Tu t’es fait virer de la salle d’art par un groupe de faux artistes qui ne respectent pas toute expression… Mais tu n’as rien dit, tu as bien conscience que tu les déranges et ce n’est pas ce que tu voulais, alors tu as enfilé ton caleçon et un tee-shirt en t’excusant et en leur assurant que s’ils avaient besoin de ton aide ou de tes conseils tu serais dans une salle non loin. Après tout tu restais prof d’arts plastiques et à défaut d’avoir un goût sûr comme le prouvaient les motifs d’extraterrestres sur ton caleçon tu avais beaucoup de techniques…

Après avoir mis un orteil dans le couloir tu t’étais rendu compte de ton erreur et tu avais de suite renfilé tes vêtements. Tu avais poussé le chauffage de la salle d’art à fond une bonne demi-heure avant de te désaper. Tu allais devoir recommencer car malgré le temps, tu n’arrivais plus à peindre sereinement vêtu. Tu t’installas dans une salle lambda, une salle de mathématiques si tu en jugeais par le compas muni d’une craie et l’équerre posés à côté du tableau. Une matière importante comme disaient les parents de tes élèves.

Tu te permis de monter les radiateurs au maximum avant de déplacer quelques tables pour te dégager un espace de travail sans risquer de les salir. Tu te permis même de retourner dans la salle d’art récupérer quelques journaux pour en protéger le sol. Au passage tu conseillas à l’équipe d’artistes en herbes d’épaissir leur colle qui était bien trop diluée. De retour dans la salle de mathématiques tu attendis encore quelques temps que la température fut suffisante pour retirer tes vêtements et te remettre à peindre.

Tu peignais l’océan, ce dernier semblait t’obséder ces derniers temps. Tu avais vécu tellement proches pendant tellement longtemps et pourtant il avait fallu que tu partes pour te mettre à le peindre. Il te manquait, lui et les souvenirs qu’il avait emporté.


HRP :  l'histoire du titre

Pourquoi. Y a-t-il. Toujours. Autant de monde ?

J'essaie d'avancer dans les couloirs, mon sac plein de cours et de brochures sur diverses filières possibles et sur la réorientation et sur que faire quand on ne sait que faire et bref. Tout un tas de choses dont je préférerais ne pas entendre parler et qui m'agacent au plus au point actuellement. Mais pas autant que la foule dans les couloirs de Terrae. Je crois pouvoir affirmer sans néanmoins le prouver qu'il y a trop d'élèves par rapport à la taille de l'institut, et pourtant Dieu sait qu'il est grand.

Enfin, si je souhaite accéder à une salle tranquille où je pourrai me poser il va falloir que j'accepte de braver la foule. Certes, je pourrais m'installer dans ma chambre, mais je serais trop tentée par mon lit, mon ordinateur, mes livres, envoyer un message à Alice pour qu'elle vienne, appeler Elwynn pour que nous nous entraînions, même si en ce moment elle s'entraîne plus avec Jérémy qu'avec moi, ce qui, si vous voulez mon avis, est bizarre.Vous l'aurez compris, les brochures sur la réorientation ne sont pas ma tasse de thé, je ferais tout pour y échapper.

- Aie ! lâché-je lorsqu'un élève me percute.

Le gars me regarde avec un regard du type « Eh tu vas t'excuser ? »

- Tu m'as rentré dedans. Bouge.

Je dois faire sacrément peur aujourd'hui parce qu'il file sans demander son reste. Mais il m'a achevée, et je commence à tenter d'ouvrir toutes les salles que je croise juste pour m'y réfugier. D'un coup, une accepte de m'accueillir et je m'y glisse rapidement.

- Enfin, soupiré-je en refermant la porte, yeux clos pour apaiser ma tête tambourinante.

Quand j'entends un bruit. Mes yeux s'ouvrent aussitôt.

- AH !

Il y a un homme nu, pinceau à la main, qui me regarde bizarrement.

- Que faites-vous là ?

Sitôt la surprise passée mon visage est à nouveau le théâtre de la neutralité. Mais sérieux, pourquoi y a-t-il un gars à poil dans cette salle ?

« Je peins. »

Captain obvious.

Et là j’arrêterais bien ce RP, parce que ça se limiterait bien à ça… Mais j’ai pas quinze lignes alors j’vais meubler. T’sais, t’es en train de peindre l’océan, non pas parce que t’as le vague à l’âme mais parce que la mer t’a pris. Elle t’a emporté alors que tu buvais encore le lait de ta mère. T’as grandi en regardant la mer mais tu n’es pas devenu marin. Tu t’es fait artiste. C’est un destin comme un autre. Les vagues te portent, les vagues t’emportent. Le bleu coule, le bleu dégueule sur ta peinture quand la porte s’ouvre.

La plus grande partie de votre échange ne semble pas être verbale. Elle te regarde, tu la regarde. Tu la regardes elle te regarde. Elle te dit quelque-chose, tu l’as déjà vue… Mais où et quand ? La surprise s’estompe sur ses traits alors qu’elle n’a pas trouvé sa place sur les tiens. C’est pas la première fois que tu es surpris par une tierce personne. Quand tu vois le choc dans leurs yeux, tu te sens nu et tu sautes sur ton caleçon… Mais là elle n’a pas l’air plus choquée que alors tu continues à peindre tranquilou.

« Si tu veux peindre j’ai une toile blanche et un pinceau de rab. »

Sérieusement gars ? SERIEUSEMENT ? Et pourquoi tu lui demandes pas de se mettre à l’aise ? Genre elle aussi elle pourrait se foutre à ouelp si elle veut tant qu’à y être ? Non je retire. Tu ne lui poseras pas cette question c’est mort. C’EST JUSTE MORT. NON ANGIE. Si elle veut s’foutre à poil, elle le fera d’elle-même. Ne l’y encourage pas. Merci.

Il peint. Il peint. Dessapé, en plein hiver, dans une salle juste à côté d’un couloir plein d’élèves, il peint.

Non. Mais. N’allez pas croire que je sois pudique, encore moins prude, je vous en prie. Surprise, par contre, oui. J’ai vu beaucoup de choses au foyer, et pas mal que j’aurais préféré ne pas voir, mais alors quelqu’un d’aussi posé (blasé ?) tranquillement devant sa toile à chercher l’inspiration dans son plus simple appareil, cela non.
Et croyez-moi, l’image de nous deux à nous regarder sans expression particulière, au fond, cela me fait bien rire, et je me dis que cela fera une chouette anecdote. Mais en attendant, le dénudé se décide à reprendre et sa peinture et la parole.

Vient-il réellement de me faire cette proposition ? Il va un peu vite en besogne tout de même. Pour toute réaction au début j’ouvre la bouche et la referme comme un poisson avant d’enfin lâcher un petit soupir.

- Je crois que je vais reformuler ma question. Pourquoi peins-tu ici et sans vêtements ?

Ton toujours neutre, je n’ai pas vraiment envie de le réprimander en même temps. Déjà parce qu’il fait bien sa vie, le garçon, ensuite parce que tant que je n’ai pas compris – ou au moins entendu – la raison de son choix, loin de moi l’idée de poser un avis, encore moins un jugement, sur la question.

- Quant à ta proposition, elle est bien aimable mais pour le moment je ne préfère pas.

Sinon, je voulais juste travailler, hein. Je pourrais aussi bien repartir directement sans plus converser, vous me direz mais…mais il a attisé ma curiosité, je n’y peux rien. Vous aussi, à ma place, vous auriez envie d’en savoir plus, soyons honnêtes.

Il y a deux questions en une Angie, c’est compliqué de répondre du coup. Elle veut savoir pourquoi tu peins ici ou pourquoi tu peins sans vêtement ? C’est pas la même cause à effet ni le même effet à cause. Le pire sans doute c’est qu’il faut que tu formules les deux réponses à la fois et que c’est comme courser deux lièvres à la fois. Tu vois heureusement une échappatoire unique et simple comme réponse.

« Parce que j’aime ça ? »

Best réponse ever, mais p’t’être pas suffisante. Enfin, tu ne réponds pas à une question par une question. Déjà c’est pas poli, et à moins d’être psy tu passes souvent pour un con… Que ce soit con ignorant, ou con à baffer.

« Il n’y a pas de cours de math cet aprem et la salle d’art est occupée donc j’peins ici parce que j’aime les grands espaces et que ma chambre est minuscule et très encombrée. »

Il y a des tableaux partout… Sauf sur les murs qui sont étrangement devenus des tableaux en eux-mêmes. Faut espérer que tu n’ais jamais à quitter cette chambre, parce que le jour où tu devras partir ce sera la merde… Ca te fera trop mal de tout recouvrir de blanc, et c’est pas certain que la personne qui la reprendra apprécie la déco. Bref ce n’est pas le propos.

« Et puis j’aime peindre nu, c’est aussi simple que cela. »

Elle veut des détails ? Parce que tu peux en donner des détails, mais t’sais pas lesquels l’intéressent, et en plus elle a zéro envie de peindre. Genre zéro. C’est triste mais tu ne lui forceras pas la main, tu forces jamais les gens toi. Seulement tu l’as dit toi-même, il n’y a pas de cours de maths cette aprem, aussi que fait-elle ici ? D’ici qu’il y ait un cour de soutient qui n’apparaisse pas sur les plannings...

« Et toi tu fais quoi ici ? »

L’inconnu me répond…et sa réponse fait étonnamment sens ? J’aurais pu lui dire d’aller dehors mais au vu du froid, je comprends qu’il n’ait pas franchement envie d’être nu, vulnérable au vent glacé qui souffle ces derniers temps. En revanche, le pourquoi il n’a pas de vêtements, justement, reste flou. Oui, il aime cela. L’inverse m’aurait étonnée. Je veux dire, de toute évidence sa nudité était un choix, et pourquoi l’aurait-il fait sans l’apprécier ? Mais il ne s’attarde pas sur des détails. Pourquoi aime-t-il ? Qu’est-ce que cela apporte ?

- Je venais travailler, réponds-je d’un ton légèrement abrupt.

Ce qui est, reconnaissons-le, clairement plus logique. Mais aussi pas totalement vrai.

- Enfin. J’avais des brochures à lire. Et je ne voulais pas les lire dans ma chambre. Parce qu’elles ne sont pas très intéressantes. Mais utiles. Il faut que je les lise. Il y avait trop de monde dans les couloirs alors j’ai juste ouvert la première porte d’une salle ouverte qui passait. Mais tu étais là. Voilà.

Je soupire. Habituellement je ne raconte pas ma vie. Et là je viens de le faire. De mon ton neutre quasi brutal d’aujourd’hui, mais j’ai trop parlé.

- Qu’est-ce que cela change de peindre nu ?

Sans expression, l’air sans intérêt aucun, je reste devant la porte à observer de loin la toile de l’inconnu nu. Je ne sais pas si c’est le fait que je ne veuille pas m’occuper de mon orientation ou si je déteste à ce point ne pas comprendre quelque chose, mais j’ai du mal à m’en aller.

Travailler ? C’est un mot dont tu as oublié le sens, quelque peu. Tu travailles sur tes œuvres autant que cela te plait. Tu n’as nulle deadline et nul besoin de subvenir à tes besoins vu que Terrae le fait pour toi. Pourtant tu ne dis rien, ne cherchant nullement à faire l’apologie de l’oisiveté. C’était son choix que celui de travailler, c’était le tien que de chanter. Tu viendrais sans doute toquer à la porte de personnes comme elles quand la bise viendrait. Tu comprends la nécessité qu’elle a de se couper des distractions de sa chambre pour se focaliser sur les brochures…

« Brochures de quoi ? » t’entends-tu demander.

Car malgré tout c’est là une question croustillante, qu’est-ce qui peut être utile sans être intéressant. Le mode d’emploi de son nouveau four microonde ? Bon, c’est sans doute pas ça, quel intérêt d’avoir un four microonde à Terrae ? Mais surtout, quel intérêt d’en lire le mode d’emploi ? TOUS les fours microondes fonctionnent peu ou prou de la même manière.

« Je sais pas si je pourrais te l’expliquer, alors je ne peux que te conseiller d’essayer un jour pour combler mes manques de clarté. »

Non parce que tu vas sérieusement répondre à sa question par autre chose que : ‘’ça fait froid au nombril’’ ou ‘’on se sent plus léger’’ ? Tu déçois Ipiu là mon grand.

« C’est différent en tout point, les sensations ne sont pas les mêmes. Il n’y a plus de distance, plus de friction. C’est une sensation différente, agréable. Le contact avec la peinture est différent, je ne pense pas que ce soit mieux que de peindre habillé, mais c’est plus en phase avec ce que j’ai envie de peindre actuellement. Tu comprends ? »

Elle ne semble pas avoir envie de partir. Adossée à la porte de la salle refermée derrière-elle, elle semble hésiter entre la fuite et la curiosité… C’est du moins ce que tu préfères imaginer malgré son visage fermé comme une porte de prison. Tu préfères lui laisser le bénéfice du doute et ne pas te dire qu’elle te juge juste froidement. Tu lui souris avec douceur, pas certain de ce que tu peux lui apporter.

« Tu préfèrerais que je me rhabille peut-être ? »

C’est un ping-pong de questions auquel nous jouons. Il faut dire que l’un comme l’autre, nous ne sommes pas suffisamment précis pour faire taire de quelconques curiosités. Bien au contraire, les réponses courtes et floues ne font qu’attiser le mystère et l’envie d’en savoir plus.

- Des brochures d’orientation principalement. Des explications sur différentes filières et ce qu’elles apportent, en somme.

De quoi se questionner un moment sur son avenir, en fin de compte.

A ma question, on me répond que ce n’est pas vraiment explicable, qu’il vaut mieux essayer. En toute franchise, je ne suis pas sûre que peindre nue soit pour moi une bonne idée. Je n’ai jamais été très proche de mon corps. Depuis le temps, nous aurions pu croire que nous nous serions réconciliés, mais pas tant que cela. Cela a toujours été un simple instrument, pourquoi cela changerait-il ?

Alors je me contente d’hausser des épaules d’un air désinvolte. Autant pour la clarté.

Pourtant, malgré son avertissement de la possible non explicabilité – c’est désormais un mot - de ce que lui fait le fait de peindre nu, l’inconnu tente une explication. Il me demande si je comprends et j’acquiesce. Je ne peux qu’imaginer le détachement que cela doit apporter. Peut-être est-ce un peu comme fusionner au mieux avec ce que l’on peint.

- Tu fais bien ce que tu veux, réponds-je quand il me demande si je préfère qu’il se rhabille.

Il serait peut-être temps que je m’en aille. Mais en tendant l’oreille vers le couloir, je comprends au bruit que le lieu est toujours aussi bondé et soupire imperceptiblement.

- La voie n’est pas vraiment libre. Cela te dérange-t-il que je reste plus longtemps ? Je ne te dérangerai pas si tu souhaites te remettre à peindre, ne t’en fais pas.

Loin de moi l’idée de papoter pendant des heures.

« Elles sont si compliquées que ça tes brochures, ou alors tu ne sais pas encore ce que tu voudras faire quand tu seras grande et tu hésites ? »

Il ne faut pas se tromper, Angie, tu ne sait pas ce que tu veux faire quand tu seras grand. Pour l’instant ta vie se conjugue au présent, et dans vingt, trente ans ? Au fond, t’es pas certain d’y arriver alors tu ne te poses pas la question. Par contre tu te dis que lesdites brochures doivent être très peu explicites, exposer des cursus mais pas celui qu’il faut emprunter pour atteindre le métier de ses rêves. C’est fou, il y a des cursus artistiques mais aucun pour devenir artiste, des cursus de science mais aucun pour devenir scientifique, des cursus de lettres mais aucun pour devenir écrivain, des cursus pour apprendre, mais aucun pour devenir soi.

Elle ne te demande pas de te rhabiller et c’est plaisant, elle n’est pas gênée par ta nudité ou si elle l’est s’abstient de t’en faire part. Elle ne t’impose pas de vêtements de même que tu ne lui imposes pas d’être nue. Quand tu lui as proposé, tout dans son attitude disait : sans façon, merci. Tu n’as pas insisté, et c’est passé ainsi. Elle tente une percée, une fuite ? Tu n’en es pas certain.

« Tu me lis tes brochures pendant que je peins ? » tu lui demande quand elle te demande de rester, peut-être qu’ainsi elle se concentrera dessus malgré toi.

Tu te dis que de vous deux au final c’est toi qui la dérange le plus, elle ne t’a pas demandé de te rhabiller alors tu ne le feras pas… Bien qu’à la réflexion le « fait comme tu veux » assorti d’une fuite soit des plus explicites. Tu vas te rhabiller... Tu saisis ton caleçon, les mains encore pleines de peinture et tu l’enfiles. C’est un bon compromis non ? Sans doute le meilleur que tu puisses offrir ?

Il remet son caleçon avant de se rasseoir pour peindre. Ce n'est pas si mal. Il me propose de regarder mes brochures pendant qu'il peint. J'acquiesce et m'installe en silence.
D'une manière générale, nous ne parlons plus. Je me concentre sur mes documents divers, lui sur sa peinture, et le reste de l'après-midi passe ainsi, doucement.

Au bout d'un moment, je fatigue un peu et ai l'impression de n'avoir guère avancé contrairement au garçon qui a fait une belle toile. Je me lève après avoir rangé mes affaires et me dirige vers la porte.

- Merci d'avoir accepté ma compagnie. Ta peinture est jolie. Bonne soirée.

Je sors de la pièce et laisse ce garçon assez différent à sa toile pour rejoindre Alice.