J'esquisse un sourire amusé à la remarque de Misao, aurait-il peur de n'avoir aucun talent de musicien ? Je suis tout de même curieuse de le voir avec une guitare entre les mains, je lui re-proposerai la prochaine fois qu'il vient chez moi, on verra bien.

"Oh, ne t'en fais pas pour mes tympans ; j'entraîne Aylan je te rappelle, j'en ai vu d'autres ! Enfin, entendu plutôt..."

Non, je suis mauvaise langue, il gère beaucoup mieux sa magie que moi au début. Autant la manipulation de l'Air m'était venue assez naturellement, autant les pouvoirs de Sonore... Il m'avait fallu un bon bout de temps avant d'avoir le déclic. Maintenant, par contre, je m'en sers tellement dans ma vie de tous les jours que je ne pourrais plus m'en passer, je crois !

Je lève les yeux au ciel en bougonnant un peu face à l'échec (encore une fois) de mes menaces. En revanche, le taquet sur l'arrière du crâne fait mouche, il ne l'a pas vu venir ! Je soutiens son regard noir alors qu'il m'attrape le poignet - quoi, il croit qu'il va m'intimider là ?

"D'où je serais Tonnerre ? J'sautille pas partout comme une pile, ça va ! Je t'avais prévenu que je t'assommerais si tu te levais du canapé, je tiens juste mes promesses, c'est tout ! Et j'aurais dû m'en douter, la religion et la science, ça ne va pas trop ensemble... Il va falloir que je travaille sur mes techniques de chantage, alors. J'suis sûre qu'un truc crade, genre, menacer de te baver dessus, ça aurait déjà plus d'impact..."

... Ok, l'exemple est un peu bizarre, j'aurais pu en choisir un autre. Mais je suis trop occupée à ronchonner pour vraiment m'en inquiéter - et voilà que le nippon imite ma position renfrognée, bras croisés sur la poitrine, alors qu'il continue ses explications. Je lui avoue que je m'inquiète pour lui, mine de rien, et il rétorque une nouvelle fois d'un ton plein de sarcasme. Je le regarde pendant un moment, sans rien dire - c'est la seconde fois en quelques minutes à peine, qu'il tourne ses questions comme une provocation. Comme s'il avait envie de connaître la réponse, mais qu'il n'osait pas le demander simplement. Abrutit de Feu. Je souris doucement.

"Oui, tu me manquerais."

Beaucoup, même. Je me suis habituée à le croiser un peu partout, à ses taquineries, ses blagues moisies, ses sourires en coin. Je me sens... Bien, quand il est là. Je ne sais pas, il a cette espèce d'aura réconfortante, cette présence rassurante mais discrète. J'avance ma main sur le canapé, pour venir à la rencontre de la sienne, et entrelace mes doigts aux siens avec un petit sourire.

"Bon, ça va alors... Je suis désolée de m'être un peu, mh, emportée. Je crois que j'ai un peu trop l'habitude des gens qui font des conneries en me disant qu'ils gèrent, alors qu'en fait ils ne gèrent absolument rien. C'est devenu instinctif de m'inquiéter d'abord et poser des questions ensuite... Mais t'es un adulte, toi, et si tu me promets que tu fais attention, je te crois. Je comprends que ce soit... Important, pour toi, de faire tout ça. De le faire bien."

On en a parlé la dernière fois ; c'est sa façon à lui de contribuer, de se rendre utile face à la situation actuelle. Et sans doute, aussi, même s'il ne le dit pas vraiment ; une façon de se racheter, encore. Je serre ses doigts un peu plus fort, avant de finalement les lâcher et me tourner vers la table, vers la nourriture. Je lui jette quand même un regard noir alors qu'il se moque encore de moi.

"Oh, ça va hein, j'ai aucune idée de combien de temps ça peut bien prendre de cuisiner ce genre de trucs ! J'suis pas- enfin... Je me débrouille vaguement, mais faire à manger c'est pas du tout un de mes talents."

Je n'ai jamais fait l'effort, parce que cuisiner pour une seule personne, c'est clairement pas très motivant... Et puis la nourriture de la cafète est très bonne, donc voilà. J'attaque finalement ce fameux petit déjeuner (il est sympa, il m'a mis de vrais couverts, parce que les baguettes, hein, c'est toujours pas trop ça), alors que Misao me parle des dernières nouvelles. Pas grand chose, en soi, ce qui me tire un petit sourire en coin.

"Est-ce que je dois en conclure qu'à part bosser et geeker, tu ne fais rien de ta vie ? ... Ah si, pardon, RANGER aussi, ton activité favorite !"

Je ricane un peu avant de prendre une nouvelle bouchée, puis d'ajouter ;

"... Et cuisiner, visiblement. C'est vachement bon ! T'es vraiment un homme à marier en fait, tu ranges, tu nettoies, tu cuisines... Une vraie petite fée du logis !"

Je le taquine, mais... Ouais, ça m'échappe un peu qu'il soit célibataire, en fait. Parce qu'en plus de tout ça, il est aussi... Comment dire. Pas désagréable à regarder, quoi (carrément pas du tout même, ahahah, hum). Je me concentre sur la nourriture en rougissant un peu, alors qu'il continue en me parlant de sa magie. Je relève la tête vers lui en haussant un sourcil, un peu surprise.

"Ah bon, tu ne t'entraînes pas trop avec tes pouvoirs ? Et c'est quoi, cette nouvelle fonctionnalité, du coup ?"

Il me retourne ensuite la question, me demande si je travaille sur d'autres chansons ; je secoue légèrement la tête.

"Non, j'essaye de ne pas trop m'éparpiller, j'veux finir celle-là d'abord. J'hésite encore si je la laisse comme ça ou si je rajoute d'autres instruments derrière ; puis j'dois enregistrer les différentes pistes et les mixer ensemble... Ca prend du temps, tout ça."

J'évite de rentrer trop dans les détails techniques, mais je pourrais peut-être lui montrer, à l'occasion, si ça l'intéresse quoi. Forcément, moi je trouve ça passionnant !

"Et sinon... J'ai pris mes toutes premières vacances depuis que je suis à Terrae ! Enfin... Vacances, j'suis juste retournée chez m- (je m'arrête, c'est ici, chez moi, maintenant). Je suis retournée à Londres. J'me suis enfin décidée à revendre mon ancien appartement, depuis le temps qu'il était à l'abandon... Allen est venu avec moi, on en a profité pour faire un peu de tourisme ! T'y es déjà allé ?"

On notera que je n'ai toujours pas touché au thé. Lâche que je suis.

Le Feu lâche un rire quand Pandora évoque le petit Air, qu’il ne connait pas vraiment mais qu’il reconnait comme étant le blondinet présent lors du déménagement de Katsuyo. Il n’a pas trop conversé avec lui, il était occupé avec les cartons, entre autre. Enfin, maintenant, il est encore occupé avec un autre genre de problème ; il hausse un sourcil et la toise, n’arrivant pas à savoir s’il a envie de lui faire regretter son geste ou de rire, mais-

—Tu sautes pas partout, mais en attendant sacrée impulsivit- Comment ça me baver dessus ?? T’as pas mieux comme menace ? grommelle-t-il.

Evidemment qu’il détesterait qu’elle lui bave dessus. Il n’acceptait déjà pas que sa soeur lui bave dessus quand ils étaient petits, c’est pas maintenant qu’il aura appris l’humour. C’est sans doute pour ça qu’il réplique par une énième pique… la réponse très sérieuse de Pandora l’arrête net dans son chouinage interne et il détourne le regard, tout gêné. Heureusement, il parvient à contrôler le flux de son pouvoir d’invisible qui essaie encore une fois de le faire disparaître… ça lui évitera d’avoir à se justifier devant Pandora, encore, et de rajouter de l’huile sur le feu.

—T’inquiète pas, c’est, euh… C’est pas grave. Désolé de t’avoir inquiété.

Quel soumis ptn. Il glisse un regard vers la Sonore et étire finalement un sourire plus calme, alors qu’elle exprime qu’elle… comprend. Ca lui suffit, alors.

—Merci. Et j’comprends aussi, du coup. Que tu réagisses, je veux dire. Mais tu verras, grâce à tout ça, on pourra protéger plus de monde en mission. Ce que je fais, c’est pour que plus personne revienne dans le même état qu’en décembre. Et si t’as encore des questions, ou que t’as envie de voir comment on travaille, quand j’aurai repris, enfin… T’es la bienvenue. Et sinon, on peut ne plus en parler.

Enfin, il n’est pas certain que ça la rassure vraiment, mais parfois les gens ont simplement besoin d’être là, avec… S’assurer que rien ne peut déconner, ou qu’on a fait ce qu’on a pu. Evidemment qu’il ne laissera pas tomber ses recherches, pas comme ça du moins. Mais il comprendrait aussi qu’elle veuille plus jamais qu’il évoque ça, au fond ça le rassurerait pas non plus. C’est pas pour rien qu’il est aussi agressif quand on lui demande de laisser les autres faire les tests aussi… c’est comme ça, c’est tout.

Puis la discussion change, il la taquine et elle tombe dedans ; finalement, il peut rire, plus léger.

—C‘est pas si difficile en vrai. J’ai fait de plus grandes quantités comme on est deux, mais je fais à peu près pareil quand je suis seul… Enfin, je me donne pas autant de mal non plus — pas que je me sois vraiment donné du mal, mais, bref, euh — ça n’a pas été long.

Il s’enfonce, là, non ?

—Tu n’as pas de plats typiques que tu aimes bien faire ?

Ouais change de sujet, c’est ça. Il continue sur sa vie de gros nerd et fait la moue quand Pandora lui confirme ce qu’on sait tous déjà : qu’il n’a pas de vie.

—Roh, ça va.

Il boude ? Ah non, ça va, elle goûte son repas…. et aime, alors Misao lâche un sourire……….. avant de piquer un fard. Pas d’invisibilité cette fois non plus, mais Pandora pourra avoir le loisir d’observer son visage virer au cramoisi, il paraîtrait que c’est plutôt tendance dans cette pièce ces derniers temps. Il sait même pas quoi répondre à part un “aha merci” de l’enfer un peu dans sa barbe, sans oser la regarder, vu qu’elle est dans le même état que lui.

—Ah, c’est pas grand-chose, mais quand on se rend invisible, on arrive à cacher un peu notre énergie, comme si elle devenait invisible elle aussi, imperceptible… Mitsuki nous a créé une machine qui nous permet de quantifier l’énergie magique qu’on utilise. Si je me rends invisible en portant les capteurs, le niveau est beaucoup plus bas que la moyenne… Il doit être possible de faire baisser ce niveau pour camoufler entièrement notre énergie. Ca pourrait être très aidant en mission si on arrivait à dupliquer le phénomène, mais ça impliquerait probablement une bonne maîtrise de la magie et pas mal de cristaux Invisible. Habituellement, je m’entraîne un peu avec Huo, mais c’est pour nous défouler surtout. Parfois seul, histoire d’augmenter mon endurance, mais je ne vois pas trop l’intérêt de balancer des flammes partout jusqu’à ce que mort s’en suive, ajoute-t-il, un peu moqueur envers certains habitués de la salle d’entraînement.

Il écoute ensuite tranquillement Pandora répondre à sa propre question, continuant à prendre son temps pour manger ; il acquiesce néanmoins pour lui montrer qu’elle ne l’a pas (encore) perdu.

—J’imagine ! Ca peut rendre sympa avec quelques autres instruments derrière. Ca dépendra le rendu que tu souhaites, finalement.

Puis il secoue la tête, un peu curieux.

—Non, j’y ai jamais mis les pieds. C’est comment, là-bas ? Il se dit plein de choses sur l’Angleterre, mais au fond, à part les clichés, je connais pas tant que ça. Et, hm… ça t’a fait du bien une pause, j’imagine ?

J'esquisse un sourire en coin amusé à la réaction de Misao - vu comment il râle déjà juste à la simple mention de bave, je pense au contraire que c'est une excellente menace. Je garde l'idée sous le coude pour plus tard, évidemment !

Je m'excuse ensuite de m'être un peu emportée ; et lui de m'avoir inquiétée. Je souris en serrant doucement ses doigts entre les miens, alors que le Feu m'explique un peu plus les motivations derrière ce projet. Qui sont de très bons arguments, on ne va pas se mentir... Je finis par secouer la tête quand il propose de ne plus en parler.

"Non, je sais que c'est important pour toi, je ne veux pas que tu penses que tu ne peux pas m'en parler, si tu en as envie... C'est juste, je ne sais pas, un peu effrayant, tout ça. Surtout quand on n'y connaît rien du tout... Mais oui, du coup, j'aimerais beaucoup voir où tu travailles, à l'occasion. Je n'ai jamais mis les pieds au labo, je crois !"

Pas que j'avais spécialement de raison de le faire non plus, vu que je suis arrivée à Terrae bien après avoir terminé ma scolarité, et que je n'ai jamais eu d'affinité particulière pour les sciences, de toute façon. Mais peut-être que je devrais m'y intéresser un peu plus, ne serait-ce que pour comprendre de quoi il me parle, hein...

La discussion retrouve plus de légèreté alors qu'on commence à manger. Je hausse un sourcil en étirant un sourire un peu narquois alors que Misao essaye de m'expliquer qu'il n'a pas fait tant d'effort que ça sur la nourriture, mais si, un peu quand même en fait. Je ne sais pas pourquoi je trouve ça aussi mignon de le voir essayer de se justifier et perdre un peu ses moyens - ça change de l'image très sérieuse et toujours dans le contrôle que je m'étais faite de lui. Et j'aime beaucoup découvrir cette version de lui un peu plus... Timorée, disons. Je laisse échapper un petit rire quand il change de sujet, décidant de ne pas surenchérir pour lui laisser un peu de répit.

"Je mange à la cafétéria la plupart du temps en fait, mais sinon, euh... C'est pâtes ou pizza, hein, ahah ! Je sais quand même faire des trucs simples, mais disons que j'ai jamais pris le temps d'apprendre à cuisiner vraiment..."

Mais peut-être que je devrais - parce que si ma remarque sur le fait que le Feu soit un homme à marier nous fait beaucoup rougir tous les deux, elle me fait aussi un peu réfléchir. Je n'ai carrément pas beaucoup d'atouts à ce niveau-là, au contraire, je me rapproche bien plus du cliché de la vieille au chat (et ça me fait un peu flipper là tout de suite, ahah).

Misao poursuit en m'expliquant ses dernières découvertes au sujet du pouvoir d'Invisibilité - effectivement, j'imagine bien l'utilité que ça pourrait avoir en mission. Surtout des missions d'infiltration, en fait !

"Mmh je vois, ça a l'air intéressant comme aspect, en effet ! Il n'y a plus qu'à t'entraîner pour réussir à maîtriser tout ça, maintenant !" (Je lâche un rire à sa remarque) "Il n'y a bien que les Feux pour faire ça ! Je ne m'épuise jamais trop en entraînement, mais j'aime bien tester un peu toutes les applications possibles de mes pouvoirs. J'ai acquis une bonne maîtrise au fil du temps - et récemment, j'ai commencé des séances un peu plus intensives avec... Eh bien, ton beau-frère en fait !"

J'esquisse un petit sourire amusé à la mention de Ryu. Les séances se passent plutôt bien, même s'il me pousse pas mal dans mes retranchements - mais c'est ce que je voulais. Et je sens que je progresse, surtout, c'est le plus important ! Je hoche ensuite la tête en riant un peu ; il ne m'est pas d'une grande aide pour décider quoi faire de mon morceau, hein !

"Me connaissant, je vais sûrement finir par faire les deux, de toute façon. Tu vois, c'est pour ça que j'évite de travailler sur plusieurs morceaux en même temps - j'arrive déjà très bien à m'éparpiller sur un seul à la fois ! Je ne finirais jamais rien, sinon..."

Et il n'y a rien de plus frustrant que de laisser des projets inachevés ! Je hausse finalement une épaule quand le brun me demande comment c'est, Londres, et l'Angleterre.

"C'est une grande ville, très touristique et avec beaucoup de diversité culturelle... En fait, plus de la moitié des habitants sont issus de l'immigration, du coup, ce n'est pas forcément très représentatif du reste du pays ! Mais j'aime bien, c'est dans cette ambiance que j'ai grandi au final, ça m'a fait plaisir de retrouver certains endroits..."

De me remémorer des souvenirs d'enfance, de les partager avec Allen... Même si certains étaient beaucoup moins agréables que d'autres. Je me gratte l'arrière de la tête d'un air un peu gêné quand Misao me demande si cette pause m'a fait du bien - ce n'est pas exactement le terme que j'emploierais, mais bon...

"Les premiers jours étaient très chouettes, la fin du séjour, un peu moins... J'ai un peu tout laissé en plan en venant à Terrae, du coup retourner dans mon appartement, c'était... Difficile. J'y ai habité pendant dix ans, il y a beaucoup de souvenirs là-bas. Pas très bons, pour la plupart... Mais je crois que j'en avais besoin. Je peux clore ce chapitre une bonne fois pour toutes, maintenant !"

Enfin, presque... Mais il y a certaines choses auxquelles je ne suis pas encore prête à me confronter. Je souris doucement avant de reposer mon plateau (fini) sur la table basse, et finalement saisir la tasse de thé. Qui a eu le temps de refroidir - plus d'excuse pour ne pas le goûter ! ........ Il est bon. Il est même très bon, mais plutôt mourir que de le lui avouer ptdr.

Ses épaules se détendent un peu ; le Feu se passe une main embarrassée sur la nuque et acquiesce lentement. C’est sûr que c’est un sujet qui est important pour lui, et il n’est pas tout à fait prêt à le laisser de côté… mais il aime encore moins être en conflit avec ses proches. Pas qu’il puisse se considérer proche de Pandora actuellement, il faut dire qu’ils ne se connaissent pas depuis suffisamment longtemps, et ne se côtoient que… une ou deux fois par semaine aux entraînements, et euh parfois quand ils se croisent, et dès qu’il y a un événement social auquel il se sent obligé de se rendre-… Enfin, oui, ça fait beaucoup déjà, mais c’est pas suffisant pour créer une habitude, quoi.

Bref, ça lui fait plaisir de savoir qu’il peut être un peu lui-même. Même si c’est encore étrange, parce qu’il se rend compte que là, si elle le trouve trop nul parce qu’il est un gros nerd, ça le ferait quand même bien chier. (C’est un Feu, il dira pas que ça lui ferait de la peine qu’elle l’aime pas, mais je traduis un peu.)

—Merci, dit-il simplement, dans un premier temps, avant d’ajouter, un sourire gêné aux lèvres : Je te montrerai tout ça, mais faudra supporter mon blabla. Promis, ce n’est pas aussi effrayant que ça en a l’air.

Il n’insistera pas davantage à ce sujet. Il comprend tout à fait la terreur que ça peut provoquer chez ses proches, même s’il a tendance à la balayer. Lui-même refuserait que sa soeur, ou même l’un de ses amis, s’inocule l’un de ses produits tant qu’il n’est pas cent pour cent au point. Il aurait même des scrupules à le faire sur une souris, alors… Eh. Un jour, il faudra bien laisser d’autres gens le tester ; il n’est pas encore prêt mentalement pour ça, il semblerait. C’est sans doute pour ça qu’il a besoin de repos…

La discussion dévie sur la nourriture — il a très envie de se dire à lui-même de la fermer — mais elle ne note pas trop ses hésitations alors c’est booon. Il lui lance quand même un regard moqueur alors que la Sonore lui confie qu’elle ne sait pas du tout cuisiner.

—C’est ça le problème de vivre au-dessus de la cafétéria, je crois, on a plus du tout envie de cuisiner nous-mêmes ! Alors que c’est très satisfaisant de faire ses repas soi-même. La preuve, sourit Misao en indiquant le bol de Pandora de ses baguettes. Toujours commencer par des choses simples… Que tu aimes bien, par exemple ?

Et puis, elle sait déjà faire du porridge, c’est pas trop mal, non ? C’est pas le niveau -50 de la cuisine non plus.

Quand il commence à parler de son invisibilité, il a un peu peur de la perdre, mais elle s’accroche — elle est plus courageuse que moi, j’ai même pas la foi de relire ce paragraphe — et le taquine gentiment. Il grimace puis rit un peu.

—Eh, c’est pas vrai, c’est les Tonnerres qui ont des soucis de maîtrise de soi. (Avant de grimacer encore quand elle dit “beau-frère”.) Ah ouais… Il gère, tu devrais pas tarder à bien t’améliorer alors. Vous bossez sur des trucs spécifiques ? Qu’est-ce qui te pousse à faire des séances plus intensives, d’ailleurs ?

C’est pas qu’il trouve inutile de se questionner sur toutes les applications possibles d’un type de magie, après tout il est chercheur, mais “intensivement”, c’est toujours un truc qu’il a du mal à conceptualiser. Même pour l’effacement de son énergie, ce n’est pas qu’il n’est pas motivé, mais s’il peut découvrir une utilisation, s’en servir et basta, ça lui convient. L’important, c’est de savoir qu’il peut le faire et comment c’est utilisable, pas de le faire lui. … Visiblement, les pouvoirs c’est toujours pas trop son truc, même quand il y a une carotte au bout, hein.

Il secoue la tête en souriant en coin.

—Ah bah je vois ça, effectivement. J’comprends mieux l’aspect Air, du coup.

Même lui aime bien travailler sur plusieurs choses à la fois, mais c’est pour pouvoir combler les moments de creux entre deux analyses. … Encore une fois, je crois que c’est pour ça qu’il se repose jamais ptdr.

Il l’écoute attentivement parler de la capitale anglaise, tout en prenant son temps pour manger, acquiesçant de temps à autres. Pandora n’a pas l’air super à l’aise quand elle parle de tout ça, alors il se dit qu’il ne va peut-être pas insister de trop. Le départ à Terrae, c’est toujours… un peu brusque. Il se souvient être venu avec très peu d’affaires, et avoir rapatrié le reste beaucoup plus tardivement, après avoir abandonné son appartement quelques semaines. Sa baguette tapote un peu sur le bord de son bol alors que quelques images lui reviennent, qu’il chasse rapidement.

—J’imagine, ouais… Tant mieux si c’est fini, au moins. J’espère que ça passera, avec du temps. C’est bien que tu y sois pas allée toute seule.

Il ne sait pas trop ce qu’elle a pu vivre pour arriver à Terrae et ne compte pas vraiment demander — il se rend simplement compte qu’elle, elle sait ce qu’il s’est passé, de son côté. Et en plus elle s’entraîne avec Ryu… Y a plus qu’à espérer que Ryu foute pas tout en l’air et n’explique pas l’animosité qu’ils ont eu l’un envers l’autre ; lui plus spécifiquement que le prof de Pandora, d’ailleurs. Quelle galère encore que cette histoire.

Bientôt, ils terminent tous les deux leur repas… Misao a pu terminer son thé entre temps, mais Pandora le goûte seulement. Il hausse un sourcil amusé.

—Alooors ?

J'esquisse un sourire amusé en penchant légèrement la tête sur le côté, quand Misao exprime qu'il me fera visiter son labo avec plaisir, à condition que je supporte son blabla.

"Tu dis ça comme si c'était une corvée, mais tu sais, moi j'aime bien t'écouter blablater !"

Même si, en matière de sciences, je risque de ne pas tout comprendre... Mais plus que l'écouter blablater, j'aime surtout bien le regarder, en fait. Je crois qu'il ne s'en rend pas trop compte, mais quand il parle d'un sujet qui lui tient à coeur, son expression change un petit peu. Son visage s'anime, il fait plus de gestes et parle plus vite, aussi - c'est mignon. Du coup, j'ai bien envie de le voir dans son environnement...

Le nippon ne rate évidemment pas l'occasion de se moquer de moi quand je lui avoue que je ne sais pas cuisiner - je tourne la tête vers lui en plissant un peu les yeux et le nez dans une moue mécontente.

"Oh, ça va, arrête de te moquer ! Je vais essayer d'apprendre... Et bien évidemment, tu te portes volontaire pour goûter mes horreurs, n'est-ce pas ?"

J'arrête de bouder et lui adresse un grand sourire innocent - hin hin, je vais vraiment finir par l'empoisonner en fait. La conversation se poursuit ensuite sur le sujet de la magie, Misao m'explique son idée à propos de l'Invisibilité - ce qui me pousse à me poser plus de questions sur cette affinité, que je ne connais pas très bien au final.

"Tiens, au fait, comment ça marche ce pouvoir, tu peux le projeter ? Je veux dire, tu pourrais genre... Créer une espèce de bulle, autour de nous par exemple, et que moi je te vois encore, mais que les gens en dehors ne nous voient pas ?"

Comme je le fais avec mon pouvoir de Sonore - je peux le diriger sur une seule personne directement, ou l'étendre et créer des sortes de "zones" insonorisées. Je remarque sa grimace à la mention de Ryu, mais décide d'ignorer la question qui me monte aux lèvres - je préfère me concentrer sur celle que lui me pose, plutôt. Pourquoi j'ai décidé de m'entraîner de façon plus intensive ; c'est assez simple, en fait. La maîtrise de ma magie, je l'ai déjà - c'est la puissance, qu'il me manque...

"C'est un bon prof, oui - il n'est pas tendre, mais efficace. Et j'aimerais devenir plus forte, plus endurante. Eventuellement apprendre quelques techniques avancées, aussi... J'ai, euh- j'ai décidé de repartir en mission."

Et alors que je lui exprime cette décision à voix haute, je me rends compte que, après m'avoir ramassée à la petite cuillère il y a quelques mois, il risque de penser que c'est une très mauvaise idée. Je me racle la gorge et remonte mon regard vers le sien, sans sourire cette fois. Je tiens à lui expliquer pourquoi, avant qu'il n'ait le temps de protester.

"J'y ai beaucoup réfléchi, et je veux continuer à m'impliquer pour Terrae. Toute cette histoire avec le Centre est loin d'être terminée, j'étais sur place pour le début et c'est important pour moi d'en voir la fin, aussi. La première fois, je n'étais pas prête, je n'avais aucune idée de ce qui nous attendait là-bas... Mais maintenant, je sais. Et j'ai fait la paix avec ça, je crois."

Avec "ça" - avec le fait que ce conflit ne se résoudra pas de la manière douce, et qu'il y aura sans aucun doute d'autres victimes. Et que, peut-être, je serai amenée à en faire d'autres - ou que, peut-être, ce sera moi. Je suis consciente de tout ça, et même si ça me fait peur, je l'accepte - c'est bien trop important pour être lâche et égoïste...

Le silence s'installe un peu et j'en profite pour terminer mon plateau (j'aurais bien léché les petits bols pour profiter des dernières miettes, mais il va me juger, ahah). Le nippon me pose ensuite quelques questions sur Londres, sur notre petit voyage ; je suis légèrement mal à l'aise en lui avouant que le séjour n'a pas été rose tout du long, mais heureusement, il n'insiste pas. Et c'est tant mieux ; pas que je ne veuille pas lui parler de tout ça, mais juste, je m'en voudrais de plomber l'ambiance... On aura d'autres occasions d'aborder ces sujets un peu lourds, pour moi. Je souris malgré tout en hochant la tête.

"Oui, c'est pas pour rien que j'ai traîné Allen avec moi, hein - toute seule, je ne l'aurais sans doute pas fait ! Mais globalement, c'était positif quand même, je ne regrette pas. Je- tu devrais y aller une fois, c'est une chouette ville, très différente de Tokyo !"

J'ai failli dire "je t'y emmènerai une fois" mais euh- ouais, non, ce serait trop bizarre. C'était déjà presque bizarre de partager une chambre avec mon meilleur ami, alors qu'il est la personne dont je suis le plus proche, alors avec Misao... Ahah. (Oui, "ahah", hein).

Et puis finalement, je repose le plateau sur la table basse, et goûte le fameux thé. Le Feu n'en rate évidemment pas une miette, je vois bien son petit regard et son sourire, là. Voilà, ça y est, il m'énerve déjà ! Je repose la tasse et croise les bras sur ma poitrine.

"... Mouais, ça va."

Traître de sourire en coin qui se dessine sur mes lèvres sans mon autorisation. Je lève les yeux au ciel avant de rire un peu - allez, c'est bon la mauvaise foi là !

"Oui booooon, ok. Il est bon, j'aime bien. Le mien est meilleur hein, EVIDEMMENT, mais c'est sympa aussi... Merci de m'avoir fait goûter."

Sans qu’il ne le contrôle, ses lèvres s’étirent en un sourire. Misao est tenté de le cacher un peu derrière sa tasse, mais se contente d’apprécier la joie d’entendre qu’elle n’est pas saoulée par toutes ses digressions et explications, dans lesquelles il finit toujours un peu par se perdre. Son enthousiasme est souvent un peu mal pris, surtout quand ça concerne les pouvoirs. Heureusement, avec le temps, sa pratique a fini par être largement acceptée, même s’il garde encore quelques automatismes de l’époque où il valait mieux se taire. Petit à petit, on l’autorise à être lui-même, sans jugement. Et ça… fait du bien.

Misao manque de s’étouffer avec sa bouchée face à la réaction de Pandora, et toussote un peu en rigolant.

—Mais je me moque pas ! Et s’il te faut un goûteur, ça me dérange pas, mais je suis intransigeant, avec les notes que je mets, il faut le savoir. T’es vraiment prête à te soumettre à mon jugement ?

C’est par ailleurs pour ça qu’il n’est pas prof. Cette fois, il se moque un peu, bon. Heureusement, elle change habilement de sujet. Il se perd un instant dans sa tête en imaginant le résultat, sa main paume en l’air devant lui. Hmm… Il a très envie de tester, mais sa magie va sûrement encore faire des siennes s’il essaie de l’activer, donc il va rester bien sage aujourd’hui.

—C’est possible de projeter notre pouvoir et de l’étendre à ce qu’on touche, mais c’est difficile de le projeter en bulle, je suis même pas sûr que ce soit vraiment possible. Et de là à dire que ça nous permettra de nous voir mutuellement, pareil j’en sais rien. Quand je deviens invisible, j’ai toujours l’impression de me voir, mais… c’est comme si je percevais mon énergie si tu veux, du coup j’arrive à me voir, mais comme en filigrane. Ca n’a pas toujours été le cas, j’avais pas cette capacité avant. C’est un peu étrange à décrire. On n’aura qu’à tester, quand je pourrai réutiliser ma magie sans risquer de tout faire exploser ?

Est-il en train de lui faire une proposition d’entraînement …? Ouais, peut-être. Mais si c’est de l’expérimentation scientifique, est-ce que c’est VRAIMENT un entraînement ??? Oh non, c’est terrible, il est en train de devenir comme le Terraen moyen qui se fait des date en salle d’entraînement, la loose.

Misao acquiesce lentement à sa mention de Ryu, plus pour se retenir d’ajouter quoi que ce soit — ils ont beau mieux s’entendre, ce n’est pas encore la relation de beaux-frères idéale — que parce qu’il s’en contre-fiche. Apprendre qu’elle souhaite retourner en mission, en revanche, le fait lever les yeux vers elle sans un mot.

Pandora semble embarrassée, ou un peu honteuse, il n’arrive pas trop à le dire. En tout cas, elle semble clairement mal à l’aise, et semble rassembler son courage pour le lui annoncer, comme on annoncerait qu’on a une maladie grave. Ou qu’on part à la guerre, ce qui est un peu le cas ici. Il hoche à nouveau la tête, lentement, pour qu’elle comprenne qu’elle n’a pas besoin de se mettre dans tous ses états en lui en parlant. Misao a beau être un peu émotif quand il est en colère, ou passionné quand on le lance sur un sujet qui lui tient à coeur, il sait aussi analyser froidement la situation, calculer les risques. Les missions de Terrae ne sont pas toujours dangereuses, bien que la majorité challengent suffisamment les Terraens une fois sur place. Ce n’est sûrement pas pour rien qu’on parle de mission et qu’on envoie des utilisateurs de la magie ; c’est que des humains non dotés ne parviendraient certainement pas à les remplir.

Au moins, elle ne souhaite pas y retourner sur un coup de tête. C’est ça, lui plus rassurant, pour lui. Il étire le coin de ses lèvres, pas vraiment un sourire, un peu une grimace.

—Ouais, je comprends. Promets-moi juste de faire attention.

Il sait pas bien pourquoi c’est ces mots qui sont sortis, mais voilà, c’était ceux-là. Il aurait pu lui dire un encouragement, ou juste qu’elle devrait être prudente. Pourquoi il a tellement besoin d’une telle promesse, aujourd’hui ?

—Je vais pas te mentir, la discussion qu’on a eue y a quelques mois et tout ce qui s’est passé… je veux dire, j’étais à l’hôpital à votre retour, j’ai vu des proches être dans des états indescriptibles. Je me suis épuisé pour vous permettre d’avoir accès à des protections de qualité, parce que j’ai l’impression que c’est mon devoir de vous garantir un maximum de sécurité quand vous serez sur le terrain. Mais je comprends que t’aies besoin d’y aller. Si on a besoin d’un Invisible, une fois, j’irai certainement aussi, c’est plus possible de rester sans rien faire.

Il ne dit pas qu’il n’a plus envie de laisser les plus jeunes endosser une responsabilité qu’il devrait prendre lui aussi. Il est en forme physiquement, il lui faut simplement être plus en forme magiquement, maintenant. Mais la seule Master Invisible qu’il connaisse, eh bien, c’est sa psy. Difficile de lui demander de l’aide.

—Je suis content que t’aies réussi à faire la paix avec toi-même, au moins un peu.

Sinon, elle y retournerait pas, c’est certain.

La conversation dévie sur un sujet plus léger, enfin, à peine ; et Misao sourit en acquiesçant. Oui, Londres, pourquoi pas, un jour… Il ne sait pas trop avec qui il irait ou ce qu’il ferait là-bas, mais pourquoi pas. Misao n’est pas super fan des endroits trop touristiques ou bondés ; faut dire que quitter l’agitation de Tokyo pour Terrae ne l’a pas trop dérangé. Mais il doit certainement y avoir des coins sympa, là-bas, et Londres n’est sûrement pas aussi peuplé que la capitale nippone…

Une fois le repas terminé, évidemment, vient l’heure du jugement du thé. Qui a certainement déjà refroidi, tsk. Il a un éclat de rire à sa mine renfrognée, et se retourne un peu vers elle, une jambe repliée contre lui sur le canapé et la tête contre sa main, coude sur le dossier. Il aime bien la voir rire, comme ça.

—Ahlala, tu n’assumes donc pas ? Content que tu aimes. Mais tu peux garder ton trophée du meilleur thé, j’ai pas la prétention de vouloir te le retirer, il sourit en coin. Ca m’a fait plaisir de partager le repas avec toi.

Je hausse un sourcil alors que Misao s'étouffe à moitié dans son bol - et il ose dire qu'il ne se moque pas, culot de Feu ça, hein ! Je me penche vers lui et appuie mon doigt sur son épaule d'un air toujours aussi boudeur.

"Des notes, carrément ? C'est un défi ? Tu vas voir ce que tu vas voir !"

Je ne sais pas d'où me vient cet excès de confiance - je crois que je n'arrive juste pas à m'empêcher de répondre à ses provocations. Bon, il va donc falloir que je m'y mette sérieusement... Je ne risque pas de devenir une grande cheffe en claquant des doigts, mais je ne sais pas trop pourquoi, j'ai quand même envie de l'impressionner un peu. Peut-être parce que lui gère dans beaucoup de domaines que je ne maîtrise absolument pas, et que je ne me sens pas à la hauteur, du coup (à la hauteur de quoi, là est bien la question).

Quand la discussion dévie sur le sujet de la magie, le nippon m'explique un peu plus en détails le fonctionnement du pouvoir d'Invisibilité - qui est donc assez différent de celui de Sonore, si je comprends bien. Je hoche la tête avec un sourire alors qu'il me propose de faire quelques tests ensemble plus tard, quand il aura récupéré le contrôle de ses facultés.

"Avec plaisir ! Je n'ai jamais eu l'occasion de m'entraîner avec un Invisible, je suis un peu curieuse de voir ce que tu sais faire ! Et puis, maintenant que j'y pense... Franchement, il doit y avoir moyen de faire des combos super intéressants avec les pouvoirs Invisible et Sonore. Equipe d'infiltration de choc !"

Aucun visuel, aucun son, aucune présence radar... Il y a carrément du potentiel à exploiter, ces deux affinités sont assez complémentaires, en fait. Et puis, c'est l'occasion de faire d'autres choses ensemble que de prendre le petit-déjeuner - pas que je n'aime pas ça, au contraire ! Mais maintenant que le Feu m'a avoué être une quille avec sa magie, j'ai bien envie de voir ça de mes propres yeux - et de pouvoir le taquiner un peu, évidemment !

La conversation redevient soudain beaucoup plus sérieuse quand j'avoue que j'ai l'intention de repartir en mission. Je suis mal à l'aise, j'ai l'impression qu'il va désapprouver, ou pire, me juger - aussi, je prends le temps d'expliquer pourquoi c'est important pour moi, et surtout de souligner le fait que j'y ai bien réfléchi. Misao me scrute sans rien dire pendant un long moment, il se contente de hocher la tête lentement, et me répond finalement qu'il comprend. Ses mots suivants me troublent un peu ; j'ai envie de lui retourner son "je te manquerais trop, c'est ça ?" de tout à l'heure, mais les mots restent coincés dans le fond de ma gorge. Je hoche la tête à mon tour en soutenant son regard d'un air sérieux.

"C'est ça... Ce qui se passe est bien trop important, rester sur le banc de touche n'est pas une option que je peux envisager. Et puis contrairement à toi, je n'aurais aucune utilité si je restais ici... Mais je comprends si toi aussi, tu veux te porter volontaire cette fois-ci."

Il m'avait déjà fait part de ce sentiment la dernière fois - et si je n'avais pas réagi à ce moment-là, cette fois je ne peux empêcher une pointe d'inquiétude de se former à cette idée. Le Feu vient bien de m'avouer qu'il ne s'en sortait pas trop avec ses pouvoirs, non ? L'imaginer sur le terrain... Me noue l'estomac d'une façon très désagréable. Je glisse sur le canapé pour me rapprocher un peu de lui - pas suffisamment pour le toucher, mais juste... Je ne sais pas, j'ai envie d'être plus près. Sans le regarder, je cherche sa main, pose la mienne dessus en serrant doucement ma paume sur ses doigts. Ma voix est un peu plus basse, quand je reprends la parole.

"Je ferai attention, c'est promis... Toi aussi, d'accord ?"

Le silence s'installe, le moment est un peu lourd et étrange ; mais il passe. Et la conversation se poursuit, Londres d'abord, et puis... Le fameux thé. J'ai un peu de mal à lui avouer qu'il est très bon, après l'avoir goûté - mais je rends finalement les armes, je ne suis pas de mauvaise foi, eh, contrairement à d'autres ! Et je ne sais pas si c'est à cause de la discussion plus sérieuse qu'on vient d'avoir, mais Misao ne surenchérit même pas - enfin, un tout petit peu quand même, mais il garde les taquineries à un niveau bien plus bas que la dernière fois (ou alors, il a peut-être juste compris que le sujet du thé était sensible pour mon âme de britannique, mh). Je l'observe ensuite d'un air amusé alors qu'il s'installe comme un pacha dans son canapé.

"Ca m'a fait plaisir à moi aussi ! C'était très bon, merci encore de m'avoir invitée. Du coup... Maintenant, c'est à mon tour de faire ta vaisselle, c'est ça ?"

Vu qu'il l'avait faite chez moi la dernière fois... J'esquisse un sourire taquin tout en posant mes mains sur mes cuisses pour me relever. Je prends les deux plateaux sur la table basse et me dirige vers l'évier - qui est vide, bien évidemment, Môsieur le maniaque a déjà nettoyé les plats qu'il a utilisés pour cuisiner ! Une telle auto-discipline, c'est impressionnant tout de même (et dire que je parviens à entasser de la vaisselle dans mon évier alors que je ne fais jamais à manger, tss). Alors que l'eau devient tiède, je m'arme du liquide vaisselle et de l'éponge et commence à nettoyer tous ses petits bols avec soin - c'est joli mais carrément moins pratique qu'une assiette hein.

—Bien sûr que c’est un défi ! Je peux même créer des pancartes juste pour l’occasion, si tu veux, renchérit-il, sourcil haussé et sourire moqueur aux lèvres, alors que Pandora appuie sur son bras en boudant.

C’est presque… mignon, en un sens. Il aurait bien envie de lui attraper à nouveau le doigt pour l’empêcher de repartir en arrière, et surtout se venger un peu, mais elle va finir par mal interpréter ses tentatives maladroites d’humour, à un moment donné. Enfin, ça, c’est ce qu’il se dit, parce qu’il a réalisé lui-même que c’était un poil bizarre… On fait ça avec les enfants, pas avec des adultes, m’enfin. Ou pas quand on a ce genre de relation. C’est-à-dire. Pas de relation ??

Enfin, en tout cas, il n’a pas fait attention, mais ils sont encore en train de faire des plans sur la comète. C’est quoi leur problème, à toujours organiser des “ouii on peut se voir pour un BRUNCH si tu veux” “oh et puis pourquoi pas pour un entraînement ?”. Non parce que maintenant, elle a aussi dit oui pour l’entraînement, non, mais, c’est vrai quoi, il fait pas un peu chaud ici ? Juste un peu ? Bon sang de bonsoir. Ca veut dire qu’il va devoir lui montrer toute l’étendue de ses capacités, c’est à dire : faire du feu et se rendre invisible, lol. (Les possibilités pour impressionner quelqu’un en étant Feu sont quand même super minimales, je vous rappelle. Est-ce qu’il faut qu’il demande des conseils à Huo ? Non. Non, c’est mort, en fait. Il va se foutre de sa gueule au moins jusqu’à la fin des temps, déjà qu’il lui a tenu la jambe pendant mille ans après le mariage d’Elwynn et Jérémy-)

Par contre, elle n’a pas tort en expliquant qu’ils feraient une sacrée team d’infiltration en mission, enfin, si on part du principe que Misao serait en capacité de se CONCENTRER sur ladite mission avec une Pandora dans les pattes. Pas qu’il soit distrait de nature, mais bon, elle le cherche en continu, il peut pas s’empêcher de répondre, et elle cherche toujours le contact, à lui donner des mini tapes ou planter son doigt dans son bras, et son regard… Est-ce qu’ils arrivent seulement à regarder ailleurs, sauf dans les rares moments où la tension est trop BIZARRE ?

—Je sais faire du feu, et me rendre invisible. Ne t’attend pas à un miracle, par pitié, grimace Misao, tentant de détourner l’attention de ses propres pensées. Mais c’est vrai que ça ferait un bon duo en infiltration, du moins j’imagine.

C’est justement tout le sujet. Evidemment, si Misao va sur le terrain, il ne compte pas aller sur un champ de bataille, il n’est pas complètement suicidaire non plus. En revanche, s’infiltrer dans des labos, il peut être utile, quoi. Oui, il a en tête des scénarios très spécifiques, ce qui lui évite d’angoisser trop en amont, mais-

Si le Feu s’est contenté de sourire et acquiescer, soupirant juste du nez en lui lançant un regard entendu (genre elle va être inutile si elle reste… elle est encore là-dessus ?), quand elle repose sa main sur la sienne, il sent ses pensées s’embrouiller encore davantage. Son expression, le fait qu’elle se soit juste un peu plus rapprochée, son regard qui fuit soudain, et ses doigts sur les siens. Il passe juste son pouce par dessus sa main, comme pour la tenir… mais pas trop, non plus, enfin… voilà.  

Sa bouche est toute sèche quand il répond, sans trop savoir où poser ses yeux :

—C’est promis, oui. T’inquiète donc pas.

Sa main commence à chauffer un peu, en même temps que le son visage. Et le reste de son corps, en fait, mais ça il l’a pas encore remarqué. Il est content qu’elle finisse par se reculer, et reculer sa main aussi, surtout, même si le contact manque un peu déjà- il manque un peu ?, parce qu’il sent clairement, cette fois, que c’est une nouvelle manifestation débile de pouvoirs. Il tente de reprendre contenance en changeant de posture, mais cligne des yeux, très surpris, quand elle se lève déjà.

—Ah mais non, t’embête pas…

Oh bah, trop tard, elle est déjà debout. Il l’observe aller vers la cuisine avec les plateaux, qu’elle a empilés, et l’eau commence à couler. Bon. Ca lui laisse. Au moins trente secondes pour reprendre une expression décente et faire redescendre la température anormale de son corps, le temps que son cerveau de psychorigide se remette en route et qu’il se lève pour la rejoindre, quoi. Ce qu’il ne tarde pas à faire pour attraper une serviette et essuyer la vaisselle qu’elle lave avec minutie.

—Tu es têtue, en fait, pas vrai ?

Ouais, c’est tout, il sait plus quoi dire, mais c’est plus une affirmation qu’une question, à ce stade.

"Ah oui, et tu vas noter la décoration de la table et l'ambiance de la soirée aussi, tant qu'on y est ? Ne sous-estime pas mon esprit de compétition !"

Je vais lui faire un repas digne d'une émission télé, il va voir, l'autre emmerdeur là ! C'est pas possible de me provoquer en continu comme ça (et pourquoi je suis incapable de laisser couler et que je rentre dans son jeu à chaque fois aussi, moi ??). C'est d'autant plus déstabilisant qu'on passe d'une situation de semi-friction à une conversation totalement normale quelques instants plus tard - c'est comme ça à chaque fois, il y a de quoi avoir le tournis. Enfin, c'est pas désagréable non plus, mais- ouais, c'est déstabilisant. Il n'y a qu'avec lui que ça m'arrive.

"Oui ben, en même temps tu es Feu, je ne m'attends pas à grand chose de base..." (je le nargue un peu avec un sourire en coin). "Il faut quand même bien un domaine où je gère plus que toi, hein !"

Parce que non seulement je maîtrise bien ma magie, mais en plus les pouvoirs d'Air Sonore sont super classes et permettent des démonstrations de qualité ! Je ne sais pas pourquoi j'ai tellement envie de lui en mettre plein la vue - ça ne me ressemble pas vraiment de vouloir flex avec mes pouvoirs comme ça... C'est parce qu'il est super énervant et que j'ai envie de lui rabattre le caquet, voilà, ça doit être ça (non).

Puis de nouveau, l'ambiance change du tout au tout quand on parle des futures missions. C'est étrange, un mélange d'inquiétude et de gêne - comme s'il y avait besoin d'être embarrassé de se faire du souci pour un... Pote ? Ami ? Je ne sais pas ? C'est peut-être ça qui est gênant, dans le fond ; cette incapacité à définir notre relation. J'ai l'impression qu'on est proches tous les deux, alors qu'objectivement, on se connaît assez peu - mieux qu'avant, mais tout de même pas encore "bien". Mais ça ne change rien à ce que je ressens là tout de suite - une pointe d'angoisse, et l'envie d'être plus près de lui. Alors c'est ce que je fais ; je me rapproche un peu dans le canapé et pose ma main sur la sienne, sans oser le regarder. Sa peau est anormalement chaude alors qu'il caresse doucement le dos de ma main de son pouce. Ce n'est pas la première fois que je me demande si les Feux ont une température corporelle plus élevée que la normale ; ça aurait du sens, j'imagine ? Mais l'instant est mal choisi pour poser la question.

Après un moment de silence, on se promet tous les deux de faire attention. Je ne me sens pas beaucoup plus rassurée pour autant, mais il n'y a pas grand chose de plus à dire - et je n'ai pas envie d'insister plus sur le sujet. Aussi, je me lève pour aller faire la vaisselle, ignorant souverainement Misao qui me dit de ne pas m'embêter - ça ne m'embête pas, de toute façon ! Il me rejoint quelques minutes plus tard et commence à essuyer. Je tourne la tête vers lui en plissant les yeux à sa remarque, avant de me reconcentrer sur ma tâche.

"Têtue, têtue... Bon, peut-être un peu, mais pas plus que toi hein !"

J'esquisse un sourire en coin, me retenant de lui tirer la langue. C'est vrai que quand j'ai une idée derrière la tête, j'ai tendance à être persistante ; mais je suis aussi tout à fait capable d'écouter la voix de la raison, s'il y a de bons arguments derrière. Je dirais que je suis têtue, mais pas bornée ? (Enfin, ça dépend, s'il s'agit de gagner un défi, là c'est mort par contre...)

Une fois la vaisselle terminée, Misao range le tout dans ses armoires pendant que je donne un dernier coup d'éponge sur la table basse. On dirait bien que le brunch est officiellement terminé - est-ce que ça veut dire qu'il est temps de partir ? On ne va pas rester planté au milieu de la cuisine à se regarder dans le blanc des yeux... Mais pour autant, je n'ai pas envie qu'on se dise au revoir tout de suite. Il y avait d'ailleurs bien quelque chose que je voulais lui demander, c'est autant en profiter... Je me tourne donc vers lui en me posant contre le plan de travail, un joli sourire aux lèvres.

"Dis, je me demandais... Est-ce que tu te débrouilles bien, en anglais ? Si tu enlèves ta puce, tu comprendrais encore ce que je raconte ?"

La question est évidemment tout sauf innocente - mais j'attends sa réponse avant d'en venir à ma véritable requête.

—Pourquoi pas, si c’est ce que tu demandes. Je peux être très tatillon sur les détails, tu sais ; et je remarque absolument tout. Je suis curieux de voir jusqu’où peut aller ton fameux esprit de compétition.

Pas du tout vantard le mec, hein, mais il dit ça avec humour. Il se permettrait pas d’émettre un avis vraiment négatif, du moins pas dans ce genre de contexte. Non parce qu’au boulot, ne le lancez pas dessus si vous ne voulez pas pleurer, s’il vous plaît. C’est le genre de prof à qui on dirait “tu veux pas remonter les notes des élèves pour qu’ils aient l’impression de réussir un truc …?” et qui répondrait “tu veux que je note ses compétences ou que je lui apprenne à être un gros nul ?”, bon. Il est Feu, hein.

En attendant, ils sont toujours autant incapables de gérer les moments émotionnels, et visiblement s’inquiéter pour elle, et que ce soit réciproque, est une raison suffisante pour mettre le cerveau de Misao complètement à l’envers. Il ne s’en rend pas compte tout de suite, ce n’est pas comme s’il avait cessé de respirer, mais son souffle est plus difficile, comme contenu dans sa poitrine. Il laisse glisser les doigts de Pandora loin des siens sans un mot, comme un souffle d’air qui lui échappe ; et cette comparaison le laisse confus et perplexe. Aucune chance de réussir à ignorer la tournure de la situation, même s’il est encore un peu trop tôt pour qu’il se fasse des films ou s’interroge davantage sur le sens que tout ça commence à prendre pour lui. C’est habituel, l’inquiétude, pour lui ; c’est un grand anxieux, il a toujours les plus grandes peines du monde à échapper aux scénarios qui se pressent contre son esprit. Il ne déteste pas non plus le contact, bien que ça se limite souvent à un contact de la main, à des regards prolongés. C’est habituel, pas avec tout le monde bien sûr, mais avec ceux qui parviennent à faire bouger l’immense bloc de glace dans sa poitrine, ceux qui l’émeuvent et le touchent. Et Pandora lui a montré une fragilité qui l’a touché fort, puis une force qui le fait sourire. Mais peut-être qu’il n’oublie pas leurs retrouvailles d’il y a quelques mois et la façon dont s’est terminée leur soirée ; c’est sans doute ça qui lui met de fausses idées en tête.

Quand il revient près de Pandora, il n’irradie plus autant de chaleur mais pouffe un peu, haussant un nouveau sourcil moqueur. C’est plus sympa quand ils rient ensemble, non ?

—Quelle répartie, madame. Hélas, je ne suis pas têtu, je suis psychorigide, ce qui n'est pas tout à fait pareil.

Même si dans le fond, ça veut un peu dire la même chose ; il est simplement plus honnête que la majorité des gens à ce sujet. En parlant de psychorigidité, il range déjà les petits bols, par automatisme, et les aligne dans les placards, sans même y penser. C’est tout calme, là, comme ça. Enfin, jusqu’à la demande de Pandora, qui le fait se retourner avec un air interrogatif.

—Oh, oui, ça va je m’en sors. Je ne le pratique plus si souvent, mais j’ai souvent été en lien avec des personnes de l’étranger pour le travail, mes études ou même juste sur des jeux en ligne… par contre mon accent est catastrophique, si tu me demandes de le parler. Et peut-être ne pas parler trop vite, j’ai du mal à comprendre toutes les syllabes parfois, avoue-t-il. Quelle idée tu as derrière la tête, hm ?

Elle a un petit sourire mutin, pas vraiment moqueur, mais comme si elle préparait quelque chose. Qu’est-ce qu’il a envie de voir ça.

J'esquisse un sourire en coin à la réponse de Misao - il aime vraiment pousser la provocation jusqu'au bout hein, ce sale Feu ! Et même si j'ai conscience qu'il plaisante, je suis sûre qu'il y a quand même un fond de vérité dans ses paroles. Plus qu'un fond, même !

"Forcément, je n'en attendrais pas moins de la part d'un gros maniaque dans ton genre ! Mais attends-toi à être é-pou-stou-flé !"

Je ponctue ma remarque d'un geste de la main, mon pouce fermé contre mon index. Il faut que je me calme avec les excès de confiance, je suis en train de creuser ma propre tombe là. C'est décidé, demain je m'inscris au club de cuisine (est-ce qu'il y en a un, au moins ?!), et je m'y mets à fond ! Je n'avais jamais réalisé à quel point relever un défi débile peut être un moteur dans ma vie, en fait... Je note, je note.

Mais voilà, on rigole bien, jusqu'à ce qu'on ne rigole plus du tout - parce que les missions, ce n'est clairement jamais un sujet très drôle. Et l'inquiétude qui me prend à la gorge l'est tout aussi peu ; tout comme ces sentiments confus qui s'agitent à l'intérieur de moi quand je pose ma main sur la sienne. Je ne comprends pas bien ce qui me met dans cet état - et puis j'essaye de me persuader que je réagirais exactement pareil si Allen m'annonçait qu'il partait au casse-pipe lui aussi, et ça m'apaise un peu. Enfin, je suis toujours inquiète à l'idée que Misao se mette en danger en participant à une mission, mais au moins je ne me prends plus la tête sur la raison derrière cette inquiétude. Du moins, c'est ce dont j'arrive plus ou moins à me convaincre, mais je m'enfuis tout de même vers la cuisine sous prétexte de faire la vaisselle (les corvées, toujours là pour vous venir en aide au moment opportun).

Misao me rejoint bien vite pour essuyer, et comme si le moment de malaise précédent n'avait jamais eu lieu, on recommence rapidement à se chamailler. Et alors que je coupe l'eau du robinet, j'agite mes doigts encore mouillés pour envoyer une giclée de gouttelettes vers le Feu tout en ricanant.

"Psychorigide, hein... T'essayes de me dire de façon polie que t'as un balais enfoncé dans le derrière, c'est ça ?"

Puis finalement, une fois la vaisselle terminée et tout bien rangé dans les placards, j'aborde une nouvelle question (un peu sortie de nulle part, hein) ; son niveau d'anglais. Qui est plutôt bon, à en juger par sa réponse, même si... Il tend vraiment le bâton pour se faire battre, en fait ; évidemment que je vais le charrier sur son accent, maintenant ! Mais avant de pouvoir commencer à me moquer pleinement de lui, je lui explique tout de même la raison derrière cette question ; qui n'est pas très glorieuse au final, il va pouvoir se moquer en retour très rapidement, lui aussi.

"Alors, en fait... J'ai suivi ton conseil de la dernière fois, et je me suis inscrite à des cours de japonais ce semestre. Mais, hum... Les autres étudiants ont déjà un niveau assez correct, alors que moi... Enfin, je galère bien à suivre quoi, et je me demandais si, euh- si tu voudrais bien m'aider un peu, si tu as le temps, peut-être ? S'il te plaît ?"

Je suis bien plus hésitante quand il s'agit de lui demander de l'aide que quand il est question de le taquiner, il faut croire. Pas que j'ai honte d'admettre que je suis nulle et que j'ai besoin d'aide, hein, mais j'ai plutôt peur qu'il m'envoie sur les roses. Parce qu'il est trop occupé pour jouer les profs de langue, parce qu'il y a déjà de vrais profs de langue à Terrae (et accessoirement, parce que mon propre meilleur ami est parfaitement bilingue et pourrait me filer un coup de main, même si Misao ne le sait pas, ça). D'ailleurs, la raison pour laquelle je lui demande à lui plutôt qu'à Allen est un peu floue ; j'ai juste pensé à lui en premier, et puis voilà, ça s'arrête là.

"Bon, et sinon. Enlève un peu ta puce et dis-moi quelque chose en anglais là, que je puisse entendre ce fameux accent ! Promis, je parlerai pas trop vite."

Pour le coup, même si un sourire en coin étire mes lèvres, je suis plus curieuse que moqueuse, alors que j'enlève moi aussi la puce de mon oreille. Je le fais souvent quand je joue de la musique, mais je crois que c'est la toute première fois que je la retire pour avoir une conversation.

Evidemment qu’il sera époustouflé. Leurs rires résonnent un moment avec leurs taquineries, avant qu’ils ne s’effacent dans leur gêne et l’inquiétude qu’ils ressentent. Ce n’est de toute manière pas comme si c’était pour maintenant, aucune mission n’avait été programmée, à part les rares où participaient les Masters pour de la diplomatie minimale ou la recherche des novices. Pendant longtemps, Misao ne savait pas trop quoi penser de ces missions, ces sorties qui mettaient en danger les occupants, leur faisait prendre des risques, les mettait face à des actions parfois moralement discutables. Faire les choses en connaissance de cause, c’est très bien, mais lancer des jeunes dans de telles entreprises, il y a de quoi s’interroger sur la manière de faire, tout de même. Pourtant, même lui se sent investi. Et Pandora, pourtant pas le genre de profil à vouloir aller à la guerre, elle aussi.

Tout cela le laisse songeur sur l’état dans lequel elle va revenir, et celui dans lequel il risque de la ramasser — comme s’il sentait qu’il serait nécessaire, pour lui du moins, qu’il soit présent à son retour. N’est-ce pas étrange, comme les choses changent ?

Et heureusement qu’elles changent, sinon il ne serait pas là, dans sa cuisine, à se faire asperger honteusement d’eau !

—Ehh, c’est quoi cette agression. C’est pas l’expression que j’aurais employée, non, se moque-t-il.

De qui, on sait pas trop, sûrement encore un peu de lui-même, parce que c’est vrai qu’il a un gros balais enfoncé dans le derrière, hein.

La question de Pandora l’interpelle, et il répond sur sa réserve, malgré tout curieux… Ahhh, ça y est, il en a trop dit, évidemment qu’elle va se foutre de lui, regardez le sourire qu’elle a. Ca va vraiment virer au harcèlement, là, hein. Il veut la mettre en garde — une petite menace ni vue ni connue, car on sait que Misao est évidemment hyper terrifiant — mais sa réaction est beaucoup trop mignonne. Ok, donc, il lui a conseillé de prendre des cours de japonais, et elle l’a fait, comme ça ? Qu’est-ce qui l’a poussée à le faire, subitement, c’est quel argument qui lui a permis de se décider ? Il cligne des yeux et sourit, encore un peu surpris :

—Oh mais, c’est génial ?

Et un peu hésitant, parce qu’elle lui demande d’être son prof. Il contient son envie de répondre du tac au tac par “oui évidemment”, un peu distrait par son expression de supplication, qu’elle accentue juste suffisamment pour que ça marche. Et ça craint un max mdr, Misao brain not found, là.

—Oh bah je- oui, ben, évidemment.

… On a dit qu’il était distrait, ça lui a fait oublier qu’il devait la faire mariner dans son jus, et pas sonner trop désespéré.

—Enfin, tu sais que je suis pas un excellent prof ?

Un professeur certainement très désagréable, rigide et un peu sévère, mais il ne peut que s’adoucir en voyant sa détermination à apprendre une langue aussi complexe que le japonais. Enfin, Pandora est déjà trop enthousiaste, c’est bon, il s’est encore engagé dans un de ces trucs, là. Il grimace et lève le visage vers le plafond, l’air d’hésiter.

—Non mais on est pas obligés de faire ça maintenant-…

Ah, elle a déjà enlevé sa puce, elle doit rien entendre du tout. Boudeur, il soupire et enlève sa propre puce, soudain extrêmement mal à l’aise et conscient de la présence de Pandora (genre il l’était pas avant ptdr on l’a vu ok). Il lâche en anglais, un peu piteux :

—Ne te moque pas, ok ?

Un peu hésitant, plus parce qu’il est gêné.

—Je ne sais pas ce que je dois dire, j’ai pas vraiment d’idée.

C’est super bizarre, d’accord ?

Je ricane une fois de plus quand Misao commence à chouiner, alors que je lui envoie de l'eau dessus - tiens donc, quelle surprise, un Feu qui n'aime pas être mouillé ! Et qui est de mauvaise foi, en plus. Mh, je maintiens ce que j'ai dit, il a carrément un balais dans le derrière - mais étrangement, chez lui c'est plutôt... Mignon.

Une fois que tout est propre et rangé, j'aborde un sujet différent, celui des langues étrangères - avec une requête formulée un peu timidement à la clé. Timidement, parce que je m'imagine déjà me prendre un énorme vent... Je hausse un sourcil amusé quand le nippon souligne que c'est "génial" d'avoir entrepris d'apprendre sa langue natale.

"Ah euh, génial, je ne sais pas ? Mais tu avais raison la dernière fois, je n'irai nulle part professionnellement parlant si je ne parle pas le japonais... Et il vaut mieux que je m'y mette maintenant, comme ça, ça me laisse deux ans et demi - jusqu'à la fin de mes études - pour maîtriser un minimum !

Parce que je pars clairement du niveau 0 (allez, 0,5 peut-être), et qu'en plus je suis très nulle dans ce genre de matière, donc il me faudra au moins tout ça pour apprendre à me débrouiller convenablement... Et à ma grande surprise, Misao accepte directement - moi qui pensais devoir argumenter et le soudoyer un peu, en fait, quelques battements de cils auront suffi ! Mon sourire s'élargit et je me décolle du plan de travail en sautillant légèrement.

"Aaah trop bien ! J'étais convaincue de me prendre un gros non ahah, mais merciii !"

Et là, je- je ne sais pas ce qui me prend, je m'approche de lui, pose mes mains sur ses épaules, et décolle les talons du sol pour venir lui faire un bisou sur la joue. ... ... C'était peut-être un peu trop spontané, là. Je me sens rougir presque instantanément. Mais, euh, c'est une façon relativement normale de montrer sa gratitude, j'imagine ? Oui, non- bref, passons. Heureusement, je n'avais pas encore répondu à la dernière remarque du Feu sur ses compétences de professeur, ce qui me laisse le loisir d'enchaîner avant que le malaise n'ait le temps de s'installer - tout en me reculant légèrement de lui pour remettre une distance acceptable entre nous, quand même.

"Au contraire, moi je suis sûre que tu expliques super bien ! Et puis de toute façon, je risque de ne pas être une excellente élève hein, donc comme ça, on fera la paire, héhé !"

Tout en parlant, je joins mes deux index l'un contre l'autre devant moi, un grand sourire aux lèvres. Je ne sais pas pourquoi je suis aussi ravie qu'il accepte de m'aider, mais en tout cas, je suis de super bonne humeur, d'un coup ! Pas que j'étais de mauvaise humeur avant hein, mais bon. J'suis contente, quoi, voilà.

Il est ensuite temps de me moquer un peu de l'accent anglais du nippon (qui a l'air tout gêné, d'un coup), et j'enlève ma puce traductrice en lui demandant de faire pareil. Il hésite un peu avant de se lancer, et... D'un coup, je n'ai plus du tout envie de me moquer de lui. Son accent est- comment dire. Incroyablement craquant, si je dois être honnête. Je sens le rose me monter à nouveau aux joues alors que j'entrouvre légèrement la bouche en le fixant d'un air un peu bête. Il ne sait pas trop quoi dire non plus visiblement, le pauvre, aussi je me secoue pour prendre le relais.

"Tu peux dire n'importe quoi, ce sera très bien... Et je ne me moque pas, promis - tu t'en sors bien mieux que moi en japonais hein, donc je n'ai rien à dire ! ... C'est marrant, ta voix est un peu plus grave quand tu parles en anglais, c'est... Joli... Ca va, tu comprends ce que je dis, ou tu veux que je parle plus lentement ?"

Pour le moment, je ne parle pas spécialement plus lentement que d'habitude, mais par contre, je fais bien attention à articuler convenablement, et à prononcer toutes les syllabes en évitant les contractions. C'est bien connu que les anglais ont tendance à mâcher leurs mots, donc je fais un effort !

Franchement, si Misao avait su qu’il avait tant de capacités de persuasion, il les aurait utilisées un peu plus tôt. Il n’arrive toujours pas à croire qu’il lui a suffi d’une conversation à ce sujet pour l’amener à se lancer dans l’apprentissage d’une telle langue ; alors oui, ses arguments n’étaient pas mauvais, non plus, et même loin de là. Mais tout de même. Peut-être qu’elle était déjà convaincue, mais qu’elle avait besoin d’un coup de pouce pour l’amener à prendre la décision et faire le pas.

—Oui c’est sûr, je comprends. Mais quand même, c’est pas rien ; on n’a pas le même alphabet, l’apprentissage est vraiment pas facile, surtout à l’écrit.

Et c’est difficile d’apprendre une langue uniquement à l’oral, même si c’est aussi possible. Enfin, il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi enthousiaste de le voir accepter, je veux dire, il a juste dit ok pour lui apprendre des rudiments de japonais, c’est pas comme s’ils venaient de signer un contrat et euh- Qu’est-ce qu’elle fait ?? Misao sent son âme quitter son corps quand l’anglaise s’approche de lui en sautillant, pose ses mains sur ses épaules pour se hisser jusqu’à sa joue et y déposer un baiser. Une bise. Un bisou. Enfin. Un truc là. Ca l’a même interrompu dans sa phrase, qui n’était déjà pas très bien assurée.

Son visage devient écarlate en miroir de celui de Pandora, qui semble soudain bien bien gênée de sa réaction spontanée.

—Ah, euh, bah… Ca me dérange pas, alors c’est pas grand-chose-…

Voilà qu’il ne sait plus parler, ça devient gênant ; enfin, comme si ça ne l’était pas déjà un max avant, hein. Il étire un sourire gêné, regardant un peu ailleurs. Il s’éclaircit un peu la gorge pour répondre, sur un ton léger, espérant reprendre contenance en attrapant le changement de sujet au vol :

—Enfin… Ouais. Les gens disent ça et après ils déchirent tout. Ou alors ils sont vraiment très nuls, et dans ce cas ils méritent qu’on se moque un peu d’eux.

Et puis, ça leur donnera peut-être une occasion de se côtoyer plus régulièrement, sans qu’il n’y ait Elwynn et les autres membres du club à côté ? Ca lui donne envie de voir comment elle peut être lors d’interactions plus quotidiennes, quelque chose d’un peu moins formel qu’un brunch, une sortie au restau ou un petit déjeuner… Elle a le mérite de faire sortir une partie de lui qu’il ne déteste pas complètement, bien qu’il s’en défende encore grandement auprès de ses proches. (Lesdits proches étant essentiellement Elwynn et Huo, dans cette situation, car il ne risquerait pas de s’exposer ainsi aux yeux de sa soeur, reine parmi les emmerdeuses quand il s’agit de sa vie privée.)

Rien que de voir son visage heureux, ça valait le coup, ajoute-t-il en son fort intérieur, bien qu’encore pensif. C’est qu’il va finir par se faire des noeuds au cerveau, à force d’avoir les pensées qui s’entrechoquent. Elles ne font vraiment pas beaucoup d’effort.

Pandora non plus ne fait pas beaucoup d’effort pour l’aider à calmer les pensées en question, étant donné qu’elle le fixe comme un poisson hors de l’eau pendant quelques secondes. MAIS QU’EST-CE QU’IL A ENCORE FAIT MDR. Est-ce que c’était aussi ridicule que ça sonnait dans sa propre tête ? Il a l’habitude de parler lors de réunions professionnelles, mais face à quelqu’un, comme ça, sans préambule, sans rien avoir à dire, c’est tout à fait terrible. Enfin, il ne peut rien dire ; lui aussi aime bien la voix de Pandora sans toutes les distorsions causées par la puce.

—Je te comprends, sourit Misao, sans que la chaleur de l’embarras qui s’est déposé dans sa poitrine ne parte. C’est plus simple de prononcer certains mots comme ça, sinon mon accent japonais veut… Hm. Prendre le contrôle ?

Il voulait dire prendre le dessus, mais ne connait pas l’expression, alors on va le laisser galérer avec ses mots et inventer des phrases, hein. Il parle un peu plus lentement que d’habitude, le temps parfois de trouver ses mots. Mais ça lui laisse l’occasion de s’entraîner aussi, alors il se prend rapidement au jeu, sourire en coin aux lèvres :

—Et donc… Pour ton japonais, tu veux travailler l’oral essentiellement, ou l’écrit aussi ? Que je sache ce que ma nouvelle élève souhaite travailler. Je suis le type de professeur à préparer ses cours.

Nan mais il a bien compris qu’elle aimait bien l’écouter parler, il va en profiter hein….

Je hausse une épaule à la remarque de Misao, un léger sourire aux lèvres. Effectivement, ce n'est pas rien d'apprendre une langue aussi différente de la mienne ; et je regrette d'ailleurs de ne pas avoir commencé directement à mon arrivée. Plus on commence tard et plus c'est difficile...

"Ah ça, j'ai bien remarqué que l'apprentissage était galère, ahah ! La puce traductrice rend vraiment paresseux ; déjà que de base, les anglophones et les langues étrangères, c'est pas trop ça... Mais au final, je vis quand même au Japon depuis 6 ans, il est un peu temps de me bouger et faire un effort hein. Imagine si Terrae venait à fermer ses portes, par exemple ? J'aurais l'air fine, moi, au milieu de Tokyo sans péter un mot de japonais..."

J'y ai déjà pensé quelques fois (après qu'Allen m'ait raconté l'histoire de l'ancienne Terrae, à vrai dire) ; et si ça devait arriver, je crois que je resterais ici. Au moins le temps de finir mes études quoi, et après, ma foi... Je ne sais pas.

Mais j'y penserai une autre fois, car là, Misao accepte de jouer les professeurs ; et moi, mh... Je suis, visiblement, tellement contente que je fais n'importe quoi ? Tout en essayant de me convaincre que cet éclat de spontanéité est parfaitement normal (même si, je reste un peu trop consciente du fait que je ne fais jamais ça avec personne). C'est donc tous les deux rouges comme des tomates que nous continuons la discussion ; il y a une amélioration, notez, même pas de blanc gênant ce coup-ci.

"Non mais, si, je sais que tu es très occupé avec le boulot et tout ça... Donc merci ! Et puis, vraiment, tu ne sais pas dans quoi tu t'embarques... C'est pas de la fausse modestie, je galère bien comme il faut, ahah-"

Et maintenant, je vais peut-être me taire avant qu'il ne décide de faire marche-arrière, hein ? Je serais un peu déçue tout de même, l'idée qu'on va se voir plus régulièrement a déjà fait son chemin dans ma tête - enfin, on se voit déjà régulièrement, entre les cours de self-défense et autres occasions sociales ; mais juste à deux, c'est plus rare. Et je me rends compte que j'aime beaucoup passer du temps juste avec lui... Il est moins réservé ; plus taquin. Et puis on peut parler de choses plus personnelles, aussi, quand il n'y a pas d'oreilles indiscrètes qui traînent alentours...

Nous enlevons ensuite nos puces pour discuter un peu en anglais - et alors que je me préparais à charrier le nippon, je me retrouver finalement à bugguer face à son accent, à sa voix qui est... Différente. Plus grave, plus suave. On pourrait croire que ce n'est qu'un détail, mais pour une Sonore - ou peut-être juste pour moi - c'est un détail qui a toute son importance. Et cette expression concentrée qui se peint sur son visage alors qu'il cherche ses mots... Je sens mon souffle se bloquer légèrement dans ma poitrine. J'ai toujours eu bien conscience que Misao est un homme très séduisant, mais plus je passe de temps avec lui, et plus je le remarque. Et je ne sais pas si c'est une bonne chose. Je me racle la gorge pour reprendre contenance avant de le corriger avec un petit sourire ;

"Prendre le dessus, c'est ça l'expression. Mais je vois... En tout cas, tu n'as pas à avoir honte de ton accent, il sonne peut-être ridicule à tes oreilles, mais pas aux miennes..."

Pas du tout, même, bien que je ne risque pas de lui avouer ce que je pense réellement de ce fameux accent. Je me tapote ensuite doucement la lèvre inférieure en réfléchissant à la question qu'il me pose.

"Un peu des deux ? Enfin, l'oral est tout de même plus important dans un premier temps, mais ça me semble compliqué d'apprendre l'un sans l'autre ? Je ne sais pas, je me fie à ton jugement, c'est toi le professeur après tout !"

Je lui envoie un clin d'oeil taquin, avant d'essayer de l'imaginer dans ce rôle ; penché au-dessus de mon épaule à surveiller ce que je fais d'un air sévère, ses lunettes glissant légèrement sur son nez. Et ça me donne un sacré coup de chaud - euh, de stress, je veux dire. Un coup de stress, c'est ça, qu'il soit vraiment sévère et que je sois vraiment terriblement nulle. Je porte une main à ma nuque en détournant légèrement le regard ; heureusement qu'il ne porte pas ses lunettes là tout de suite, d'ailleurs, parce que l'image aurait été un peu trop vivace sinon.

"Est-ce que tu veux que j'aille chercher mes cours pour te montrer où j'en suis ?"

Je ne suis pas contre une petite pause pour prendre l'air 5 minutes là, je dois avouer.