- Pareil ? Vraiment ?

Dans quelles circonstances ? Ses yeux s'agrandirent, mais elle n'osa pas poser de questions. Elle était trop chamboulée pour pousser plus loin la curiosité. Il y avait un risque que ses flammes, qu'elle ne maîtrisait absolument pas, apparaissent et l'idée de blesser quelqu'un lui était tout bonnement insupportable. La conversation prit un ton plus léger à l'évocation des enfants qu'elle aurait un jour. Quand Ys lui parla de jumeaux, la blonde s'arracha à son contact en portant les mains devant sa bouche. Elle ne pouvait pas masquer sa surprise, et le bonheur que l'idée avait fait naître se lisait aisément dans ses yeux. Bien sûr qu'elle se demandait si c'était vrai !

- Tu plaisantes ? Il est évident que j'ai besoin de savoir ! Un besoin vital !

Amy avait beau n'avoir que vingt-trois ans, elle pensait à son avenir. L'idée d'avoir des jumeaux l'emplissait d'une joie incommensurable. S'il lui disait, là, que c'était une blague, elle risquait de très, très, TRÈS mal le prendre.

- Ne me fais pas languir ! Dis moi !

Son exclamation était accompagnée de petits sauts sur place, et elle avait totalement oublié ce qui tournoyait dans son esprit quelques minutes plus tôt.

En comprenant qu'il n'était pas sûr, ou qu'il avait inventé, Amy afficha une mine boudeuse et vexée. Comme il avait proposé de réessayer, elle ne s'offusqua pas, et s'assit docilement en lui tendant sa main. Elle n'avait pas l'habitude d'avoir autant de contact, ce n'était vraiment, vraiment, pas son truc. Mais soit ! Elle devait savoir ! Alors elle se plia à ses directives... Et sa réponse la fit hurler d'indignation :

- C'est ça ta réponse, sérieux ?!

Elle se releva d'un bond et continua, les sourcils froncés :

- Si tout ce que tu as vu, ce sont mes menstruations, ça ne répond absolument pas à ma question ! Surtout après ce que tu m'a balancé là, avec les faux jumeaux ! Tu ne peux pas me laisser comme ça ! Aller, quoi ! J'ai bien vu qu'il y avait quelque chose ! Je suis sûre que tu peux m'en dire plus !

Devant sa défense, Amy gonfla les joues et lui lança d'une voix boudeuse :

- Mais ça répond en rien à ma question ! Bon... Tant pis, ce sera la surprise. Ce n'est pas plus mal quelque part, je suppose... Non ?

Puis le Dragonhomme aborda la question de son contrôle de son nouveau pouvoir et Amy haussa les épaules :

- Non, c'est assez compliqué, et en même temps assez similaire au titanisme.. Je crois. En gros, c'est une sorte d’énergie qui se déplace dans le corps et il faut la contrôler. Enfin, c'est comme ça que je le ressens. Du coup, j'ai souvent des invisibilités non contrôlées, ce qui donne régulièrement des situation gênante, mais bon...

Elle pensa à Pandora... Au moment où elle lui avait caressé la joue pour voir si elle était matérielle ou non. Le souvenir la fit rougir et elle secoua la tête avant de revenir au Matser, lui présentant sa dernière question sans oser le regarder en face.

- Est ce que quelqu'un m'aimera à nouveau ? Je veux dire... D'un amour réciproque...

Haaaaaaa, c'était trop gênant ! Mais elle voulait tellement savoir ! Ce n'était pas tellement l'un des grands buts de sa vie, mais pourtant, le fait de partager sa vie avec quelqu'un qui aurait les mêmes sentiments en retour lui semblait important. Peut-être était ce seulement parce que l'idée de fonder un foyer, avec ou sans enfants, avec ou sans animaux, avec ou sans maison personnelle, lui tenait à cœur finalement ?

Ys semblait aussi embêté par ce changement de pouvoir. Même si sa dernière divination était un semi-échec aux yeux de la jeune femme, celle-ci pouvait parfaitement comprendre la difficulté à percevoir l'avenir de quelqu'un d'autre. Il devait déjà être assez compliqué de ressentir le sien. Après sa troisième et ultime question, le Dragonhomme prit un air sûr de lui. La capacité à être aimée d'Amy apparaissait pour lui légitime. Cela rassura la blonde, qui, quelque part, continuait de se déconsidérer à cause de l'accident de Gabriel. Sa dernière tirade la fit rire et elle s'exclama :

- Tu as raison, je dois juste être patiente. Je sais bien que ça gâche un peu la surprise, mais je suis quelqu'un de curieuse, je n'y peux rien !

Elle avait souri à ses compliments. L'initiée avait bien conscience de ne pas être dans l'exacte normalitude, et cela, ne la dérangeait pas, car elle savait que ce côté un peu décalé et hyper enthousiastes lui donnait du charme. Puis, comme elle était arrivée au terme de ses trois demandes, elle plissa les yeux et demanda :

- C'est quoi la première chose que tu as vue, ou voulue voir, quand tu es passé voyant ?

Aki ? La blonde n'avait aucune idée de qui il s'agissait, mais elle constatait que l'ego masculin était bien à sa place. Autant que son côté maternel à elle, on pourrait dire... Le plus fort ? Mais... Heu... ?

- Tu veux dire que te transformer en dragon ne fait pas DÉJÀ de toi le plus fort des Master ?...

Elle le fixa, les yeux ronds comme des soucoupes... Quel était donc la greffe de ce fameux "Aki" pour qu'il demeure plus fort qu'un dragon ? Ou bien était ce sur le plan mental qu'Ys manquait de force ? Elle plissa les yeux, notant sa tenue, son air dépité en parlant de poubelle qui craque parce que c'est son destin... Oui, peut-être bien, vu sous cet angle. Elle pouffa, sans rien lui révéler de ses pensées, en répondant :

- Je vois ça, oui. On dirait même que l'odeur a tenu !

Elle avait complémenté sa dernière tirade d'un geste d'éventail devant son nez, hilare. Ys la calma un peu en lui demandant pourquoi elle s'était cantonnée à des questions terre-à-terre plutôt qu'à d'autres, plus fantastiques. Dressant son index, la demoiselle souffla :

- Peut-être que je n'ai pas envie de savoir ? Ou bien, que je veux le découvrir par moi-même, comme lorsque je t'ai rencontré. Et puis... Sans vouloir te vexer, si t'arrives déjà pas à savoir si j'aurais un garçon ou une fille, je ne vois pas comment tu aurais pu me certifier que les licornes existent, tu vois ?

C'était un peu méchant, certes, mais c'était véridique. La question des contes était bien plus vaste et incertaine qu'une naissance lointaine ne concernant qu'une personne. Elle serait embêtée de lui filer un bon gros mal de tête, et puis...

- Tu ne vivrais pas différemment si tu avais connaissance de l'existence d'êtres mystérieux ? Je crois que j'aime bien la vie que j'ai ici. Je n'ai pas envie qu'elle change.

Le dragonhome aborda l'inconfort du corset, et le besoin de se changer et Amy ne put se retenir de rire à nouveau, bombant la poitrine en argumentant :

- C'est une question d'habitude, mais c'est aussi dû au fait que les femmes ont l'habitude de prendre d'avantage sur elles pour plaire. Et oui, je vais t'accompagner, mais juste le temps de te donner le tee-shirt que je t'avais promis, il est dans ma chambre. Tu as un change à l'institut, ou tu comptais aller jusqu'au village ?

Quand Ys déclara que les greffes ne comptaient pas, et que ce n'était pas là-dessus qu'il voulait gagner, Amy cru que c'était bien sa force mentale qui lui faisait défaut. C'était tellement dur de ne pas rire. Heureusement qu'il n'était ni télépathe ni sensitif, elle n'aurait jamais trouvé comment se justifier... D'ailleurs, toutes ses moqueries provoquèrent un geste des plus vulgaire chez le Master, que la demoiselle ignora royalement en haussant les épaules et en tirant la langue. Puis le pire arriva...

Alors qu'il était question de prouver l'existence des licornes, le dragonhome amena qu'elle n'existait pas parce qu'une PUB avait dit qu'ils avaient fait monter deux mâles dans l'ARCHE et pas la MARCHE, de Noé... Cette fois, elle ne put se retenir, c'était beaucoup trop dur, bien au-delà de ses forces. La blonde explosa de rire à s'en tenir les cottes et bien vite des larmes apparurent au coin de ses yeux alors qu'elle surenchérissait :

- T'as appris quoi d'autre grâce à la pub ? Il faut que je sache !

Elle se calma quand ils abordèrent le tee-shirt et la blonde répondit avec un sourire, en levant les yeux au ciel :

- Tu peux te changer dans ma salle de bain si tu veux, ou dans les toilettes des hommes des dortoirs, comme tu veux, ça m'est égal.

Elle se fichait pas mal qu'un homme rentre dans sa chambre, après tout, elle était rangée et propre, et rien de suspect ne s'y trouvait en évidence. En plus, Ys été casé de ce qu'elle avait compris, il y avait donc peu de chance que ça entraîne des rumeurs débiles. Haussant les épaules une nouvelle fois, Amy demanda, amusée :

- On y va, m'dame Irma ?

La réaction enfantine d'Ys ne fit qu'accroître le sourire moqueur d'Amy. Qu'y pouvait-elle s'il se mettait dans de telles situations ? Entre la robe de madame d'Irma et l'histoire des pubs... Elle avait du mal à l'envisager plus sérieux que ça... Pas qu'elle le sous-estime, il demeurait un dragon à ses yeux, et rien que pour ça, elle avait une haute estime de lui. Mais... La forme draconique et son attitude étaient dures à concilier.

Le Master accepta d'arrêter de bouder pour la suivre muni de ses affaires et ils gagnèrent les dortoirs sous les regards étonnés des gens qu'ils croisaient. Elle allait encore avoir droit à des questions bizarres après ça... À moins que la réputation farfelue d'Ys ne la sauve ? Après tout, si ça n'avait rien d'étonnant pour elle de le voir ainsi, c'était peut-être le cas pour d'autres personnes, non ? Poussant la porte de sa chambre, la blonde le laissa entrer en haussant les sourcils à sa déclaration, avant de rétorquer, hilare :

- Ce doit être ça, oui. Ou le fait de voir un Master en robe, Mh ? Qui sait ?

S'avançant dans la pièce parfaitement ordonnée au mobilier de bois clair et nombreuses plantes en pots, Amy se pencha devant son lit, amenant à elle un tiroir de rangement avec de nombreux objets dedans. Attrapant un tee-shirt encore emballé dans une pochette plastique, elle le tendit à l'homme en lui désignant la salle de bain du doigt :

- Je t'en pris, il est sûrement un peu grand, j'ai préféré ça à trop petit, vu que je n'avais pas ta taille.

On pouvait voir sur le vêtement un dragon tenant une pique avec une volaille grillée, et lire, juste au dessous "Demandez maître dragon, les poulets grillés avec un soupçon de magie !". Trop fière de son motif dessiné à la main qu'elle avait fait imprimer sur un site, la demoiselle leva l'index en déclarant :

- C'est un exemplaire unique !

Amy ne comprit pas vraiment de quoi se doutait le Dragonhomme, aussi pencha t'elle juste la tête de côté en plissant les yeux. Sans s'attarder, elle lui donna son présent, tout sourire et fut bien surprise de voir Ys rougir. Elle ne s'y était vraiment, vraiment, pas attendue. C'était extrêmement étrange de le voir aussi gêné ! Elle crut même un instant qu'elle avait laissé un truc suspect en vue et jeta un regard circulaire sans rien repérer. Aussi répondit elle à sa réaction en pouffant :

- Peut-être, mais ça aurait été beaucoup moins drôle ! Je ne pensais pas que ton visage pouvait prendre ce genre de teinte, c'est hilarant !

Bon, oui, elle était un peu méchante, mais comment ne pas rire ? Elle l'aimait bien après tout, avec ses grands airs un peu bourrus. Le temps qu'il se change dans la salle de bain, la jeune femme se posa sur son bureau, consultant un sketchbook en souriant. Il se passait toujours des choses bizarres quand elle rencontrait Ys, c'était l'une des raisons pour lesquelles elle l'aimait bien et n'hésitait jamais à aller vers lui. Enfin, ça, et le fait qu'il soit un dragon, oui, elle ne pouvait pas le nier.

Le Master sortit d'ailleurs de la salle d'eau avec son nouvel habit et Amy ne put que sourire derechef. Quelle chance, elle ne s'était pas trompée sur la taille ! Et ça lui allait bien en plus ! Le tee-shirt était blanc, simple et classique, mais les écailles bordeaux de la créature mythologique rappelaient parfaitement ses yeux. Sautillant sur place, la blonde s'exclama :

- Il te va trop bien !

Elle n'avait pas anticipé la suite et devint de la même couleur que le dragon imprimé tandis qu'Ys l'embrassait sur la joue après l'avoir remerciée. Se passant la main dans les cheveux, la jeune femme souffla, aussi gênée que lui maintenant :

- Il n'y a pas de quoi, je t'en devais un... Du coup, je suis bien contente qu'il te plaise, haha.

Puis son humour reprit le dessus, sa mimique se tordit et l'éclat de malice pétilla dans son regard alors qu'elle l'interrogeait, remise de ses émotions :

- Tu m’emmèneras voler à nouveau, diiiiiiiis ?