Chacun son tour...

Pour pouvoir fonctionner correctement, le corps à besoin d'une certaine quantité de nutriment. Lorsque cette quantité n'est pas atteinte, l'organisme va tenter de le faire comprendre à la conscience qu'il en besoin, aux moyens de diverses réactions : fatigues, insomnies, malaises, vomissements. C'était ce que se répétait l'adolescent alors qu'il posait de nouveau son front contre la cuvette glacée. Cela faisait deux jours qu'il était rentrée. Deux jours , qu'il évitait les cours. Deux jours, qu'il ne mangeait rien, vidant des bouteilles d'eau pour tenir. Deux jours, qu'il n'avait pas dormi... Il était mort de fatigue, d'épuisement et bien sûr, il n'arrivait pas à se reposer. Il n'en pouvait plus, toutes ses sensations étaient à fleurs de peau et son pouvoir semblait lui être complètement étranger. Semblait l’étouffer pour tenter de sortir...

Il avait recommencé à se mutiler. Ça ne servait peut-être plus à rien, mais cette véritable douleur semblait être le seul moment où il contrôlait quelque chose. Un nouveau haut-le-coeur le saisit et il se pencha au-dessus de la cuvette. Pendant quelques secondes, il n'eut plus un son puis un bruit écœurant s'éleva. Que de la bile. Encore et encore. Il devrait vraiment sortir... Juste descendre prendre un truc à manger. Il ne ferait ni attention aux gens, ni aux décors. Il pourrait faire ça... Il en était même un peu obligé.

Alors, il se leva faiblement en s'aidant du lavabo et bu un peu. Ce n'était pas beaucoup, mais ça calmait un peu les tiraillements de son ventre. Il attrapa une veste et sorti. Il se fichait d'être en pyjama : t-shirt trop grand, pantalon, chausettes, de toute façon, il n'allait pas rester longtemps dehors. Il longea les murs et descendit assez rapidement tous les escaliers. Fila à la cafet et prit trois quatre sandwichs et quelques bouteilles et remonta. Enfin... essaya. C'était crevant. Au bout des escaliers du deuxième, il flancha. S'appuyant contre le mur, pour marcher, il sentait sa vision se troubler, le monde tourner et l'envie de vomir revenir. Heureusement, une petite pause suffit à apaiser légèrement tous ces troubles et il put reprendre l'ascension jusqu'au troisième étages. Rentrer... se cacher, ne plus voir le soleil, ne plus penser à rien... Il pensait vraiment qu'il aurait tout ça, mais apparemment sa porte était contre. Très contre... Il avait beau s'énerver contre la poignet, peser de tout son poids de moineau dessus, elle ne voulait pas s'ouvrir. Pourtant... il n'avait pas souvenir de l'avoir fermé à clé. Désespéré et épuisé, il se cogna la tête contre la porte. Une fois, deux fois, trois fois. Avant de se laisser lamentablement glisser au sol. Son butin contre lui.

Les yeux fermés, il tenta de trouver son pouvoir pour se téléporter. Mais... rien à faire, il le fuyait comme la peste quand il le cherchait, mais quand il n'en voulait pas, ce dernier semblait vouloir s'enfuir. Ce qui ne faisait que l'épuiser encore plus. Soupirant, il recula la tête et se la cogna à nouveau. Il ne comprenait plus rien à rien... S'apprêtant à répéter le geste, il s'arrêta, la tête penchée en arrière, lorsque quelque chose cacha la lumière des couloirs. Une... silhouette humaine. Aucune émotion n'agita son visage expressif, et ses yeux cernés comme ceux d'un panda. Sa voix était complètement cassée, épuisée, lorsqu'elle s'éleva.
- C'est pas ma chambre, hein...

Ce n'était vraiment pas sa chambre. Plutôt celle d'une rouquine. Un soupir silencieux s'enfuit alors qu'il poussait sur ses jambes pour se relever. Comment avait-il bien pu faire pour se tromper de cette façon. C'en était misérable. La porte se referma et la rouquine disparut. Le regard rivé au sol, il tenta de ne rien faire tomber, mais c'était peine perdue. Une bouteille glissa, suivi d'un sandwich. Il le regarda sans comprendre... Puis la porte s'ouvrit, Ludmila l'aida à se relever et le fit entrer. Il n'avait plus de volonté, alors il se laissa faire. La suivant sans dire un mot avant de s'installer à terre, contre le lit. Il ne voulait pas non plus la déranger, c'était déjà assez gentil qu'elle ne le laisse pas sur le pas de la porte comme un chiot abandonné.

Il était épuisé... Il se sentait frigorifié, plus que d'habitude, et avait cette boule au ventre. L'envie de vomir plus proche que jamais. Alors, il ferma les yeux et serra les dents. Ne pas vomir. Ne pas vomir. Sa main se plaqua sur sa bouche tandis qu'il se le répétait encore et encore : ne pas vomir, ne pas vomir. Un hoquet le secoue et il déglutit difficilement. C'est bon... C'est passé. La gorge irrité, il rouvre ses yeux qui sont aux bords des larmes. Ça lui pique affreusement. Ludmila est de nouveau devant lui, avec un gant humide qu'elle lui passa sur le front. Il se laissa faire. Autant parce qu'il ne se sentait pas la force de la repousser que parce qu'il connaissait la technique. Un peu d'eau chaude sur le visage revigorait toujours un peu. Son frère le lui faisait souvent ! Autant...

Aaron baissa la tête sans répondre à la boutade de la rouquine. Il ramena ses genoux contre lui. Il y avait pensé. Encore. Son coeur s'était arrêté pendant quelques secondes et un étau invisible lui avait enserré le cou, faisant remonter la boule qui s'y logeait. Il posa son front contre ses genoux et ne bougea plus. Son mutisme revenait, il s'enfermait dans sa bulle et ne bougeait plus. Pourtant... il ne voulait pas le faire devant la rouquine, parce que ça lui aurait causé des problèmes. Plus qu'il n'en avait déjà. Alors il se concentra sur quelque chose de stupide. De futile. D'insignifiant. Mais qui lui permettait de garder encore un peu pied avec la réalité.
- Les pandas sont malchanceux... marmonna-t-il d'une petite voix sans lever la tête. Question malchance, je crois que je les dépasse largement... Mais apparence, me manque deux, trois, trucs... Me manque le bambou je crois...

Il détestait lorsque sa voix partait dans ces timbres, on aurait dit un enfant en train de bouder. Essayant d'expliquer la raison de son coup de gueule, tout en étant sérieux... Il releva doucement la tête, en profitant pour faire disparaître ses larmes contre ses genoux. Mais ses yeux resteraient toujours aussi rouge et gonflés. Il vit son bras, en écharpe. Sa faute.
Sa faute, si elle avait sauté.
Sa faute, si elle se retrouvait dans cet état...

Ses yeux se baissèrent, n'osant pas croiser le regard de la rouquine. Il tenta de maîtriser la culpabilité mais son pouvoir vint foutre le bordel. Il le sentait courir juste sous sa peau. Il sentait qu'il voulait sortir mais... non, il ne pouvait pas les laisser s'échapper. Ses mains se crispèrent alors qu'il demanda :
- Et toi... ? Pas d'autre tentative de vol... ?

Aaron scruta le bout de ses chaussettes tandis que les mots de Ludmila s'ancraient dans son esprit vide. C'est bien... Il aurait dû être content qu'elle ne soit pas tentée de sauter nouveau pourtant... il n'éprouva absolument rien. Même lorsqu'elle l'engueula. Ça lui fit ni chaud, ni froid. Son mutisme trahissait assez bien son manque d'attention envers les paroles de la rouquine. Pourtant, Aaron frissonna comme un gosse lorsqu'elle évoqua son frère. Il se mordit la lèvre et baissa la tête. Appuyant ses yeux contre ses genoux. Ne pas pleurer. Ne pas en avoir quelques choses à faire. Pourtant... c'était ce qui comptait le plus à ses yeux en ce moment. Il voulait son frère, son avis, sa personne... Il le voulait vraiment, à côté de lui, en chair et en os, pas juste un misérable souvenir. Ses ongles s'enfonçaient à travers sa chair alors qu'il retenait ses larmes, ses sanglots. La petite boule noir qu'il était, n'émit pas un seul bruit. Seul une forte tension émanait de lui. Ne pas pleurer. Ne pas sangloter.
- Non, restes ! cria-t-il lorsque la rouquine s'en alla.

Mais elle ne l'entendit pas. Ou alors l'ignora. Et l'adolescent se retrouva tout seul dans cet chambre inconnue. Il ramena sa main vers lui alors qu'il se remettait à trembler. Une impression de déjà vue et une inversion de rôle. Il se crispa et prit une bouteille d'eau. Il était bouillant et pourtant ses doigts étaient glacés. Presque sûr d'avoir le teint plus que pâle... Il la vida d'un trait, cela soulagea légèrement son estomac, crispé par la terreur. Il appuyait sans cesse sa main contre ses yeux, son front, essayant de calmer la terreur. Il voulait rentrer dans sa chambre, mais elle lui avait dit d'attendre. Attendre... Encore et encore. L'adolescent reprit sa position d'avant en rongeant son frein. Il ne voulait pas attendre, pas tout seul... Les mains sur la tête, il s'efforçait de contrôler sa respiration. Doucement... régulier... Son pouvoir menaçait de plus en plus de sortir, et rien ne semblait l'apaiser. Puis, la rouquine revient. Avec une tasse et un croissant. Le pouvoir se calma, il semblait considérer calmement l'offre de la rouquine. Aaron tendit les mains et attrapa doucement la tasse. La ramena à ses lèvres et en bu une gorgée. Du chocolat... chaud. Toujours aucunes émotions, si ce n'était que la désagréable impression de fadeur du breuvage. Sa gorge se serre et le haut-le-coeur ne semble pas très loin. Alors, il ferme les yeux, dépose la tasse et appui son front contre ses genoux.

Et il l'écoute. Sans dire un mot. En se retenant de plaquer les mains sur ses oreilles et de crier aux futilités. Pourquoi ? Il ne sait pas trop... Peut-être car il ose encore espérer qu'elle le réconforterait, mais non... Elle ne fait que lui exposer la vérité et lui prédire des trucs. Il s'en fout des prédictions. Il n'en a rien à faire du futur. Il se fout que ça ira mieux demain, ou dans quelques minutes, ce qui compte c'est le présent. Un présent tellement douloureux. Mais la rouquine a le don de transformer sa tristesse en colère. Et alors qu'il voudrait que son pouvoir éclate, celui-ci semble se terrer de terreur quelques parts au fond de lui. L'abandonnant encore. Ce qui ne fait que l'énerver encore plus. Il pesta entre ses dents serrées.
- Me fait pas rire. T'en parles comme si t'en étais sortie alors qu'en fait t'es encore dedans.

Son est agressif, accusatif et il rejette la colère, la frustration et la douleur d'avoir perdu son frère contre elle.
- Arrête de me dire que c'est pas ce qu'il aurait voulu, qu'il voudrait seulement mon bonheur ! T'en sais rien ! Absolument rien ! T' as pas le droit...

C'était facile de lui balancer ça sans la regarder. De passer sa colère sur ses bras, et par des mots. Il est lâche, et égoïste... Mais il n'est en aucun fort. Il n'arrive plus à retenir le long sanglot plaintif qui lui enserrait la gorge. Il desserre sa pression sur ses genoux et repose ses mains sur sa tête. Appuyant aussi fort qu'il le peut, espérant futilement que ça empêcherait les larmes de couleur. Sans le vouloir, il se rappela de la demande de sa demi-sœur à Mitsuki : être gentil avec lui, juste parce que la tristesse le rendait exécrable... Il se souvient de sa petite voix et les premières larmes coulèrent.
- Alors arrêtes... arrêtes de m'agiter ça sous le nez...

Il sanglote et tremble de plus en plus.
- Je veux plus en entendre parler... Plus du tout...

Le fait d'être brisé avait l'étrange conséquence de rendre encore plus changement l'adolescent. Les humeurs sombres se succédaient, surpassées la passivité par leurs intensités étouffantes, pour un oui ou un non, pour une pensée ou une autre.

Les sanglots se tarissent. Lentement. Tandis que le silence semble peser de plus en plus lourd sur ses épaules. Comme lorsqu'il s'était retrouvé tout seul dans le salon de Smith. Recroquevillé contre le canapé, il n'avait même pas encore réalisé que son frère était bel et bien mort, et il supportait le silence, lourd, pesant, et glacial de la pièce. Sans rien dire. Comme là. Il avait espérait que Smith viendrait le voir, essayerait de le consoler, mais rien ne s'était passé. Et là encore, il l'espérait. Il espérait que Ludmila le prenne dans ses bras, lui disent que tout iraient bien même si c'était faux, même s'il la contredisait... mais ça ne se passait pas comme ça. Il était bien trop aveuglé par sa propre douleur pour se rendre compte qu'il lui avait fait du mal. Que ses paroles l'avaient sûrement plus que blessé. Comme avec son frère. Encore une fois, c'était ses mots l'origines de tous les autres maux. Imbécile. Idiot. Il rejetait la seule personne qui lui tendait la main... Et ce n'était pas la première fois. A la patinoire, à l'hôpital... Il essaye de se dire que c'est pas très important, qu'il a d'autres personnes, mais... c'est complètement faux. Il est complètement seul. Et il le sera encore plus s'il ne s'excuse pas. Alors qu'il souhaite la tranquillité, son pouvoir revient effleurer ses nerfs. Il n'a même plus la force de les retenir alors de petits éclairs naissent. Parcourent le tissu de ses vêtements mais ne se décident pas à s'enfuir. Ils forment comme une mini-barrière autour de son corps ramassé.
- Ludmila... excuses moi...

L'adolescent a peur. Peur de perdre pour de bon sa seule amie. Peur de se retrouver définitivement seul. Ses doigts se crispent contre sa tête alors qu'il tente de retrouver le contrôle de ses pouvoirs, en vain, au contraire, ils semblent faire l'exact contraire de ce qu'il voudrait qu'ils fassent.
- Désolé, désolé, chuchote-t-il en boucle.

Comme si cela avait un sens... Comme si cela allait rattraper toutes les horreurs qu'il lui avait balancé. Les éclairs s'affolent et commencent à être plus curieux, à explorer la chambre au fur et à mesure que l'adolescent perd pied, qu'il se met à culpabiliser... Puis un éclair plus fort, plus violent que les autres filent droit vers la lumière et sous l'effet des violents volts, cette dernière explose et plonge la pièce dans le noir. Brusquement, l'adolescent se redresse comme un ressort et complètement paniqué, la voix encore déformée par l'électricité, il recule en s'exclamant.
- Je ferai mieux de partir, désolé, vraiment désolé.

Il trébuche contre quelque chose. Va savoir quoi, il est encore aveuglé par toute la lumière qui courait sur sa peau quelques secondes plus tôt, et les ténèbres qui l'entourent maintenant. Mais il se retrouve complètement désorienté et ne sait plus où il se situe. Ses yeux sont écarquillés, ils trahissent sa peur panique et son incompréhension. Pourquoi n'arrive-t-il plus à les contrôler ? Pourquoi même ses pouvoirs ne lui obéissaient plus ? Pourquoi foutaient-ils le camp alors qu'il en avait le plus besoin. L'adolescent cligne des yeux alors que le calme revient brutalement. C'est incompréhensible...
- Ludmila... ? Gémit-il faiblement. La porte elle est où ?

Oui... Il voulait fuir. Lâchement. Parce qu'il préférait partir avant qu'elle ne lui dise, que l'entendre le lui ordonner...

Aaron ne la vit pas venir. Ni même son geste. Il resta longuement éberlué contre elle. Le souffle coupé, peinant à réaliser ce qui se passait. Il rêvait... ? En fait, il s'était évanoui par manque de sucre et c'était juste un rêve... hein ? Non ? Les paroles qui entendait, le faisaient frémir. Elles avaient l'air vrai. Si vrai... Il se met à trembler. Et si c'était vrai ? Vrai pour de vrai... Tremblotant, il lève ses mains et attrape le t-shirt de la rouquine. Ses mains ne passent pas à travers. La rouquine ne disparaît pas brusquement. Et les paroles continuent, toujours aussi douces... C'est pas un rêve, se murmure-t-il. C'est vraiment pas un rêve. Alors ses doigts se crispent contre le tissu, et il se remet à sangloter. Parce que c'est vrai. Parce qu'il ne sait plus depuis combien de temps il espérait cet étreinte. Certes, il l'aurait voulu de son frère, mais... mais il était plus là. A sa pensée, il sanglote et tremble plus fort, il n'y croit pas. Il ne croit pas que ça va aller, parce que ça ne peut pas aller. Parce qu'il est tout seul, que son frère est plus là, que les Rockwell sont aussi partis... Mais les doux mots de la rouquine finissent par déterrer son espoir. Caché sous les ruines de tout ce qu'il avait avant. Un tout petit espoir, une minuscule braise parmi les cendres d'un bûché, si petit... Il fallait le préserver des pensées sombres, de ses pouvoirs incontrôlables, de tout... Juste le cacher entre le creux de ses paumes et ne jamais le montrer.

Les yeux clos, accroché à Ludmila, Aaron avait cessé de trembler. Cessé de pleurer. Cessé de sangloter. C'était tout con, mais... comme avec Marvin, il avait peur que s'il la lâchait, elle disparaîtrait. Purement et simplement. Comme si elle n'avait toujours été qu'une simple illusion. Le temps passe, lentement, et finalement un soupire s'élève. Signe que sa crise commence à prendre fin. ça pouvait lui prendre des heures pour retrouver son état "normal" après une crise aussi violente.
- Désolé, souffla-t-il en ouvrant les yeux.

L'adolescent ne savait pas quoi dire d'autre. Ses mots... son comportement... Tout cela, était absolument inacceptable. Il n'était plus un enfant et pourtant il agissait comme. Il devait grandir, mais il ne voulait pas. Parce qu'un enfant n'avait pas besoin d'assumer ses actions, quelqu'un s'en chargeait pour lui, et n'avait pas besoin de supporter... de tels poids. Non ? Du moins, c'était la vision qu'il s'en faisait. Il ne voulait pas assumer ses actions. Pas quand elles causaient la mort de son frère. Ou qu'elles blessaient ceux auquel il tient. Il baisse le regard sur ses bras de nouveau mutilés. Ça sert à rien de le faire... Cette fois, ci, ça ne le fera pas revenir, hein...
- Il m'a promis que tout irait mieux... chuchota-t-il pour lui même. Alors que ça n'a fait qu'empirer...

Sa voix est un murmure. Un murmure qui se meurt, qui disparaît. Il ne veut pas quitter la douce chaleur de la rouquine. Parce qu'il se retrouverait de nouveau seul, quoiqu'elle en dise. Ses doigts lui font mal, il n'arrive pas à les desserrer. Il a trop peur. Il est bien trop effrayé par le futur. Et si ça empirait ? Si cela ne s'arrangeait pas et qu'il trouvait un moyen de tomber encore plus bas ? Ça le fit paniquer et il leva de nouveau ses yeux, rempli de larme, vers la rouquine. Il tirait sur son t-shirt comme un gosse l'aurait fait sur le bas de sa mère pour attirer son attention.
- Pourquoi... ? Il est censé tenir ses promesses, c'est mon grand-frère alors pourquoi il ne les tient jamais... ?

L'adolescent ne dit rien. Un semblant de sourire tremblotant glissé sur le visage, il s'accrochait doucement à la rouquine. Elle n'allait pas l'abandonné... Elle le lui avait dit. Elle le lui avait promit. Son petit espoir réchauffa très légèrement son coeur. C'était Ludmila, alors elle allait tenir sa promesse, hein ? Elle ne pouvait que la tenir. Parce que c'était Ludmila. Logique illogique et confiance naïve caractéristiques de l'adolescent. Il hocha doucement la tête alors qu'il tente de ne plus pleurer. Parce qu'elle lui a dit que tout irait bien. Parce qu'au fond, Akiro ne lui avait pas vraiment mentit. Il fallait juste attendre un peu. Attendre que la tempête passe. Et même si pour le moment, il se trouvait dans l'oeil de ce cyclone métaphorique, il finirait bien par en sortir un jour. Un jour... Mais pour le moment, il profitait de cette bien heureuse accalmie. Puis doucement, ses yeux commencèrent à se fermer. De fatigue, de soulagement, de douleur... Sa tête tombe doucement en avant et c'est uniquement lorsque le bout de son nez toucha l'épaule de la rouquine qu'il prit conscience qu'il s'endormait.

Aaron se redressa brusquement et se recula légèrement. Il cligna des yeux, tentant de remettre le décors en place mais... il faisait si noir. Pour une fois, il avait envie de dormir. Il émit un petit "Awhn..." complètement endormi en levant une main pour se frotter les yeux. Il ne voulait pas rentrer dans sa chambre. Convaincu qu'un horrible croque-mitaine viendrait troubler sa nuit, le forçant à passer une nouvelle nuit penché au-dessus de la cuvette. C'était enfantin d'y croire encore. Enfantin et stupide, mais l'adolescent ne pouvait s'empêcher d'y penser.
- Je... commença-t-il avant d'être interrompu par un immense bâillement. peux rester cette nuit ?

Sans s'en rendre compte, il l'avait demandé comme un enfant qui venait de réveiller son aîné pour pouvoir dormir avec lui à cause d'un cauchemar. Sa main tenant légèrement la manche de Lumila.

L'adolescent piqua légèrement du nez lorsque la rouquine lui ébouriffa les cheveux. ça faisait bizarre... Il avait l'impression de retrouver son frère et Elle a à la fois. Une sorte de mélange des deux... Mais Ludmila n'était pas son frère et encore moins Elle alors il cligna doucement des yeux pour se tirer cette image de la tête. Il l'écoute passivement mais n'enregistre pas vraiment. ça passe par une oreille pour ressortir presque aussitôt par l'autre. Il se détache de l'étreinte de la rouquine pour aller à tâtons jusqu'au lit. Il retrouve ses bouteilles deux et deux sandwichs en chemin qu'il range soigneusement contre le lit pour éviter qu'elle ne trébuche contre. Il grimpe sur le lit, s'enroule dans la couette, se colle contre le mur et ne prend qu'un oreiller... D'ordinaire il en a cinq alors se limiter à un c'est un peu difficile pour lui. La tête enfouit, contre le tissu, il s'excuse une nouvelle fois.
- Désolé pour la lumière, et le scouatage de lit...

Il ne se rappel plus trop si elle lui a répondu car il s'endormit dans ce qui lui semblait être les secondes qui suivirent.

~

Aaron se réveilla brutalement. Effrayé par des successions de cauchemars. Pourtant, rien n'avait trahi la terreur qui l'envahissait lors de son sommeil, si ce n'était que le crispement de ses doigts contre l'oreiller. ça avait toujours été comme ça. Il ne faisait pas de bruit lorsque le cauchemar se déroulait, comme par peur qu'il ne devienne plus cauchemardesque, mais une fois passé, c'était crise sur crise. Redressé à la va-vite ses côtes lui faisaient souffrir le martyr et son regard s'affola. Tout était sombre. Où était-il ? Encore dans un cauchemar ? Il se mordit la lèvre pour ne pas faire de bruit. Ne pas faire de bruit... Son frère lui avait dit, lorsqu'il était tout gosse, que s'il criait durant la nuit, deux monstres encore plus affreux que celui qui l'avait réveillé allaient venir. Et même adolescent, il y croyait encore. Il avait beau savoir que ces deux monstres étaient en faite les "parents", il y croyait toujours. Alors il essayait de ne pas faire de bruit alors que la panique l’étreignait doucement.  Où était Ludmila ? Pourquoi il faisait si noir ?
- Ludmi, chuchota-t-il complètement effrayé. Ludmi...

Sa main partie explorer la place juste à côté de lui alors qu'il ramenait ses jambes contre lui, de peur qu'un monstre ne saisisse sa cheville et ne le tire vers les ténèbres. Il tenta d'utiliser son pouvoir, pour éclairer la pièce, mais ce dernier avait beau courir sous sa peau, il ne voulait pas en sortir. Ne faisant que terroriser encore plus le grand enfant qu'il était... Ces peurs enfantines ne l'avaient jamais vraiment quittées et la rouquine allait surement avoir dû mal à calmer tout ça...

Elle n'était pas là. Elle n'était pas là. Ça voulait donc dire qu'il était encore plongé dans un cauchemar. Qu'il avait peut-être 'alerté' les monstres... Il faillit paniquer, et hurler de peur lorsque quelque chose l'étreignit. Mais une voix le rassura rapidement. Une voix qu'il connaissait et qui n'avait absolument rien de monstrueux. Doucement, il se calma, posant doucement ses mains sur les épaules de la rouquine, au lieu d'essayer de la repousser. Ce n'était que la rouquine... La lumière s'alluma et ses craintes s'envolèrent. Ce n'était pas un cauchemar. Ce n'en était pas un... Lorsqu'elle lui proposa d'en parler, il secoua doucement la tête. Il ne voulait pas. Parce que ça serait reconnaître que les craintes qui le hantaient existaient vraiment. Et cette idée ne l'enchantaient guère. Mais ce n'était que des superstitions qu'il s'était faite donc raconter ses cauchemars serait stupide. Alors il secoue encore la tête en se frottant les yeux. Dissipe les dernières brides de cauchemars et reprend doucement pied avec la réalité.
- Ça va aller, chuchota-t-il en tourna la tête. ça va aller...

Il se recule en prenant de grande bouffée d'air, se calmer... Il se cale contre le mur en frissonnant et en se cachant sous la couverture.
- C'est qu'un cauchemar...

Il s'allongea et serra l'oreiller contre lui, tentant de l'étouffer contre.
- Désolé pour la frayeur... murmura-t-il d'une toute petite voix.

Déjà qu'elle était obligée de le supporter alors si en plus il lui faisait des frayeurs pareilles... Il frissonna et ferma les yeux. Il se sentait mal. Vraiment mal. Il avait l'impression que la tête lui tournait et qu'il allait recommencer comme les précédentes nuits. Il ferme les yeux, tente de ne pas y penser a force, finit de nouveau par s'endormir.