Je continues à passer entre les lits et récupère à chaque fois les sous vêtements que je trouve. Quand même les mecs... Même moi je laisse pas traîner mes fringues dans ma chambre à ce point. Bon j'avoue que c'est aussi parce qu'on s'en sert de QG avec Piu. Et aussi parce que voilà quand Aoi passe je tiens pas à ce qu'elle reparte dès qu'elle a passé la porte. Puis bon merde c'pas compliqué non plus de garder un espace rangé. Suffit de mettre ses fringues dans le panier à linge quand on se déshabille quoi. Si même moi j'arrive à le faire c'est que c'est possible.

Je jette un oeil à Nico qui a l'air dans le noir comme un poisson dans l'eau. J'ai bienfait de lui proposer ça. Il a l'air plus serein maintenant qu'il pense à autre chose. Il me montre une poignée de caleçons et je retiens un rire. Ouais c'est parfait là. J'en ramasse encore quelques uns avant de le rejoindre dehors, un sourire hilare aux lèvres. On se dirige vers chez les filles et je rigole un peu en voyant tout ce qu'on a récupéré. Belle pêche quand même.

Je ricane un peu, amusé. Il a surement pas conscience de ce qu'il dit en fait. Mais sa phrase avait un double sens très drôle. Mais bon je connais Matheo, si il apprend que j'ai sous entendu ça il va me frapper. Déjà que rien qu'un petit sous entendu le fait rougir. Nicolas ne comprendrait même pas je crois.

-Oui Matheo est un bon ami. Je l'aime bien même si ça fait un moment que je l'ai pas vu.

Il faudrait que je répare ça d'ailleurs. Aoi m'a dit qu'il était devenu aveugle mais... Enfin j'ai du mal à le réaliser. Je fais une petite moue. Il veut que je lui parle de moi en fait. Je pousse la porte des douches des filles et allume la lumière.

-Ha ouais... Bah oui je suis en couple. Mais bon en ce moment je la vois pas beaucoup. Elle est Master en fait et elle fait des études de médecine.

Ca se sent là que j'aime pas parler de moi ? Ouais je crois que ça se sent. J'y peux rien, c'est pas question de confiance en moi ou quoi. J'ai juste pas envie de me dévoiler c'est tout. Je reste quand même bloqué sur certaines choses. Comme beaucoup de monde peut-être. Mais c'est vrai que lui m'a beaucoup parlé de lui donc je suppose que je peux bien faire ça.

-Mais si tu veux... Enfin j'suppose que je peux te dire quelques trucs. Pose moi des questions si tu veux.

Je commence à planquer quelques caleçons derrière des portes de douches ou en haut des cabines. Ca va faire une très belle guirlande d'Halloween tiens. Bien colorée.

La tête qu'il tire... Pas besoin d'être sensitif là, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure qu'il aimait pas parler de lui. Pourquoi ?... Il aurait bien voulu lui arracher cette réponse, pourtant la question n'arriva pas à fuir de ses lèvres. Car là encore, Huo l'étonna. Il n'avait à la base, pas envie de s'entraîner avec lui, et là, ils le faisaient de temps en temps. Il avait supporté une crise existentielle d'ado et l'avait écouté jusqu'au bout. ...Et là, il n'avait pas envie de parler de sa vie, mais il le faisait quand même, pour Nico, bien qu'il respirait le refus à plein nez. :

-Mec... J'ai pas dit ça dans le but de te forcer... Désolé.

Il avait l'air d'un con, bouquet de slip à la main, la tête baissée alors qu'Huo commençait déjà à planquer les siens. Il réfléchissait à ce pourquoi d'un coup, sa curiosité envers lui avait été telle qu'il n'avait pu retenir ce petit reproche... En fait, je crois, que j'aimerais devenir quelqu'un comme toi. Assez fort pour me porter et en faire autant avec d'autres. Ne plus jamais m'enfoncer dans le déni ou la peur... Je t'idéalise peut-être, en partie justement parce que je ne te connais pas si bien que ça... Mais, je tiens à toi. J'aimerais que tu sois fier de moi.

Songeant à cela, le rouge envahit ses joues au fur et à mesure... Il fit un effort monstrueux pour ne pas bégayer et se mit d'un coup à s'activer, planquant quelques slips en les balançant au-dessus du néon qui éclairait la pièce. :

-J'voulais juste... Parce qu'en fait... Enfin voilà quoi... Comme j't'ai déjà raconté pas mal de trucs, pas que je trouve ça égoïste de ta part nan nan ! C'est plutôt moi  du coup, comme j't'ai emmerdé avec mes conneries...

Ouuuh bon sang que c'est pas clair. Il plissa les paupières, à la recherche de questions à poser... mais soit elles s'étaient planquées au fin fond de son crâne vide, soit elles se mélangeaient, se percutant les unes les autres, résonnant comme des carillons. Il en attrapa une au hasard. :

-Qu'est-ce de quoi dans ta vie ?... euh... J'veux dire : tu fais quoi dans la vie ? ...A part chourer des slips ?

Je roule des yeux avec un sourire tordu. Et voilà maintenant il s'excuse. J'aime pas les gens qui s'excuse d'être curieux. Est-ce que je le fais moi ? Puis franchement il a le droit de poser des questions. Faut bien que j'avance un peu aussi. A force de jamais parler de moi les gens ne me connaissent pas vraiment.

-Nico... Arrête de t'excuser. Je vais pas t'engueuler parce que tu m'as posé une question.

Je soupire un peu et me met sur la pointe des pieds pour coincer encore deux slips derrière le tuyau d'une douche. Il commence à bégayer une suite de phrases comme quoi il m'emmerde avec ses histoires et tout ça. Je ricane un peu.

-Tu sais je suis pas le genre de gars qui s'embarrasse à pas vexer les gens. Si tu me faisais chier je te le dirais.

Clairement oui. C'est pas comme si j'avais déjà bâillonné Mitsu avec ma main parce qu'elle parlait trop vite. Un grand moment d'ailleurs. Mais elle s'est même pas vexé en plus. Elle doit avoir l'habitude qu'on lui dise de parler moins.

-Je prends des photos ! Avant Terrae j'étais plus ou moins reporter photographe pour un petit journal local de Hong Kong. Maintenant j'ai un web journal avec une amie. On essaye de faire un mensuel pour le moment.

Je me recule un peu et prend une photo de la cabine que je viens de décorer avant de le prendre lui et son chef d'oeuvre. Je rit doucement devant sa tête surprise et me met à mitrailler un peu partout. Je prends aussi quelques photos d'ensembles que j'utiliserais pour l'article.

-J'aime bien animer l'institut avec des petites histoires. Même si c'est moi qui en crée certaines mais faut pas le dire aux autres. C'est aussi ça la magie.

Nico grimace ; lèvres pincées, paupières plissées, joues gonflées. Il allait s'excuser de s'excuser à tout bout de champs... Un comble. Mais fallait le comprendre, entretenir un relation sociale à peu près normale, il avait jamais fait ça ce petit. C'est limite s'il ne rougissait pas. Il toussa en finissant de placer les slips un peu partout. Quand à se faire rembarrer si effectivement il emmerdait Huo un peu trop longtemps, ça, il s'y attendait... Ça lui permit de retrouver un visage à peu près droit dans un sourire attendri... Oui, attendri parce qu'il risquait de se prendre des vents, Nicolas était un garçon pas difficile.

Il prenait des photos. Au vu de l'appareil qu'il avait, il pensait qu'il s'agissait juste d'une passion, mais s'il avait été reporter... Reporter ! Wouah... Et il tenait même un petit journal à Terrae... Ce qui explique le fait qu'il avait emporté l'appareil alors qu'ils cachaient les slips des autres... Attends. Au moment où il tourne la tête, incertain, il voit Huo le prendre alors qu'il planque les derniers slips sous les bancs des plus grosses cabines. L'effarement envahit ses traits.

-Hé ! lâche-t-il dans un rire. Celle-là reste dans ta collection perso !

Qui aime être pris en photo sur le vif ?... Ouais, va comprendre que c'est pas temps le fait que je planque les slips de mes petits camarades qui me gêne... Car quand on joue avec le feu, on souhaite un peu quelque part, être découvert et se couvrir de "gloire". La gloire éphémère d'avoir subtilisé des sous-vêtements. :

-J'irai mater ça !... le jour où je saurais me servir d'un ordinateur !

Être pauvre en pleine campagne, ça créé des retards... Ils avaient bien des PC avec Windows 95 dessus à la médiathèque, mais comment dire qu'ils ne servaient qu'à taper du texte sur Word ?... Qu'il n'avait aucune idée de ce que pouvait bien être la "trois gé", encore moins la quatre et qu'il mettait au moins un quart d'heure pour écrire un "essémesse" ?... La décadence de la technologie. :

-J'dirai rien promis. Et du coup, mensuel c'est quand même un bon rythme, vous vous en sortez ?

Je rigole doucement et regarde la photo que je viens de prendre de lui. Un peu surexposée en fait à cause des lumières violentes des douches et de la réflexion sur les miroirs et le carrelage blanc.

-Hmm, chais pas. J'ai quoi en échange si je la publie pas ? Je fais en riant.

Nan mais je vais pas le faire, me regardez pas comme ça. Celle là je la garde pour un de mes album perso. Ca me fera une photo de lui. Je pense que ce serait bien de le voir grandir aussi. J'ai rarement l'envie d'avoir une vraie relation avec les gens que je rencontre au final. Enfin il y a Matheo, Ipiu, et puis Aoi aussi. Mais à part eux je n'ai pas réellement d'amis maintenant que j'y repense. Juste des gens que je croise.

-Tu peux le lire sans problème à la bibliothèque. Il y a des ordinateur fixes là-bas que tout le monde peut utiliser. Et doit y avoir une version papier qui traîne aussi.

C'est quelque chose que je trouve cool d'ailleurs. Les ordis sont pas non plus dernier cri mais on peut facilement s'en servir. Ca donne accès à ces trucs là pour ceux qui ont pas vraiment les moyens. C'est vrai qu'à Terrae y en a quand même pas mal qui sont loin d'avoir un niveau de vie extraordinaire. Puis à l'inverse on a aussi quelques gosses de riche qui traînent. Comme quoi le Vide est loin d'être sélectif.

-Assez difficilement en fait. On a fait un numéro à la rentrée mais après ma collaboratrice a disparu.

Enfin plutôt elle est partie faire je ne sais quoi puis elle est rentrée rapatriée d'urgence et dans le coma. J'avoue que je flippe un peu pour elle quand même. Enfin j'espère qu'elle va se réveiller.

-En attendant j'accumule des idées d'article et des photos. Normalement c'est plutôt elle qui écrit. Moi j'suis pas très doué pour ça.

Ou bien j'ai la flemme ? Non pas vraiment. J'ai jamais été doué pour mettre des mots. Les images sont bien plus parlantes à mon sens et je les préfère. Les articles de l'an dernier je les ai fait parce que c'était important mais au final j'ai quand même eu du mal à sortir des trucs corrects qui me convenaient.

-Je te montrerais une fois s'tu veux.

Ca peut sonner tellement cool dis comme ça. D'être reporter. Honnêtement je crois pas que je suis vraiment... Doué ? J'aime prendre des photos mais après ? Est-ce que ça fait réellement de moi un journaliste ? Je n'ai pas de carte de presse ou quoi que ce soit. J'ai l'impression que Nicolas m'idéalise aussi sur pas mal de choses. J'ai pas vraiment le coeur d'en parler avec lui pour le moment. Pas envie de le décevoir. C'est tellement différent pour une fois que quelqu'un me regarde avec de l'admiration.

Nicolas se mit à rire avec lui, mais il songea curieusement à ce qu'il pourrait bien lui offrir en échange. Il ne possédait rien de matériel, et à part l'emmener se faire un restaurant un soir, il pouvait pas trop lui offrir quoi que ce soit sans en payer le prix un peu plus tard dans le mois. Il songea aux cicatrices qu'il n'avait encore montré à personne, mais c'était pas un cadeau à voir... Un peu dépassé par la question, il ne put que répondre. :

-T'auras ma reconnaissance éternelle. ...et peut-être un câlin.

Son rire est moqueur. Mais d'un autre côté, sachant qu'il était incapable de faire un mouvement vers quelqu'un sans s'en sentir mal, c'était ce qui pouvait le plus se rapprocher d'un cadeau venant de sa part.

Il nota mentalement qu'il devra aller chercher à la bibliothèque, quand il aura le courage d'y passer... et de privilégier la version papier. Ce serait con de griller un PC par ma seule présence. Déjà qu'il n'était pas à l'aise avec tout ce qui était technologique, son pouvoir avait fini d'achever cette sensation que c'était pas du tout fait pour lui.

Il écouta Huo attentivement, tout en activant ses mains. Un journal, ce devait pas être simple à tenir... Les délais, l'écriture, les photos, les mises en page, tout ça combiné devait demander beaucoup de patience et de passion... Nicolas regrettait un peu de ne pas en avoir une bien définie ; il aimait courir certes, il aimait lire certes, il aimait la musique certes... Mais pas au point de s'y plonger corps et âme, de pratiquer tout ça sérieusement ou encadré par quelqu'un. ...Et les arts martiaux lui semblaient toujours aussi proche de ce qu'il avait vécu autrefois qu'il ne tirait pas autant de plaisir en ça que dans le reste.

Et puis sa partenaire a disparu... Genre disparue ? Comme ça "pouf", telle une magicienne, ou bien... morte ?! Il le fixe un instant surpris avant de secouer la tête. Non, évidement qu'elle est pas morte. Ça a beau être Huo, un être humain ne parle pas de la mort aussi légèrement. Surtout qu'il ajoute juste après un "en attendant" rassurant. Nicolas se relève alors, se frotte les mains... Il a fini par installer tous les slips en sa possession. :

-J'espère qu'elle te reviendra vite alors... Voilà ! C'est terminé pour moi !

Parce que maintenant, tout s'emboîtait dans sa tête... Cette histoire de slip, c'était aussi pour faire profiter son journal. Il fut secoué d'un rire à cette idée de retrouver cet épisode écrit noir sur blanc... Il fallait qu'il trouve le moyen de chopper un journal et de découper l'article pour le coller dans son carnet de souvenirs.

Il vint se poster près de lui comme il n'avait plus rien à faire... Il lui proposa alors de lui montrer un jour... Déclaration qui peut paraître anodine mais qui éclaira les yeux d'argent de Nicolas de mille étoiles. La joie simple de partager quelque chose avec un grand frère. :

-Oui ! s'exclama-t-il, ne pouvant retenir son bonheur sincère. En plus, j'ai aucune idée de comment on fait un journal ! ...'fin j'ai les grandes lignes, je suis pas bête. Mais je connais pas tous les détails ! Et puis j'adore découvrir de nouvelles choses ! Et !...

Il s'arrêta d'un coup en mordant sa lèvre. Voilà qu'il avait failli repartir dans un monologue.

Je rigole un peu. Un câlin hein... Il est mignon. Même si ça se voit qu'il flippe rien qu'à l'idée de se faire toucher sans y être préparé. Je peux comprendre ça. J'ai jamais eu de problème avec le contact perso. Je suis moins sur la défensive qu'avant aussi. Ca aide.

-Heu oublie le câlin, je ris doucement. Je suis pas très bisounours.

Je continue à prendre des photos de détails aux endroits où les slips et autres sous vêtements sont cachés. En fait ce qui serait drôle c'est que les filles se vengent en faisant la même chose d'elles-même. Une petite vengeance y a rien de mieux pour rigoler. En plus pour un sous vêtement par personne ça va vite.

-J'espère aussi. Ce serait bien.

Je range mon appareil avec un sourire amusé. Est-ce que j'en fais un article d'illustration ou bien juste un texte avec une photo ? Ca reste à voir. Avec toutes les photos que j'ai pris ce serait quand même dommage de ne pas l'exploiter. Je verrais à la retouche si elles sont bien. En tout cas l'idée a l'air de le faire rire. Tant mieux c'est le but. Je rigole un peu en le voyant si enthousiaste à l'idée que je lui montre un peu comment je bosse.

-C'est pas si intéressant en vrai. Je passe mon temps à retoucher des photos et à trier mes rush. Mais si ça te fait plaisir je veux bien. Je bosse pas mal la nuit en ce moment donc si t'as le temps t'auras qu'à passer à ma chambre.

J'aime bien avoir de la compagnie aussi de temps en temps. Ou même un avis neutre c'est bien. Je vois pas toujours des truc évidents quand j'ai le nez sur mes photos. Ou alors je rate un truc important.

-Si tu veux je te ferais un tirage de ta photo.

Pas intéressant de voir quelqu'un trier des rushs et les retoucher ?... Nicolas en doutait. Il se souvenait de la première fois qu'il avait vu un orgue de barbarie... Il était resté des heures à fixer l'instrument, l'homme derrière, la manivelle, cette main qui l'actionnait, comment les morceaux étaient changés... Les gestes d'un homme expérimenté, ou simplement passionné, ça mérite toujours le détour à ses yeux. C'est d'ailleurs en regardant qu'il apprit la majorité de ce qu'il sait aujourd'hui ; qu'il s'agisse du simple fait d'écrire à recharger une arbalète d'un carreau...

-Ok ! Je passerai dès que je pourrais dans ce cas !... J'essayerai d'envoyer un essémesse avant.

Il lui proposa un tirage de sa photo. Il inspira avant de vouloir répondre par la négative avant de brusquement refermer sa bouche et de changer d'avis. Une photo de ma gueule cassée m'intéresse pas mais... Ça peut faire un bon souvenir. Surtout qu'il n'avait que des photos de lui tout petit, de l'époque de son père, et après, seulement des photos de sa carte d'identité... Soit pas grand chose. :

-Ok ça marche.

Il pointa du doigt l'appareil avant de reprendre. :

-D'ailleurs comment tu fais pour les sortir ? C'est comme dans les vieux films, avec une chambre noire et tout ?

L'ère du numérique était arrivé en même temps que lui, mais il ne semblait pas être au courant qu'on avait changé de siècle... ni même de millénaire.

Je souris en coin. Il faut que je lui passe mon numéro. Ce serait utile si il a envie de me voir ou juste pour un entraînement de temps en temps. J'avais bien apprécié la dernière fois. Puis même sans forcément s'y connaître j'aime bien ne pas être tout seul quand je bosse. A force je fais ça en automatique donc ça me changerais d'avoir une personne avec qui parler.

-Faut que je te passe mon numéro alors. Tu as bien un portable dis moi.

Et puis pour sa photo... Enfin plus que le fait d'en avoir une de lui c'est surtout que ça fait des souvenirs. J'aime ce que je fais pour ça aussi. Fixer un moment sur papier. C'est poétique. Je me vois plus comme un voleur d'image. Mais j'aime ça. Je rigole un peu quand il me parle de chambre noir.

-Ca c'est la méthode du siècle dernier mon p'tit Nicolas. Les chambres noirs c'est une méthode qu'on utilise pour développer des photos à l'argentique avec des pellicules. Moi j'utilise un appareil numérique. C'est plus simple à utiliser.

J'enlève la bandoulière de mon cou et lui tend l'appareil avec un sourire.

-Viens je te fais essayer si tu veux. Tu verras c'est très facile à utiliser. Beaucoup plus qu'un argentique.

Enfin après faire les réglages de luminosité, de couleur, l'ouverture, tout ça. La plupart des amateurs font ça avec un mode automatique. Pour certains cadres c'est bien mais je préfère le manuel. C'est tellement mieux quand on a le temps. Ca permet de prendre des photos plus travaillées. Même si l'automatique c'est très bien pour le vif. Sinon le reste ça s'apparente plus à de la photos d'art. Ou pour les planques éventuellement.

Un téléphone. :

-Mouiiiii... lâche-t-il dans une grimace.

Parce que l'avoir était une chose, s'en servir... Il l'évitait autant que possible. Surtout depuis qu'il avait failli faire sauter l'écran avec ses pouvoirs, alors qu'il s'énervait en essayant d'envoyer un simple message. Comment il devait faire pour ajouter les coordonnées de quelqu'un déjà ?... "Contact" ou quelque chose du genre... Décidément, ce mot va me poursuivre.

Seul un de ses sourcils s'envole, pour dire à quel point tout de même à moitié perplexe. Maintenant même les photos sont... électroniques ?... Après tout, ce n'était rien de fou, puisque les caméras et la télé existent. Mais ça le change l'appareil qu'il connaît ; celui qu'il fallait faire développer chez l'unique buraliste du village qui pouvait le faire pour pas cher.

Huo lui tend l'engin. Il a d'abord un geste de recul, il a pas envie de griller son joujou. Mais il se dit que rien de grave ne peut arriver là, rien qui pourrait le surprendre ou l'agacer, le temps qu'il perde une seconde le contrôle de ses capacités... Il tend doucement la main et s'empare de l'appareil photo, craintif malgré tout. Il a l'instinct de vouloir tourner une molette, mais elle n'existe pas sur cet appareil... A la place, on y trouve une plâtrée de... :

-Boutons.

C'est tout ce qu'il trouve à dire... car c'est la première chose qu'il voit. Il y a des petites flèches, un autre avec marqué "menu" en lettre capitale juste en dessous... un très gros, rond, qui semble tourner et avec pleins d'images dessus : un bonhomme, un arbre, un éclair,... Il se trouve soudain stupide à rien comprendre de ce qui se trouve sous ses yeux.

Il en voit un écarté des autres, plus sur le dessus. Ah ! Celui-là, sûr je le connais ! Il est placé au-dessus pour prendre les photos ! Content de sa trouvaille, et d'enfin reconnaître quelque chose dans ce monde boutonnesque décidément bien compliqué juste pour une photo, il emmène l'appareil à son œil, dans son geste instinctif de regarder par la luette pour cadrer. ...sauf qu'il n'y a pas de luette. :

-Ah zut, c'est vrai.

Se sachant bien ridicule, il savait pas s'il devait en rire ou en pleurer. Avec un léger air boudeur, il dégaine d'un coup l'appareil, pivote et prend Huo en photo, sourire vainqueur sur ses lèvres... L'écran devient noir une seconde, la panique le saisit pensant avoir cassé quelque chose. Puis il a un aperçu de la photo, floue évidemment, même si on reconnaissait la touffe rouge des cheveux de Huo, avant que l'écran ne retrouve son état originel. :

-Elle est un peu floue...

Son ton est dépité, mais il a un petit sourire sur les lèvres. C'est ma première photo électronique. Il tourna alors l'appareil dans tous les sens, dessous, dessus, même dans la lentille... Mais rien ne semblait sortir, aucune aspérité pour y cacher une "pellicule numérique" ou quoi que ce soit. :

-Comment tu les sors de là après ? demanda-t-il en continuant ses fouilles infructueuses.

Il a l'air vraiment très perplexe devant l'idée de la technologie honnêtement je pensais pas. Maintenant tous les gens de moins de vingt ans que je rencontre ont au minimum des téléphones high-tech ou des ordinateurs portables. C'est tellement devenu la norme. Lui je suis pas certain qu'il sache se servir de ça. Quoi que pour ma part je suis plus ordinateur que téléphone sans être un gros geek. Mais la photo me prend déjà le peu d'économies que j'ai donc pour ce qui est de la technologie...

Il observe un peu l'appareil avec une tête très intriguée. Les boutons le perturbent on dirait. Il le tourne un peu et tente de viser avant de s'apercevoir qu'il n'y a que l'écran. Je le laisse faire avec un sourire en coin, très amusé. C'est marrant à voir. Il prend une photo avant de faire une moue boudeuse et je ris.

-Attends je vais te montrer comment on fais la mise au point.

Je me met derrière lui et pose mes mains par dessus les siennes pour tenir l'appareil.

-Il faut appuyer à demi sur le bouton tu vois ? Là tu vois que c'est net dans la visée sur l'écran et tu peux prendre la photo.

Je le relâche et hausse un sourcil en le voyant manipuler l'appareil, apparemment à la recherche de quelque chose. Ho la pellicule hein... Je lui prend l'appareil et ouvre la petite trappe sur le côté où se trouve la carte mémoire.

-C'est là. C'est la carte mémoire de l'appareil. Ensuite tu peux la mettre dans un ordi pour retoucher les photos ou les imprimer.

Je referme l'emplacement de la carte mémoire et le reprend en photo avec un sourire amusé.

-Celle-là est mieux je trouve.

J'éteins finalement l'appareil et le laisse pendre autour de mon cou par la dragonne.

-Je te ferais un tirage des deux photos. Ca te fera des souvenirs !

J'ai envie d'une clope. Ca me démange souvent ces derniers temps et ça m'agace un peu. J'ai pas envie de recommencer à fumer mais j'ai le geste qui me revient. Ou l'envie. C'est chiant.

Le contact avec Huo le tend... Il en grince même des dents. Il prend une brève inspiration et laisse l'étonnement l'envahir... Appuyer à demi sur le... oooh... C'est fou c'qu'on fait maintenant quand même. Il n'en finit pas puisque pour toute pellicule, après que Huo est récupéré son bien, il ressort un bout de plastique de l'appareil... un truc qui ressemble quand même vachement à ce que le vendeur lui avait montré quand il lui avait expliqué pendant de longues minutes comment fonctionnait son téléphone... AH ! Une carte mémoire ! La sienne ne lui faisait apparemment pas défaut puisqu'il se souvint du nom avant même que Huo ne le lui dise... Par contre, qu'on ne lui demande pas ce qu'était un "giga", on le perdrait à coup sûr.

Il glisse sa main dans ses cheveux, en poussant un soupir, rassuré de ne plus avoir le bijou technologique. C'est dans cette position qu'il le prend à nouveau en photo... Décidément. Nicolas devait sans doute être le pire modèle qui soit à toujours bouger... Mais Huo semblait doué avec le vif, puisque ses photos étaient nettes, bien éclairées... Il doit avoir un œil pour ça c'est pas possible autrement. Il lui propose à nouveau de lui offrir un tirage de sa face. Ses lèvres s'étirent mais il a une drôle de sensation dans son ventre... comme s'il n'avait pas fumé depuis des mois... Beh merde... Ça fait pas si longtemps pourtant. La dernière c'était au petit matin en fait, ce qui remontait quand même mais pas à ce point... Il grimace, plus parce qu'il ne comprend pas d'où ça peut bien venir plutôt que par la douleur que lui procurait le manque, auquel il avait du apprendre à s'habituer pendant les pires mois de sa vie. :

-Je veux bien... mais ça te dérange pas qu'on prenne l'air deux minutes ?...

Il pivote alors direction la sortie... Il fouille un instant ses poches avant de trouver son paquet de filtres blancs. Peut-être que Huo allait lui faire la leçon sur le tabagisme, mais là, il s'en cognait pas mal... Pourtant, il s'expliqua tout de même. :

-Te moque pas, mais quand j'ai pas fumé depuis un moment, j'ai mal au ventre... J'ai la sensation que mes intestins se tordent dans tous les sens. Et là, ça m'a pris d'un coup.

Il retient ses excuses et amène un filtre à sa bouche. Tout en marchant, sort ses feuilles et son paquet, roulant sa cigarette avec les gestes mécaniques d'un habitué.

Il a l'air presque soulagé que je reprenne l'appareil et je ris un peu. Pas à l'aise avec la technologie hein. Comme quoi y a pas que les vieux qui ont du mal parfois. Pour ma part je suis pas un fanatique des ordis et tout ça. Tant que mon téléphone me permet d'appeler correctement et d'envoyer des messages ça me va. J'ai un vieux pc portable qui tourne assez bien pour retoucher et trier mes photos et c'est tout.

Je hausse un sourcil avant d'acquiescer et le suis dehors. J'ai besoin de prendre l'air aussi je crois. Avec un peu de chance ça m'empêchera de lui demander une clope. Je crois qu'il fume lui. Il fouille ses poches et se roule une clope en m'expliquant qu'il a eu une... Envie subite ? Je me mordille la lèvre et retiens un rire. Ha tiens je pensais pas que ça marchait aussi pour ça...

-Ha c'est peut-être... Ma faute ? J'avais envie d'une clope. Ca me prend comme ça de temps en temps j'ai dû te contaminer.

Je fourre mes mains dans mes poches en pinçant un peu les lèvres. Maintenant d'en parler ça me donne encore plus envie. Je soupire un peu.

-Tu voudrais bien me filer une clope ?

C'est clairement pas raisonnable en vrai. Mais bon je suis sevré en principe c'est pas parce que pour une fois je fume que je vais recommencer. Et puis ça me détendra.

-Ca fait un moment que j'ai arrêté en vrai mais des fois j'ai envie. Ca me prend souvent ces derniers temps. Je dois avoir besoin de me détendre.

J'inspire franchement l'air humide de l'extérieur. Il fait un peu frais mais c'est très supportable pour moi. Puis merde quoi. J'ai pas besoin de me justifier là dessus. Je suis adulte, si j'ai envie d'une clope j'ai le droit, voilà.

Il hausse un sourcil... Sa faute ? Parce qu'il avait envie ?... Ben, Nicolas ne savait pas si c'était possible mais bon... Sensitiiiif, tout çaaa... L'envie de fumer c'est une émotion peut-être... Nicolas a vu des gens se rouler dans la boue pour ça. Mais si justement il était Sensitif, l'explication qu'il lui donna, comme quoi "ça lui arrivait de temps en temps", lui étira les lèvres tout en lui offrant un regard des plus suspicieux... De temps en temps heiiin ? Avec le mal de bide que je me tape là ?! Mais bien sûr. Il avait peut-être pas été un gros fumeur, mais son corps avait longtemps été habitué à la cigarette s'il en ressentait un besoin aussi violent.

Alors à peine eut-il posé la question qu'il lui tendit la cigarette qu'il venait de rouler. Sans un mot. Parce que Huo était adulte déjà, il avait rien à dire sur le tabagisme. Genre "ouuuuh c'est pas bieeen"... J'pense que tout le monde est au courant maintenant eh. Et puis il savait que si ça le travaillait à ce point, que ce soit lui qui lui en donne une ou Huo qui aille acheter un paquet, valait mieux que ce soit le premier choix. Parce que reprendre c'est tellement facile dès qu'on rachète un paquet... Il attend qu'il s'en empare pour en rouler une deuxième, les doigts raidis par le froid dehors.

Il se justifie, comme lui un peu plus tôt, c'est presque mignon que ça lui en tire un rire bref et étouffé. Il met sa clope au bec et sort son briquet... sans le donner à Huo. Bah quoi ?! Il a du feu sur lui nan ?! ...Chanceux va. Il prend une grande inspiration de fumée avant de doucement l'expirer, sans heurt, sans toussotement, et absolument comblé par son encrassage de poumon. Son mal de ventre se détend petit à petit et disparaît complètement dès la deuxième bouffée. :

-Te détendre ?... Si tu veux vraiment te détendre, il faudra bien plus qu'une cigarette. Mais bon ce serait dommage de reprendre...

Lui demander pourquoi il doit se détendre lui traverse l'esprit... mais ça n'aiderait en rien Huo d'y penser justement. Et s'il était curieux de savoir, il tassa cette sensation bien au fond de lui, à coup de poing, comme lorsqu'il veut faire de la place dans un sac poubelle déjà bien rempli. Alors, au lieu de lui poser la question, il lui offre un sourire moqueur. :

-Tu vas te mettre au yoga ?

Encore un rire, cette fois bien plus franc. Oui, ses propres blagues le font rire. Et entre deux exclamations il tente même de faire la position de l'aigle... qui ressemble pas du tout à un aigle d'ailleurs ahah ! Mais il s'arrête, perdant l'équilibre à cause de la joie qui le secoue.

Il étire un sourire ironique et je lui renvois un regard un peu agacé. Ce n'était pas vraiment une sensation de manque... Plutôt une pulsion, une envie. Quelque chose de plus profond et de plus malsain parce que ce n'était pas que fumer. Juste une sorte de rage auto destructrice. Il me tend pourtant la clope qu'il vient de rouler sans un mot avant de s'en faire une également. Je fais jaillir une flamme au bout de mon doigt et l'allume.

J'inspire la fumée lentement, la sent descendre dans ma gorge, mes poumons. La deuxième bouffée me détend un peu plus, la tension se relâche. J'apprécie qu'il ne dise rien honnêtement. Enfin c'est pas comme si je me laissait faire la leçon de toute manière. Il allume sa propre clope, fume un peu aussi.

-Le yoga, je rigole. Je préfère un bon sac de frappe, ça au moins c'est efficace.

Se lessiver la tête à coup de poing. S'éclater les jointures à force de frapper dans le cuir tendu. Ca ne détend pas vraiment mais ça vide la tête et ça permet de se vider de son agressivité. Je suis toujours un peu mieux après ça. Seulement je trouve qu'en ce moment je me laisse trop aller à cette facilité. Je ne me contrôle plus comme avant.

-Je compte pas reprendre de toute façon. J'ai trouvé d'autres drogues pour compenser. Du genre qui ne m'empêchent pas de courir cinq cent mètres sans finir sur les rotules.

Je ris un peu. C'est surtout pour ça que j'ai arrêté. Me détruire la santé à vrai dire j'en ai rien à foutre. Je le fais même très bien tout seul et je mourrais pas dans mon lit c'est certain. Mais je n'aime pas saboter mes propres capacités. J'ai besoin d'avoir un certain contrôle sur ce que je fais.

-Tu sais pourquoi je n'aime pas parler de moi ? Parce que quand je ne le fais pas je peux oublier un peu. Je peux penser à autre chose qu'à mes poings et à cette foutue crosse de flingue. Si j'en parle pas je peux avoir l'impression que j'arriverai à me racheter.

J'esquisse une grimace de dégoût, regarde la clope au bout de ma main qui se consume. Je referme mon poing dessus et la réduit en cendre. Je dois être d'humeur sombre ce soir.