Les premières fois. Ces mots font réaliser à la jeune femme qu’elle ne s’engage pas à court terme, il y aura les premières fois puis les suivantes, et sans doute encore d’autres après. Peut-être serait-il bon de préciser dès à présent les règles qui scieront à leur rupture de contrat. C’était une des précautions à prendre dans toute association, mais l’ivoirienne n’avait malheureusement pas ce genre de réflexes.

Elle aurait pu avec cette prise de conscience faire directement marche-arrière, elle qui s’était toujours gardé dans le droit chemin… Mais elle ne le fit pas. Elle venait de prendre une décision, de quoi aurait-elle l’air si elle la remettait déjà en doute ? Sans doute de la pauvre fille qu’elle était d’avoir accepté ce douteux marché. Elle ne dit rien de plus, se contenta de hocher la tête.

Il voulut changer de sujet, mais la conversation avait pris un tel tour qu’il n’était plus possible de lui rendre sa légèreté d’antan. Bien sûr qu’il cherchait à compenser, tous ici le cherchaient. Ce manque, on l’appelait Vide un temps, mais lorsqu’il perdurait on ne lui donnait plus de nom. Chacun ici cherchait comment le combler, et elle venait de mettre un pied dans le commerce des rêves qui donnaient l »impression que ce manque, ce gouffre en vous se faisait moins profond. Une impression factice, un sentiment fugace de liberté.

Le reste de la soirée fut rempli de conversations plates, qui ne laissèrent que peu d’impressions à l’ivoirienne. Quand le silence revint, que leurs pas se séparèrent, elle se dit que son chemin venait de prendre un virage à cent quatre-vingt degrés.