Il a paniqué. Ca fait quelques séances qu’il y pense, probablement même depuis le déménagement de Katsuyo, mais la proposition mourrait dans sa gorge avant qu’il n’arrive à la prononcer. C’est pas que le regard d’Elwynn et ses autres camarades le dérange à la fin du club, mais oui, non, c’était compliqué, il a pas assumé, bon, voilà, on va pas rester bloqué là-dessus pendant des plombes. La session s’est donc terminée, ils ont échangé quelques taquineries, et Misao a fui dans sa chambre, comme le faux-Feux qu’il est, en se disant qu’il y aurait d’autres occasions, que c’est pas trop le moment avec tout le boulot qu’il a — vu qu’il est à CA de finir le sérum, mais aussi à CA du burnout — et qu’il peut retenter plus tard. M’oui, bien sûr. Non mais c’est bon, c’est pas comme si c’était si bizarre de lui demander, il lui avait promis, après tout…

Donc après avoir passé quelques instants à s’en convaincre, le voilà reparti vers la chambre de Pandora pour y frapper. Elle doit probablement être à peine rentrée, sauf si elle a fait un détour, enfin il n’aurait pas dû venir, elle n’est sûrement pas là, même si bon après un cours de self-défense, tout le monde a envie de prendre une douche- Ah, elle ouvre la porte.

—Ah, euh, salut. Enfin re.

Ptdr mais ta gueule.

—Ca fait un moment que j’y pense et j’ai oublié tout à l’heure, mais ça te dit ce petit dej, au final ? Ce dimanche, comme ça aucun de nous deux ne bosse ?

Ca leur laisse genre au moins cinq jours pour s’y faire, ça peut aller, pas vrai ? C’est pas trop bizarre ? C’est un petit déjeuner entre amis, et ça se prévoit, c’est tout. Parce qu’ils en ont vachement parlé. Et que. Ca fait un moment qu’ils ont pas discuté pour de vrai tous les deux, et peut-être qu’elle a des choses à raconter- (Ouais il est gêné, même s’il nie à mort.)  

Non puis, le pire, c’est qu’elle a accepté. Ils ont convenu de l’heure — il a de nouveau oublié de lui refiler son numéro mais quel cassos — avant qu’il ne quitte, quelque chose comme la fin de matinée, comme elle aime bien dormir, tout ça. … Heureusement qu’il s’est pas douché en sortant de la séance, parce qu’il a pu utiliser ça comme excuse pour fuir à nouveau cette discussion foireuse.


Et puis dimanche, il est encore HS de sa semaine. Ses cheveux ont un peu repoussé comparativement au mois dernier — merci Katsuyo — et il n’a heureusement plus de nausées. Contexte ? Oui, d’accord, contexte. La création du sérum antidote à l’anti-pouvoir avançait bien, jusqu’à ce qu’il pète un plomb, décide de faire deux produits différents, fasse une erreur de calcul de merde parce qu’il dormait pas suffisamment la nuit, vu qu’il passait trop de temps à psychoter sur le fameux petit dej et ses recherches infructueuses, et bon, voilà, il aurait pu caner mais il a pas cané, quelques nausées pendant quelques jours, pouvoirs déconnants et repos forcé. (Et après on lui demande pourquoi il ne veut laisser personne d’autre tester les nouvelles doses ? Ils sont mignons, Nico et Katsuyo.)

Est-ce qu’il était un peu fébrile la semaine passée ? Oui, c’est pour ça, faut pas chercher, ça lui arrive des fois. Maintenant, il est un peu plus posé, a retrouvé son cerveau, et il a quelques jours de congés à rentabiliser. Donc il a prévu un bon petit déjeuner et de quoi faire du vrai thé pour son invitée.

Evidemment, la chambre est nickel. Pas un grain de poussière, chambre fermée, salon ordonné ; le coin geek avec la télé et les consoles, le coin cuisine avec sa petite table, quelques pots avec des plantes vertes, l’armoire en verre avec les figurines, quelques étagères décorées, le coin sport avec les photos du lycée et de la fac. Le cuiseur à riz qui a terminé son travail et garde le riz au chaud en attendant qu’elle arrive. La vaisselle avec les jolis bols. Et lui est même habillé un peu plus décontracté qu'habituellement, troquant sa chemise contre un t-shirt plus confortable pour la maison. Quand elle frappe à la porte, il va lui ouvrir, un sourire un peu gêné mais content aux lèvres.

—Salut.

Sobre, efficace. C’est juste un petit dej, hein.

Plantée devant ma garde-robe, je panique un peu. Je suis sensée porter quoi, au juste ? Personne ne m'a jamais invitée pour un PETIT DEJEUNER - aller manger au resto ou à la cafète, je gère, mais. Un brunch dans la chambre de quelqu'un, ptdr, je suis sensée venir en pyjama, ou comment ça se passe ?

Mais revenons un peu en arrière. Au début de semaine, quand Misao s'est pointé chez moi à l'improviste (juste après une séance de cours de self-défense), avec sa proposition de petit dej là. J'étais toute puante et transpirante, prête à prendre ma douche, quand il a frappé à la porte. Je ne m'attendais pas à le voir, ok, j'ai un peu paniqué et j'ai dit oui directement, sans réfléchir. Puis il est reparti aussi vite qu'il était arrivé, et j'ai commencé à avoir des sueurs froides, un peu. On s'est revu plusieurs fois, depuis cette fameuse nuit - au mariage d'Elwynn, au Fight Club, au déménagement de Katsu - mais à chaque fois, c'était au sein d'un groupe. Les premières fois, c'était carrément super gênant ; ça va mieux maintenant, on discute, on plaisante (on se charrie aussi pas mal). Mais on ne s'est pas revu seul à seul ; pourtant, j'ai eu plusieurs fois très envie de lui proposer de faire quelque chose tous les deux, mais je n'ai pas osé. C'est juste... C'est bizarre, ok, après le moment hyper intime qu'on a partagé. Je ne suis pas sûre de savoir comment me comporter avec lui, comment lui parler normalement.

Mais du coup, je suis invitée chez lui là, et ça fait trois plombes que je suis en sous-vêtements devant mon armoire, à observer mes fringues sans parvenir à me décider sur quoi mettre. Pas un pyjama, ok. Une robe, alors ? Je n'en mets quasiment jamais, à part pour sortir, ce serait trop chelou. J'opte donc pour du basique ; un short court en jean délavé, taille haute, avec un t-shirt blanc tout simple rentré dedans. Et mes Converses. Je me maquille un tout petit peu (juste de l'anti-cernes, du blush et du mascara, quoi), puis m'apprête à sortir ; et là, re-panique. Est-ce que je suis sensée ramener quelque chose, en fait ? Des fleurs, des chocolats, une bouteille de vin ? C'est hyper impoli de venir sans rien, non ?

Mais pourquoi je me prends autant la tête omg, c'est qu'un petit dej, calme-toi meuf.

Quelques minutes plus tard, je suis devant la porte du Feu, et frappe quelques coups timides. Il m'ouvre avec un sourire un peu contrit, que je lui rends (tout aussi contrit), alors qu'il m'invite à entrer.

"Salut ! Tu vas bien ?"

Je reste sur le pas de la porte quelques instants, observant la chambre rapidement - ou le salon plutôt, je suppose que sa chambre est derrière la porte du fond. Ca ne ressemble pas du tout à ce que j'avais imaginé ; enfin, je ne sais même pas trop ce que j'avais imaginé, en vérité, mais pas ça. C'est propre et bien rangé (ok, ça c'est pas une surprise par contre), mais c'est aussi très cosy, bien décoré. Il a même des plantes vertes, ce qui me tire un sourire en coin - c'est pas très Feu, tout ça !

"C'est joli, chez toi. Tu veux que je retire mes chaussures ?"

Je demande avec un sourire amusé - non mais bon, lui il les avait enlevées en arrivant chez moi la dernière fois, j'imagine que c'est un truc qui se fait, chez les maniaques nippons ? Et puis, on ne va pas se mentir, le sol est tellement propre qu'on pourrait manger dessus, je m'en voudrais un peu de salir tout ça avec mes godasses !

La panique reflue un peu quand la porte s’ouvre — ou plutôt, d’abord elle reflue, ensuite elle revient plus fort, et après, c’est bon, elle part. Pandora le salue avec ce qu’il espère être de l’enthousiasme, mais son sourire un peu tordu lui a refilé un coup de stress supplémentaire qui était pas prévu. Bon, il va juste espérer qu’il l’a pas prise au dépourvu, que c’était pas bizarre comme invitation, et surtout qu’elle va pas détester tout ce qu’il a prévu pour le repas, parce que sinon c’est la honte.

—Ca va oui, je te remercie. Et toi ? Tu t’es bien reposée ?

Ah oui, vraiment, la question quoi. Il aurait pu dire “bien dormi ?” que ça aurait été tout aussi nul. Mais bon, c’est une manière de demander comment s’est passé son week-end, y a sûrement quelques trucs à raconter, au moins, non ? D'autant qu'il est pas tout à fait honnête en disant qu'il va bien, mais personne commence une conversation en disant "lol j'ai foiré un dosage de mon expérimentation, je suis en arrêt".

Il s’écarte un peu pour la laisser entrer, en tout cas, en checkant encore au passage s’il n’a pas laissé traîner un truc… Non, c’est bon ; allez, no stress, c’est pas la première fois qu’il invite quelqu’un chez lui. Sauf qu’habituellement, il a pas autant peur de se faire juger de fou, ok. Ses épaules s’affaissent légèrement alors qu’il inspire doucement. Et sourit vraiment, cette fois. C’est… chouette qu’elle ait accepté de venir. Et son short lui va bien. Hm, regarde ailleurs.

—Oh… Merci, c’est gentil, répond-il, un peu embarrassé. Je veux bien, si ça te dérange pas ; regarde, tu peux les poser ici. J’ai des chaussons pour toi si tu veux.

Misao lui désigne des chaussons qu’il a posé sur le petit tapis d’entrée, là où il demande habituellement à ses visiteurs de retirer leurs chaussures. Il aperçoit son sourire gentiment moqueur et son sourire tire en coin par réflexe.

—Tu peux mettre tes Converses dans un des casiers si tu veux.

Des petits casiers à chaussure fermés, avec des petites portes transparentes pour chaque casiers qui s’ouvrent vers le haut. Il aime bien investir dans du mobilier de qualité, tant que celui-ci est pratique et que tout peut ainsi être rangé dans des petites boîtes. (Misao est le genre de personnes qui aurait besoin de boîtes pour ses boîtes.)

—Bon, j’espère que t’es prête pour ce petit déjeuner ! On en a tellement parlé la dernière fois, j’étais obligé de te le proposer… Je suis content que tu aies accepté.

Oui, il se justifie.

Misao me demande à son tour comment je vais, et si je suis bien reposée - reposée par rapport à quoi, à quand ? Je ne sais pas trop si sa question porte sur là, maintenant, ou si elle est plutôt générale ; je pars sur la seconde option, et lui réponds avec un léger sourire, décidant d'être honnête avec lui.

"Ca va... Peut-être pas encore totalement "bien", mais beaucoup mieux en tout cas, merci."

Je remonte la pente, lentement mais sûrement ; et je crois que je mûris aussi, dans la foulée. Mon idéalisme en a carrément pris un coup, c'est certain, mais j'apprends à être plus indulgente envers moi-même, à accepter mes erreurs, mes faiblesses, et surtout ma vulnérabilité. Il y a encore des moments compliqués, mais je crois que je me sens assez en phase avec moi-même dernièrement - bien plus que ça n'a été le cas depuis longtemps. Ca me fait penser à ce qu'il m'avait dit ce fameux soir, que je changerais sûrement un peu tout en restant la même ; il avait raison.

Le nippon semble touché quand je complimente son espace ; mais c'est sincère, c'est vraiment très chouette chez lui. Ca ne ressemble pas trop à une garçonnière comme j'ai pu en voir pas mal, de par mes (nombreuses) conquêtes. Enfin, on voit que c'est pas une chambre de fille hein, mais c'est soigné, agréable. J'enlève ensuite mes chaussures, comme il me le demande, et hausse un sourcil alors qu'il pointe vers une paire de chaussons.

"Ah oui, mais t'as carrément des pantoufles pour invités, en fait ?! C'est... Mignon." (je remonte les yeux vers lui et souris doucement) "C'est un truc de japonais, ou juste un truc de toi, ça ?"

Une fois les chaussons enfilés, je dépose mes Converses dans un des petits casiers qu'il m'indique - et dire que moi je balance juste mes godasses dans un coin de ma chambre, son niveau d'organisation est dingue, quand même ! Je regarde à nouveau le reste de la pièce, imagine Misao arranger tout son mobilier et sa décoration au millimètre près - et je ne sais pas pourquoi, mais une étrange sensation vient me chatouiller la poitrine à cette image. Heureusement, il reprend rapidement la parole pour me sortir de ma rêverie ; je me tourne pour lui faire face, un sourire aux lèvres.

"Et moi je suis contente que tu aies proposé. Vu qu'on en avait parlé sur le ton de la plaisanterie, je n'étais pas sûre que... Enfin. Ca me fait plaisir d'être là. Et j'ai hâte de pouvoir critiquer ton thé !!"

A ces mots, mon sourire se fait plus taquin - non, je n'ai pas oublié omg.

La question était assez large, c’est vrai ; il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit si honnête avec lui, plutôt qu’elle parle de son week-end quoi, et il ressentirait presque de la honte à ne pas l’avoir été lui-même. Mais quelque chose s’adoucit dans son regard à ces mots et il acquiesce, rassuré de l’entendre. Ils n’en ont jamais vraiment reparlé, parce qu’il n’y avait pas le temps, pour commencer, mais aussi parce qu’ils n’ont jamais été seuls depuis. Et un mariage, un peu ivre, c’est pas le meilleur moment pour avoir cette conversation au milieu de la musique et tout ça. Ou même après le club.

—Tant mieux, ça me rassure. Tu as l’air plus en forme ces derniers temps.

Ca prend du temps, tout ça ; mais c’est bien de savoir qu’elle avance. Elle n’a plus l’air aussi déprimée qu’il y a quelques mois, ça il l’a bien remarqué au fur et à mesure de leurs rencontres au club. Sans doute une des raisons qui le motive à être plus régulier, bien qu’il ait loupé les séances de fin de semaine. Elle se remet vite, et c’est une bonne chose, au moins ; sinon on traîne les casseroles trop longtemps, et tout devient de plus en plus dur.

Misao lâche un rire et lui renvoie un regard mi-vexé, mi-amusé.

—”Mignon”, “mignon”… Oui, c’est ce qu’on fait au Japon. On se promène pieds nus, en chaussette ou davantage en pantoufle. Il y a le chauffage au sol dans la majorité des appartements japonais, du coup on laisse tout dans le sas d’entrée en général, sourit-il. Les chaussons c’est parce que je trouve ça plus confortable.

Il désigne les siens, soulevant un peu son pied du sol pour qu’elle puisse admirer cette MAGNIFIQUE pantoufle (avec le symbole de la triforce ailée de Zelda dessus) et continue, moqueur :

—C’est parce que je suis vieux, tu te souviens ?

Son sourire tire en coin alors qu’il la laisse prendre le temps d’enlever ses chaussures, s’appuyant contre le mur. Pourquoi il stressait, en fait ? D’un coup, ça semble un peu plus naturel déjà. Mais c’est parce qu’ils sont déjà en train de s’envoyer des piques mdr, sinon j’crois qu’ils seraient encore en PLS tous les deux dans leur tête.

—Ouais, hm, j’étais pas sûr non plus mais je me suis dit qu’il fallait que je tente. Et promis, je ferai pas une syncope quand tu rajouteras deux sucres dans ton thé parce que tu le trouveras trop amer, il sourit en coin.

Et justement, il se dirige vers le coin cuisine.

—Fais comme chez toi. Tu préfères manger à table, ou sur la table du salon ?

Il allume la bouilloire électrique, la programmant sur 55°, et ramène la théière près de lui pour préparer le thé sur le plan de travail. La petite théière traditionnelle — un Kyusu — possède un filtre intégré, il n’y a donc pas besoin d’y mettre une boule à thé ou un filtre à panier, ça permet de laisser les feuilles de thé s’ouvrir à l’intérieur. La température de l’eau, assez faible, permet d’éviter que le thé ne soit trop amer, justement, car elle ne brûlera ainsi pas les feuilles. Et les feuilles peuvent être infusées à nouveau par après, réduisant encore l’amertume. C’est sacré aussi, le thé, chez les japonais. Il prend donc le temps de verser la quantité adéquate de thé dans la théière — il a choisi un gyokuro, doux et presque sucré —, puis y verse tranquillement l’eau, et allume le minuteur de sa montre avant de sortir deux tasses évasées.

—Je t’ai choisi un thé assez doux, mais la première infusion est toujours assez forte, lui explique-t-il, essayant de maîtriser son enthousiasme.

Je hoche la tête avec un sourire quand Misao souligne que j'ai l'air plus en forme dernièrement ; ce n'est pas feint, je vais vraiment mieux. Il y a encore du chemin à parcourir, mais comparé à mon état d'il y a quelques mois, clairement l'amélioration est très nette.

"J'ai repris les cours, les activités de club et les entraînements aussi ; ça m'a fait du bien, de me replonger dans une routine familière. J'ai dû me forcer un peu au début, mais maintenant je suis contente d'y aller. Et j'ai même recommencé à composer dernièrement, j'avais fait un gros blocage..."

Je crois que c'est la première fois depuis plus d'une décennie que je passe aussi longtemps sans expérimenter sur de nouvelles mélodies ; sans jouer tout court, en fait, comme ça a été le cas pendant un petit moment. Retrouver goût à la musique (un peu grâce à Katsuyo, d'ailleurs) m'a vraiment fait un bien fou ; clairement, je crois que je ne peux pas vivre sans ça, c'est une part bien trop importante de moi.

Le nippon enchaîne ensuite en m'expliquant le pourquoi du comment des pantoufles, alors que j'enfile celles qu'il a préparées pour moi, justement. Donc, c'est une habitude japonaise, je ne manquerai pas de demander à Allen où sont mes petits chaussons, la prochaine fois que je vais chez lui ! (Enfin, non, je ne vais rien dire du tout, sinon il faudrait lui expliquer d'où vient cette nouvelle lubie, et euh... Juste, non, j'assume pas). Je jette un oeil à la pantoufle que le brun tend vers moi, laisse échapper un petit rire.

"Un vieux avec des pantoufles Zelda, quand même ! Mais d'accord, je comprends mieux... Mais je trouve ça quand même mignon, ou attentionné, si tu préfères. J'aurais juste pu rester en chaussettes hein, c'est comme ça que je me promène chez moi !"

Les grosses chaussettes en pilou, en hiver, c'est la vie ok ! Misao m'avoue ensuite qu'il n'était pas très sûr de son coup non plus, en me proposant ce petit dej - c'est sans doute pour ça que l'invitation a mis autant de temps à arriver, en fait. Mais c'est sans doute mieux comme ça ; au moins, je suis dans un état d'esprit propice à profiter du moment. Se revoir trop tôt aurait sûrement ravivé des choses pas très agréables ; mais maintenant, je crois qu'on a eu le temps de digérer tout ça, tous les deux.

Alors qu'il s'affaire avec sa bouilloire, je m'approche un peu de la vitrine en verre près de la télé, me penchant en avant, mains sur les cuisses, pour observer les figurines ; je suis tentée de poser mon doigt dessus, mais ça ferait une grosse trace. Je suis sûre qu'il doit astiquer ce meuble comme un malade, ahah ! Je me tourne vers lui à sa question, haussant une épaule avec un demi-sourire.

"N'importe, là où tu manges d'habitude ? Elle est sympa ta collection, mais c'est marrant, je t'aurais plutôt pensé team Salamèche que Bulbizarre ! T'es tellement un faux Feu, c'est ouf !"

Je ricane en lui jetant un regard moqueur, avant de retourner à mon observation. A part les Pokémon, je ne connais pas trop les autres figurines, en fait - mais il en a un paquet. Et je constate qu'il a plusieurs consoles de jeux aussi, c'est un gros geek en fait ! Mais est-ce très étonnant, de la part d'un scientifique célibataire endurci ? Pas tellement, non. Je me redresse finalement pour le rejoindre au coin cuisine, m'arrête derrière lui et pose une main sur son bras en me mettant sur la pointe des pieds, pour observer ce qu'il fait par-dessus son épaule.

"Eh ben dis-donc, ça m'a l'air bien compliqué comme processus ! Ecoute, je te fais confiance hein ; mais j'me réserve le droit de t'embêter jusqu'à la fin des temps si je ne l'aime pas, ton thé !"

Parce que je suis sûre que lui, il ne va carrément pas se gêner pour continuer à se moquer de moi avec ça, alors hein.

L’étonnement se lit d’abord sur son visage. Même s’il est content de savoir qu’elle se sent mieux, il n’imaginait pas qu’elle avait à ce point tout mis en pause ces derniers mois. C’est à se demander si elle allait réellement bien, aujourd’hui, ou quand ils se croisaient au club… ou ailleurs. Il s’humecte les lèvres, plein de questions, mais se décide à n’en pose qu’un certain nombre :

—Ah oui ? Tu composes quel genre de musique en temps normal ?

Va-t-elle faire un enregistrement, prochainement ? Le voilà curieux à souhait, à se demander quel type d’instruments elle joue, ou si elle chante plutôt. Il a bien quelques souvenirs, mais ceux-ci sont vagues et datent d’il y a trois ans, il n’a plus tous les détails en tête. Peut-être qu’elle se produira en public, à l’occasion ; ce serait… plutôt cool.

Ses yeux se lèvent au ciel avec un sourire ; il en est très fier de ses chaussons, c’est un cadeau qu’on lui a fait. Ils sont super confortables, il faut dire, et c’est mieux que des chaussons tout simples sans rien dessus. Misao n’est pas super fun, mais il lui faut quand même un peu de fun, dans sa vie. Et puis, elle regrettera bien vite d’avoir dit qu’il était mignon et attentionné, d’ici quelques minutes ça va repartir en bagarre verbale.

—Ok ok, très bien, j’accepte. En vrai, fais comme tu le sens, j’ai juste pas envie que tu glisses.

Et quand elle est près des figurines… Misao sent son visage chauffer un peu. Il a l’habitude qu’on le tease au sujet de ses figurines, qui feraient trop enfantin, alors il est toujours un peu gêné quand une nouvelle personne s’en rapproche pour les détailler. Il y a quelques figurines de divers Zelda (entre autre, Breath of the Wild et Twilight Princess), de divers Pokémons (les classiques, pour lui, ceux qu’il apprécie pour le concept derrière ou pour le design du personnage), des LEGO Star Wars, des éditions collectors, quelques artworks, sa Switch édition limitée svp, tout ça. Bref, des choses qui le font sourire et le rendent heureux, il n’a pas trop besoin de se prouver quoique ce soit en les cachant, mais c’est toujours un peu embarrassant quand on met son nez dedans. Ca lui rappelle de bons souvenirs, et il est heureux d’encore s’autoriser un peu ces écarts, même si ça ne fait pas très sérieux.

—Alors on ira à ta- Mais quoi ! Salamèche est surcoté uniquement parce qu’il est ultra offensif et qu’il offre un niveau de difficulté plus élevé dans les premiers temps du jeu. Ceux qui l’érigent en meilleur choix sont souvent hyper condescendants envers les autres, alors que bon, concrètement c’est juste un lézard avec une flamme, hein. Bulbizarre a un type de jeu plus diversifié, et c’est quand même hyper bien de pouvoir paralyser ou empoisonner tes ennemis, et il est immunisé au poison. Et surtout, c’est un dinosaure-fleur, tu peux pas me dire que c’est pas incroyable en terme de design- Si tu préfères un starter feu, ce que je peux comprendre, je préfère davantage Hericendre dans la Gen. deux, son design vraiment intéressant et ses évolutions incroyables…

Il s’interrompt, parce que, vraiment, Misao, ta gueule en fait. Omg. Et il rougit plus fort, vraiment embarrassé cette fois, n’osant même pas jeter un regard à Pandora de peur de voir LE JUGEMENT dans ses yeux. Il est passionné ok, c’est pas de sa faute, le gros nul, là. Et pendant qu’il préparait le thé et changeait habilement de sujet — bof — il n’a pas fait attention à son invitée qui s’est glissée dans son dos, et se hisse sur la pointe des pieds pour observer par dessus son épaule. Il sursaute à l’entente de sa voix si proche, tourne la tête vers elle, la voit tout proche, et ses pouvoirs choisissent ce moment pour buguer et clignoter. Clignoter, parce qu’il passe de visible à transparent plusieurs fois de suite, non sans lui provoquer une expression purement outrée lorsqu’il regarde sa main. Et impossible de reprendre le contrôle. Ah bah d’accord, il a foiré à ce point son dosage, en fait.

… Détourner la conversation c’est bien.

—Jusqu’à la fin des temps, carrément ? Tu comptes me supporter jusque-là ?

La moquerie serait crédible s’il continuait pas à clignoter comme un teubé. Nan, il la regarde plus, c’est bon, flemme du jugement là omg.

J'esquisse un sourire amusé à la question de Misao - vraiment ? Est-ce que j'ai une tête à écrire des chants grégoriens ? J'ai pourtant un style assez raccord avec mes goûts musicaux qui penchent largement vers le rock et le métal ; bien que mon amour pour la musique classique soit tout aussi prononcé, ce qui est peut-être déjà un peu plus étonnant. Mais bon, c'est la base de toute éducation musicale digne de ce nom, hein !

"Ca dépend un peu de mon état d'esprit du moment ; mais plutôt du rock ou des ballades au piano, en général ! Tu- hm, tu voudrais écouter ?"

Je propose d'un ton un peu hésitant ; je n'ai pas trop l'habitude de partager ma musique avec d'autres personnes, c'est très intime, pour moi. Quand je participe aux petits événements de Terrae (comme le marché de Noël), je ne joue généralement que des reprises, et me plie avec plaisir aux requêtes des passants. Mais avec lui... Je ne sais pas trop pourquoi, mais ça ne me dérange pas - si ça l'intéresse d'écouter, quoi.

Je souris ensuite tout en soulevant à mon tour mon pied du sol, pour lui montrer que j'ai enfilé ses magnifiques chaussons.

"Mais si, regarde, j'les ai mis ! C'est vrai que c'est confortable, j'vais peut-être investir dans une paire moi aussi..."

Sûrement pas, en vrai, je le taquine juste un peu. Mais si ça lui fait plaisir hein, ça ne me dérange pas de les porter ! Je m'approche ensuite de la vitrine qui contient toutes ses figurines et autres reliques de geek, observant le tout d'un air intéressé alors que le nippon s'affaire à préparer le thé. Je le charrie gentiment sur son choix de Pokémon, et- wow, ok, la réaction ne se fait pas attendre ! Je le regarde un moment, interdite, avant de finalement laisser échapper un éclat de rire.

"Ouuuh, mais c'est que j'ai touché un point sensible ! J'te taquine juste, en vrai j'ai jamais joué à la première version, j'étais trop petite ! J'trouve juste le chara-design de Dracaufeu plus stylé que celui de Florizarre, c'est tout, surtout en shiny là... Mais ouais, par contre, ma version Crystal je l'ai PONCEE hahaha - Typhlosion, meilleur Pokémon de tous les temps. Bon, p'têtre après Noctali, allez..."

Misao a détourné la tête pour se re-concentrer sur sa bouilloire, mais je peux voir ses joues rouges d'ici ; il est visiblement embarrassé de s'être un peu laissé emporter sur le sujet. Mais je comprends très bien cet élan d'enthousiasme quand on parle d'un sujet qu'on aime - moi c'est pareil avec la musique, je peux très vite m'emballer hein ! Aussi, je souris doucement avant d'ajouter.

"Sois pas gêné, y'a pas de mal à être passionné, quel que soit le sujet. Et puis moi j'les trouve plutôt cools, tous tes trucs de geek, là."

Je me rapproche ensuite de lui pour observer ce qu'il fait ; sa minutieuse préparation de ce thé que... Bon, je ne vais pas dire que je ne vais pas l'aimer avant même de l'avoir goûté, hein - mais vu comment il s'est moqué de MON thé, ça blesserait un peu mon ego d'apprécier le sien ! Il sursaute légèrement quand je reprends la parole, juste derrière lui (oui, les Sonores savent être discrets, héhé), et tourne la tête vers moi. Wah, ok, son visage est super proche là - je rougis un peu et... Il disparaît soudain. J'ouvre plus grands les yeux en reculant d'un pas, surprise, tendant un doigt pour toucher son épaule - juste au moment où il réapparaît. Puis re-disparaît. Plusieurs fois.

"Haha, eh ben... Tout va bien ? Tu buggues un peu là, je crois !"

Il est pas sensé maîtriser ce genre de soubresauts involontaires de son pouvoir, depuis le temps qu'il est Etoile ?! Et oui, j'ignore un peu sa dernière remarque - parce qu'en vrai... Je ne sais pas bien quoi y répondre. J'crois que ça me dérangerait pas, qu'on continue à se taquiner comme ça jusqu'à la fin des temps (mais je ne suis pas prête de le lui avouer, ni de me l'avouer à moi-même d'ailleurs).

Appréciateur, Misao acquiesce lentement… Bon, c’est sûr qu’elle a pas l’air de chanter de l’opéra non plus, mais certains ont un style de fringues spécifique et pourtant un style de musique plus éclectique, alors il préfère demander. Le monde de la musique, c’est quelque chose qu’il ne connaît pas trop, mais il apprécie toujours un petit fond musical que ce soit au sport ou quand il travaille… du moment que ça ne le déconcentre pas. Alors lorsque Pandora lui propose, un sourit, presque timidement, et acquiesce une seconde fois.

—J’aimerais beaucoup, si tu te sens à l’aise de le partager.

Il ne répond pas davantage quand elle avoue finalement la suprématie des chaussons sur les chaussettes, se contentant d’un sourire amusé, ravi d’avoir gagné cette partie de la bataille. (Quelle bataille, on ne sait pas, mais il est Feu, c’est un compétitif hein.) Le voilà aussi rassuré de voir qu’elle s’y connaît un peu en Pokémon (ça lui évitera de se taper encore plus fort la honte) mais son visage chauffe un peu plus alors qu’il s’emporte sur l’un de ses sujets de prédilection. C’est que c’est régressif, tout ça, pour lui.

—C’est vrai qu’en chromatique, il est sympa… Mais le design n’est pas assez évolué je trouve, sourit Misao. Par contre en Gigamax, là, ils lui ont vraiment bien rendu hommage, ils lui ont rajouté des flammes sur le corps… Noctali est très sympa, en tout cas, oui, même si j'ai une petite préférence pour Mentali - j'aime bien les types psy. Très bon choix pour la version Cristal, en tout cas. Je me souviens que le choix de starter était toujours galère pour cette version, mais ouais, Typhlosion était incroyable.

Un peu de nostalgie l’envahit, alors qu’il repense à cette longue quête des fauves légendaires et des Zarbi, le passage définitif à la GBC, et surtout au fait que tout ça remonte à plus de vingt ans. Misère. Il se rappelle qu’à l’époque, comme ses parents ne voulaient pas lui acheter chaque version individuellement — ils n’avaient pas eu tort — il proposait à ses camarades de faire leurs devoirs à leur place en échange d’argent, et c’est de cette manière qu’il a pu acquérir certaines de ses versions chéries, encore soigneusement rangées dans leurs boîtes d’origine. Tout ça, il n’est pas encore prêt à le dire à voix haute, déjà parce qu’elle va encore le traiter de vieux, et va en plus le traiter de gros nerd. Ce qui serait tout à fait exact. Il souffle un rire du nez.

—Bon, ça va alors. Ca veut dire que je peux te bassiner encore un peu avec, c’est ça ?

Ses épaules se sont presque détendues… je dis bien presque : le bug de pouvoirs, c’était pas nécessaire. Il fixe sa main d’un air contrariée, l’observant devenir partiellement invisible puis visible à nouveau plusieurs fois de suite, comme un disjoncteur qui déconne. Il souffle fort du nez et s’appuie contre le plan de travail, essayant (oui) de réfléchir à la manière de formuler la chose pour que ça n’ait pas l’air aussi stupide que ça l’est réellement.

—Visiblement, ouais…

Ok, un coup d’oeil sur l’heure (qu’il mémorise) et il essaie de se concentrer sur sa magie pour désactiver son pouvoir. Ca ne marche visiblement pas comme prévu, parce que du coup il a entièrement disparu.

—Ah bah super.

On se reconcentre… ah. Il est transparent, mais ça arrête de clignoter. C’est que la sensation est désagréable, en plus d’être complètement wtf. Il fixe son téléphone avec une moue lorsque celui-ci se met à sonner la fin de l’infusion ; il coupe alors l’alarme et sert le thé (un peu dans chaque tasse, puis il recommence jusqu’à ce que les tasses soient pleines).

—J’ai euh. Fait des tests au labo, ça n’a pas fonctionné comme prévu, c’est rien de grave.

Ouais voilà, c’est bien comme explication, ça. … Il a très envie de tester son Feu pour savoir s’il est revenu lui aussi, mais vu comme son invisibilité joue à la boule disco, il risque juste de faire foirer son da- petit-déjeuner.

Après avoir expliqué à Misao que j'ai recommencé à composer récemment, je lui propose d'un ton un peu hésitant de lui faire écouter - et il accepte. Et, wah, coup de stress un petit peu là quand même. Je sors mon téléphone de la poche arrière de mon short pour ouvrir le lecteur de musique, tout en expliquant d'une voix mal assurée ;

"D'accord... Bon ben, du coup celle-là, c’est la dernière en date… C’est juste du piano-voix et c’est pas, euh- enfin, j’dois encore travailler dessus quoi. Et, hm… Enfin, t’es la première personne à l’écouter, du coup j’suis ouverte à la critique, hein. Par contre, enlève ta puce, ça s’apprécie bien mieux sans !"

Même si j’avoue que je la laisse de temps en temps pour écouter des musiques étrangères, juste histoire de comprendre de quoi ça parle. Mais ça enlève quelque chose, je trouve. Je suis carrément nerveuse, alors que je lance la chanson (ma vie pour cette chanson omg), avant de poser mon téléphone sur la table. Les premières notes de piano s’élèvent dans la pièce, suivies rapidement par ma voix, un peu hésitante au début, mais qui prend en assurance au fur et à mesure.

C’est une chanson forte en émotions, pour moi ; une sorte de dialogue interne, la Pandora du présent qui s’adresserait à celle du passé. Qui lui demande pardon – d’avoir flanché, d’avoir sombré, de s’être perdue. Mais que parfois, en se perdant, on atterrit quelque part qui n’est pas si mal – lost in Paradise, le terme est peut-être un peu fort, mais licence artistique oblige... Et surtout, cette chanson je l’ai écrite pour me libérer du poids de celle que j’ai été, enfin m’autoriser à être celle que je suis devenue en acceptant de me détacher d’une part de moi-même. Parce que j’en ai besoin pour pouvoir avancer – et j’apprends à le faire, même si c’est difficile, douloureux parfois.

Je n’ose pas regarder Misao, j’ai peur qu'il... Me juge ? Je ne sais pas trop. Mais c’est une autre part très intime de moi, que je lui ouvre – et je me sens un peu vulnérable là, une fois de plus. Quand la musique s’arrête, je récupère mon téléphone et lui demande d'une petite voix, toujours sans le regarder ;

"Alors mh, tu en penses quoi ?"

Et finalement, cette petite discussion sur les Pokémon est plus que bienvenue pour détendre un peu l'atmosphère - enfin, juste pour me détendre moi, je crois. J'émets un petit rire en haussant légèrement une épaule.

"Oui mais bon, Dracaufeu reste un dragon, donc il est forcément cool ! Surtout pour des gamins, j'imagine... Mais oui, la version Crystal ça reste ma préférée, c'était trop bien de pouvoir aller à Kanto après la ligue, deux jeux pour le prix d'un en fait ! Et perso j'ai toujours eu un faible pour les Pokémon de type Ténèbres et Spectre, ça doit être un petit reste de mon époque emo, ahah !"

Oui, oui, j'ai eu la FAMEUSE frange sur le côté avec quelques mèches teintées en bleu - et un maquillage beaucoup trop prononcé autour des yeux. L'adolescence, cette magnifique période, hum. Je souris ensuite doucement en hochant la tête à sa question.

"Tu peux me bassiner avec ça autant que tu veux, si ça te fait plaisir !"

Et puis ; c'est le bug intersidéral. Pas moi cette fois, mais Misao - je me contente d'observer la scène avec les sourcils haussés. Il se met d'abord à clignoter, avant de disparaître totalement (en ronchonnant), pour finalement redevenir visible. Enfin, ouais, semi-visible plutôt... Je ne savais même pas que les Invisibles pouvaient faire ça, c'est un peu, mh, flippant ? Je suis toujours derrière lui, et même si je peux voir les contours de sa silhouette, j'aperçois quand même les tasses qu'il remplit de thé, au travers de son corps - de façon un peu floue, comme derrière un voile. Ca fait très film d'horreur, comme ambiance ; et bien sûr, je ne peux m'empêcher de poser ma main à plat contre son dos, juste pour voir... Mais non, ça ne passe pas au travers, évidemment.

"Ahah, pardon, réflexe débile ! Ca fait très... Casper, comme ça."

Mais avant que j'aie le temps de vraiment me moquer de son manque de maîtrise, le nippon m'explique qu'il a juste quelques petits effets secondaires à cause de tests qu'il a fait. Rien de grave. Comment ça, des tests ? Je me plante à côté de lui, contre le plan de travail, et croise les bras sur ma poitrine en plissant les yeux - j'essaye de le fixer, mais vraiment c'est hyper bizarre dans son état actuel.

"Comment ça "des tests" ? Quel genre de tests ? Attends, mais... Tu fais des tests sur toi-même en fait ? C'est pas dangereux, ça ?!"

Si, carrément, c'est quoi cette inconscience ? Je sens que ça commence à monter un peu, mais avant de m'énerver, je lui laisse quand même une chance de s'expliquer sur ses fameux tests. Peut-être que je me fais des idées.

Sans insister, il se contente d’acquiescer lentement et enlève sa puce lorsqu’elle le lui demande, docile.

—Respire, je vais pas juger. Je risque pas d’être très bon critique musical, par contre, c’est pas vraiment mon domaine.

Il l’observe un instant, avec sa mine toute stressée et son nez un peu plissé. Ca lui donne envie de sourire plus fort, de la taquiner encore, mais il aimerait éviter de la vexer alors que c’est un moment important pour elle. Alors qu’il s’attendait à ce qu’elle lui fasse juste écouter un enregistrement sur son téléphone, Pandora se met à chanter, et ses yeux s’ouvrent en grand pour toute réponse. Un frisson remonte le long de ses bras, il se laisse doucement aller contre le meuble sur lequel il s’appuie, résistant l’envie de fermer les yeux pour apprécier la musique. À la place, il profite de la vue ; cette vulnérabilité qui émane d’elle, la douleur, aussi, alors que sa voix prend de la force. Il n’a pas l’esprit très poétique, mais l’entendre ainsi le ramène à ces quelques mois en arrière, à ce moment où il pansait ses égratignures, où ils se sont exposés à l’autre, puis se sont réveillés dans les bras l’un de l’autre… Il inspire, un peu à bout de souffle, comme s’il avait oublié de respirer. Quand elle pose sa question, il y a un gros blanc, parce qu’il ne sait pas encore quoi dire. Il n’a simplement pas de mots.

—C’est… très beau. Tu chantes vraiment bien.

Ca semble un peu vide comme compliment, mais son expression parle pour lui ; impressionné, et en même temps inquiet, ému, un peu. Il remet sa puce, conscient de tout ce que ça a dû lui coûter d’écrire cette chanson… et de la lui chanter, là. Il est pris de court.

—Pourquoi Lost in Paradise ? (Il hésite.) Ta chanson, ça me rappelle ce dont on a parlé, la dernière fois. Enfin, quand on avait parlé.

Parlé. Elle saura.

La discussion suivante est plus marrante, sur un terrain qu’il maîtrise mieux, et il peut se concentrer sur autre chose rapidement. Elle aussi, visiblement, puisqu’elle saute à pieds joints dans l’ouverture. C’est pas ça qui le convaincra que Dracaufeu est le meilleur par contre, hein, désolé.

—Parce que tu avais une période émo ? s’amuse-t-il. J’en apprends un peu plus à chaque fois qu’on se voit !

Il s’apprête à répondre, mais c’est là que ses pouvoirs commencent à buguer. Il fait de son mieux pour contenir son agacement, mais ça doit être bien visibl- elle vient de poser sa main dans son dos. Il se tend, sent son visage rougir plus fort et devient définitivement invisible. … Bon au moins il échappe à son regard furibond et insistant.

—… Le thé est prêt.

C’était peut-être pas la chose à dire dans l’état actuel des choses, mais voilà. Il réfléchit. Si elle s’énerve comme ça avec ce qu’il vient de lui dire, vaut peut-être mieux pas qu’il lui raconte toute l’histoire lol. Il attrape les tasses et les pose à table — la vaisselle semble flotter dans les airs, alors qu’il essaie de reprendre le contrôle de sa magie. Il parvient doucement à se faire réapparaître, et souffle de soulagement en tirant une chaise, qu’il désigne à Pandora pour qu’elle s’installe.

—Ca fait trois mois que je fais des tests tu sais, y a des couacs parfois… ça arrive. On met au point un antidote à l'anti-pouvoirs qui a été utilisé pendant l'opération par le Centre, mais j'arrive pas à faire ce que je veux avec le produit. Habituellement, mes pouvoirs sont juste coupés quelques heures quand l'anti-pouvoir est exacerbé par un antidote inefficace, mais là j’ai vraiment merdé le dosage, explique-t-il en grommelant. Je me suis déjà fait remonter les bretelles par suffisamment de monde pour ça, t’en fais pas. Ca va finir par passer, c’est juste quelques jours désagréables.

Sans oser la regarder et tout en parlant, il retourne vers la cuisinière pour attraper les bols et commencer le montage du petit-dej : une belle boule de riz dans un bol, la petite soupe miso et quelques légumes et champignons accompagnés de poulet mariné dans de la sauce soja sucrée. A la base, il avait prévu une omelette, mais il valait mieux des plats qu’il pouvait garder au chaud en attendant que Pandora arrive — et une omelette, ça dessèche trop vite. Il dispose tous les petits bols et ramequins sur un plateau pour le poser devant Pandora, visiblement furieuse. Puis il va attraper son propre plateau et hausse deux sourcils, l'air de lui dire "no panic".

—Regarde, je suis en forme.

Ça me met encore plus la pression quand Misao me dit qu'il ne va pas me juger - mais oui, ça va, je respire. Pas le choix en même temps, quand il est question de chant, la respiration est la clé ! Parce que oui, je ne vais pas lui faire écouter un bête enregistrement alors que je peux lui donner une vraie performance live - et de toute façon, je n'ai pas encore eu le temps d'enregistrer la voix, juste la partie instrumentale... Je n'ose pas le regarder, aussi je ferme les yeux alors que je chante ; ça m'aide aussi à rester dans le moment, me concentrer sur la musique et pas sur ce qui se passe autour.

La chanson terminée, je lui demande timidement ce qu'il en pense, avant qu'un silence un peu long s'installe entre nous. Je finis par relever les yeux vers lui, il a l'air un peu... Je ne sais pas, ébahi. Il répond finalement et je rougis alors qu'il me complimente, avant de marmonner en baissant les yeux ;

"Merci... La voix, c'est un instrument comme un autre, ça se travaille... J'ai commencé jeune, c'est pour ça."

Je ne sais pas trop pourquoi j'essaye de me justifier ; même si c'est vrai que ça demande beaucoup de travail pour acquérir une bonne maîtrise. Quand le nippon reprend la parole, son ton est un peu hésitant - mais je souris en hochant doucement la tête.

"C'est- oui, ça parle de ça. De... Moi, après tout ça, plutôt. J'ai souvent du mal à... Je sais pas, mettre des mots sur ce qui se passe dans ma tête. La musique, ça m'aide à démêler mes émotions et exprimer ce que je ressens, c'est assez thérapeutique, en quelque sorte... C'est pour ça que je ne fais pas écouter ce que j'écris à grand monde, c'est trop... Personnel."

Mais lui, ça ne me dérange pas - après tout, c'est lui qui m'a maintenue en un seul morceau quand j'ai failli voler en éclats, ce soir-là. Il a déjà vu tout ça, maintenant c'est autant qu'il voie le reste. Surtout qu'il voie le reste, en fait - j'ai toujours un peu peur qu'il me trouve pathétique, j'ai envie de lui montrer d'autres choses de moi ; les choses mieux, dont je suis fière. Et ma musique en fait partie, c'est mon seul véritable talent après tout.

"Tu n'écoutes pas trop de musique, d'habitude, que tu dis que ce n'est pas ton domaine ?"

J'essaye de reprendre la conversation comme je peux, hein. Puis on parle de Pokémon, eeet... De ma période émo. Je lève les yeux au ciel avec un petit sourire en coin - est-ce vraiment si surprenant ? Une adolescente dépressive qui aime le rock à la base, c'était un peu téléphoné, j'imagine.

"Malheureusement, oui, quand j'avais 14 ou 15 ans, par là... J'ai récupéré d'anciennes photos récemment, si tu promets de ne pas te foutre de moi, peut-être que je te montrerai, un jour..."

Je lui envoie un clin d'oeil amusé ; avant que tout commence à partir en vrille. Enfin, juste Misao qui part en vrille, ou ses pouvoirs plutôt. Quand je touche son dos pour tester s'il est toujours consistant ou non, voilà qu'il disparaît complètement. Mais il ne se laisse pas décontenancer et annonce platement que le thé est prêt. J'observe les tasses flotter dans l'air et se poser sur la table, avant qu'il ne tire une chaise en réapparaissant progressivement. Quand je m'installe, il est de retour à la normale (enfin !), et entreprend de m'expliquer ses "tests" plus en détail. Je manque de m'étrangler à ce que j'entends.

"Qu-quoi ? TROIS MOIS ? Ca fait trois mois que tu t'injectes des trucs chelous sans savoir les effets que ça pourrait avoir sur toi ? Et c'est sensé me rassurer ??? Mais t'es complètement malade ?!"

Et il fait comme si de rien n'était en plus, continuant de servir la nourriture dans le plus grand des calmes alors que moi je suis en train de FUMER DE LA TÊTE sur ma chaise ! Le nippon m'amène un petit plateau et mes yeux s'agrandissent un peu quand je découvre ce qu'il a préparé. Je lève les yeux vers lui, oscillant entre être en colère ou touchée qu'il ait fait tout ça pour moi.

"Et donc, tu as passé ta matinée à préparer tout ça alors que tu es sensé TE REPOSER ?"

Sa petite remarque, accompagnée de son haussement de sourcils là, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. D'un geste brusque, je me lève de ma chaise et m'avance vers lui pour lui retirer le second plateau qu'il a dans les mains.

"Changement de programme, on va manger sur la table basse."

Je l'attrape par le bras et le tire vers le canapé, où je le force à s'asseoir d'une pression sur ses épaules. Je garde mes mains là et appuie plus fort en me penchant vers lui d'un air un peu menaçant.

"Maintenant, tu t'assieds, et tu te reposes. Et je te jure bien que si tu bouges un seul poil de cul de ce canapé, je t'assomme."

D'un rapide aller-retour, j'amène les plateaux et les tasses de thé de la table de la cuisine à celle du salon, avant de m'asseoir à côté lui avec une mine renfrognée. Je lui jette tout de même un regard en coin et ajoute avec un demi-sourire ;

"T'as le droit de bouger les bras pour manger. Mais c'est tout."

C’est fou comme le silence paraît pesant durant un instant, le temps que Misao rassemble ses esprits. Il acquiesce sans rien dire, ne sachant pas quoi répondre alors que Pandora se justifie. C’est un monde qu’il ne connaît pas vraiment, en effet. C’est intime, de chanter devant quelqu’un — il n’est pas sûr d’avoir vraiment fait ça depuis des années, à part à tue-tête pendant qu’ils préparaient ou célébraient le mariage. C’est pas tout à fait pareil que de chanter comme ça, à nu, devant quelqu’un…

Avant de s’écarter vers la cuisine (le repas peut attendre), il s’approcher pour effleurer sa main et lui sourire. Lui n’est pas très créatif, pour sortir ses émotions, il va plutôt taper dans un sac de frappe… Il est content qu’elle ait quelque chose comme ça pour l’aider, mais il sent que ça n’a pas dû être simple non plus dans le processus créatif. Ni même là, devant lui. (Et puis c’est vrai qu’elle chante bien.)

—Merci de me le partager alors.

Ca le touche d’une manière qu’il n’imaginait pas. Ceux qui se confient à lui sont rares — même si plus nombreux que ceux à qui il s’est confié, finalement. Qu’il se soit produit les deux, l’autre fois — il y a plusieurs mois, maintenant — et qu’ils continuent à se parler, ça tient du miracle. En fait, ce serait presque comme si — comme si ! — Pandora cherchait vraiment à renforcer ce lien qu’ils ont créé. Ca lui paraît encore tout étrange, inhabituel.

—J’espère que tu as réussi à te retrouver un petit peu, depuis. Et… j’en écoute, c’est pas que je suis pas amateur, mais j’ai pas grand intérêt. Mais j’aime découvrir des groupes et en mettre en bruit de fond, répond-il, un peu gêné. C’est juste que je ne joue pas d’instrument, j’ai pas l’oreille très musicale je crois.

Avant de fuir plus loiiiin. Et ricaner.

—Je suis pas sûr de pouvoir te promettre ça, mais je ferai au moins l’effort.

Une fois le thé préparé, Misao s’attèle au dressage du repas… Mais Pandora semble péter un plomb pendant qu’il lui explique pour les doses. Oui ben euh, c’est son travail, pourquoi elle fait cette tête ?? Misao lui renvoie une moue quand elle lui assène qu’il est malade et que c’est dangereux et que blablabla injecter des trucs chelous… Déjà, c’est pas chelou, c’est des produits qu’il a d’abord micro-dosés pour obtenir des résultats minimes, et a perfectionné pendant trois mois grâce à l’aide de ses deux collègues et de ses anciennes compétences de mafieux de la science, là. Evidemment que c’est censé la rassurer : il y a un protocole. C’est d’ailleurs ce qu’il veut lui expliquer, pour qu’elle arrête d’avoir ses yeux qui lui sortent des orbites, là.

—Le protocole est très sécurisé, on a fait de bons progr- eeeeeeh qu’est-ce que tu- J’y ai pas passé la matinée, et je suis pas fatigué-

Et il se fait arracher son plateau des mains et lui lance un regard outragé, avant de se faire entraîner vers le canapé. ???? Mais pourquoi la table basse ?? C’est pas du tout pratique, et ils vont mettre des miettes partout ! (Oui, il sait qu’il n’y a pas de pain, c’est sa mauvaise foi qui parle.) Il s’apprête à objecter une nouvelle fois quand elle l’assied de force sur le canapé et se penche sur lui, mains sur les épaules.

Son air est censé être aussi menaçant que son ton, mais il est surtout hyper mignon lol. Il sent son visage chauffer encore un peu et décide plutôt de lui lancer une moue boudeuse en retour, un peu contrarié de s’être fait arrêter dans ses plans de super da- PETIT DEJEUNER PUTAIN.

(Non mais le canapé c’est bien aussi, Misao, tkt.)

—Je sais que tu me crois pas, mais je vais vraiment bien, hein.

Elle revient avec les plateaux — c’est lui qui devrait faire le service, bon sang — et lui lance ce petit sourire en coin, là… il y répond par mimétisme.

—Oh pardonnez-moi Milady, j’avais oublié que c’est vous qui donnez les ordres ici.

Et pour la saouler, il se lève pour récupérer le plateau qu’elle tient en main, lui glisse un regard en coin provocateur depuis ses quelques centimètres de plus, puis repose le plateau et se réinstalle, content quand elle pose finalement elle aussi ses fesses.

—Je suis contraint de refuser, je ne suis pas malade.

Il sourit en coin, veut la provoquer un peu plus, mais finalement s’appuie contre l’accoudoir pour se tourner à demi vers elle.

—Donc. Tu es inquiète.

Ok, si ça c’était pas une provocation, c’était quoi l’autre phrase que t’avais en tête ???

—T’énerve pas, s’il te plaît… Je te promets que je fais attention. J’ai juste atteint un blocage dans les résultats qu’on attendait… j’ai trop modifié la formule, qui était stabilisée, et j’ai prévenu personne avant de la tester, cette fois. C’était une erreur conne, mais ça va finalement, il n’y a eu presque aucun effet secondaire. Pour les premiers tests, j’étais accompagné d’au moins un médecin et Ryu, pour qu’il puisse bloquer mes pouvoirs en cas de débordement… (Il fait la moue et souffle du nez.) On aimerait être prêts le plus tôt possible, pour pouvoir relancer les missions vers l’extérieur ou si on subit une contre-attaque du Centre. L'antidote n’est pas encore assez fiable… mais je pense que je suis sur une bonne piste. Il faut juste que je pense un peu à autre chose, que je dorme pour de vrai la nuit - ce que je fais depuis mercredi vu que je suis en arrêt forcé - mais je suis pas mourrant ou quoi. Et s’il y avait eu un vrai problème, tu te doutes bien qu’Hideko m’aurait pas laissé sortir de l’hôpital.

Le moment de silence est un peu étrange ; Misao n'a pas l'air de savoir quoi dire, et moi non plus d'ailleurs. Je pense que ça se passe de mots, simplement. Il s'approche et effleure ma main, je serre doucement ses doigts avant de lui sourire moi aussi. Puis je hoche la tête, quand il me demande si j'ai pu me retrouver un peu - certaines parties de moi, oui, d'autres ont sans doute disparu pour toujours, et j'apprends à les laisser derrière moi sans essayer vainement de m'y accrocher.

"Je fais ce qu'il faut pour. J'ai entrepris un... Grand nettoyage de printemps dans ma vie, on va dire ; il était plus que temps. Certains jours sont plus compliqués que d'autres, mais oui, je crois que je suis assez en phase avec moi-même. La plupart du temps."

Je penche un peu la tête sur le côté alors qu'il m'explique être amateur de musique, mais pas spécialement connaisseur.

"Eh ben écoute, si t'as envie d'étoffer ta culture musicale, n'hésite pas ! Je me ferais un plaisir de parfaire ton éducation ! Ou même si t'as envie de t'essayer à jouer d'un instrument, en fait, j'ai une jolie collection."

C'est bien le seul domaine dans lequel je dépense sans compter (avec les tatouages, ok, même si je n'en ai pas fait de nouveau depuis un moment maintenant). J'aime bien toucher à tout, découvrir de nouveaux instruments - même si je reviens toujours à mon trio de base ; piano, violon et guitare. C'est que composer un morceau sur une flûte, c'est un peu plus compliqué quand même.

La discussion prend ensuite un tournant beaucoup moins agréable alors que le nippon me parle de ses fameux tests, et surtout de son superbe raté plus tôt dans la semaine, qui explique le gros bug de ses pouvoirs. Et cette façon qu'il a de minimiser ce qui s'est passé, la petite moue qu'il affiche là, vraiment, ça m'énerve - à tel point que je le force à aller s'asseoir dans le canapé pour qu'il y soit plus confortable, et qu'il se REPOSE. Je vais même jusqu'à le menacer un peu, même si ça a l'air de le faire sourire plus qu'autre chose, avant de récupérer les plateaux-repas et les tasses de thé pour les amener au salon.

"Non, en effet, je ne te crois pas ! Et t'as jamais entendu le dicton ou quoi ; ce que femme veut, Dieu le veut. Alors si t'as pas envie d'un retour de karma dans la tronche, tu devrais m'écouter et faire ce que je te dis !"

Mais bien évidemment, il fait tout le contraire et SE RELEVE OMG pour attraper son plateau, en me lançant un petit regard narquois qui me donne vraiment envie de l'étrangler. Je me laisse tomber dans le fauteuil à côté de lui en boudant, et une fois qu'il se rassied, je me penche vers lui pour lui mettre une petite claque sur l'arrière de la tête. J'avais juré que je l'assommerais, il s'en sort à bon compte, eh !

"T'es peut-être pas malade, mais si tu continues à jouer au plus con, j'vais t'en donner une moi, de raison de rester alité et te reposer !"

Je croise les bras sur ma poitrine avec une moue toujours boudeuse, mais détourne la tête en rougissant un peu quand Misao souligne que je suis inquiète. Pourquoi il dit ça sur un ton provocateur comme ça ?! Evidemment, que je m'inquiète pour lui. Sûrement plus que je ne le devrais, en y réfléchissant bien - on ne se connaît pas tant que ça, au final... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça, c'est tout. Malgré tout, je me détends un peu quand il me demande de ne pas me fâcher, et retrouve son regard alors qu'il me donne un peu plus de détails sur ce sérum qu'ils mettent au point au labo, et la procédure apparemment assez sécurisée qui l'entoure. Je soupire un peu en fronçant les sourcils.

"Ecoute, c'est pas que je ne te crois pas, hein. J'y connais rien à tout ça, mais je me doute bien qu'il doit y avoir un protocole et que vous ne faites pas non plus n'importe quoi... Mais quand même. Il suffit d'une fois. Et t'as eu de la chance que les effets secondaires n'étaient pas si graves que ça, mais ça aurait pu..."

Mes yeux s'agrandissent un peu et je pâlis à la mention de son séjour à L'HÔPITAL - et il veut encore me faire croire que ce n'était rien ?

"Tu- tu étais à l'hôpital ?! Mais... Comment tu peux oser me dire que c'est pas grave, sérieux ? Et oui, t'es peut-être qu'un sale Feu super chiant, mais je m'inquiète quand même, ok ? Alors fais attention à toi quoi, s'il te plaît. Qui est-ce que je vais bien pouvoir ennuyer, si tu n'es plus là ?"

Je suis obligée de rajouter quelques petites piques dans mon discours, mais j'ai quand même la voix qui tremble un peu. Je détesterais qu'il lui arrive quelque chose de vraiment grave... Mais il est là, il va bien - tout va bien. Je me passe une main sur le visage avant de me pincer l'arête du nez en soupirant à nouveau. Allez, passons à autre chose, on ne va pas gâcher ce fameux petit-déjeuner quand même - dont l'odeur me chatouille d'ailleurs les narines depuis plusieurs minutes, là.

"Bon, allez. On va peut-être manger avant que ça ne soit froid, quand même... Et si t'as besoin de penser à autre chose, alors parlons d'autre chose. Quoi de neuf, en dehors de tout ça ? Et ne me dis pas "rien" hein !"

L’échange est silencieux encore une fois, juste des doigts qui s’effleurent et un sourire qui s’échange. Il n’a rien besoin d’ajouter, juste hocher la tête pour lui laisser entendre qu’il a compris, qu’il comprend ; que ça fait encore mal, mais qu’elle avance. Et c’est une certitude qui le rassure, soudain, car il n’est jamais facile de rassembler les morceaux de soi-même après ce genre d’événements. C’est parfois à se demander si c’est véritablement possible, mais Pandora n’a pas laissé tomber, au moins. C’était une de ses craintes, mais petit à petit, la revoir aux entraînements, la voir sourire, être à nouveau plus enthousiaste, tout ça laissait entendre qu’elle faisait ce qu’il fallait. Ca prend le temps, mais ça avance déjà bien vite.

—Tant mieux… (Il la laisse terminer.) Avec plaisir à l’occasion, oui. Enfin, pour découvrir des choses, hein ; pas sûr que j’ai envie de détruire tes tympans de Sonore en testant tes instruments.

Combien d’instruments elle peut bien avoir ?! Il ne les avait pas vraiment remarqués quand il était allé chez elle la dernière fois — il était occupé à autre chose faut dire — c’est pas à sortir du contexte — et se demande s’ils étaient dans un coin du salon, comme son coin geek à lui.

Il semblerait néanmoins que ces réflexions et discussions plus sentimentales et légères soient coupées nettes par le dysfonctionnement des pouvoirs de Misao… et la réaction de colère de Pandora. Le chercheur hausse un sourcil à sa tentative d’intimidation, qui fait un peu flop pour lui.

—Désolé, je ne crois en aucun dieu, sourit-il en coin, admirant la bouille fâchée de la Sonore… avant de choper son poignet après qu’elle lui ait mis un taquet derrière la tête. Eh !!! Mais d’où t’es Air et pas Tonnerre, toi…

Petit regard noir, il ne la lâche pas tout de suite et soutient son regard en guise de nouvelle provocation. Puis il soupire, la lâche, et finalement lui explique, cette fois ses propres bras croisés sur son torse. C’est frustrant quand on essaie de le materner, ça lui donne l’impression d’être infantilisé. Il prend pourtant le temps d’expliquer. Evidemment, les effets secondaires auraient pu être pires, heureusement il ne s’est pas trompé de beaucoup dans ses calculs. Mais ressasser ainsi son erreur — son échec ? — commence à le rendre un peu grognon. Il veut protester encore quand Pandora s’exclame à propos de l’hôpital, mais finit par s’emmurer dans le silence. Ouais… elle est inquiète. … Il pince les lèvres pour retenir un sourire, qu’il finit par laisser sortir, finalement.

—Je te manquerais trop, c’est ça ? Ils ont juste checké mes constantes et vérifié que les effets n’empireraient pas, justement. Le désavantage, c’est que nos seuls médecins travaillent à l’hôpital, alors ça fait tout de suite vachement plus grave que c’est quand on en parle… C’était du préventif, objectivement j’avais juste quelques nausées et des vertiges, j’ai passé une bonne nuit de sommeil et je suis rentré. Tout va bien maintenant.

En parlant il tend sa main lentement vers Pandora, pour qu’elle l’attrape si elle veut. Il devrait pas être si content de l’évolution de la discussion, mais le voilà, c’est bien un sale Feu super chiant, finalement. Bien sûr, il se sent un peu mal de l’avoir inquiétée comme ça, mais c’est pas… enfin voilà, lui, il sait que ça va, alors il se dit que ça lui passera sûrement vite. Il aurait aimé pouvoir lui expliquer pourquoi il a décidé de faire ces injections, pourquoi il ne laisse personne tester le produit… pourquoi ça compte tellement pour lui, tout ce qui se passe. Mais évidemment, il ne dira rien.

—Tu as raison, ça va refroidir, et j’ai passé TOUTE la matinée à cuisiner, t’aimerais pas gâcher tous les efforts et le temps que j’y ai mis, pas vrai ? Bon, si c’est trop froid, je peux te le réchauffer, par contre, dis-le moi. Bon appétit.

Toute la matinée, c’est évidemment faux, mais ça il lui a déjà dit. Il a l’habitude de cuisiner le matin, ça ne lui prend pas longtemps habituellement. Son sourire narquois en dit long.

—Par contre euh… (Quoi de neuf, quoi de neuf…) Pas grand-chose, vraiment. J’ai mis beaucoup d’énergie et de temps dans le boulot, je pense que c’est pour ça que j’ai fini par faire des erreurs. Je veux dire, à force de ne penser qu’à une chose, je peux vite finir obnubilé et avoir du mal à décrocher… Et après ça devient une question d’égo, donc c’est difficile de pas aller au bout. J’ai un peu mis de côté le reste.

Il attrape sa tasse de thé pour en prendre une gorgée, satisfait de la chaleur qui se diffuse dans son corps. Il la repose finalement et entreprend de commencer à manger un peu de riz avec ses baguettes, chipant un bout de viande de temps en temps. Que peut-il bien lui raconter…

—… Ma vie n’est pas ultra palpitante, tu sais, finit-il par avouer (même si on était déjà au courant) dans un demi rire. Enfin, c’est toujours un peu la même chose, et les dernières nouveautés — ça fait quelques mois, je sais — c’est que je viens m’entraîner au club d’Elwynn, le déménagement de Katsuyo. Rien que tu ne saches pas déjà. Et tu as peut-être pas envie de m’entendre parler du dernier Zelda sorti. Oh ! Hum…. (Il essaie très fort là ptdr) J’ai découvert y a pas longtemps une nouvelle fonctionnalité du pouvoir d’Invisible, je vais essayer de l’exploiter à fond. Mais je suis un peu une quille avec ma magie. Hum, voilà. Et toi, quoi de neuf ?… Tu disais que tu avais recommencé à composer, tu as d'autres choses en route ?

Il a utilisé le mot magie, attention.
(Il a pas l'habitude de parler de ce qu'il fait hors boulot, ça se voit ?)