J'ai besoin de parler. Non, j'ai besoin d'évacuer.

J'aurais pu aller voir Aoi. Mais je n'y suis pas parvenue. Parce qu'elle a son enfant, et que ça me bloque. Je me dis en permanence qu'elle n'a pas de temps à perdre avec ça.

Et puis c'est tellement facile d'aller voir Tiago. C'est chez lui que je me suis réfugiée pendant des mois quand Ys est parti il y a quatre ans. Il n'y a qu'à lui que j'ai ouvertement parlé du retour d'Ys.

Avec Aoi, on s'est comprises dans les regards. Mais je n'ai pas encore franchi la barrière de la verbalisation.

Aaron, je le fuis, c'est aussi simple que ça.

Tiago, je sais qu'il ne me jugera pas.

C'est donc après cette réflexion (qui s'est en réalité passée très rapidement), que je me suis retrouvée devant chez lui en cette fin d'après-midi, après avoir travaillé en salle des Masters. Je lui avais évidemment envoyé un message dans la journée pour lui demander si je pourrais passer ce soir. Parce que ça aurait été con que j'arrive en plein milieu d'un date. Ou juste qu'il soit pas là.

-Toc toc c'est moi ! oralisai-je en frappant quelques coups à la porte dans le même temps. J'ai même... ramené des cookies. Je les ai pas faits, hein, j'suis passée les acheter à la cafétéria avant de venir ici. J'espère que je te dérange pas ?

Oui bah je parle, je parle, je lui laisse à peine le temps de me dire bonjour alors qu'il ouvre la porte, mais il faut qu'il se prépare, parce que je risque de parler parler encore pas mal pendant les minutes qui vont suivre. J'ai beaucoup trop de choses à lui partager !!!

Bien sûr que je suis disponible quand c'est Mitsu qui demande. D'autant plus en ce moment. Parce que la dernière fois, quand elle m'a annoncé avoir raconté à Ys avoir encore des sentiments pour lui, j'ai peut-être un peu (beaucoup) sur-réagit. Alors oui, après coup, je m'en suis voulu. J'aurais sûrement dû trouver d'autres mots plus adaptés. Avoir un comportement plus calme.
Sauf que bien sûr, j'en suis incapable.

Alors je compte bien me rattraper. J'ai eu le temps de me faire à l'idée, de réfléchir à tout ce que ça implique. Notamment sur son état émotionnel. En réalité, je crois bien que je m'en doutais un peu. Je ne voulais juste pas l'accepter. C'était plus simple de me dire qu'elle avait enfin réussi à l'oublier, à passer au-delà. Que tout allait mieux. Sauf que ce n'était pas totalement le cas.
Oui, bien sûr que ça m'inquiète.

J'attendais donc l'arrivée de la miss et je crois même que je suis un peu soulagé de l'entendre toquer (je ne sais pas pourquoi, demandez pas). Quand j'ouvre, c'est une Mitsuki survolté que j'ai face à moi (et connaissant son niveau de base, ce n'est pas peu dire), ce qui me fait bien vite sourire. Oh, je ne me fais pas d'illusions, ça ne veut pas dire que tout va bien, loin de là. C'est juste beaucoup plus simple à gérer comme ça. Elle a beau avoir passé un certain nombre de soirées ici les yeux rougis par les larmes, je crois que je ne suis toujours pas hyper qualifié pour savoir comment réagir dans ces situations.

— "Je crois que je préfère encore savoir que ce n'est pas toi qui les a faits."

Si je plaisante évidemment, ce n'est peut-être pas si faux. Non mais l'industriel c'est bien aussi.

— "Vas y entre, bien sûr que tu ne me déranges pas."

D'autant plus quand je sais qu'elle allait venir. Je m'écarte pour la laisser entrer et referme la porte derrière elle. Je vais également refermer la fenêtre que j'avais laissé ouverte pour aérer (parce que bien sûr je ne m'emmerde pas à sortir pour fumer mais il caille un peu en ce moment) et sort deux verres que je pose sur la table près du canapé.

Je lui dirai bien de s'installer, mais j'ai comme l'impression qu'elle risque d'exploser si elle ne libère pas tout ce trop plein d'énergie qui remplit déjà la pièce.

— "Allez dis moi tout."

Je commence à la connaître un peu.