C’est vrai que la puce n’aide pas à faire plus d’efforts pour apprendre les langues, hein. Après, Misao aime bien le fait de pouvoir échanger facilement avec n’importe qui ; la technologie utilisée pour la puce le fascine toujours un petit peu, alors ça ne le gêne pas. Elle est un peu inconfortable au début, mais on s’y fait, avec le temps. Par contre, en effet, il n’a vraiment pas beaucoup pratiqué son anglais à l’oral, depuis qu’il est arrivé. Ou alors lors de rares interactions en ligne ou avec d’autres chercheurs dans le monde, mais c’est vraiment pas fréquent. L’argumentaire de Pandora, en revanche, est… enfin, il est pas faux, quoi. Si Terrae vient à fermer, ça risque d’être compliqué pour beaucoup de monde… … Misao se perd un instant dans sa tête à imaginer quelle serait sa vie, là dehors. L’an dernier encore, il se demandait s’il ne pouvait pas… ou s’il ne devrait pas, un jour, partir. Pas fait pour être Master, pas fait pour rester dans un établissement scolaire avec des mômes… Cette différence d’âge qu’on lui renvoie toujours un peu. Mais aujourd’hui, s’il retournait dans le monde réel… dehors… Que ferait-il ? Est-ce qu’il aurait même envie de laisser tomber tout ça ? Un endroit où il est si facile de se rencontrer, simplement ? Misao lève les yeux vers Pandora, et finalement, lui sourit.

—Même si Terrae ferme, je ne pense pas que tout s’arrête subitement. Tu ne seras pas toute seule.

C’est vrai, elle aura au moins son meilleur ami, Allen ; et sûrement quelques autres personnes. Après tout, elle en connait, du monde, même si elle lui a déjà avoué ne pas être proche de grand-monde. Est-ce qu’elle s’y autorise simplement, ou est-ce qu’elle préfère ne pas le voir ? Et puis… rien ne l’oblige à rester à Tokyo le cas échéant. Mais ça, il ne va pas le dire à voix haute.

Passons le petit moment de gêne entre eux, celui où ils essaient tous deux de changer de sujet — fort habilement pour une fois.

—Oh bah on sera deux alors ! Et t’en fais pas, j’ai bien un peu de temps libre… je pourrais éviter de passer toute ma vie sur mes jeux, du coup. C’est une bonne occasion.

Misao rit un peu, gêné, et l’est encore davantage quand il doit lui montrer ses GRANDS TALENTS en anglais. Heureusement qu’il est trop concentré sur les sensations désagréable de son propre coeur face au stress, sinon il aurait en plus remarqué la réaction de Pandora en face. Qui le corrige gentiment, ce qui lui tire un sourire de plus. Finalement, elle pourra aussi être une bonne prof, de son côté. Surtout qu’elle… ne le trouve pas ridicule. Comment ça, “pas aux miennes” ? (Non, le problème n’est pas sa phrase, mais la manière dont elle l’a prononcée. Et le clin d’oeil qui vient pas longtemps après.)

—Alors je t’apprendrai l’alphabet aussi, comme ça tu comprendras mieux les sons. Et tu pourras te repérer dans Tokyo. Il faudra que tu testes en situation réelle, un de ces jours !

Et comme elle propose d’aller chercher ses cours, Misao semble surpris un instant. Est-ce qu’il l’a mise mal à l’aise, ou alors elle est juste trop pressée de faire ses cours de japonais maintenant ??? Mais après un instant de réflexion, il acquiesce :

—On pouvait regarder ça plus tard, mais si tu as envie je peux y jeter un oeil maintenant, oui. Je t’attends ici, ou tu préférais que je t’accompagne ?

Il sait pas ok.

Quand je mentionne la potentielle fermeture de Terrae, Misao semble se perdre un instant dans ses pensées ; c'est vrai que ça doit être un sujet sensible, pour lui. Enfin, peut-être pas pour lui personnellement, mais pour sa soeur en tout cas, ce serait certainement un gros coup dur. Et pour beaucoup d'autres personnes également - moi y compris. Après tout, si j'ai gardé mon appartement londonien pendant si longtemps, c'est parce que dans un coin de ma tête, ça me rassurait de savoir que j'avais toujours un point de chute, au cas où. Le vendre, c'était accepter définitivement que ma vie est ici à présent. Et si tout devait s'arrêter... Bref, je n'ai pas envie d'y penser plus que ça, pour le moment. Je réponds au sourire du nippon en hochant doucement la tête.

"Oui, j'imagine bien qu'on ne se retrouverait pas non plus livrés à nous-même du jour au lendemain. Mais j'espère que ça n'arrivera pas, en tout cas..."

S'en suit un petit moment de gêne - par ma faute, pour ne pas changer - mais il faut croire qu'on commence l'un comme l'autre à s'habituer à ce que ça se produise, puisqu'on parvient à poursuivre la discussion malgré tout, presque sans interruption. J'étire un sourire en coin quand il mentionne qu'il a du temps libre ; ou plutôt, qu'il est prêt à prendre sur son temps de jeu pour m'aider.

"J'vais me sentir coupable de rogner ton temps de divertissement, maintenant ! Enfin, quoi que... J'imagine que ce sera une forme de divertissement aussi, pour toi, de me voir pédaler dans la semoule, ahah !"

Non mais on ne va pas faire genre, Misao a l'air de beaucoup aimer me taquiner, je sens que je vais en prendre pour mon grade. Mais étrangement, l'idée de me ridiculiser (et sans doute ronchonner, aussi) devant lui m'amuse plus qu'elle ne me dérange. Chacun son tour, hein, après tout j'ai l'impression qu'on ne fait que se renvoyer continuellement la balle depuis qu'on se connaît. Et c'est d'ailleurs à lui de sortir de sa zone de confort en premier, alors qu'on commence à échanger en anglais - même si son accent est tout sauf ridicule, contrairement à ce qu'il a l'air de penser...

"Ah, oui, on a vu l'alphabet en début de cours, mais la prof est passée dessus un peu vite, ça ne me ferait pas de mal d'approfondir un peu le sujet... Je t'avoue que mon niveau de succès à déchiffrer les stations de métro est assez bas, ahah. Je ne m'aventure pas trop en dehors de mon trajet jusqu'à la fac, y'a un peu trop de chances que je me paume complètement... Mais avec un guide, pourquoi pas !"

Et à ces mots, je lui envoie un grand sourire innocent. En vrai, découvrir Tokyo avec un véritable tokyoïte doit être une chouette expérience, je n'ai pas tellement eu l'occasion de visiter la ville... Et voilà encore un autre plan sur la comète ; on va finir par avoir un planning complet sur les 6 prochains mois, à force de se proposer l'un l'autre des activités à faire ensemble. Mais cette idée est loin de me déplaire, en fait... Et tout ça, en plus de l'imaginer dans son rôle de professeur sévère, commence à me donner un petit coup de chaud. La première excuse qui me vient pour m'échapper quelques instants et prendre l'air est d'aller chercher mes cours dans ma chambre.

"Ah non mais, je ne parlais pas de s'y mettre tout de suite, hein ! Je pensais plutôt te laisser mon cours pour que tu puisses regarder tout ça à ton aise... Vu que tu es un professeur sérieux et organisé, tu vois..."

Je lui envoie un clin d'oeil amusé, avant de secouer la tête quand il propose de m'accompagner.

"Oh non t'inquiète, reste ici, ça ne prendra que deux minutes !"

Et je me dirige vers la fenêtre pour l'ouvrir et sortir par là - alors oui, ça ira beaucoup plus vite comme ça, et surtout ça m'évite de devoir remettre puis ré-enlever mes chaussures ! Puis j'ai dit que j'avais besoin de prendre un peu l'air, hein... Je suis de retour quelques minutes plus tard, un classeur et un cahier en main - et surtout, les idées un peu rafraîchies. Je lui tends ce que j'ai ramené avec un petit sourire.

"Eeet voilà ! Je n'en aurai pas besoin avant jeudi, donc t'as le temps de regarder - tu pourras me le rendre au cours d'Elwynn, ou je peux passer le récupérer un autre jour, comme tu veux. D'ailleurs, en parlant de ça, tu serais dispo à quels moments ?"

Entre le boulot, le fight club, mes autres activités de club et les siennes... Enfin, ça ne laisse pas des masses de soirées libres, quoi ! Et je ne vais pas non plus lui demander de me faire cours le dimanche, c'est sensé être un jour de repos (même si ça pourrait être sympa de manger ensemble avant ou après- bon, bref).

C’est certain ; l’idée de la fermeture de Terrae, qui arrivera peut-être un jour, doit être dans bien des esprits, et ce depuis des années. L’Ancienne Terrae elle-même n’avait pas duré si longtemps, de ce qu’il avait pu comprendre. Quelques années tout au plus, avant que l’Eclipse ne vienne y mettre fin. C’était sans doute ce qu’ils avaient tous craint, en 2019, quand leur magie a commencé à dérailler, se mélanger. Pour autant, ce n’est pas une question qu’il s’était posée frontalement. Ou alors, elle ne le dérangeait pas autant, à l’époque. Peut-être a-t-il fini par s’attacher à cet endroit, lui aussi, après dix années passées à errer, à peiner à trouver une place qui lui convienne. Il se souvient qu’il n’était pas aussi fermé, avant ; il se souvient que ce sont ses expériences à Terrae qui l’ont rendu comme ça, pas comme on s’endurcit, mais plutôt comme on se rigidifie. Il riait un peu plus, avant, mais ça revient, tranquillement. Depuis l’Eclipse, en fait. Avant, peut-être qu’il n’était que l’ombre de lui-même, ou qu’il préférait simplement s’effacer.

Le résultat est le même, cependant ; il accepte cet état de fait, il accepte que la magie s’en aille un jour. Ce qui l’inquiète, lui, ce sont les conséquences politiques, les conséquences sociales, mais aussi tout le reste. Il sait qu’Hideko tiendra Terrae opérationnelle aussi longtemps que possible, mais le monde extérieur ne tardera pas à s’en rendre compte. Et à ce moment-là, soit ils seront en danger en restant, soit il leur faudra partir, peut-être en catimini. S’il était encore à la place de celui qu’il était, il y a des années, s’il s’était plongé plus profondément dans cette voie, il n’aurait certainement pas arrêté ces recherches autour des Terraens. Et sans pouvoir, les Terraens sont fragiles, vulnérables. Ils seront déjà perdus… sans repère, certainement. Et chacun repartir d’où il vient, supposément ; et alors, devra-t-il dire adieu à ses proches ?

Misao souffle du nez, et acquiesce.

—Pour l’instant, ça n’est pas encore arrivé. Ca aurait pu se produire lors de la dernière grosse Eclipse… mais les pouvoirs ont tenu. J’imagine qu’ils tiendront encore un moment, rassure-toi.

Même si tout peut basculer. Parfois, il se dit que c’est peut-être la volonté d’Hideko qui a permis de tout tenir, que la magie ne s’en aille pas. Parce qu’ils en avaient encore un peu besoin, étrangement.

Concernant ses futurs cours de japonais, eh bien… il ne peut pas s’empêcher de retrouver un peu le sourire.

—T’as tout compris, j’aime bien voir les gens galérer ! Je suis sûr que tu te mets en colère quand tu galères à réussir un exercice, la taquine-t-il, prenant un ton faussement provocateur. J’ai hâte de voir ça.

En réalité, il s’impatiente surtout quand il s’agit de son domaine de prédilection — Katsuyo s’en souvient. Il se laisse emporter, et quand tout n’est pas parfait, ça le rend tatillon et chiant. Surtout parce qu’il y a de l’enjeu, ce n’est pas juste des données à compiler, chiantes et sans intérêt. Là, il fallait créer quelque chose d’utile, de nécessaire, même. En y songeant, il se rend compte que Pandora va certainement devoir s’injecter son antidote… C’est pour ça qu’il faut qu’il soit fonctionnel, pour pouvoir protéger un peu ses proches. Ahh… Peut-être que ça tourne plus qu’il ne le pensait dans sa tête. Enfin, là n’est pas le sujet ; il a un rire quand Pandora évoque le métro tokyoïte… La bonne mauvaise idée !

—Tu peux pas faire les premières sorties toute seule, c’est sûr que tu vas te perdre ! C’est quoi ce sourire, par contre ? rit-il encore. Il va falloir organiser une sortie scolaire pour pouvoir te faire tester tes nouvelles compétences linguistiques, c’est ça ?

Misao… imaginait qu’elle pouvait sortir avec son ami Allen, en fait. Ca va commencer à devenir bizarre s’ils lancent plein d’idées en l’air, comme ça. Mais si ça peut leur donner des idées, ou des occasions pour se voir… Peut-être qu’il peut fermer sa gueule et profiter pour une fois, hein ?

—Donc en plus je dois relire avant et te préparer des cours ! Tu me donnes trop de travail, en fait… Et en plus je t’offre mes services gratuitement ! C’est complètement de l’arnaque.

Son ton est léger, taquin encore une fois ; il n’est évidemment pas sérieux, comme en atteste son expression : un sourcil haussé, sourire en coin, alors qu’il s’appuie contre le plan de travail pour la fixer, un peu de haut, en profitant de sa taille légèrement inférieure à la sienne. Pas de beaucoup, mais en chaussons, elle ne risque pas de le dépasser. Enfin, voilà qu’elle commence à se diriger non pas vers la porte, mais vers… la fenêtre, oui oui. Si pour ceux qui côtoient des Airs régulièrement, ça n’est pas une chose si extraordinaire, Misao n’en côtoie pas beaucoup, à part Mathéo, qui passe quand même vachement plus souvent par la porte, comme tout être humain normalement constitué.

Il reste là, debout comme un con, à fixer la fenêtre pendant quelques instants ; avant de retrouver ses esprits, se passer une main sur son visage brûlant, et finalement terminer de ranger la cuisine — il nettoie notamment le lavabo, avant d’étendre les torchons humides et mettre au linge ceux qui sont le plus sales. (Je vous raconte pas le budget lessive.)

Quand il revient, la Sonore repasse par la fenêtre avec un sourire. Il hausse un sourcil goguenard en s’approchant pour récupérer le classeur et le cahier…

—Je dois m’attendre à ce que tu toques à ma fenêtre maintenant, c’est ça ?

Oui, il n’a pas répondu à sa question. Il en profite pour attraper ses lunettes, les mettre sur son nez et parcourir quelques lignes. (C’est mignon mais y a plein de fautes mdr, va falloir rebosser ça.)

—J’essaierai de te le rendre à ce moment-là, sinon je te dirai. Hm…

…

—Je t’avais donné mon numéro au fait ?

Du coup non, puisqu’on avait dit que c’était un cassos au début du topic. Eh.

—Ce sera beaucoup plus simple pour s’organiser.

Pour s’organiser, ouais.

Je sais que Misao essaye de se montrer rassurant avec sa réponse, mais il ne l'est pas du tout, en fait. Ce n'est pas encore arrivé, ça aurait pu mais les pouvoirs devraient tenir encore un moment ; ses tournures de phrase impliquent un peu trop que c'est inévitable et que la chute de Terrae finira par se produire, un jour ou l'autre. Je sens ma gorge se serrer un peu à cette pensée et me contente de hocher la tête sans rien ajouter. Je crois que je ne suis pas prête mentalement à entendre son opinion et ses théories de scientifique à propos de notre avenir potentiel. Quelque chose me dit que je n'aimerais pas trop ses réponses, alors autant éviter de poser des questions à ce propos...

Le sujet des cours de japonais est bien plus léger ; je retrouve mon sourire alors que le nippon me taquine une fois de plus.

"En colère, en colère... C'est un bien grand mot ! Mais il se peut que ça me frustre un touuut petit peu de ne rien comprendre, et qu'après, je boude."

Et dans ces moments-là, je deviens carrément de mauvaise foi. Mais ça n'arrive pas si souvent, tout de même, j'ai une bonne réserve de patience avant de devenir ronchon. Ma remarque sur le métro tokyoïte fait rire Misao, et mon sourire s'allonge encore un peu alors qu'il mentionne des sorties scolaires - je ne l'aurais pas formulé de cette façon, mais j'imagine que c'est un peu l'idée que j'avais derrière la tête, au final.

"Bah, évidemment, il faut bien que tu mesures les progrès de ton élève sur le terrain ! Et puis y'a tout l'aspect culturel, aussi, ce serait quand même dommage de rater une occasion de pouvoir étaler ton savoir !"

Imaginer le nippon en guide touristique me tire un petit rire amusé, ainsi que sa réaction quand on aborde le sujet de la préparation de nos futurs cours. Je vois bien qu'il plaisante, évidemment, mais dans le fond... C'est vrai que ça fait un petit peu profiteuse, si lui ne tire aucune contrepartie de nos échanges - à part passer du temps en ma très agréable compagnie, bien entendu.

"Eh, c'est pas toi qui disais que tu étais le genre de prof à préparer ses cours, y'a même pas deux minutes ?! Mais tu as raison, c'est pas très juste comme arrangement si je suis la seule à y gagner quelque chose... J'ai pas grand-chose à offrir en échange, malheureusement, à part des cours de musique, mais j'suis pas sûre que ça t'intéresse beaucoup. Tu auras droit à une récompense en nature à chaque cours que tu me donnes, ça te va ?"

Je lui adresse un grand sourire, avant de me figer un peu.

"..."

...

"Je parle de t'offrir à manger, ou de te rendre un service, hein, pas... Euh, enfin... T'as compris quoi, ahah."

Le "haha" de l'enfer. Il faut vraiment que je travaille mes tournures de phrase, moi... Ce petit moment de malaise est donc l'opportunité parfaite pour m'échapper quelques instants et aller récupérer mes cours dans ma chambre - en passant par la fenêtre. Je crois que ce petit interlude nous fait du bien à tous les deux, Misao est plus détendu quand je reviens, et recommence d'ailleurs directement à me taquiner.

"Non, je te rassure, je continuerai d'utiliser la porte ! Enfin, sauf si tu préfères que je passe par la fenêtre, hein, mais j'me permettrais pas sinon..."

Je vous assure que les résidents ne ferment pas souvent leurs rideaux, même quand ils se changent ou qu'ils pratiquent certaines... activités, disons, et j'ai déjà entraperçu un certain nombre de corps dénudés que je n'avais aucune intention de voir ! Cela étant dit... Je laisse mon regard parcourir un instant le corps du nippon, alors qu'il se penche sur mon cours - juste par curiosité, ok - et... Oui, non, j'ai à peine eu le temps de me rafraîchir un peu les idées, c'est pas le moment de recommencer à imaginer des trucs ! Je relève les yeux vers son visage, et mon coeur rate un battement quand je me rends compte qu'il a enfilé ses lunettes. Haha. Ptn ben voilà j'ai chaud de nouveau.

"Hein, euh, quoi ? ... Ah, ton numéro. Non, non tu ne me l'as pas donné..."

Il m'a carrément sortie de mes pensées là, je suis sûre que je suis toute rouge encore une fois, c'est dingue ça quand même, c'est quoi mon problème ? Je sors mon téléphone de la poche arrière de mon short, le déverrouille et ouvre l'application des contacts, avant de le lui tendre avec un sourire que je veux détendu.

"Tiens, tu peux l'enregistrer ! Du coup, je dois t'appeler comment maintenant, Honda-sensei, c'est ça ? Hahaha !"

Mais il faut que j'arrête de parler omg.

Ah, donc elle ne se met pas en colère, elle se frustre, excusez-le. La différence est subtile, bien évidemment. Il la regarde, l’air goguenard, en l’imaginant bouder comme une ado… Ca doit être rigolo à observer, il a presque hâte de voir ce que ça peut donner ; enfin, il risque juste pas de trop apprécier si elle réagit à chaque fois comme tout à l’heure, avec un taquet derrière la tête.

—Ah oui, donc tu boudes ? Ce serait presque mignon si j’avais pas autant peur de me prendre une torgnole comme tout à l’heure, sourit-il en coin.

Concernant leur projet de sortie, euh…. scolaire…? étudiante ? culturelle ? c’est encore un projet sur la comète qu’ils sont en train de monter, mais c’est pas grave. Il rit et secoue la tête ; elle sait comment l’attraper, en lui disant, basiquement, qu’il a le droit d’être autant un nerd qu’il veut. (Pas qu’il s’en serait empêché, mais c’est bien de savoir que c’est accepté et qu’il saoule pas les gens, t’as capté.)

—Bon… Alors si tu m’autorises à te saouler avec toutes les anecdotes qui me traversent, j’accepte. Enfin, il faudra pas non plus t’attendre à un miracle, Tokyo c’est pas la ville culturellement la plus intéressante du Japon, ça reste une mégapole…

Si elle souhaite visiter des endroits chouettes, il faut plutôt s’éloigner de la mégapole et plutôt se rapprocher du Mt Fuji, de Kyoto ou de villes du genre. Pas forcément des petites villes, hein, mais des endroits plus traditionnels.

Et puis là, Pandora dit une dinguerie. Il reste coi quelques instants, sans rien dire, les yeux simplement grands ouverts, à mi-chemin entre le silence gêné, l’éclat de rire et l’incompréhension (genre : est-ce qu’il a bien entendu ???). Mais non, elle a bien dit ça à voix haute. Quand elle se reprend, hyper gênée, il a un éclat de rire :

—Oui, euh, je m’attendais pas à autre chose à vrai dire hein… ! C’est bien, manger. J’avais deviné. T’inquiète.

Nan mais c’est bien qu’elle ait précisé quand même, au cas où, parce qu’il aurait commencé à se faire des films ptdr. Heureusement qu’il a quelques minutes pour souffler, le temps qu’elle revienne. Ca lui donne quelques instants pour se rebrancher le cerveau et se masser l’arête du nez en s’auto-insultant intérieurement (rien de grave, il se dit juste qu’il faut qu’il se reconcentre, là). Ca part trop loin dans sa tête, ça va plus… mais elle n’aide pas beaucoup, aussi ! Quand elle revient, il lâche simplement, pour détendre un peu l’atmosphère bizarre :

—Seulement si tu frappes à la vitre !

C’est pas comme s’il avait peur qu’elle tombe sur son appart en bazar… Ou qu’elle tombe sur lui à poils, vu qu’il sort rarement sans pantalon ou caleçon de sa salle de bain. Ou sinon, il tire sur les rideaux quoi. Mais la porte c’est bien, hein ! Juste, ça peut être marrant, et- pourquoi il se met en difficulté, en fait ?

Pour couper court au sujet, il attrape ses lunettes pour scruter les travaux de Pandora… constate les fautes… lui donne son numéro… et quand il relève la tête, gêné, il remarque la panique dans les yeux de Pandora. Puis elle fait genre de rien. Mais qu’est-ce qu’il a encore fait ?! C’était pas le moment ? C’était bizarre ?? Woaahhh.

—Honda-sensei, écoute, pourquoi pas ! … Non je plaisante, hein, vraiment, c’est trop formel. Mais c’est bien comme ça qu’on dit, oui. Misao c’est très bien.

Pendant qu’il parle, il pianote son nom et prénom (dans cet ordre) en toutes lettres sur l’entrée de contact que Pandora lui a ouverte.

—Quand on aura travaillé les alphabets, je te montrerai comment s’écrit mon nom. Et comment tu peux écrire le tien.

Non, il arrive toujours pas à la regarder, mais il lui retend son téléphone d’un air embarrassé. Il a réussi à lui donner son numéro, ok, c’est déjà la méga fiesta (et la panique).

"Eh ! J'suis pas une personne violente, ok, tout à l'heure tu l'avais mérité, c'est tout ! Mais si ça peut te rassurer, j'vais pas bouder sur toi spécifiquement hein, juste... Enfin, bouder toute seule dans mon coin, quoi."

J'esquisse un sourire en coin à cette explication - bon, après, il est aussi possible que je lui râle dessus s'il commence à trop se foutre de ma gueule... Mais si c'est juste parce que je suis nulle et que je ne comprends rien, c'est pas vraiment de sa faute. Dans ces cas-là, je suis plutôt frustrée sur moi-même, en fait ; c'est jamais agréable de se sentir débile.

Je lâche ensuite un petit rire à la réponse de Misao ; j'étais sûre que cet argument le convaincrait, il a l'air de bien aimer faire étalage de ses connaissances (ou alors il aime juste bien s'écouter parler, je ne sais pas trop... Mais moi aussi, j'aime bien, donc ça ne me dérange pas). Je hausse une épaule quand il souligne que la ville de Tokyo n'est pas le meilleur endroit du pays, culturellement parlant.

"Tu dis ça parce que tu as vécu ici toute ta vie, mais pour moi, tout est très nouveau et dépaysant tu sais, même les trucs qui peuvent te sembler banals !"

Et puis, bon. Si jamais il veut me faire visiter des endroits plus exotiques et sympas, on pourrait toujours demander à Mitsuki de nous déposer rapidement - ça ne lui prend littéralement que 30 secondes, ce genre d'aller-retour. La dernière fois, on a passé une soirée en ALASKA svp, juste pour le fun de faire du traineau avec Balto !

Vient ensuite le sujet de ma contribution, en échange de ses cours de japonais - et je me couvre de honte une fois de plus (mais est-ce que ça étonne encore quelqu'un, hein ? Je les enchaîne, aujourd'hui, c'est dramatique). Il me regarde avec de grands yeux, et cet air de "est-ce que tu as bien dit ce que je pense que tu as dit ?", avant de rire franchement quand j'essaye de me dépêtrer lamentablement. Je pince les lèvres en bougonnant, les joues toujours un peu rouges.

"Oui, bon, hein. Je précise, au cas où quoi, t'es FEU quand même, faudrait pas l'oublier..."

Même si, de ce que j'ai vu de lui pour l'instant, il ne m'a pas l'air d'être ce genre de Feu (Tiago aurait déjà tenté le coup au moins dix fois ptdr). Mais, bref - je m'éclipse quelques minutes pour récupérer mes cours, et une fois de retour, ris doucement à la réponse de Misao. Je n'ai pas encore la capacité de passer au travers des vitres, hein, évidemment que je dois frapper... Mais ma foi, si ça ne le dérange pas que je passe par la fenêtre, je verrai de quelle humeur je suis la prochaine fois que je viens le voir !

Je lui tends ensuite mon téléphone, tout en lâchant une autre énormité (pour changer, mais je blâme ses lunettes hein, c'est pas de ma faute), mais le nippon n'a pas l'air de trop relever - tant mieux pour ma dignité. C'est pas que je me suis déjà suffisamment couverte de ridicule aujourd'hui, mais, euh- si, quoi. Il enregistre son numéro dans mes contacts, avant de me rendre mon téléphone, et je lâche un petit rire en regardant l'écran.

"T'as peur que je te confonde avec tous les autres Misao que je connais, c'est ça ?"

Je ne comprendrai jamais pourquoi ils mettent tellement d'importance sur le nom de famille, ici. Mais j'avoue que ça me fait rire quand les autres étudiants à la fac m'appellent "Lee-chan", c'est un peu mignon quand même. J'esquisse ensuite une légère grimace à la réflexion du brun ; "les" alphabets, c'est vrai ça, ils en ont TROIS, cette dinguerie - il faut que j'évite de trop y penser, sinon je vais abandonner avant même d'avoir commencé, c'est trop difficile cette langue omg.

"Tiens, d'ailleurs, est-ce que ça veut dire quelque chose de particulier en japonais, Misao ?"

Une fois mon téléphone rangé, je commence à m'entortiller un peu les doigts, sans trop savoir quoi dire - je crois qu'il est temps de partir là, non ? En vrai, je crois que j'ai bien envie de rester un peu plus longtemps avec lui, mais je ne voudrais pas m'imposer non plus (et puis j'ai déjà lâché suffisamment de conneries pour une journée, hein). Je retrouve donc son regard avec un petit sourire hésitant.

"Bon, c'est pas tout ça, mais je, euh... Je ne vais pas te déranger plus longtemps, hein, j'imagine que tu as des trucs de prévu ? Et il faut que je travaille un peu sur mes cours moi, les profs nous ont filé plein de trucs à faire pendant les congés..."

Limite, je travaille plus que pendant les périodes de cours, est-ce qu'on peut vraiment appeler ça des vacances ?

“Je ne suis pas une personne violente” ouais ouais, à d’autres. Misao hausse un sourcil goguenard, comme pour la provoquer davantage, mais n’ajoute rien. “Il l’avait méritée”, c’est ça… C’est toujours comme ça que ça commence ! En tout cas, la suite risque d’être intéressante ; à croire qu’ils ne manquent jamais de répartie l’un envers l’autre. Pour le moment, Pandora semble ne pas détester, au contraire, son sourire est très présent, et il fait quand même attention à ce qu’il dit pour risquer d’aller trop loin non plus. C’est qu’il y a des gens qui se vexent pour de vrai, mais habituellement, Misao ne s’entend pas trop avec, ou alors leurs relations restent exclusivement professionnelles, donc plus codifiées.

C’est pas faux ce qu’elle dit, sur Tokyo. Même si Misao aime la haute technologie, il a aussi du mal avec l’agitation frénétique de la mégapole. Enfin, si elle souhaite qu’il l’y emmène, il le fera ; après tout, le mode de vie tokyoïte fait aussi partie de leur culture, aujourd’hui.

—Bon, bon. Je réfléchirai à ce qui est intéressant à te montrer à part les gros buildings et les centres commerciaux, mais il va falloir pratiquer avant, hein !

Il lui lance un sourire dans la foulée, réfléchissant déjà à des coins sympa à visiter… Ouais, nan, pas encore d’idée pour l’instant. Il est d’un coup trop pris par les DINGUERIES que lâche Pandora, et se sent obligé de s’en moquer un peu. SINON IL SERAIT GÊNE oui bon, hein, eh.

—C’est quoi ces clichés sur les Feux, tout le temps !

Ils sont pas tout à fait faux, non plus, mais insister sur le sujet serait glisser à nouveau sur une pente gênante, alors il vaut mieux pour tout le monde que la discussion s’arrête là, le temps qu’elle revienne, qu’il panique et lui propose finalement son numéro. AHAH. Cette fois, il lui jette un regard en biais, sourcil haussé, et sourit en coin.

—Leçon numéro 1 : les noms japonais avant les prénoms. Mais oui, imagine si tu te retrouves soudain à demander des cours à un autre Misao, je serai dévasté.

Il sourit plus fort à sa grimace. La pauvre, les alphabets ça va être le pire à apprendre pour elle. La grammaire n’est pas si terrible, mais c’est vraiment l’écriture qui est dure. Et encore, il va pas commencer par les kanjis…

Un peu de chaleur monte jusqu’à son visage quand elle lui pose sa question au sujet du prénom. Il est gêné.

—Ah, euh. Oui, il y a souvent plusieurs significations aux prénoms, en général c’est en fonction du signe qu’on utilise. Le kanji de mon prénom tourne autour de la notion de loyauté ou honneur. Ca dépend du contexte utilisé. Souvent les prénoms sont des vertus, pour que l’enfant puisse en hériter. Et Honda, ça parle de champ de riz, donc j’imagine que nos ancêtres étaient des paysans.

Bon, Misao, ça parle aussi de chasteté mais il va pas dire ça à voix haute lol, il a un peu d’HONNEUR. Il en a déjà assez chié dans son enfance parce que son prénom est mixte, il va pas tendre le bâton de la chasteté pour se faire battre, hein. Il essaie de trouver un autre sujet de conversation, mais Pandora, d’abord hésitante, finit par lui annoncer son départ imminent. Oh. Difficile pour lui de cacher sa déception, mais en même temps, il lui a bien assez tenu la jambe aussi, et elle dit qu’elle a du boulot...

—Oh, non, j’ai rien de prévu, je suis… En congés aussi aha. Mais je comprends que tu aies du travail. Je vais en profiter pour regarder un peu tes cours et te préparer un petit quelque chose, et comme ça je te dis quand tu peux venir récupérer ton cahier ?

Il a dit ça un peu vite, enfin, aussi vite que son élocution en anglais le lui permet. Ca sonne encore plus bizarre dans sa tête que s’il parlait en japonais, du coup. Là, au moins, il n’a pas l’impression d’être complètement abruti quand il le parle. Il la laisse s’approcher de l’entrée en se tenant à une distance respectable, sans trop savoir où se tenir.

—Ca m’a fait plaisir que tu viennes pour le repas, vraiment.

C’est bon il est gêné, il sait plus quoi dire non plus lol.

Je hoche la tête avec un grand sourire à la réflexion de Misao ; une sortie à Tokyo tous les deux, voilà une motivation supplémentaire pour m'investir dans mes fameux cours de japonais ! Je vais essayer de me forcer à discuter un peu plus avec mes camarades de classe aussi, à part les étudiants d'échange, je reste quand même plutôt en retrait d'habitude - mais il est temps que ça change.

"Faut pas s'attendre à des miracles non plus, mais promis, je serai une élève diligente !"

Même si, soyons francs, ça risque de prendre du temps avant que j'arrive à me débrouiller... Mais au moins, la volonté est là, c'est un bon début. Je me renfrogne ensuite un peu quand il se moque, mais ai au moins la présence d'esprit de ne pas surenchérir - oui, ça va, je sais bien que j'abuse avec mes clichés sur les Feux, mais euh... C'est ma dernière défense quand il me pousse dans mes retranchements, hein !

Après un aller-retour rapide pour lui ramener mes cours, Misao me donne son numéro de téléphone ; puis, un peu plus gêné, m'explique la signification de son prénom. Je souris doucement, avant de rire quand il mentionne descendre probablement de paysans - ça, je saurai m'en souvenir !

"Eh bien, j'imagine que tu peux remercier tes parents, alors ! Grâce à leur super choix de prénom, tu es devenu un homme honorable, ahah ! Non, en vrai, je trouve que ça te va bien... C'est chouette comme signification."

Et, après une brève hésitation, j'ajoute qu'il est temps pour moi de rentrer et travailler un peu sur mes cours. Je ne peux m'empêcher de regretter en voyant sa moue déçue ; peut-être que lui aussi, il avait envie que je reste un peu plus longtemps, finalement ? Non mais, je peux travailler n'importe quand, en vrai... Mais ce serait bizarre de faire marche-arrière, maintenant, c'est malin. Je récupère donc mes chaussures dans son petit casier, que je garde en main en me retournant vers lui.

"Ca marche ! Tu n'auras qu'à m'envoyer un message quand je peux passer ! ... Et ça m'a fait très plaisir aussi, merci encore."

Je ne sais pas quoi dire de plus ; pire, je ne sais pas quoi faire. Comment est-ce qu'on dit au revoir à quelqu'un, déjà ? Un petit signe de la main ? Une accolade ? Un bisou ? Je fais quoi avec Allen d'habitude ? Rien du tout, ou alors un fist-bump de débilos, mais j'peux pas faire ça avec Misao, ahah. Je reste donc un peu plantée là, hésitante, avant de finalement lui faire un mini bisou sur la joue et de M'ENFUIR sur un dernier "A plus !!" (oui, vraiment, j'me casse comme une voleuse avec mes chaussures dans la main, que je remets aux pieds seulement une fois que je suis dans le couloir). Et je souris toute seule comme une débile alors que je remonte vers ma chambre. Une fois dans les escaliers, je me rends finalement compte que je ne lui ai jamais donné mon numéro, moi. Je sors donc mon téléphone de ma poche pour lui envoyer un message.

"Tiens, comme ça tu as mon numéro aussi !
Merci encore pour le petit-déj, c'était super bon.
La prochaine fois, j'te fais un full english breakfast ;-)
On se revoit vite.
xxx -P."

Ptn quel message nul - mais je souris encore plus maintenant.