Pour comprendre le pourquoi du comment tout celà a commencé je vous engage à lire mes mésaventures en terres esquissées ici.

Pour le reste, j'pourrais vous décrire ce qu'il s'est passé aujourd'hui avant que tout cela n'arrive, quand dans mon innocence je pensais encore que la journée allait bien finir. J'pourrais vous narrer comment se passe la journée banale d'une bibliothécaire à roulettes... Mais ça aussi j'l'ai déjà fait en terres esquissées alors je me tairais. Je vais simplement commencer mon récit au moment où j'ai poussé la porte de la maisson. Peut-être vous dire que ce jour là comme tous les autres je portais une jupe courte et de longues bottes pour cacher mes bas de contention, mais que contrairement à d'habitude je m'étais épargnée le port du manteau tant les jours passés avaient été doux.

Déjà on va pas se mentir je savais que quelque-chose clochait à peine franchis le portillon du jardin. Tiffa n'était pas dehors et jamais Erik ne l'aurait laissée prisonnière de la maison par cette jolie journée d'avril. Bien entendu je savais qu'Erik travaillait aujourd'hui, comme toute bonne coloc qui va fêter les un ans de son couple sous peu et qui voulait avoir le champ libre pour ken dans toute la barraque comme il se doit et s'était vu poser un "nope c'est mon seul jour de repos de la semaine." Enfin, quelque-chose clochait et j'espérais du tréfond de mon coeur me planter.

J'ai l'instinct d'un fin limier je crois. Quand je suis rentrée j'ai trouvé Ys assis sur un throne d'oréos pépouze. Il me mirait hautain, et m'a balancé un truc du genre "bienvenue à la maison" ou je sais pas trop quoi. En vrai j'étais juste en train de mourir de rire, écroulée alors que Tiffa venait me lécher le bout du nez. J'ai clairement rien écouté. Traitresse, t'as pactisée avec l'ennemi. OMG. OMG.

"Merci de comémorer notre combat dans l'arène à coup d'oréos, mais... MAIS tu t'es planté de trois jours mon grand."

Comment-ça j'ignore complètement son attitude provocatrice ? Comment ça j'me fout complet de sa tronche ? C'est pas mon style. Je fais descendre la labrador noire qui avait posé ses pates sur mes genoux et j'm'avance vers le master installé sur siège de paquets d'oréos. Genre j'ai pas compris la référence et je sais pas qu'il l'a eu mauvaise... OMG, le gars il a du passer une fortune en bouffe et dévaliser six magasins pour avour cette quantité.

"J'savais pas que tu regardais toi aussi !"

« Que d’alléchantes propositions Ys, mais je me vois obligée de décliner tant toi que moi le regretterions quand nous retrouverions nos compagnons respectifs. »

C’est lui qui m’a proposé de me niquer hein ? D’ailleurs si on va par là faudrait que je t’explique que ce genre de choses se fait à deux et que par voie de conséquence directe tu ne ME niques pas mais qu’on nique ENSEMBLE ? Notion de sémantique, va vraiment que j’parle un peu plus de cul ici, histoire que certains arrêtent de penser que j’fais l’étoile de mer. C’est déjà pas hyper sympa et plutôt dégradant pour les meufs dans ma condition… Enfin, c’est dans l’inconscient collectif : une meuf n’aime pas le sexe, ne participe pas, et quand c’est une handicapée j’vous dit pas le cliché. Surtout que bien entendu c’est totalement faux…

Bref revenons à Ys qui essaie de rattraper sa débandade en faisant genre que c’était exactement pour cela qu’il l’avait fait. J’souris amusée. J’ai même pas besoin de me servir de mon pouvoir pour dire qu’il dit de la merde. Et son narrateur aussi d’ailleurs c’était le 11 vu qu’en théorie c’était censé être le lendemain d’la convoc en réunion master…

J’pourrais lui dire que je ne compte pas pour lui mais pour Nathou, parce que le dix ça fera précisément un an que nous sommes ensembles… Mais j’préfère largement rentrer dans le jeu de Muchu.

« Effectivement, je n’oublie que rarement un mauvais partenaire. Désolée de ne pas t’avoir rappelé je ne chère guère à remettre le couvert quand la danse ne m’a pas plu. »

Sourire tranchant.

« Tu veux que je te fasse un peu de café pour manger avec tes oréos ou tu préfères que je te sorte d’autres gourmandises ? »

Tu te crois fort dans les sous-entendus, mais gars. T’es tellement un noob. Je contourne le trône d’oréos pour me diriger tranquillement vers la cuisine et préparer de quoi boire.

« Tu viens Mushu ? »

J’avoue j’suis pas certaine de ne pas avoir dit « mon chou. »

Pour ceux qui n’auraient pas suivi, lécher les oréos n’est pas une métaphore salace. J’ai littéralement léché des oréos avant de les lui donner, ce qui a finalement été une déclaration de guerre. Je crois… même si j’ai du mal à comprendre sa stratégie en débarquant chez moi avec trois tonnes d’oréos. Vous voulez savoir la meilleure ? J’préfère les petits écoliers, et non c’est toujours pas une métaphore salace.

« C’est pour accompagner ton charmant caractère mon cher… T’as jamais regardé Mulan ? »

Non parce que je veux bien lui expliquer la référence, mais ce sera plus simple si j’la lui montre directement. Du coup s’il ne l’a pas vue on va s’improviser une petite séance sur la télé. Oui, je sais qu’il n’est pas venue pour ça, mais quand j’me fout de sa gueule j’préfère quand il comprend. C’est plus kiffant pour lui et pour moi.

J’espérais qu’il dise non, je sais pas me servir de la machine à café d’Erik… Bon. Pour ce genre de situation d’urgence j’ai du café déshydraté et une bouilloire. C’est magique. Ca fait du café bouilli. C’est pas hyper bon quand t’es habitué aux cafés d’Erik, mais en vrai ça passe… Juste c’est vachement sucré en comparaison. Mon café je l’aime comme mon humour. Noir.

« Quand ils subiront moins ils kifferont encore plus ! »

Sourire figé. Si c’est de la provoque c’est cool pour lui mais j’vais le défoncer. Le Centre j’dois y faire face beaucoup trop souvent quand Hideko me pose des questions, me demande si j’ai déjà vu tel ou tel de leurs émissaires histoire de savoir s’ils ont des intentions cachées. C’est utile de savoir qui manie les poisons, qui est un hackeur, qui peut te chiper ta petite culotte sans que tu t’en rendes compte.

« Et pour te préparer, tu t’es dit que venir monter un trône en oréos dans mon salon était la meilleure des idées du monde… J’suis pas certaine que tu sois dans l’bon état d’esprit pour aller leur dire coucou. Tu veux qu’on en parle ? »

Bonjour. Alors, par avance je m’excuse. Je suis absolument sur les nerfs et je compte me défouler en écrivant.

« Te frappes pas la tête tu risques de perdre tes derniers neurones. »

Ou de s’aplatir le front. Est-ce qu’un front plat lui irait mieux ? Sans doute, j’sais pas. J’m’en tape en fait. C’est Mushu, c’est pas comme si c’était un homme. A la limite j’peux vous dire que des moustaches frisées à la Dali lui iraient bien. BREF. C’est pas le problème du moment, je tire sur mes roues pour avancer.

Je suis plutôt ravie de sa grimace quand il boit le café soluble. Ouai souffre en silence. Moi j’en ai pas pris, j’attends qu’Erik rentre. J’ai du café que pour les urgences, et subir Ys n’en est pas une. Je crois. Pas encore. J’ai une tasse de café de côté quand même. Pour lui jeter dessus, pas pour la boire. Obvious.

« Que je m’inquiète pour toi ? Plutôt du fait que doive perdre mon temps à passer derrière toi ou que tu nous mettes en danger… »

Faux. Je veux réellement pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. J’veux encore moins que ça arrive à cause du Centre. Genre. Non. J’suis pas responsable de ça. Oui. A chaque fois que le Centre fait un coup fourré à Terrae j’me sens responsable. Oui c’est con. Absolument. Je le sais. LOL. Savoir, entendre et comprendre, c’est genre hyper différent.

« T’sais me suffira de les apporter en salle des masters et en salle commune. J’dirais que c’est de ta part et p’t’être les gens verront que t’es pas qu’un sale con. »

Je soupire en m’installant à la table. Malgré le temps écoulé depuis que je les ais quitté, je reste une source d’information importante sur le Centre… Même si ça me donne toujours autant envie de vomir, Hideko fait plus souvent appel à moi quand elle a des questions. J’ai la chance de connaitre tous leurs émissaires de plus de dix ans pour avoir travaillé avec eux. Savoir si leur domaine de prédilection est l’informatique ou les poisons est souvent un avantage.

« Tu pars pourquoi ? Tu as une idée de qui tu vas rencontrer ? »

Je te paye en amour.

En attendant moi j’fous pas l’feu dans les dortoirs novices… ‘fin j’dis ça… Tu veux vraiment que j’tape dans les coins ? Non parce qu’on peut être deux à jouer. En attendant, moi je sais me maitriser. Ça commence par Charlie et ça finit par Ange… J’te fais un dessin ? Non parce que bon, on n’en a pas causé mais tout Terrae en a causé. Niveau master, j’crois on a fait mieux. Je souris et ne dis rien. Hypocrite, je sais qu’il essaie de me provoquer et si je réponds de la sorte je lui donne raison.

« Si tu t’en balek, j’pense que tu ne te rangerais pas à l’avis général. » je souris, pas atteinte pour le moins du monde.

J’l’ai pas ken a l’arène, et ça m’va très bien. Il ne m’a pas ken non plus. Cependant en un an, j’ai évolué et si je ne me trouve toujours pas crédible quand il s’agit réprimander les novices, les initiés ou les étoiles. J’ai souvent fait bien pire qu’eux, et si le temps efface certaines choses, certains de mes méfaits sont devenus mythiques… J’avoue qu’afficher les culottes d’Hideko tel des fanions à la fenêtre de son bureau c’était pas hyper malin… Bien que drôle.

Changement de ton. Changement de cadre. Faut croire qu’il prend le Centre pour une petite organisation montée dans un garage. S’il savait. Il n’y a pas un gouvernement où ils n’aient placé une taupe. Souvent ils ne font qu’observer, parfois ils agissent. Toujours ils manipulent.

« Quelle base ? Me faut un peu plus d’information, ils en ont des dizaines et sans doute ouvert des dizaines depuis que j’suis à Terrae, si les personnes n’ont pas du beaucoup changer les infrastructures ont dû totalement être rénovées et les codes d’accès changés des centaines de fois. Si tu veux entrer dans l’une de celles-ci le plus simple c’est qu’ils aient besoin que tu soies à l’intérieur et qu’ils t’enlèvent… Ainsi ils ne se méfieront pas de toi… Mais à ce qu’il me semble tu es master téléporteur, avoir une entrée dérobée c’est la moitié de ton job… L’autre partie c’est de demander un cristal télépathe pour piquer les plans des lieux à quelqu’un qui y est allé récemment ou moins récemment. Pourquoi veux-tu faire une infiltration à l’ancienne quand tu as des pouvoirs ? »

Et pour le café, la réponse est simple. C’est du lyophilisé.

« Non, ça ça n’existe que dans les films. Cette manière de dire « hey on est les gros méchants » et de donne aux héros qu’un seul gros combat pour sortir victorieux. »

Je lui souris, je pourrais dire attendrie par sa naïveté. Je ne le suis pas. Si le Centre est si dangereux c’est qu’il n’a pas une tête pensante mais des dizaines, certaines de ses branches n’ont pas les mêmes ressources ou les mêmes objectifs que les autres. Les rassemblements dont il imagine l’existence n’ont jamais lieu au même endroit ni à intervalle réguliers. Je ne peux même pas dire que les ce sont les mêmes personnes qui se retrouvent. Ce n’est pas le cas. Jamais la même combinaison, jamais le même endroit. Certaines des têtes pensantes, pour ce que j’en sais, vivent une vie parfaitement normale dans une banlieue New-Yorkaise ou Barcelonaise. Simple mère de famille au foyer ou informaticien en apparence.

« On ne penche pas pour leur cause, on ne te laisse pas le choix que de la servir. Tu as grandi avec la notion de libre arbitre, en pensant que tu avais le choix. Ils effacent cela de leurs soldats ; ce n’est pas un choix, c’est une manière de survivre. Cela s’ancre tellement profondément en toi… Ils ne te laissent pas ne serait-ce qu'envisager que cela puisse être autrement, ta vie ne t’appartient plus dès lors qu’ils ont une emprise sur toi. Tu n’es plus toi, tu es leur chose. Penser autrement ne te libèrera pas, et si tu essaies tu te rends comptes que tu te fourvoie, que toutes les choses auxquelles tu te rattachais ils les contrôlent.

Je ne pensais pas que leur cause soit bonne, ce n'était pas à moi de le définir. Je ne pouvais que suivre les ordres. Le reste ne dépendait pas de moi.

Le chantage est leur moyen de pression habituel, l’information donne le pouvoir. C’est ainsi qu’ils gagnent des agents qui ne savent rien en réalité de l’institution pour laquelle ils œuvrent. Je ne sais comment on monte en grade dans cette organisation, car ils ne valorisent ni la loyauté ni l’intelligence brute. L’intelligence demande de la liberté, alors j’imagine que c’est la recherche du pouvoir qui permet de grimper les échelons. »

Je sais que certaines têtes pensantes étaient des membres reconnus de grands gouvernements… Enfin, je savais pour une femme. Une secrétaire d’état. Elle est morte… D’après la version officielle.

« L’envie de pouvoir n’est qu’une envie tant qu’on n’a pas les neurones pour la concrétiser ! » je le bâche avec le sourire.

Il a voulu donner un ton sérieux à la conversation, me mettre un coup de stress en parlant du Centre… Mais clairement, il n’était pas prêt à recevoir ses informations. Des fois, la meilleure façon de répondre à la provocation c’est de balancer la vérité sans filtres… Sans trop de filtres, et surtout de ne pas perdre son calme. C’est un peu comme quand tu réponds « au moins elle paie son loyer » à quelqu’un qui te traite de « fils de pute. » ‘fin… C’pas le bon exemple vu que ce genre de réparti est régulièrement basée sur un sens de l’ironie à toute épreuve.

« La seule utilité que je trouverais à ta photo au lit c’est bien d’me rendre compte que mes cauchemars n’étaient pas si terribles en me réveillant. »

Ouai. Alors. Clairement. Merde. Non parce que j’réponds ça mais j’ai juste envie de lui foutre mon poing dans la gueule parce qu’il rit avec le fait qu’il pourrait y passer et que clairement non ça ne me convient pas. Ça ne me fait pas rire. Son humour a toujours été en dessous de la moyenne mais là il montre juste son côté gros con.

De toute manière j’irais pas à son enterrement. Je refuse l’idée que les gens puissent mourir. C’est un truc j’peux pas. Alors on va de suite passer à la fin de cette conversation et oublier le reste de la discussion pour se concentrer sur les blagues nulles que nous échangeons et qui nous rassemblent.

« Genre t’as cru, moi j’ai déjà assez d’amis j’ai pas besoin d’essayer d’m’en faire de nouveaux. Surtout pas de petits qui crient et pleins de morve… Mais tu me diras tu te sentiras dans ton élément… »

Comme qui dirait : qui se ressemble s’assemble. Tout ça tout ça. Je lui souris encore en allant chercher un nouveau paquer.

« Désolée j’démonte ton peuvre, tu m’en veux ? »