« C’est quand tu veux Mitsu, je peux t’apprendre si tu en as envie. »

Pour elle tu veux bien reprendre ce rôle d’enseignant qui t’a tant pesé. Elle t’es précieuse, même si tu ne penses plus à elle de manière érotique. Elle reste une personne qui t’a énormément aidé, énormément apporté. Si tu pouvais lui rendre ne serait-ce que le centième de ce qu’elle t’a offert, tu le ferais. Tu la sens différente, et tu te dis qu’elle a du beaucoup souffrir de sa rupture. Elle est trop enjouée, trop délurée. Tu connais ce besoin de faire comme si tout allait bien, de te comporter comme si tout était parfait. On espère toujours commencer à croire en son mensonge.

Pourtant bien que tu ais cette sensation, tu décides de ne pas la confronter. Tu décides de simplement être là, parce que c’est la seule-chose que tu peux faire. Si elle veut parler, tu écouteras, si elle veut que tu lui changes les idées, tu lui changeras les idées. Tu es ce genre d’amis silencieux Angie, ceux qui sont toujours là mais qui ne le revendique pas.

« Tu peux te coucher sur le lit, j’pense pas avoir dormi dedans depuis que j’ai changé les draps… J’m’endors souvent sur mes dessins faut dire… J’aime la peinture, en avoir sur mes draps ne me dérange pas plus qu’en avoir sur mes habits ou ma peau. Je sais que c’est bizarre, mais pour moi c’est normal. J’me suis découvert grâce à l’art et il fait partie de chaque parcelle de mon être. Quand j’essaie de le nier, je me perds. »

Tu la laisses s’allonger et prendre ses aises. Tu te mets à genou sur le sol et tu te calles sur un coude pour ne pas trembler. Tu la surplombes mais pas un instant tu te dis que c’est la première fois que tu as une femme a demi-nue dans ton lit. Pourtant faudrait mettre une croix sur le calendrier de ta vie, de celles qui marquent sans doute les premières et les dernières fois.
Ton souffle caresse sa peau, tu t’es rapproché pour retenir tes tremblements. Tu te concentres sur le motif qui nait. Ce n’est rien de très fin ou construit, ce n’est que nuances de bleu et de ciel, de mer et d’océan. Des petits points qui s’unissent en des motifs sans sens réels semblent pourtant fluides.

« Ca va toujours ? » tu finis par lui demander alors que tu entames la partie la plus basse de son dos.

Une idée te vient.

« Ca te gêne si je continue sur le dos de tes jambes ? »

Je souris suite à la proposition de Charlie-Ange. Après tout, je ne vois pas avec qui je pourrais mieux apprendre ! C'était un prof d'arts plastiques après tout, s'il y a bien quelqu'un qui peut m'apprendre à peindre, ou au moins me faire expérimenter ça, c'est lui, surtout quand on voit à quel point il est passionné. Les personnes passionnées nous apprennent toujours mieux les choses que les personnes qui font ça par devoir.

Il me proposa alors de s'installer sur son lit. Parce que visiblement il ne dormait pas dedans (ça doit pas être très confortable de dormir sur ses dessins quand même...) et que ça ne le dérangeait pas qu'il y ait de la peinture sur les draps. Ouais, en fait, c'est plus qu'un artiste dans l'âme, il est l'incarnation-même de l'artiste et de tout ce qui englobe cette figure en général je crois. Il vit pour son art, fusionne avec, et ça lui va. Bon, du coup j'veux bien apprendre à peindre, mais p't'être que je pousserai pas le truc jusqu'au bout.

Enfin, cela dit, perso ça me gêne pas de dormir avec mes robots dans mon lit, donc j'imagine que c'est chacun son truc.

-Parfait ! Je crois que je commence à m'habituer aux poils du pinceau et à la température de la peinture. Je ne ressens presque plus aucune gêne.

Bon, c'est pas que j'en ressentais un max non plus avant, mais là ce n'est presque plus que des sensations agréables. Et je crois que je pourrais littéralement y prendre goût.

-Ah non pas de souci ! Par contre j'suis, heu... Hyper sensible derrière les genoux. Alors, hum. J'sais pas, fait attention. J'contrôle pas forcément mes gestes.

Je tournai la tête pour chercher le visage de Charlie-Ange. J'ai l'impression de me plier dans tous les sens, c'est un peu bizarre. Mais bon, j'veux pas bouger non plus, puis j'aimerais éviter au maximum de mettre de la peinture sur les draps quand même, alors on fait avec ce qu'on a.

-Oh, faut que je retire ma culotte du coup ?

Tant mieux si elle ne se sent plus gênée par le contact du pinceau, la peinture sur le haut de son dos doit commencer à sécher, tu espères que la présence de shampoing la rende assez souple pour la tolérer. Tu te souviens de la sensation de gouache sèche dure que ta peau, qui craque au moindre de tes mouvements. Ça n’a jamais été très agréable. L’acrylique est plus confortable, mais l’enlever enlève bien souvent une part de ta peau. Tu ne voudrais pas que celle velouté de ton amie subisse ce genre d’infamie. Evidemment le mieux reste la peinture pour corps, mais ça t’en as plus en stock. T’avais plus de raison d’en acheter.

« J’éviterais les coups de pieds du mieux que j’pourrais… » tu dis en souriant.

Elle est belle Mitsu quand elle se tortille sur ton lit pour essayer de capter ton regard sans laisser ses cheveux de fée tomber sur la peinture de son dos. Tu entre-aperçois la naissance de son sein mais tu n’en fais pas grand état d’âme. Sa question t’ayant fait freezer un instant, en soi c’est pas que ça te gêne, mais vu qu’elle ne l’avait pas fait d’elle-même dès le début, tu t’y étais fait à ce petit bout de tissus et tu l’avais intégré dans tes projets.

« En fait, dans ma tête tu la gardais, donc j’y ai pas réfléchi, comme tu le sens j’imagine ? Pour moi tu peux la garder pas de problème… C’est peut-être même plus facile pour toi… J’ai une idée aussi, si tu es d’accord, j’aimerais te photographier ensuite, quand j’aurais fini de te peindre, j’aimerais que tu voies ce que j’ai voulu te montrer, au travers de mes yeux. Bien sûr si cela te dérange je n’en ferais rien. »

Si pour toi tout cela n’est que de l’art tu peux tout à fait concevoir que quelqu’un ne soit pas assez à l’aise avec son corps pour passer devant l’objectif. Toi-même tu devais te forcer à le faire, l’objectif te mettait trop souvent en face des défauts que tu voulais masquer. Tu étais trop, rigide, trop tendu, pas assez souriant, on voyait tes kilos en trop ou en moins. T’avais jamais eu un poids bien stable, tu passais de l’étudiant à la dech au fils de sa maman bien nourri. Ta peau en avait gardé quelques vergetures. Maintenant tu les acceptais bien mieux que par le passé.

Bon. Bah au moins maintenant il est prévenu. Mais en même temps, je comprends pas pourquoi les autres, ça ne les dérange pas de se faire toucher derrière les genoux. C'est juste horrible comme sensation ! J'suis sûre que c'est genre LA partie du corps où la peau est la plus fine ! Bon, y'a p't'être les paupières, ça doit pas être bien épais non plus, mais quand même. Derrière les genoux, c'pas ça non plus.

-Ah non mais c'est juste que j'avais peur de la tâcher, et j'savais pas où commençaient les jambes pour toi, parce qu'après tout les fesses c'est aussi le haut des cuisses alors on sait jamais... Mais allez, j'la garde !

Je lui adressai un sourire et me replaçai, parce que l'air de rien, ça fait mal au cou de se contorsionner comme ça. J'suis pas aussi souple que ça finalement. J'vais p't'être arrêter les joggings pendant un temps et me reconcentrer sur la souplesse et la gymnastique. Histoire de me rendre un peu plus élastique, parce que là c'est critique (comment ça j'exagère ?).

-Oh mais non, trop bien !!! Pas de souci pour la photo, j'pense que je t'aurai demandé de toute façon ! Parce que quand j'vois comment ça a été compliqué de me tourner pour te regarder, j'imagine même pas les contorsions que j'vais devoir subir pour réussir à me voir correctement dans la glace sans niquer toute la peinture... Donc au contraire, trop cool si tu prends une photo !!

Je fermai les yeux, attendant qu'il se remette à peindre.

-Tu penses à quoi quand tu peins ?

Les fesses le haut des jambes, bonne déduction, toi tu n’arrives pas à ce niveau. T’es au niveau du « bon c’est là je travaille autour, je respecte la forme de la matière première. » Un peu comme quand tu sculptes du bois en fait, ou quand t’as essayé avec de la pierre, ce qui définitivement ne te convenait pas. T’avais trop du mal à doser ta force et à contrôler tes mouvements pour la finesse que tu imaginais, et les traits grossiers que tu obtenais te faisaient rager. Non la pierre n’était pas faite pour toi… Par contre l’argile… Tu retrouvais en cette terre le contact souple de la peinture, tu adorais ça. Il faudrait qu’à l’occasion du en trouves, ce serait fort chouette.

Elle replace et ton pinceau reprend sa valse, les reins de la jeune femme se retrouvent bientôt cyans alors sue le bleu de ses lombes s’obscurcit comme un ciel d’orage, se teinte de gris pour devenir le noir d’encre de sa culotte. Tu fais bien attention à ne pas tâcher la culotte immaculée, tu as bien compris le message, elle ne veut pas l’entacher. Aucun débord ne sera autorisé, sur cette toile immaculée. Elle est d’un sombre, dans un tissu luisant et épousant joliment les fesses de la master. J’espère que tu as consciences de la chance que tu as d’apprécier une si jolie vue.

De la chance aussi qu’elle ne te fasse pas bouffer ta peinture en te traitant de pervers avant de se casser quand tu lui proposes de la photographier. J’crois qu’elle commence à te cerner, et qu’elle se doute que tu ne ferais rien pour lui déplaire. T’es pas comme ce con d’Ys, toi tu demandes la permission ET pas qu’une fois. Si tu savais tout ce qu’il lui fait, lui a fait, lui fera, tu t’énerverais tiens. Heureusement elle a la délicatesse de ne pas impliquer quelqu’un qui ne serait qu’un dégât collatéral entre les mains du vaurien.

La question mérite d’être posée, mais tu n’es pas certain que la réponse soit à la hauteur des espoirs de la jeune femme. Tu réfléchis, pour le formuler, si tu avais des pouvoirs tu pourrais essayer de lui montrer. Tu n’en as plus, et même si tu les récupérais demain il te faudrait bien du temps avant de pouvoir à nouveau les lui révéler.

« C’est un peu compliqué à expliquer, je crois que je vois les couleurs et que je me projette en elle. Mon esprit se vide, il n’y a que les couleurs. Je vais commencer par peindre l’arrière de tes genoux, comme ça ti tu bouges cela n’effacera pas le reste de la jambe. »

Doucement tu poses ta main gauche à l’arrière du mollet de la jeune femme, si elle veut retirer sa jambe tu ne la retiendra pas, mais on t’as dit un jour que plus on stimulait de surface moins la sensation était fine. Peut-être que comme ça ce sera plus facile ?

« Si tu veux que j’fasse une pause dis le moi. »

Et ton pinceau effleure le pli à l’arrière de son genou.

Ouais. Je ne comprenais pas totalement ce que m'expliquait Charlie-Ange, mais je pensais comprendre l'idée. C'est une vue d'ensemble. Une image mentale qui se forme et qui te dicte ensuite toutes les étapes à suivre pour rendre réel ce qui initialement ne se trouve que dans ta tête. C'est ce que je ressens généralement lorsque je bricole. Au début, je mesurais et calculais beaucoup plus de choses que maintenant. Parce que maintenant, tout me semble évident, j'ai l'image en tête et je sais exactement ce qu'il faut que je fasse pour réussir à réaliser ma création. Je pense que c'est parce qu'une fois que la technique a été assimilée, tout devient instinctif, et on peut se laisser porter par notre passion.

Enfin, j'dis ça, et si ça se trouve, j'me plante totalement.

Je sentis mon corps se tendre instantanément au moment où il me dit qu'il allait commencer tout de suite par peindre l'arrière de mes genoux. Ok. Ok. Ca va aller. Ca va alleeeer, parfait, pas de panique, allez allez. On respire Mitsu. On respire. ON RESPIRE ON A DIT. Je retins un sursaut alors qu'il posait une main sur l'arrière de mon mollet. Ca va aller. Ca va alleeeer. Tout va bien se passer. Ce n'est que quelques coups de pinceaux et un peu de peinture après tout. Et puis peut-être que la fraîcheur de la peinture va te faire oublier les poils du pinceau ?

Mais oui. Mais oui, bien sûr. Allez. On reste courageuse. J'ai le droit de faire une pause si besoin.

Son pinceau rentre en contact avec la zone interdite.

-PAUSE ! PAUSE PAUSE !

Bon, d'accord, il a rien fait. J'suis juste hyper sensible, d'accord. C'est pas ma faute, j'suis née comme ça, j'y peux rien ! DESOLEE DE PAS ETRE COMME TOUT LE MONDE ET DE NE PAS ETRE CHATOUILLEUSE DU VENTRE MAIS PLUTOT DE L'ARRIERE DES GENOUX OK.

J'enfouis ma tête dans la couette et la secouai, à minima quand même pour éviter les dégâts sur mon dos.

-Aaaah je suis désolée je suis trop nulle ! Nan mais en vrai, c'est vraiment horrible d'être touchée ici, t'as jamais été chatouilleux d'ici là ?! On a déjà peint derrière tes genoux ?! Nan mais la sensation du pinceau, c'est terrible, c'est nettement pire qu'une plume sur la plante des pieds ! C'est un truc de malade, j'ai envie de me gigoter dans tous les sens !!!

Je pris une grosse inspiration. Bon. J'ai même pas pris de cristal avec moi. Je peux même pas m'en servir pour bloquer les émotions qui naissent quand on se fait chatouiller. Allez, on respire, ça va aller.

-Vas-y, c'est bon, tu peux y aller, lançai-je en serrant fort la couverture entre mes doigts.

Serre les dents Mitsu. C'est juste un mauvais moment à passer, ça va aller !

A peine ton pinceau touche-t-il l’arrière de ses genoux que tu la sens se tendre. Elle te crie d’arrêter et c’est ce que tu fais immédiatement, prenant une distance respectable pour l’aider à se calmer. Tu n’as jamais été des plus chatouilleux, mais tu as connu quelques cris aigus des plus virils quand une de tes amies s’amusait à planter leurs doigts crochus dans tes cotes pour te faire sursauter. Tes amies elles étaient aussi teubé que toi. Est-ce que c’est la même sensation insupportable qu’elle ressent actuellement ? Si c’est le cas, tu t’en veux vraiment. Surtout si elle se sent nulle. C’est pas cool de se sentir nul.

« Non, j’t’avoue que ça m’a jamais fait réagir cette zone. »

Ne donne pas tes zones de faiblesses, tu seras gentil. Merci. C’est cool, pour une fois que tu m’écoutes. C’est bien, faudrait que ça continue comme ça et on arriverait peut-être à quelque-chose avec toi.

« Mais ouai, j’ai déjà fini entièrement peint plus d’une fois. On va tenter autrement si c’est trop désagréable t’inquiètes. C’est mon taf de m’adapter à ma toile. Attends. »

T’as peut-être plus de maquillage, mais tu dois encore avoir des éponges à maquillage. Tu fouilles dans ton bric à brac, faudrait que tu penses à ranger un jour. Faudrait que tu prennes le courage de ranger un jour. La flemme. Tu trouves ce que tu cherches dans une caisse verte. Dedans il y a des restes du maquillage que t’as utilisé pour te transformer en Clochette au précédent carnaval… Ou peut-être celui d’avant, tu sais plus. Tu serres les dents en trouvant les accessoires qu’Oksa t’a laissé. Tu refermes la boite un peu vite et tu la fais glisser dans un coin pour ne plus l’avoir sous les yeux.
Ça fait mal, mal d’être abandonné. Mal de te dire que tu l’as encouragée à partir. Qu’elle t’a peut-être fuit. Tu ne veux plus y penser, la boite s’est refermée. Tu retournes vers Mitsu, avec l’éponge tu peindras plus rapidement. Tu la trempes dans la peinture et tu reposes ta main au même endroit, tu l’empêcheras de bouger au besoin. Tu comptes aller vite, sauf que t’es moins habile quand tu vas vite. Peu importe.

« J’y vais. Désolé, essaie de supporter j’me dépêche. »

Et tu accélères le mouvement, en un instant la peau se teinte de bleu, et c’est fini. Tu as fait comme avec un pensement. Tu l’as arraché le pensement le plus vite possible.

« ça va ? »

Comment est-il possible que je sois la seule humaine sur Terre à être aussi sensible des genoux ? Et des arrière-genoux surtout. Nan mais sérieux, c'est juste une zone affreuuuse et en plus la peau est super pas épaisse, et ça chatouille TROP MAIS IL A VU SON PINCEAU EN PLUS OMG ?!

Je me redressai sur mes coudes quand il m'indiqua d'attendre. Je tournai la tête comme je le pouvais pour le suivre du regard et essayer de comprendre ce qu'il cherchait. Si il a prévu de m'attacher au lit pour que j'arrête de bouger, j'vous préviens, j'risque de paniquer. Mais sérieux, pourquoi j'ai pas pris de cristal aujourd'hui ?! Pourquoi je n'en ai pas jugé l'utilité ?! Nan mais les gouttes de cristal liquéfié c'est carrément pas suffisant pour endurer des coups de pinceaux derrière les genoux !!!

Charlie-Ange ne tarda finalement pas à revenir vers moi et je baissai les yeux sur son... éponge. Une éponge. Une. Eponge. Pourquoi il a une éponge ?! NAN MAIS IL VA QUAND MEME PAS RETIRE TOUTE LA PEINTURE QU'IL A DEJA ETALE SUR MOI ?! NAN MAIS NAN, JE VEUX UNE PHOTO AVANT, JE VEUX VOIR CE QUE CA DONNE, ON PEUT PAS TOUT ABANDONNER JUSTE A CAUSE DE MES GENOUX, NON NON NON- Ah bon ça va il l'a trempée dans la peinture.

-Mnh, me contentai-je de grogner en me replaçant correctement.

Je serrai les draps entre mes doigts et me pinçai les lèvres. Allez. Vas-y. Vite. VITE J'AI DIT JE POURRAIS PAS TENIR PLUS LONGTEMPS MENTALEMENT LA.

Je sursautai, et resserrai la prise de mes doigts sur le tissu. Je relevai le regard et tournai mon visage vers Charlie-Ange.

-Mais ça y est ? C'est déjà fini ?! Non, arrête ?! T'as quand même pas bâclé à cause de moi ? Nan mais j'suis trop désolée, j'vais te forcer à faire mal les choses, mais nan ! Mais tu vas plus apprécier l'art à cause de moi, c'est horrible !

Désolée pour Mitsu, mais t’aimes plus être attaché qu’attach… OKAY JE M’EGARE. Surtout qu’en vrai t’es pas supe friand de ce genre de délire… Mais t’as jamais dit non par peur de le repousser, par peur qu’il te jette au final… C’est pourtant arrivé, heureusement que tu ne lis pas dans les pensées de la jeune femme, heureusement que tu ne rajoutes pas une larme salée sur tes blessures. Tu souris en préparant ce dont tu as besoin, bien loin de la panique sui la gagne. Tu t’appliques à apposer sur l’assiette en carton qui te sert désormais de palette des petits points bleutés à intervalles irréguliers, tu veilles à poser dessus bien perpendiculaire l’éponge qui te sert de tampon sur l’arrière des genoux de la jeune femme.

« Je ne pense pas que ma relation à l’art soit si fragile que tu puisses nous séparer. »

Tu souris doucement, l’art te fait vivre, il t’anime, te sublime. L’art, tu l’as fuis, tu as voulu croire que tu pourrais t’en passer… Tu t’es égaré. L’art fait partie de toi, et tu ne le nies plus. Bien sûr tu sais maintenant qu’il ne te suffit pas, qu’il te faut du contact humain pour vivre et t’épanouir pleinement. Tu sais que tu as besoin de contact, de rires, d’échanges… Et l’art n’est peut-être qu’un média que tu utilises pour atteindre les gens.

« Et je n’ai rien bâclé, j’ai juste trouvé une autre voie, ne t’inquiète pas. »

Tu souris encore, tu t’es adapté, tu peux à nouveau faire cela et ne plus simplement te retrouver désemparé devant l’immensité d’une tâche que tu ne sais plus comment accomplir.

« Je peux continuer ? »

Tu demandes encore car toi on ne t’a que trop rarement laissé le choix. Tu sais qu’un accord se donne et se reprend aussi facilement qu’un sourire. Alors tu demandes, tu redemandes, car toi t’as pas toujours trouvé l’ouverture pour dire que c’était devenu non après avoir dit oui. Trop souvent tu t’es forcé à faire des choses qui avaient perdu leur goût, leur saveur. Tu t’es forcé pour les autres, et tu refuses d’être un autre pour qui que ce soit. Si elle désire que tu arrêtes tu n’insisteras pas, tu ne lui en voudras même pas. Elle est libre et c’est ainsi que tu désires qu’elle soit. Alors, tu lui laisses encore une fois le choix de faire marche arrière.

Bon... Ok, mais quand même, moi j'ai peur ! S'il gâche tout ça par ma faute, à cause de mes stupides faiblesses, je m'en voudrais à mort !
Je suis pourtant rassuré quand il m'assure qu'il n'a rien bâclé. Il a trouver une autre "voie". Tant mieux. C'est bien. Sinon je m'en serais vraiment voulu.

Malgré moi, un rire m'échappa alors qu'il me demandait s'il pouvait continuer. Je me tordis le cou pour essayer de poser mon regard sur lui.

-Mais oui, bien sûr, vas-y ! Maintenant qu'on a passé l'étape des genoux, c'est bon !

Je lui adressai un sourire, et me replaçai correctement. Je posai mon menton sur l'oreille, la nuque brisée.

-C'est amusant, cette habitude de me demander sans arrêt si tout va bien et si tu peux continuer. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi prévenant, à vrai dire... C'est comme si tu avais déjà été confronté à une situation du même type, mais que tu n'avais pas su marquer les limites et que tu les avais franchies.

Je soufflai doucement, essayant de retrouver un rythme cardiaque stable après la montée d'adrénaline qui avait suivi l'application de la peinture derrière mes genoux.

-Mais t'inquiète pas, avec moi t'as pas de souci à te faire, je te ferais signe si vraiment je veux qu'on arrête ! Et ça ne risque pas d'arriver avant que j'ai pu voir le résultat sur tout mon dos et mes jambes !

« En effet, trop souvent je n’ai pas réussi à dire stop quand j’avais commencé par accepter regrettant ce que j’étais en train de faire avant que cela ne soit fait. Je préfère ne pas mettre d’autres dans cette inconfortable situation. »

T’as jamais su dire non Angie, et c’était bien souvent encore plus difficile de le dire quand tu avais commencé par dire oui. Plus que difficile, cela t’était même impossible. Combien de fois est-ce arrivé ? Combien de fois cela-t-il été justifié ? Tu avais dit oui Angie, alors c’était de ta faute, tu n’avais pas osé faire marche arrière, ça aussi c’était de ta faute. Tu ne pouvais accuser personne d’autre que toi, et tu ne le faisais pas… Tu ne t’avances pas plus en description, tu ne donnes pas plus de tangibilité à ce passé qui s’annonce déjà lointain qu’un sourire et le déni. Tu refuses de voir reparaitre ces scènes où tu te manquais de respect plus que quiconque, niant tes désirs pour te conformer à ceux des autres.

Le pinceau court encore sur la peau de la jeune femme et peu à peu la toile vide se remplit, bientôt il ne reste que quelques plus un centimètre de peau libre. Alors tu regardes ton œuvre, tu rajoutes quelques points si et là avant de déclarer.

« C’est fini ! Ne bouges pas le temps que j’installe de quoi prendre correctement des photos tu veux bien ? »

Sans attendre sa réponse tu fouilles et trouves des draps blancs, tu montes sur ta chaise de bureau  pour les tendre devant son bazar, les punaisant au plafond comme des rideaux. La lampe du-dit bureau quand à elle devient un projecteur, TU utiliseras celle de ton portable pour contrebalancer les blancs au besoin. Tu trouves aussi rapidement ton appareil photo qui pour une fois miracle est chargé. Tu comptes faire les choses bien, pas de simples photos prises bâclées rapidement. Tu aurais pu lui proposer de sortir, la lumière du jour étant le plus beau des projecteurs. Tout semble en place, mais une idée germe rapidement, non pas celle d’exposer ton œuvre au grand jour… Une un peu plus douce.

« Est-ce que cela te convient si je te maquille un peu ? J’aimerais que tu regardes l’objectif, mais je comprendrais aussi si tu voulais rester anonyme sur les photos ? »

J'écoutais Charlie-Ange sans répondre. Il avait l'air d'avoir vécu des moments difficiles. Je l'avais senti lorsque j'étais venue le chercher, puis surtout lorsque je l'avais revu à l'hôpital, après avoir appris qu'il y était pour être soigné. Ca s'était senti, dans son regard, dans son comportement, dans ses mots. Et j'étais tellement heureuse de le revoir comme ça, plus calme, plus confiant, plus en paix avec lui-même que je n'osais pas approfondir le sujet.

-Merci d'être aussi délicat, alors ! me contentai-je de répondre.

Le pinceau continua à glisser sur ma peau encore quelques instants. J'appréciais son contact, surtout derrière les cuisses. C'était étrangement agréable, et je me sentais beaucoup plus détendue que quelques minutes plus tôt, quand il avait fallu enduire mes genoux de peinture. Charlie-Ange ne tarda pas à m'informer de la fin de la séance, et je sentis un sourire étirer mes lèvres. J'avais tellement hâte de voir le rendu !!

Attendant patiemment, je me redressai sur mes coudes et attrapai mes cheveux pour les replacer sur mon épaule avant de tourner la tête pour essayer de voir ce qui l'amenait à être aussi agité dans mon dos. Je manquais de me prendre la lumière de sa lampe de bureau dans les yeux et détournai le regard rapidement pour me protéger de la lumière. Sa question me prit un peu de court : déjà parce que je ne savais pas qu'il savait maquiller, et ensuite parce que je me demandais ce qu'il comptait faire de ses photos. Mais le challenge me paraissant intéressant, je souris largement.

-Aucun problème ! Si j'avais su qu'il fallait venir chez toi pour être autant pouponnée, je serais venue avant !

Je commençai à me tourner avant de m'arrêter dans mon élan.

-Heu. Par contre, faut que je me mette comment pour que tu me maquilles ? La peinture est sèche ? Ca ne risque pas de baver si je me déplace ?

Par réflexe, je plaçai un bras devant ma poitrine. Et dire qu'il y a encore quelques années, je m'en serai foutue... C'est chiant les mecs en fait, nan ? Ca instaure des règles bidons qui nous font nous sentir coupable et au final on finit par être gênée d'un rien.

En prenant toutes les précautions nécessaires, j'essayai de me redresser pour m'asseoir sur le bord du lit. Normalement je suis en culotte, si je cale juste une fesse ça devrait aller pour la peinture, nan ?

-On va dire que je suis prête ? lançai-je un peu hasardeusement.

« Pouponnée ? Désolée, j’ai ni biberon ni couche, une prochaine fois si tu veux ? »

Tu réponds avec humour, c’était plus facile maintenant de te montrer à l’aise et de reprendre ton rôle de cancre, celui que tu avais si bien entretenu pendant de longues années. Rien n’est très sérieux et rien n’a besoin d’être pris au sérieux, et puis accepter un compliment c’est quand même vachement surfait. T’es difficilement capable de pas sortir une vanne pour ne pas cacher ton embarras quand on te dit que t’as fait quelque-chose de bien. C’est fou non ? Quand tu fais de la merde t’as nul mal à l’assumer, mais quand tu fais un truc de bien, là il y a plus personne. C’est malsain cette façon de réagir tu sais ? Comme ça tu ne fais que te dévaloriser, quand tu fais quelque-chose de bien c’est une erreur, c’est pas ta faute, c’est que ça c’est bien goupillé sans que tu le fasses exprès, c’est que les gens se sont trompés. Quand tu fais un truc bien, tu as du mal à dire merci, alors tu changes simplement le cours de la conversation. Trop timide, ou trop humble ? Tu souffres surtout du syndrome de l’imposteur.

« La peinture est presque sèche, p’t’être bouge pas pour l’instant, j’vais passer devant toi et tu n’auras qu’à lever un peu le visage ? J’suis pas un adepte du ravalement de façade et de toute manière tu n’en as pas besoin. »

Mais t’as parlé trop tard ayant réfléchis trop longuement, le voilà déjà assise sur le lit, prenant appuis sur une fesse culottée et non peinturlurée. Ça marche aussi, et la couche de peinture tant moins importante sur ses genoux du fait de la méthode d’applique, il y a des chances que la peinture ait déjà séché et n’ait pas bougé. Tout va bien… Elle protège sa poitrine de ses bras, tu pourrais lui dire qu’ainsi elle fait pression sur ses seins et en augmente la volume perçu, mais c’est pas l’genre de détails qui t’attirent. T’as retrouvé tes restes de maquillage.

« J’peux te piquer un bout de genou ou de cuisse pour faire des tests de fond de teint ? T’as vachement plus claire que moi, mais… j’ai p’t’être ce qui faut quand même. »

Mais, t’avais acheté ce qu’il fallait pour Oksa et tu l’avais gardé. Tu pensais juste faire disparaitre ses cernes, et matifier un peu sa peau pour qu’elle prenne mieux la lumière du flash. Tu rajouterais peut-être un peu de mascara et un rouge à lèvres chair, mais tu ne voulais pas surcharger son visage, tu voulais juste que l’objectif la rende telle qu’elle était, ne mettant pas en avant des défauts qui n’existaient pas comme il en avait l’habitude.

Je souris à la réflexion de Charlie-Ange. C'était amusant. Je crois que je ne m'étais jamais fait maquillée par un garçon. Et même par une fille, en fait, c'était assez rare. Je me souviens de nos premières soirées à Terrae avec Aoi, où nous passions l'avant-soirée ensemble à choisir notre tenue, à nous maquiller et à nous coiffer. C'était dingue ce que le temps était passé vite ! En y repensant, j'avais l'impression que c'était hier, et pourtant... Pourtant, les choses avaient franchement évolué depuis. Ce temps-là était bien loin maintenant.

Ca pourrait être bien, de se refaire ce type de soirée, un de ces quatre ? Surtout que si elle était casée, moi j'étais à nouveau célibataire, nan ? Ca pouvait être le moment de m'essayer à toutes sortes de nouvelles cho- okééé on va penser à autre chose, hein, ça tourne au vinaigre dans ma tête, j'vais bientôt avoir le mal de mer.

Charlie-Ange se rapprocha de moi avec sa trousse de maquillage. J'crois qu'il est mieux équipé que moi. Est-ce que je dois avoir honte ? Putain mais sans déconner, j'dois être la fille la moins féminine de la Terre, c'est un scandale !

-Heu, le genou j'préfère éviter avec tout ce qu'il vient de vivre. Mais ma cuisse, oui, vas-y, j't'en prie. J'savais pas qu'on vérifiait la couleur du fond de teint sur les jambes ! Moi j'l'ai toujours fait sur le dos de la main.

Enfin, toujours... J'ai pas de fond de teint, mais quand j'accompagnais mes rares copines du lycée dans une boutique de maquillage, je m'amusais toujours à tester tous les produits mis à dispo. D'ailleurs, mes amies étaient souvent désolées et dépitées quand on sortait, elles me disaient que je ressemblais à un sapin de Noël couvert de guirlandes scintillantes. Perso, ça me dérangeait pas, au moins je m'étais amusée. C'était bien plus sympa que de piétiner partout à comparer tel ou tel mascara parce que la brosse était plus épaisse d'un millimètre sur celui-là par rapport à l'autre et- Bref, vous avez compris. J'suis pas douée pour le maquillage et je reconnais ne pas réussir à m'y intéresser suffisamment pour pouvoir y passer des heures.

J'avançai un peu mon visage pour que Charlie-Ange puisse en disposer. Je fermai les yeux.

-Tu me dis si faut que j'fasse quelque chose, hein ! Mais dis-moi, comment ça se fait que tu as tout ce maquillage en fait ? Tu te maquilles des fois ?

Après tout, tout est possible.

« Normalement on le fait sur le dos de la main car c’est la partie de ton corps qui est normalement autant exposé que ton visage au soleil, donc ça te donne la teinte la plus adaptée, mais comme j’ai peint le dos de tes mains c’est un peu compliqué. Heureusement que tu portes souvent des combi-shorts, ça permet d’avoir quand même une bonne appréciation. »

Tu joins le geste à la parole et tu testes deux fonds de teint, t’hésites entre le deux pour cacher ses cernes, tu finis par décider d’utiliser une base verte pour contrebalancer le violet de la cerne et tu rajoutes le plus clair après avoir opté pour une BB-crème légèrement trop foncée que tu as diluée avec de la Nivea. D’habitude t’aimes pas les marques, mais celles-ci t’as jamais trouvé une crème qui la remplace mieux, elle sert tellement à tout… Même aux premiers secours, genre quand tu te crames et que tu n’as pas de Biafine… Un coup de mascara plus tard (bon en fait trois, fallait la base blanche qui sépare bien les cils et donne de l’épaisseur, la noire qui donne de la longueur, et une dernière pour un peu sculpter la forme…) il ne te reste qu’à passer un rouge à lèvres ah… Mais aucun ne lui convient… Tu passes donc une couleur un peu trop claire que tu réhausses avec du far à paupière rosé. Parfait. Tu lui a donné des instructions tout du long, ouvrir les yeux, les fermer, regarder en haut, en bas, mettre les lèvres en cul de poule, les pincer sur un mouchoir pour enlver le surplus, etc, etc.

« Ouaip, parfois j’me maquille, ‘fin surtout quand j’m’ennuie, j’trouve ça cool en vrai. La peau c’est comme une toile, on peut vraiment changer l’apparence de quelqu’un avec du maquillage. »

Mec. Tu es un mec. Tu sais que te maquiller c’est féminisant ? Ouai et alors ? OSEF. C’est à peu près ce que tu penses, parce que faut dire que toi tu t’en contrefous d’être féminin. Tu l’vis bien, porter une jupe, ça te fait pas peur, après pas tous les jours car tu n’en as pas trop l’habitude et que c’est bizarre d’avoir la peau de tes cuisses qui frottent l’une contre l’autre. Par contre les talons, à part les compensés, tu évites. T’as pas assez d’équilibre pour ça. En vrai même les compassés ça t’arrive de te ramasser avec.

« Tu es parfaite. On passe à la séance photo ? »

Tu lui souris encore.