J'attendais bien impatiemment que ma préparation termine de cuire, sautillant presque sur place devant le four, tapotant le plan de travail à l'occasion lorsque je n'arrivais à occuper mes dix doigts. Je priais de toutes mes forces pour le plat soit réussi, espérant ne pas m'être trompé dans la recette, ou dans les ingrédients, ou nulle part ailleurs! C'était ma première expérience, et je voulais qu'elle soit réussie. L'occasion valait le coup.

Alors que je me promenais l'autre soir dans les couloirs, j'avais croisé un groupe d'élèves parlant des derniers événements de Terrae, la disparition de Mademoiselle Honda notamment. Un nom attira mon attention cependant, et je fronçais les sourcils à sa mention. Ryu... Encore. Son nom était sur de nombreuses bouches depuis ce qui était arrivé, or, ils ne l'évoquaient pas de façon élogieuse. Loin de là. Je poussais un profond soupir de tristesse. Cela me faisait mal d'entendre tout ça, de voir que tout le monde était prompte à le critiquer. Il avait fait une erreur certes... Mais il avait agi selon ce qui lui semblait le mieux. Il était inquiet et puis, au final, tout s'était bien terminé non ? Alors pourquoi... Pourquoi continuer à ressasser cette histoire ? Certains disent comprendre sa réaction, mais ne pas pouvoir s'empêcher de lui en vouloir. Ce n'était pas logique... Mes amis m'avaient appris qu'il avait été en quelque sorte "mis à pied", dans le sens qu'il ne s'occupait plus des affaires de Terrae. Ils ne le voyaient plus d'ailleurs... A l'idée de Ryu enfermé chez lui sans sortir, mon coeur se serra, et une forme d'indignation naquit en moi. C'en était trop! Il fallait réagir!

Plutôt que de simplement aller chez lui, ce que ma combinaison aurait permis, je me suis dis que j'allais prendre le temps de l'après-midi suivant, me levant tôt pour l'occasion, pour préparer quelque chose. J'avais retrouvé un de mes anciens colocataires qui avait accepté joyeusement de m'aider à cuisiner. Bon, il s'était un peu moqué aussi de mon idée, il savait que je n'avais jamais cuisiné de ma vie, mais il s'était prêté au jeu. La recette du jour ? Un plat typique de chez moi : canard et pommes de terre à la sarladaise! La deuxième partie, les pommes de terre, ne posa pas de gros soucis ( je privilégiais l'air que les couteaux, étant sûr de ne pas me couper de cette façon). Le canard... Je ne m'attendais pas à ce que ce soit compliqué. Heureusement, avec l'aide de David, je parvins à m'en sortir un peu avec la recette et à présent, j'attendais la fin de l'étape cruciale : la cuisson. Un ding retentit. J'ouvris immédiatement et fit léviter le plat avec l'air pour éviter de ma brûler. Une drôle d'odeur flottait dans l'air et me fit froncer les narines. Peut-être que j'avais oublié l'odeur du canard depuis le temps... Et David n'était plus là pour m'aider à vérifier. Tant pis. Je mis ma cuisine dans un plat, recouvert d'un large torchon. Un autre bip retentit, mon réveil m'indiquait que je pouvais sortir. Un grand sourire aux lèvres, mon plat dans les bras, je me dirigeais en courant à moitié vers la fenêtre. Deux secondes plus tard, je volais vers la maison de Mademoiselle Honda et de Ryu.

J'atterris souplement dans l'herbe, un peu avant leur maison afin de pouvoir me dégourdir les jambes en marchant. Pourvu qu'ils soient là... et que je n'arrive pas à un mauvais moment. Leurs énergies me confirmèrent qu'ils étaient là. Maintenant il fallait être courageux. Le plat sur un bras, je sonnais de l'autre, attendant patiemment que l'on vienne m'ouvrir. Des pas, le bruit d'une poignée qu'on tourne puis celui d'une porte que l'on ouvre. Un grand sourire étira mes lèvres.

-Bonjour Mademoiselle Honda! Je suis content de vous voir. Vous allez bien ?

Ressentir de nouveau son énergie était agréable en effet. On ne se rend pas vraiment compte de ce qui nous manque à moins de le perdre, et avoir perdu si longtemps l'énergie de la directrice comme repère, c'était comme si quelque chose manquait. Heureusement qu'elle était de retour. Comment m'expliquer maintenant... ?

-Je... J'espère que je ne vous dérange pas trop. J'ai... J'ai tenté de cuisiner quelque chose aujourd'hui mais... euh... j'en ai trop fait, du coup je pensais partager avec vous! J'espère seulement que vous aimez le canard et les pommes de terre, dis-je soudain inquiet.

POV Ryu.

J'avais passé la journée à la maison à m'occuper de Daisuke et Riku. La petite puce commençait à marcher partout dans la maison, et nous n'étions pas trop de deux avec Daisuke pour la surveiller.

Ca me faisait du bien d'être avec eux. Hideko m'avait confirmé il y a quelques temps déjà que je pouvais revenir bosser à l'Institut entre mes heures de cours où les élèves commençaient doucement à revenir, mais je n'étais pas encore prêt à affronter le regard de mes collègues. J'avais merdé, certes. Mais si vous m'aviez laissé la possibilité de m'exprimer, ça n'aurait peut-être pas été aussi catastrophique.

Alors rester avec mes enfants me faisaient du bien. Riku ne semblait pas avoir été trop impactée par les récents événements -elle l'était en tout cas moins que j'aurais pu le croire- et Daisuke n'en parlait pas trop, se contentant de protéger un peu trop sa petite soeur du moindre danger -parce que l'autre jour, il s'est comporté en héros lorsqu'il a couru la récupérer devant les marches alors qu'elle allait commencer à les monter toute seule, quand même, merci Daisuke !

Hideko était rentrée tard ce soir, la réunion de la fin d'après-midi s'étant un peu -beaucoup- prolongée à cause de plusieurs désaccords. Quand elle avait fini par rentrer, Daisuke s'était jeté sur elle, suivie par sa petite soeur qui essayait de marcher le plus rapidement possible pour ne pas s'effondrer par terre. J'allais la saluer à mon tour, et nous nous installâmes dans le salon pour discuter un peu avant d'aller commencer à préparer le repas, laissant Daisuke et Riku jouer un peu plus loin. On sentait que c'était les vacances, sinon les deux petits monstres qui nous servaient d'enfants auraient déjà dû être au lit. Mais Tomoe tenait à respecter les temps scolaires pour ne pas épuiser les enfants avec tout un tas d'apprentissages qu'ils n'auraient pas été en mesure de retenir à cause de la fatigue.

Je finis par me lever et me diriger vers la cuisine pour commencer la préparation du repas. Quelqu'un frappa à la porte et Hideko s'y dirigea. Je reconnus rapidement l'énergie de Matheo et un fin sourire étira mes lèvres. En l'entendant de la cuisine, je coupai le feu et retirai les casseroles de la gazinière.

-Tu ne nous déranges jamais Matheo ! Viens, entre. Ryu et les enfants vont être heureux de te voir !

J'avançai dans le hall et fis un signe de la main à Matheo en m'approchant.

-Salut Matheo ! Comment tu vas ? Dis donc, merci pour le repas, ça a l'air super bon ! Donne-moi ça, je te débarrasse.

Hideko referma la porte derrière lui et je l'invitai à me suivre.

-On devrait peut-être se mettre à table tout de suite par contre, avant que ça ne refroidisse.

T'en a fait trop, hein... Ca m'étonnerait que ce soit juste une petite erreur mon beau Matheo, mais ne t'inquiète pas, ton secret est sauf avec moi. Et ça me fait plaisir.

Tandis qu'Hideko commençait à dresser la table, je me tournai vers le jeune Air.

-Tu arrives pile à temps, j'allais tout juste commencer à préparer à manger- Riku, ne te colle pas à Matheo comme ça.

Et Daisuke derrière qui se marre comme un pitre. Je souris malgré moi, et me penchai pour porter Riku avant de la tendre vers Matheo.

-Tiens, j'crois qu'elle a besoin d'un câlin. Elle est très malheureuse ici tu sais...
-Ma'eo ! s'enthousiasma-t-elle en tendant ses petites mains vers lui pour attraper son visage.

Un grand sourire aux lèvres, je pénétrais dans la maison en sentant Mademoiselle Honda se décaler après m'avoir salué. J'étais content de ne pas les déranger et, maintenant que j'étais chez eux, je réalisais à quel point cette maison et leur présence m'avaient manqué. Ryu arriva bien vite, me retirant le plat des bras, qui commençait d'ailleurs à pesé un peu. Mon sourire se crispa lorsqu'il me dit que ça avait l'air bon. "J'espère" pensais-je de toutes mes forces. Je n'avais jamais cuisiné et je n'avais pas commencé avec quelque chose de facile. Maman disait toujours que la "bonne volonté" était l'ingrédient secret. On verra bien s'ils tombent comme des mouches dans quelques minutes. Attendez je suis en train de stresser ? Je soufflais un grand coup.

-Ca va très bien et toi ? Tu as l'air en forme en tous cas!

Je l'accompagnais dans la cuisine où bouillonnaient toutes les énergies de la maison. Cale faisait décidément trop longtemps.

-Attends de goûter d'abord, si ça se trouve, tu ne sortiras pas vivant de ce repas, répondis-je, très amusé.

Deux petites énergies entrèrent sur mon radar, que je reconnus immédiatement. J’ébouriffais avec tendresse les cheveux de Daisuke en lui adressant un "Salut bonhomme!", appréciant sa dernière poussée de croissance. C'est moi ou les enfants grandissaient trop vite ? J'avais l'impression qu'il avait encore poussé depuis ma dernière visite. Une légère pression se fit sur ma jambe droite alors que je me reconcentrais sur Ryu qui était en train de me parler. Un large sourire étira mes lèvres en percevant la petite silhouette, qui s'éleva dans les bras de mon presque frère. Les paroles de ce dernier, associé au petit cri de Riku, suffit à me faire fondre et à déclencher mon rire.

-Je m'en doute! Alors ma chérie, tu es maltraitée ici hein ? riais-je en prenant la petite dans mes bras.

Aussitôt je sentis ses petits doigts sur mon visages, associés à de légères tapes, pas méchantes du tout. Je comprenais mieux que quiconque le besoin de toucher les choses après tout et Riku y allait de bon coeur. Je me dirigeais vers la table, prêt à aider Mademoiselle Honda à mettre le couvert, mais ma nouvelle amie avait d'autres projets. Ouch, ses ongles sur ma peau, ouille le doigt dans l'oeil, aïe les cheveux... Mais je m'en fichais parce qu'elle était trop mignonne! Je comprenais pourquoi certains parents pouvaient rester gaga devant leurs enfants. M'installant sur une chaise autour de la table, je m'amusais à lui faire des grimaces, en faisant toutes sortes de bruit et en lui racontant n'importe quoi.

-C'est qui la petite fille la plus heureuse du monde ? Hein ? C'est qui ? blublbulublu

"Voyant" que tout était installé, sans que j'ai pu aider, je posais Riku dans sa chaise sur un dernier bruitage, et attrapais une grande cuillère, que je plongeais dans le plat. Il avait l'air encore chaud, parfait. Je tendais la main et saisissais les assiettes au passage, que je servais avec générosité. Une fois tout le monde servi, je garnis ma propre avant de me rasseoir.

-J'espère vraiment que ce sera bon... Sinon désolé! Je me rattraperais! Bon appétit tout le monde!

HRP : J'pouvais pas ne pas respecter ton jet de dés, mais en même temps, je pouvais pas non plus dire que le repas n'était pas bon T_T Sinon j'espère que ta rentrée s'est bien passééée

POV Ryu.

-Ca va très bien. J'ai du temps pour m'occuper de Daisuke et Riku en ce moment et c'est très appréciable. Je pense que j'ai raté ma vocation, j'aurais dû être un simple père au foyer ! ris-je pour répondre à la question de Matheo.

Un sourire étira le coin de mes lèvres alors qu'il préparait le terrain, au cas où son plat serait raté. Mouais. Je ne sais pas bien comment on peut rater la cuisson de pommes de terre... Bon, pour le canard c'est plus délicat, mais après tout dépend de la façon dont on aime le manger. Donc au final, il ne peut pas avoir raté grand chose !

C'est là que les enfants décidèrent de s'en prendre à Matheo. Enfin, Riku, qui, une fois dans ses bras, commença à le défigurer en déformant les traits de son visage avec ses petits doigts encore boudinés. Nan mais elle abuse, franchement... Et elle continue de rire face aux grimaces de Matheo. Mon sourire s'étira davantage et j'allais voir Daisuke pour lui demander de ramener la chaise de Riku. Une fois tout en place, je repris Riku pour l'installer dessus et laissai Matheo faire le service. Ca me faisait du bien de le voir comme ça. La dernière fois que nous nous étions vu, c'était à l'hôpital... Je l'avais privé de sa vie à cause de mon erreur fatidique.

-Bon appétit ! répondis joyeusement Daisuke avant de s'emparer de sa fourchette pour commencer son repas.

Hideko surenchérit avec un sourire avant de se pencher sur Riku -qui répétait "appé'i, appé'i" toutes les cinq secondes- pour lui faire manger le contenu de son pot.

-Bon appétit Matheo, et encore merci pour le repas, c'est vraiment gentil de ta part d'avoir pensé à nous.

Je lui adressai un sourire et me penchai sur mon assiette.

-Sinon, tu en es où dans tes recherches avec Misao ? Il a expliqué à Hideko l'autre jour qu'il travaillait beaucoup avec toi en ce moment, mais je n'ai pas bien compris de quoi il s'agissait...

Et surtout parce que tout ce qui sort de sa bouche passe dans une oreille et ressort de l'autre. C'est un véritable problème.
C'est à cet instant que Daisuke décida de repousser son assiette devant lui avec une moue embêtée.

-J'ai plus faim... J'peux aller jouer ?

J'arquai un sourcil en terminant de mâcher mon bout de pomme de terre. Je pris un morceau de canard, et retins une grimace. Bon. J'avais pensé au canard plus ou moins cuit. Mais j'avais pas envisagé qu'il pourrait être trop cuit au point de devenir du caoutchouc. C'est original. Ca fait les dents... Dommage qu'on n'ait pas de chien, il aurait probablement aimé le mastiquer.

-Je t'avais dit de ne pas prendre ton goûter aussi tard Dai' ! Allez, file. Tu as trente minutes et après c'est au lit.

C'est un enfant, on va pas le forcer, hein ? ...
C'est gênant.

POV Ryu

J'écoutais Matheo alors qu'il me donnait plus de détails sur les recherches que menaient Misao, mais aussi Aoi, visiblement. Sentir l'émotion dans sa voix avait l'effet d'un véritable baume au coeur. Quand je repensais à ce que je lui avais infligé l'an passé, lorsque j'avais retiré les pouvoirs de tout le monde, je...

Non, il fallait cesser d'y penser, Ryu. Tu savais bien que Matheo ne voulait pas ça.

Je souris délicatement, observant Matheo s'enthousiasmer face à toute l'aide que son entourage lui apportait constamment.

-Tu sais, si ils t'aident à ce point, c'est parce que tu le mérites, Matheo. Tu es toujours très présent pour ton entourage, tu ne te plains jamais, et tu aides toujours tout le monde. C'est normal d'avoir un peu la monnaie de sa pièce, parfois...

N'est-ce pas Ryu. Quand, à l'inverse, on prive tout un petit monde de sa vie en leur retirant leur pouvoir, la monnaie de la pièce a un goût un peu plus salé.

Après avoir goûté la viande, je laissai Daisuke sortir de table. Hideko tourna un regard un peu furieux vers moi, du style "Comment ça tu le laisses partir sans avoir mangé ce soir ?!" mais mon regard qui était plus dans le "Lui en veut pas, on peut pas le forcer à manger ce canard..." la fit redescendre. C'est là que Matheo goûta à son tour, et je sentis le malaise nous tomber dessus comme un piano tombe du troisième étage (oui ça arrive). Bon, c'était très gênant.

Je cherchais un sujet de conversation à relancer, mais j'avais rien d'autres qui me venait en plus des recherches que les autres faisaient pour l'aider, et relancer une conversation qu'on avait déjà eu, c'était un peu louche. Ce fut donc Matheo qui brisa le silence, et je me passai une main dans les cheveux, un peu gêné. Je servis de l'eau dans mon verre et ceux d'Hideko et Matheo dans la foulée.

-T'inquiète pas Matheo. On peut encore manger les pommes de terre. Et puis je suis sûr qu'avec un petit verre d'eau, ça passe pas si mal.

Bon, ça rend peut-être la situation encore plus gênante. Sacré tact Ryu.

-Et puis l'important c'est que tu sois là avec nous. Ca faisait longtemps que je ne t'avais pas vu, je suis content que tu aies fait autant d'efforts pour nous faire plaisir.

Hideko éclata d'un rire franc face à ma maladresse, et reprit la parole après avoir essuyé la bouche de Riku avec sa bavette, retirant la petite de sa chaise à langer pour la prendre sur elle.

-Ce qu'il essaie de te dire Matheo, c'est qu'on s'en fiche que ton plat soit raté, et qu'il n'y avait même pas besoin de venir avec une excuse pour venir discuter avec lui. Oh, et je crois qu'il sous-entend que tu lui as manqué, aussi.

Elle m'adressa un clin d'oeil sournois avant de se lever de sa chaise.

-Je vais coucher Riku et je reviens après. Daisuke, tu viens avec maman dire bonne nuit à ta petite soeur ?

Le jeune garçon opina du chef, et accourus pour prendre la main de la jeune femme, l'accompagnant dans les escaliers jusqu'à la chambre du bébé.

-Et donc. Hem. Ben on peut au moins manger les pommes de terre. Ce sera bien suffisant ! Et puis il paraît que ce n'est pas recommandé de manger de la viande le soir de toute façon.

POV Ryu

Un sourire fendit mon visage alors que Matheo s'emportait sur la place de la viande d'après ses origines. Périgourdin...? Bon, je n'étais pas très calé en matière de géographie, et encore moins en ce qui concernait l'Europe, mais je concluais qu'il devait s'agir de la région de laquelle il venait. Peu importait le pays du monde, les régions existaient partout, après tout.

Je relevai le regard vers lui quand je perçus la déception dans sa voix, compte tenu de son échec culinaire. Mon sourire s'étira tendrement. Mathéo cherchait toujours à bien faire. Quitte à prendre des risques pour faire plaisir à son entourage. Parce que oui, cuisiner alors qu'on est aveugle, je considère ça comme un sacré risque. La probabilité de se brûler est décuplée, et il n'y a absolument aucun moyen, visuellement, de vérifier si les plats sont cuits ou non. N'oublions pas que la vision en cuisine est plus qu'importante... Bon, bien sûr, d'autres sens jouent un rôle, mais la vision reste la plus utile pour les novices comme lui et moi. (Ne nous leurrons pas, aucun de nous deux n'est un petit cordon bleu).

Il goûta alors une pomme de terre et je ne pus m'empêcher de rire en voyant son visage retrouver la joie de vivre.

-Tu vois, je te l'avais dit. Les pommes de terre sont très bonnes ; elles sont vraiment fondantes et ont bien imprégné le goût de la viande. C'est très bien comme ça Matheo.

Réflexe, je lui adressai un clin d'oeil, avant de me replonger sur le contenu de mon assiette. J'avais encore du mal, malgré le temps qui était passé, à me faire à sa cécité. Tout était arrivé si vite, et la situation était si tragique...

Je fus tiré de mes pensées par sa question. Un rire m'échappa.

-Encore une nouvelle expérience alors ! Mais oui, j'aime les crêpes. Je n'en ai jamais beaucoup mangé, peut-être une fois ou deux, mais c'est très bon, oui.

Je terminai alors mon assiette, laissant à regret la viande de côté, et commençai à empiler celles d'Hideko et de Daisuke pour débarrasser.

-Oulà, je ne sais pas, répondis-je à Matheo. Il doit rester du riz au frigo, ainsi que quelques plats de légumes, j'imagine qu'on aurait réchauffé ça.

Je ramenai les assiettes dans la cuisine et m'adressai à mon ami :

-Au final, ce n'est pas plus mal que tu sois venu avec un plat, qui n'était pas du tout un fiasco contrairement à ce que tu penses ! C'était très bon, et on n'a même pas eu besoin de cuisiner pour ce soir. Merci beaucoup Matheo.

Je refermai le lave-vaisselle et m'appuyai contre le rebord du plan de travail.

-J'espère que tu n'as pas pris trop de temps non plus pour cuisiner tout ça... Tu dois avoir d'autres choses à faire, non ?

Riz et légumes ? C'est vrai que les asiatiques mangent beaucoup de riz, Ryu me l'avait déjà confirmé quand on avait mangé au restaurant ensemble. Cela aurait sans doute été mieux que ma viande-caoutchouc en tous cas... Au moins j'avais sauvé les pommes de terre, et j'ai même eu droit à un compliment! Je rosis de plaisir, me disant qu'ua moins je n'avais pas tout raté, que, à défaut d'être un pro de la grillade, je pourrais au moins me rabattre sur les légumes. Ou les crêpes! Plus dangereux quand on est aveugle mais je les empêcherai de tomber avec l'air en cas de force majeur. Ce serait dommage que Daisuke et Riku n'en goûte pas au moins une fois aussi, et puis, c'est si facile à faire, je n'ai que peu de chances de me rater. J'espère...

Le bruit des assiettes m'informe que l'on débarrasse. Je tends mon assiette à Ryu, l'entends tout ranger dans un lave-vaisselle, au vu du bruit que ça fait mais évite de trop l'aider pour ne pas casser quoique ce soit. Il ne manquerait plus que, après avoir gâché le repas, je leur casse une assiette pour couronner ma performance.

-J'ai pris une partie de l'après-midi. Un ami m'a aidé à cuisiner pour que je ne me blesse pas, répondis-je en secouant la tête, façon de dire que je n'avais pas perdu mon temps. Et puis j'en avais vraiment envie, c'était même assez amusant!

Peut-être moins pour David qui a dû repasser derrière moi pour nettoyer ou ranger les choses comme il faut. Il ne me le disait pas vraiment mais, à entendre son souffle et à sentir ses mouvements toutes les dix secondes, je devais avoir créer un sacré bazar.

-Ça me change un peu des cours. Des camarades me les font passer sur dictaphone, mais ce n'est pas la même chose que d'y être, même si ça me permet de passer les examens et d'avancer sans trop de soucis!

Alors que je lui racontais cela, je réalisais que ma vie était plutôt morne. A part rester chez moi à étudier, sortir me promener de temps, je ne sortais pas beaucoup. Tous mes amis avaient leur vie à présent, ils étaient en couple, installés, occupés à travailler... Moi je n'avais rien de vraiment grisant à part mes études pour occuper mon temps. Mes handicaps me privaient de beaucoup de choses.

-Tu sais quoi ? Je me suis même demandé si je ne devais pas, finalement, me prendre un chien d'aveugle. Cela m'angoisse toujours autant mais je pourrai faire peut-être plus de choses... Et ça m'occuperait.

Malgré tout, je continuais de penser que je ne serai jamais de m'occuper d'un chien. Ça demande tellement d'attention et je suis si... maladroit. Je ne suis pas franchement convaincu de pouvoir y arriver. Et puis, en prendre un pour lutter contre la solitude... c'est une sacrée mauvaise raison, bien que son aide serait tout de même extrêmement pratique pour ne pas toujours compter sur mes pouvoirs. L'utilisation prolongée est fatigante à la longue.

-A quoi tu t'occupes toi dis-moi Ryu ?! Tu avais des activités en dehors de Terrae et de ta vie de famille ? demandais-je, soudain curieux.

POV Ryu :

Un sourire étira délicatement mes lèvres à l'évocation d'un chien d'aveugle. C'est vrai que les journées de Matheo ne devaient pas toujours être exceptionnelles. Au final, c'était pas plus mal qu'il ait cuisiné aujourd'hui, ça l'avait occupé. Être à sa place était loin d'être facile. Plein de choses lui étaient impossible, entre sortir et être aveugle... Bon, il me semblait bien que certains de ses amis lui avaient offert une combinaison pour pouvoir lui permettre de sortir, mais malgré cela, sortir seul, quand on est aveugle, ça ne doit pas toujours être top non plus.

Bien sûr, ses amis essaient tout de même de passer le voir régulièrement, de faire des choses avec lui, mais ils ne pouvaient pas toujours être là, ce qui était normal aussi. Tout le monde avait sa vie. Et pendant que certains allaient en cours, ou travaillaient, ou s'entraînaient sur la maîtrise de leurs pouvoirs en extérieur, Matheo restait bloqué...

Un petit pincement au coeur, mais je revins à la réalité suite à la question de Matheo. Avant de lui répondre, je décidais de revenir sur le sujet précédent.

-Ca pourrait être une bonne idée, un chien d'aveugle. Surtout que tu es déjà quasiment indépendant, alors il te tiendrait compagnie. Peut-être que tu pourrais même développer des nouvelles techniques avec tes pouvoirs en mêlant l'activité du chien, qui sait !

Je lui souris, et ajoutai :

-Tu n'as jamais songé à t'inscrire dans certains clubs ? Ou à trouver un petit job ? Il doit bien y avoir des choses que tu peux faire, malgré ta cécité. Tu sais lire le braille ? Peut-être que tu pourrais enregistrer des livres audio pour les aveugles, justement ? Faire des activités avec certains gamins à l'hôpital ? Travailler là-bas en aidant un peu avec ton pouvoir de guérisseur ?

Quelques idées, mais qui l'aideraient peut-être à sortir de son train-train habituel, tout en lui permettant de pouvoir faire de nouvelles rencontres. Et tout le monde savait que Matheo avait besoin de nouvelles rencontres.

-Sinon, avant Terrae, ou même avant d'avoir des enfants, je faisais beaucoup de sport. Ca occupait une bonne partie de mon temps. J'ai testé beaucoup de disciplines différentes : la lutte, le tennis, l'aviron, la natation... Quand nous étions petits, j'aimais beaucoup aller au ski avec mes parents aussi.

Je me tournai vers la machine à café et mis une capsule à l'intérieur.

-Un café ? On a du décaféiné. Il y a du thé aussi, si tu préfères.

Je lançai la préparation de mon café, attendant la réponse de Matheo pour agir en conséquence.

-En tout cas voilà. Je m'inscrivais souvent dans les différents clubs de mes établissements et je passais une bonne partie de mon temps à l'entraînement ! C'est pas pour rien que je suis finalement devenue prof de sport, j'imagine.

Un doux sourire étire mes lèvres lorsque Ryu approuve l'idée du chien d'aveugle. IL ne semble même pas trouvé ça amoral ou irrespectueux que j'en prenne un pour me tenir compagnie, puisqu'il m'en parle lui-même. C'est vrai que je suis quasiment indépendant, mes pouvoirs me permettent une autonomie quasi totale, si ce n'est pour les quelques situations où tous les pouvoirs du monde ne peuvent rien changer. L'idée de l'entraîner pour développer de nouvelles techniques ne m'était pas venu à l'esprit non plus, surtout parce que je ne voyais même pas comment faire:

-Oh ? tu as des idées de techniques en particulier ? demandais-je, amusé.

Je redeviens sérieux quelques instants, pour enchaîner sur le sujet.

-C'est vrai que j'aurai de la compagnie mais... Mais Ryu un chien! Ça demande tellement d'attention et je ne sais pas si je serai capable de m'en occuper! Et si je l'empoisonne en lui donnant la mauvaise nourriture ? Ou si je lui fais mal sans le vouloir ? Ou si je lui marche dessus ? Ou s'il est malade et que je ne m'en rends pas compte ? Et il va dormir où ? Et puis... et puis... comment je vais l'appeler ?

J'arrête de parler à ce moment-là, réalisant que je ne prenais même pas le temps de prendre une pause pour respirer, comme chaque fois que l'excitation ou le doute me taraude. Je m'astreins au calme, apaisant doucement les battements de mon corps trop rapide. Ryu avait l'habitude, mais c'était toujours aussi gênant de passer pour un fou devant les gens. La suite de la conversation me permet de me reconcentrer plus facilement. Je secoue la tête à ses questions.

-Je ne connais pas le braille, il n'y pas vraiment de livres comme ça ici... C'est plus simple de passer par le matériel audio. J'aide à l'infirmerie ou à l'hôpital de temps en temps aussi, lorsque Norah a besoin d'aide, surtout parce que ça lui permet de garder un oeil sur moi je crois, ajoutais-je en riant. Mais j'ai l'impression... de faire ça parce que je suis guérisseur tu vois ? Pas parce que j'aime ça. Je ne suis pas mécontent d'aider, bien sûr, mais ce n'est pas la même chose que d'avoir une activité.

C'était même assez différent et beaucoup plus stressant. L'idée du job m'était venue également à l'esprit, mais ce ne serait qu'un travail de nuit. A part les petites aides que je fournissais de temps en temps, je me retrouvais souvent limité et par mon handicap et par mon incompétence... car je n'étais doué en rien de spécial, si ce n'est de prendre soin des autres. Pourtant je n'aimais pas sentir que les autres avaient mal, ce pourquoi je ne pourrais jamais faire médecin.

-Avec ma combinaison ourson, certains commerçants me font faire de la pub la journée, de temps en temps, dis-je avec un large sourire. C'est assez rigolo d'ailleurs... Mais à dire vrai, je n'ai pas l'impression d'être doué pour quoique ce soit, encore moins maintenant.

Face aux choix proposés, je lui demandais un thé, n'appréciant pas le café, décaféiné ou pas. Je ne pouvais pas m'empêcher d'être impressionné par la liste des sports qu'avait pratiqués Ryu. C'était complètement fou, il avait touché à tellement de domaines sportifs, alors que j'étais incapable de tenir une raquette correctement. Le sport n'a jamais été mon fort... je n'en ai d'ailleurs jamais car ça ne m'a jamais attiré. Il était bien prédestiné à être professeur de sport j'imagine.

-Des clubs hein... murmurais-je, songeur, pourquoi pas ? Peut-être que certaines choses me tenteront! Ce sera toujours plus sympa que de errer la nuit sans but!

Je me levais et commençait à marcher un peu autour de la cuisine pour me dégourdir les jambes, attendant que le thé et le café soient prêts. Je n'aimais pas me plaindre à Ryu, il avait déjà assez de soucis en tête en ce moment, mais je ne savais pas bien à qui en parler d'autre. Pour quelqu'un censé lui remonter le moral, je faisais un bien piètre élève et ami.

-Ca fait longtemps qu'on ne s'est pas entraîné ensemble! Il faudra qu'on recommence hein!

L'excitation était vite revenue à l'idée de reprendre des entraînements. Les derniers événements n'avaient pas favorisés nos rencontres, bien qu'il ne m'ait jamais fait faux bond auparavant. Ca ne faisait pas vraiment longtemps en réalité, mais ça me manquait un peu. Mais quand on y pense... le pauvre, avec sa vie de famille et le travail, il ne doit pas avoir tant de temps que ça pour lui, qui pourrait lui en vouloir de désirer un peu de tranquillité et de repos ? Je ne voudrais pas non qu'il fasse un Burn-out! Je me sentirais à jamais coupable si cela arrivait!

-Tu as toujours su ce que tu voulais faire Ryu ? Quand tu étais petit ou même plus tard à l'école, tu savais que tu voudrais travailler dans le domaine du sport ?

POV Ryu

Un rire m'échappa alors que Matheo commençait à paniquer à l'idée d'avoir à s'occuper d'un chien. Je balayai ses idées d'un geste de la main, revenant m'asseoir à table avec mon café -il ne m'avait pas répondu, j'imagine qu'il n'en voulait pas.

-Tu sais Matheo, il y a des aveugles qui sont bien plus handicapés que toi parce qu'ils n'ont pas la chance d'avoir des pouvoirs... Les chiens d'aveugles sont dressés pour pouvoir agir correctement avec leur maître. Il y a très peu de chance pour que tu passes à côté de quelque chose. Et puis tu es guérisseur, tu es vraiment sûr que tu ne le remarquerais pas s'il tombait malade ?

Je lui souris, amusé par le doute qui l'habitait. Il restait toujours si fidèle à lui même. Toujours peur de mal faire les choses... Ce qu'il pouvait manquer de confiance en lui.

Je l'écoutai m'expliquer qu'il aidait parfois à l'hôpital, mais qu'il faisait ça surtout parce qu'il était guérisseur, et pas parce qu'il en avait vraiment envie. Je sentis mon coeur qui se serrait, un peu embarrassé par cet aveu, mais le comprenant étrangement. Cette impression de ne pas être vraiment doué à quelque chose... Je l'avais ressenti, pendant un temps. Oh, certes, je n'étais pas mauvais en sport, mais je n'étais pas non plus à un niveau de compétition, d'autant que j'avais pratiqué trop de sports avant de me spécialiser ; j'avais perdu trop de temps et il était trop tard pour devenir professionnel. Alors quoi, que pouvais-je bien faire, hein ? Je n'étais pas mauvais à l'école, mais pas excellent non plus. Je ne pouvais pas percer dans le sport. Le concours de fonctionnaire pour devenir professeur était bien au dessus de mes moyens, et songer à passer des années et des années à plancher pour être confronté à un échec ne me plaisait pas tant que ça. (HRP : J'crois que le concours au Japon pour entrer dans la fonction public c'est à peu près l'équivalent de l'agreg niveau difficulté !)

Alors, il y a eu Hideko. Alors, il y a eu Terrae. Alors, tout est devenu plus facile. Est-ce quelque chose de bien ? En soi, quels sont les efforts que j'ai fourni, hein...? Un soupir amusé m'échappe. La seule fois où t'as essayé de faire quelque chose, Ryu, on a bien vu que t'étais pas à la hauteur pour Terrae.

-Bien sûr, on reprend l'entraînement quand tu veux !

Je me reconcentrai sur mon café qui avait un peu refroidi et bus quelques gorgées.

-Je ne savais pas vraiment, non. J'ai souvent simplement suivi ce que j'aimais faire. Je voulais nager ? Alors j'ai fait de la natation. Envie de ramer ? J'ai fait de l'aviron... Je n'avais pas de plan d'avenir particulier. J'ai toujours suivi les chemins tracés par la vie, sans me poser de questions. C'est d'ailleurs aussi en partie pour ça que je suis là aujourd'hui. J'ai rencontré Hideko, et tout s'est vite enchaîné après...

Je reportai mon attention sur Matheo.

-Tu finiras par trouver ce qui te plaît vraiment, Matheo. Mais ne dis pas que tu n'es doué en rien, parce que ça, en revanche, ce n'est pas vrai.

Je fais la moue, sachant pertinemment qu'il a raison quand il dit que je remarquerais s'il était malade ou blessé mais c'était un exemple! Je veux dire, un animal c'est si dépendant, surtout un chien. Je n'ai jamais eu d'animaux dans ma vie donc là, actuellement, tout me paraissait compliqué. Après, j'étais bien conscient d'être privilégié par rapport aux vrais aveugles du monde extérieur, mes pouvoirs me sauvant grandement la mise... alors peut-être que je m'en sortirais mieux aussi.

-C'est vrai... Désolé de te plomber avec mes angoisses Ryu, dis-je sur un ton d'excuse.

Je remplissais décidément mal mon rôle! J'étais venu ici pour le réconforter, lui montrer que ce n'était pas grave, qu'on avait tous survécu, qu'il n'avait pas à se sentir coupable, que tout va bien... et je finis par lui offrir un repas à moitié raté et des questionnements existentiels qui n'ont rien de réjouissant. Je n'étais définitivement pas fait pour encourager les gens je crois. En même temps, je n'osais pas trop aborder le sujet directement de peur de mettre encore les pieds dans le plat.

Le récit de ses projets me fait sourire, ça correspond tellement à l'image que je fais de lui. Au final, c'est Terrae qui lui avait donné l'occasion d 'être ce qu'il est aujourd'hui. Je reste pensif à son récit, essayant de trier les informations et de comprendre comment à mon tour je pourrais trouver ma voie. Il avait trouvé une personne qui lui avait permis de s'ouvrir à de multiples possibilités. Une personne... Un rougissement me prend soudain, sans que je ne sache pourquoi? Je le sens à la chaleur sur mes joues. Je secoue légèrement la tête pour dissiper cette sensation avant de répondre:

-Cela ira peut-être mieux quand j'aurai fini mes études et que je travaillerais... C'est vraiment intéressant la psychologie, j'ai... vraiment hâte de pouvoir pratiquer dans quelques années. A ce moment-là, je saurais sûrement quoi faire!

Il anticipe par contre très bien une de mes réactions les plus probable, ce qui a  le mérite de me faire rire.

-Je ne le dirais pas alors! Disons... Que je ne sais pas encore pour quoi je suis doué, tournais-je de façon plus subtil, un sourire aux lèvres.

Un petit bip bip m'informe que l'heure de rentrer arrivait pour prendre mon traitement et m'hydrater de crème. Je l'éteins en tatillonnant un peu, poussant un petit soupir. J'aurai aimé rester plus longtemps et pouvoir discuter avec Mademoiselle Honda aussi, que je n'ai pas beaucoup vu finalement, les enfants non plus. Je repasserai en journée bientôt, Daisuke et Riku seront sûrement ravis de revoir mon costume de peluche, et j'aurai moins de contraintes horaires. Je me lève tout en m'excusant auprès de Ryu, même s'il sait très bien à quoi correspond la sonnerie. Nous nous dirigeons vers la sortie, le plat dans mes bras (j'avais refusé qu'il le lave, ce n'était pas à lui de le faire!) en échangeant des banalités, puis, au moment de sortir, je me fige, tournant un visage hésitant vers lui. J'avais peur de le blesser, mais je le connaissais depuis suffisamment longtemps pour ne plus avoir cette crainte. Prends un peu courage Matheo! C'est Ryu, tu peux lui dire ce que tu penses.

-Une dernière chose Ryu... euh.. Hum... comment dire... J'espère... que ça va vraiment bien! Je veux dire, avec tout ce qui s'est passé. Tu sais... il y a des gens qui t'en veulent, c'est vrai, mais ils ne te connaissent pas comme je te connais et ils ont surtout eu peur. Au final, tout le monde s'en est bien sorti.

Je tortille un peu mes doigts, luttant contre l'empourprement qui engourdit mon visage. Bizarrement, une fois lancé, la chose n'était plus si dure à faire, j'en arrivais même à pouvoir ignorer ma gêne.

- Bref, tout va bien! Ne t'en veux et sois... Sois juste heureux d'accord ?!

Voilà, je l'avais dit. Je n'étais pas forcément convaincu que ce soit une bonne idée, ni même que ça l'aiderait, mais je trouvais important qu'il l'entende. Peu de gens ont dû le lui dire, même si j'espère fortement le contraire, et je connais sa propension à la culpabilité. Il m'avait semblé réellement bien ce soir, en paix avec Mademoiselle Honda et les enfants et ça m'avait rassuré, grandement rassuré. Je préférais cela à l'imaginer se morfondre. J'admets que j'étais arrivé un peu inquiet, mais finalement tout s'est bien passé, tout allait bien. Il n'oublierai peut-être pas, mais il vivait avec. Je m'en étais fait pour rien... mais on ne se refait jamais entièrement n'est-ce pas ? Le plus important, c'est qu'il soit heureux. Actuellement, moi, je le suis.

-Bonne nuit Ryu! Bonne nuit à Mademoiselle Honda! Je repasserai vous voir bientôt avec mon costume. Redis moi pour un futur entrainement!, m'exclamais-je tout en m'éloignant et en agitant la main en signe de au revoir.

Rentrer chez moi fut plus rapide, car je n'avais pas besoin de faire attention au plat et à ne rien renverser. De retour dans ma chambre, je pris mon traitement et m'allongeais sur le lit tout ne me passant de la crème, réfléchissant aux événements de ce soir et à ce que je ferai demain. Les choses s'amélioraient peut-être finalement.

Hrp: j'ai préféré emmené le topic vers la fin comme ça faisait tout de même longtemps! Dis moi si ça te va sinon je change <3