des nouvelles, je me suis inquiété. Je sais que je suis pas la personne avec qui tu as le plus envie de parler, mais au besoin, sonne moi. On sera amenés à se voir souvent, alors…

Il fait un geste de la main, embarrassé.

Mon attention se délitait progressivement. Mes yeux, aux paupières lourdes, restaient fixés sur Misao. Alors qu'il me racontait la fin de la mission, je hochai vaguement la tête, la voix de Norah se greffant sur celle du Feu pour me rappeler que j'avais déjà entendu ça, bien que ma mémoire continuât à me faire défaut.

Un petit sursaut me ramena à la réalité alors qu'il m'indiquait ne pas avoir besoin que je fasse quelque chose en particulier aujourd'hui - les infirmiers se chargent des prélèvements...? Oui, c'est logique, cela dit.

L'envie de lui demander son avis sur mon état passa dans mon esprit mais cette pensée fut vite évincée au profit du besoin de me reposer. Il y aurait d'autres moments. De toute façon, je n'aurais probablement rien retenu s'il m'avait répondu.

-J'y penserais, articulai-je alors que mes paupières se fermaient à nouveau.

Et malgré mon envie de rester un minimum éveillé pour lui et l'écouter s'il continuait à me parler, je finis par m'assoupir, incapable de résister davantage. On finirait bien par se revoir vite...

Misao aurait pu partir. C’est vrai, elle s’est endormie très vite, complètement anesthésiée par les médocs, la fatigue, probablement la douleur. À la place, il attend, se posant dans le fond du siège, la regardant dormir un peu, puis regardant le mur. Les pensées l’assaillent désagréablement.

Un instant, Misao regrette de ne pas savoir contrôler cette énergie. S’il le pouvait, il comprendrait peut-être davantage comment leur magie fonctionne. Il pourrait peut-être l’aider à comprendre cette Greffe qui lui fait si souvent défaut, voire la blesse ; qui mettra sûrement fin à sa vie, quand on y pense. Et à côté de ça, elle a toujours l’air si dynamique et insouciante. Ca le gonfle juste à y songer, de se dire qu’elle fait les choses sans réfléchir, qu’elle peut se blesser à ce point elle-même.

Au fond d’elle, il y a cette flamme qui brûle, sur laquelle il essaie de se concentrer — il sait que la flamme est là, que cette énergie lui est familière, même s’il n’en reconnait pas la signature. Si seulement il la comprenait, cette énergie… il pourrait faire tellement plus, tellement mieux.

Finalement, il se lève et sort, allant faire son rapport aux médecins, et comme on n’a pas besoin de lui, il rentre au labo pour se confronter aux vidéos qu’ils ont ramené, aux formules contenues dans l’ordinateur.



Quelques jours plus tard, Misao revient toquer à la porte ; on lui a dit que Mitsuki se sentait un peu plus alerte, alors c’est le moment de revenir. Il est repassé en coup de vent, juste lui tenir un peu compagnie, mais elle dormait souvent alors il a laissé tomber assez vite.

—Ah, tu es réveillée. Tu vas comment ?

On fait sobre, hein.

Cela faisait à peu près une semaine que nous étions tous rentrés de mission. Approximativement, en tout cas. Le temps se déroulait encore un peu de façon étrange à mes yeux. Mes journées se ressemblaient pas mal : je dormais, Norah passait ou d'autres infirmiers, on me parlait mais j'oubliais, j'entendais parfois, je crois, la voix de Ryu... Mais globalement, je dormais, en fait. Je ne sais pas vraiment si d'autres personnes m'avaient rendu visite ; je crois que Norah m'avait parlé de quarantaine mais ici encore j'oscillais entre rêve et réalité et j'avais encore un peu de mal à prendre les informations correctement.

Ce matin-là, je m'étais réveillée assez tard dans la matinée. Mon attention s'était d'abord portée sur les différents signes qui indiquaient le passage des infirmiers - toutes les deux heures pour vérifier ma tension - et j'avais ensuite porté mon regard sur la fenêtre. Malgré le froid, il semblait que ça allait être une belle journée.

Me sentant un peu plus en forme que d'habitude, je décidais qu'aujourd'hui j'allais essayer de retenir les informations que je recevais, aussi me redressai-je dans le lit. J'avançai un peu à quatre pattes jusqu'au bout pour récupérer la feuille de soin, et regardai la date écrite dessus. Oui... On va dire qu'après tout le temps que je semblais avoir déjà passé ici, je pouvais faire l'effort d'être un peu plus alerte.

Je retombai sur mes fesses et regardai le sol à côté du lit. Je n'avais pas marché depuis un long moment, mais peut-être que je pouvais tenter aujourd'hui ?

Un infirmier ne tarda pas à arriver. Il m'adressa un sourire en me saluant, et me demanda de me replacer correctement pendant qu'il faisait ma prise de sang. J'obtempérai et, une fois qu'il fût parti, j'entrepris de me lever de mon lit...

Ouais, en fait, les muscles c'est pas encore ça. Je râlai un peu, avant de soupirer de mécontentement. D'accord, faisons les choses dans l'ordre. On va essayer de refaire mentalement le schéma des actions qu'il faut faire pour se lever, et pour marcher. Quels sont les muscles sollicités ? Quel est l'enchaînement correct à effectuer ? Si je tombe, je sens que ça va me déprimer.

Et alors que j'allais faire un pas hors du lit, j'entendis une voix que je reconnus rapidement en croisant le regard du Feu.

-Oh, salut Misao !

Mes yeux quittèrent ma jambe pendante le long du lit, côté opposé à la porte et à Misao. Oui, je crois actuellement qu'il ne va pas du tout voir comment je me tiens avec les couvertures fines qui me recouvrent.

-Tu veux bien ouvrir un peu la fenêtre ? J'aimerais bien aérer un peu la pièce.

On va faire passer ça pour mon intention initiale.
Et je rentrai enfin ma jambe sous les draps.

Quand Misao entre, Mitsuki semble sur le point de se lever pour… on ne sait pas trop, en fait. Elle a l’air d’avoir retrouvé quelques couleurs au visage — elle semblait pâle comme la mort, quelques jours plus tôt, avec ses longs cheveux clairs — et avoir retrouvé un peu d’énergie, à défaut d’entrain. Par contre, il capte très vite qu’il l’a surprise et lâche une excuse à voix basse, comme pris en faute. Il ne s’attendait pas forcément à ce qu’elle soit réveillée, il a donc attendu moins longtemps qu’habituellement pour entrer, il va falloir qu’il fasse attention à l’avenir. Il la salue et sourit finalement.

—Oui, bien sûr, attends.

Sans tergiverser, il traverse la chambre et va ouvrir la fenêtre pour laisser entrer un peu d’air frais… air glacial, même, en réalité. Il ne remarque pas le petit manège de Mitsuki, ni la confusion dans son regard. Quand il se retourne vers elle, cependant, il sourit un peu plus faiblement et ajoute :

—S’il fait trop froid, dis-le moi et je fermerai.

Le chercheur avance jusqu’au fauteuil près du lit de Mitsuki et, sans s’y installer, fait courir nerveusement ses doigts sur le dossier. Y a comme un silence gênant, là, il sait pas trop comment se comporter avec elle. Il s’efforce de ne pas trop la détailler, de ne pas trop montrer son inquiétude non plus.

—Tu n’as pas répondu tout à l’heure. Tu te sens comment ? Enfin, tu as l’air un peu plus en forme, hein. Mais je me demandais.

Hm. Il s’humecte les lèvres et regarde ses notes, presque embarrassé.

—Tu as pu discuter avec les médecins ? On t’a expliqué un peu ce qu’il s’était passé ?

Autant pour Luna et Tiago, il s’en fichait de leur expliquer, mais pour Mitsuki, c’était un peu différent. Il aimerait savoir comment elle vit tout ça, et surtout… eh bien… oui, qu’elle soit mise au courant de la réussite des missions, des blessés, tout ça.

Quelle idée de vouloir ouvrir la fenêtre pour aérer ! Cette excuse est bidon, on est en plein mois de décembre, il fait beaucoup trop froid !

Je remontai discrètement le drap sur moi avant que Misao ne se tourne pour me regarder, et commençai à le fuir honteusement son regard. En fait je crois que je voudrais bien que tu refermes tout de suite mais de une, ça réduit à 0 mon excuse, de deux... De deux, c'est quand même frustrant de devoir se reposer sur quelqu'un pour ouvrir et fermer une fenêtre. Rien que ça je ne peux pas le faire...

Je reportai cependant mon regard sur lui alors qu'il réitérait sa question. Exact, j'avais oublié de répondre... Je baissai les yeux sur mes mains que je triturai déjà au-dessus de mon drap, et l'écoutai me demander si je savais ce qu'il s'était passé. Je secouai légèrement la tête, agacée.

-On me l'a déjà expliqué plusieurs fois, je suppose...

Je levai mon regard vers lui, un peu gênée.

-Je suis désolée, il fait vraiment froid en fait... Je ne savais pas qu'il faisait aussi froid. Est-ce que tu veux bien refermer la fenêtre ?

Il va finir par vraiment en avoir marre de moi. Déjà que notre relation est particulière... Je me pinçai les lèvres alors qu'il se levait à nouveau.

-Et ça va, oui, merci. Je me sens plus en forme aujourd'hui. Je crois qu'ils ont un peu modifié mon traitement, c'est que ça doit s'améliorer non ?

Emmêlant toujours un peu plus mes mains, je fis un faux mouvement qui me lança dans le bras droit et je grimaçai avant d'arrêter mon geste. Ok, on arrête d'être aussi nerveuse. Je replaçai mon attelle correctement.

-C'est gentil de venir me voir. Tu es venu plusieurs fois non ? Mes souvenirs sont vagues mais j'ai le sentiment de t'avoir aperçu à plusieurs reprises.

Mitsuki n’a pas l’air très à l’aise, et ça se comprend un peu, il faut dire. La dernière fois qu’ils se sont retrouvés à l’hôpital ensemble, c’était il y a des années, quand elle l’avait forcé à venir consulter… parce qu’il s’était tellement blessé les mains qu’elles n’arrivaient plus à guérir. Les yeux du Feu se glissent sur ces fameuses mains alors qu’il referme la fenêtre sans trop réfléchir, lorgnant sur les cicatrices encore visibles, les marques qu’il porterait à jamais.

—T’inquiète pas.

Ca lui donne quelque chose à faire, plutôt qu’attendre en la regardant se tripoter les mains. Il peut comprendre qu’elle n’ait pas très envie qu’il la voie ainsi, lui en particulier. C’est un étrange retournement de situation. Heureusement, elle dit se sentir mieux… alors il sourit tranquillement et acquiesce.

—Certainement oui. Content de le savoir alors.

Il se retient de dire qu’elle était très amochée en arrivant ici… enfin, c’est un hôpital, c’est normal… mais en même temps, il n’arrive pas à s’enlever ces images de sa tête. Ses sourcils se froncent alors qu’elle bouge un peu trop, semble se faire mal… il avance vers elle, sans rien dire, et s’installe sur la chaise à côté. Pour que ce soit moins impressionnant, lui détestait quand les gens restaient debout dans sa chambre d’hôpital alors qu’il était assis. Ca le faisait se sentir encore plus misérable. Il détourne un peu les yeux à sa question, cette fois. Ah. Ouais. Oui. Alors.

—Ouais, je suis passé plusieurs fois, j’étais inquiet. Je venais des fois quand j’avais une pause.

Un peu pris de court, il continue, pas cent pour cent honnête :

—Je me demandais pourquoi ta Greffe réagissait comme ça… Tes résultats étaient un peu différents de ceux des autres, on aurait dit qu’elle luttait contre le produit comme contre un poison. Enfin, Ryu a été obligé de la verrouiller pour éviter qu’elle te fasse du mal…

Pas cent pour cent, parce que c’était pas ce qu’il se demandait quand il était assis, c’était surtout un endroit où il sentait qu’il pouvait reposer ses pensées, au contraire. Et il se sentait moins… impuissant, sûrement, alors il avait envie de veiller un peu sur elle quand il n’allait pas voir Nicolas ou Elwynn. Enfin, c’est trop bizarre, donc il va sûrement pas le lui dire comme ça, ils sont pas vraiment… amis, non ? Enfin, ils l’étaient, alors c’est normal qu’il s’inquiète, mais. C’est toujours étrange…

— C’est peut-être pas avec moi que t’auras envie d’en parler, mais au besoin, hésite pas. Je viendrai de toute manière souvent pour… (il lui montre son calepin de notes.) Enfin tu vois. Sinon, on peut se cantonner à ça.

Ouais, genre, les recherches plutôt que parler. C’est comme elle veut.

Je hochai la tête en réponse aux informations que me donnait Misao. On m'avait informé de ça, en quelque sorte, même si je n'avais pas retenu tout ce qu'on m'avait dit. Mais il fallait être bête pour ne pas comprendre la raison pour laquelle Ryu avait dû bloquer ma greffe -et mes pouvoirs d'une manière générale, d'ailleurs. Ce n'était pas pour rien que mon hospitalisation était aussi longue... Quand bien même j'aurais voulu partir, j'étais cantonné à rester ici pour me reposer. Je n'aurais de toute façon pas eu la force de marcher jusqu'à chez moi... Est-ce qu'un jour cette greffe cessera de m'apporter des problèmes ?

Je souris légèrement à Misao, secouant légèrement la tête.

-Je crains surtout n'avoir pas grand chose à dire...

Je baissai à nouveau mon regard sur mes mains, et décidai enfin d'arrêter de les torturer ainsi, les reposant à plat sur le drap qui me recouvrait. Je relevai mes yeux vers le Feu.

-Est-ce qu'il y a des questions que tu dois me poser ? Profites-en aujourd'hui, je ne serais peut-être pas dans le même état demain, alors si je peux t'aider dans tes recherches...

Je lui aurais bien demandé où il en était, ce qu'il avait appris, et quelles étaient ses conjectures pour la suite, mais je savais pertinemment que l'information avait un gros risque de s'échapper de ma mémoire. Et pourtant, je brûlais d'envie de participer à ces recherches. Je pensais constamment à de nouvelles choses que je pourrais créer pour contrer le Centre et ces machines -MES machines détournées- de malheur. Mais je finissais souvent par m'endormir sur ces pensées et me réveiller le lendemain sans plus rien dans la tête... Je n'étais pas encore assez rétablie pour réfléchir correctement, j'en avais bien conscience. Alors j'avais bien commencé à noter quelques idées sur une feuille qui traînait là, mais bien souvent, je ne les détaillais pas assez et le mode de fonctionnement auquel j'avais pu penser sortait de ma mémoire lorsque je relisais mes notes.

-Si tu as besoin de quelqu'un pour réaliser des tests aussi, je suis disponible. A voir si ce n'est pas dangereux, vu ma condition actuelle... Mais quitte à rester assise le temps de récupérer, autant que ça serve à quelque chose, alors si ça demande juste de porter un casque connecté pendant la nuit, autant le faire.

Mitsuki accepte ses paroles sans broncher, pas vraiment gravement, mais surtout fatiguée. Il l’observe longuement, sans trop savoir quoi faire, quoi dire ; cherchant un signe qu’il devrait partir, ou rester, mais au moins une réponse. Elle aimerait qu’il lui pose des questions, du coup ; ok, très bien. Il acquiesce un peu, sourit, et finalement prend son calepin et son stylo. C’est un domaine qu’il connait mieux, celui-là. C’est plus protocolaire, mais au moins, il y a moins la place à l’improvisation, ce en quoi Misao n’excelle clairement pas.

—C’est une bonne idée, le casque. Je n’y avais pas vraiment pensé, avoue-t-il, un peu gêné. C’est toi l’experte en machines, pas moi. Je me contente d’interpréter les analyses et demander à ton équipe de me montrer comment fonctionnent leurs pouvoirs. C’est pas grand-chose…

Il se note l’idée dans un coin de son calepin, ne serait-ce que pour analyser son sommeil et son activité cérébrale… Il finit par se réinstaller, focalisant son attention sur la Master alitée, visiblement aux prises avec ses pensées.

—J’aimerais savoir ce dont tu te souviens avant que tes pouvoirs ne changent. Tu as été touchée par une irradiation de la machine, si j’ai bien compris, mais pas par une injection, c’est ça ? Et ensuite… enfin, je ne sais pas si tes pouvoirs ont déjà été réactivés, mais si c’est le cas, ce serait super si tu pouvais m’expliquer comment tu ressens tes pouvoirs, ton énergie. Si tu perçois une différence, des fluctuations, une instabilité. Ou si ça ressemble aux changements qu’on a eus durant l’Eclipse.

Misao s’appuie ensuite contre le dossier de sa chaise, la laissant déjà comprendre ce qu’il souhaite, puis répéter au besoin afin de guider Mitsuki dans ses réponses, au fur et à mesure. C’est vrai qu’il n’a même pas pensé à demander si sa magie lui avait été rendue, ou si ses pouvoirs étaient toujours désactivés. Au besoin, il pourrait peut-être demander à Ryu de désactiver son sceau afin qu’ils puissent faire les tests adéquats, et surtout voir si la Greffe de Mitsuki accepte… eh bien, de ne pas la tuer, je suppose.

—Si tu peux aussi me décrire… enfin, si tu le peux, bien sûr. Ce que tu as perçu de ta Greffe. Ca pourrait nous aider à comprendre comment elle fonctionne, c’est pas la première fois que ça arrive… Les médecins semblaient inquiets, ils aimeraient t’aider à trouver une solution pour éviter que ça se reproduise.

Un mince sourire étira mes lèvres alors que Misao disait que le casque était une bonne idée. J'avoue que j'étais surprise, pensant qu'il y aurait déjà pensé avant. Voir quels sont les connexions nerveuses qui agissent dans le corps pendant l'utilisation des pouvoirs, tout ça... Enfin bon, là n'est pas la question. Au moins il sait maintenant que s'il veut tester sur moi... Quitte à être alitée et forcée de dormir beaucoup trop régulièrement, autant que ça serve à quelque chose.

-Ne te dévalorise pas. C'est souvent toi qui a les bonnes idées de données à analyser.

Je regagnai le silence pour me concentrer sur ses questions à venir, notant la présence du carnet qu'il venait de sortir. Je fronçai un peu les sourcils à sa question et détournai mon regard de lui, essayant de me rappeler précisément de ce qu'il s'était passé avant que ma greffe ne prenne le contrôle et me plonge dans le noir complet. Je secouais la tête alors qu'il me demandait d'analyser ce que je ressentais avec mes nouveaux pouvoirs.

-Le sceau est toujours appliqué, je ne peux toujours pas les utiliser, désolée. Pour le moment je me sens juste... Assez vide et faible.

Je marquai une légère pause avant de reporter de nouveau mon attention sur lui.

-C'est ça, oui. A cause de la dernière explosion, la machine a commencé à dérailler et une espèce d'onde s'en est échappée.

Je secouai un peu la tête, désarmée.

-Je suis désolée de ne pas pouvoir t'en dire plus. Je pense que le sceau sera retiré avant mon départ de l'hôpital, pour s'assurer qu'il n'y a pas de nouveau des effets secondaires avant que je ne parte d'ici. Tu peux peut-être demandé aux médecins en charge de mon dossier de te prévenir quand ce sera fait.

Venaient enfin les explications sur ma greffe. Je posai mon regard sur le ciel que j'apercevais à travers la fenêtre.

-Pour me conférer mon "immortalité", ma greffe active en réalité une espèce de... création accélérée de mes cellules. En gros, en cas de dommage physique (brûlure, plaie ouverte, etc), si elle est activée, elle accélère la régénération en recréant instantanément de nouvelles cellules qui vont venir remplacer celles qui ont été endommagées, ce qui donne l'impression que la blessure se guérit immédiatement. C'est ce que les médecins m'ont expliqué après avoir étudié plusieurs échantillons. Ca entraîne d'ailleurs en contrepartie un vieillissement de mes cellules qui, lorsque la greffe n'est plus active, affaiblit mon propre corps. C'est par exemple pour ça que je suis devenue stérile, mes ovules sont... plus vraiment ceux d'une personne de mon âge, grosso modo.

Je tournai la tête vers Misao.

-Généralement, je peux contrôler son activation, sauf lorsqu'elle détecte quelque chose qui pourrait... je sais pas, entraîner ma mort. Bref, pour ça, c'est un peu comme si elle avait un instinct de survie. Du coup je suppose qu'entre la fatigue, les blessures, et le fait que mes pouvoirs changent... Elle s'est activée. Peut-être aussi parce qu'elle a eu la sensation de percevoir un "corps étranger" dans mon propre corps, avec le changement d'affinité... Je sais pas, je pourrais pas t'en dire plus. Toujours est-il que si elle a pu s'installer et prendre le dessus sur ma conscience à ce moment-là, c'était probablement à cause de la fatigue, et j'imagine qu'elle a voulu lutter contre cette énergie étrangère qui était en train de s'installer en moi, comme si c'était un ennemi ou que sais-je.

Je m'humectai un peu les lèvres. Je crois que je n'avais pas autant parler depuis bien trop longtemps. Faut dire qu'avec tous les rendez-vous que j'avais pu avoir à l'hôpital à cause de ma greffe, c'était un peu comme réciter une leçon là, alors ce n'était pas trop difficile...

-Je sais pas si ça t'aide, ma réponse ?