En fait, ça faisait vachement longtemps que j'avais pas mangé de ces trucs, là ! J'ai déjà oublié le nom... Ah, ouais, lasagnes. Oui, je suis débile, je le sais, merci bien. Et non, je ne ferais définitivement pas un bon éboueur. Traitez-moi de bon à rien, aussi, tant que vous y êtes, je dirais rien !
Je pris une nouvelle bouchée, que je savourai avec délice.

- Nop, navré. Je suis pas vraiment intéressé, si tu vois ce que je veux dire, ris-je pour toute réponse.

Je lui tirais doucement la langue, avant de tendre ma main vers la bouteille d'eau posée sur la table. Je l'attrapais, et demandai à Hideko, un petit sourire aux lèvres :

- Tu en veux ?

Ouais, définitivement, cette ambiance m'avait manqué. Cette impression d'être chez soi, avec des gens qu'on aime, en famille, sans se soucier de rien, et encore moins du temps qui file. Mais, plus que ces scènes quotidiennes, pourtant anodines, ce sont les personnes avec qui je les partageais qui me manquaient.
Mais bon, on ne peut pas tout avoir, hein ? Ces instants... Il faut juste que je les chérisse, sans y penser. Tout laisser aller, avec un sourire, et sans me contraindre. C'est tout.

Je la servis, avant de lâcher un petit rire, que je voulus rendre ironique, mais sans grand succès. Franchement, éboueur, rien que pour la combi troooooooop laide, jamais je ferais. Je veux dire... En plus, être plongé dans les ordures à longueur de journée, ça doit être dégueulasse ! La puanteur doit vous poursuivre, et vous pouvez plus jamais vous en débarrasser... Ou alors vous devenez hypocondriaque, vous tombez en dépression, avant de vous suicider très gaiment dans un cimetière. Ouais, voilà. Pis pour les cuisiniers, c'est pareil. A toujours être devant cette bouffe qu'ils pourront jamais goûter, c'est cruel ! Et puis les tâches de gras sur les blouses blanches, je vous raconte pas les catastrophes...

-Peut-être que tu préférerais être quelque chose comme... Portier, à Terrae ! Non ? Tenir la porte à chaque personne qui passe, ce serait cool, non ?

Avec une grimace, je répliquai du tac au tac :

- Euh, Hideko, portier, je l'ai déjà été, à la fête d'Halloween. 'fin, c'était videur, mais la même ! Et même que j'ai failli me faire démolir la tête par un espèce de cinglé de Titan déguisé en yéti parce que je voulais pas le laisser rentrer... C'est suuuuper dangereux comme job, videur ! Par pitié, la prochaine fois, ne m'oblige pas à rester planté toute la soirée devant cette maudite porte...

Quoi que, j'avais passé la moitié de ladite soirée à faire chier mes élèves, en kidnapper une pour la faire danser, et me saouler. Une fois de plus. J'y peux rien si j'aime l'alcool... Je suis pas alcoolique ! Juste un peu accro, de temps à autres, comme ça, parce que ça fait du bien, et qu'au moins, j'oublie ! Oublier quoi ? Mais que j'ai soif, pardi !



[HRP : Pardooooooon du retard TuT]

HRP : Dis la nana qui a répondu une dizaine d'heures après que j'ai posté... xD


-Hmmm... En même temps, si tu étais peut-être un peu plus barraqué, ça n'arriverait pas ce genre de chose, non ?

J'attrapai mon verre d'eau, bus une gorgée, avant de manquer de tout recracher quand je l'entendis me dire ça. Je m'étouffais un moment, et, les larmes aux yeux, presque outré (enfin non, pas « presque », en fait), je ravalai difficilement ma fierté bafouée.

- C'était mesquin, ça.

Très mesquin...

- J'y peux rien si j'ai l'air de faire un mètre dix de loin ! Et si j'ai limite des épaules de fillettes ! On peut pas tout avoir, hein ! Et puis tu m'as p'tetre rarement – jamais ? – vu me battre, mais je saurais me défendre ! Bon, je finirais sûrement – très certainement – à l'hosto, maiiis... Et puis crotte, hein, j'suis parfait comme je suis ! Enfin...

Nyah nyah nyah... Je l'ai souvent dit, mais ma taille et mes muscles, c'est comme mon âge : on en parle pas !

-Et puis ne tente même pas un instant de me faire croire que tu as passé la soirée entière devant la porte à négocier avec ce Yéti... Ce serait me mentir ouvertement. Tu oserais ?

Je haussai les épaules et détournai le regard en gonflant les joues comme un enfant boudeur pris en faute :

- Non, j'oserais pas... J'allais pas rester faire le pied de grue devant la porte toute la soirée ! Ca aurait été cruel de ta part de me demander ça, quand même ! gémis-je plaintivement en plaisantant à moitié.

Je laissai mon sourire revenir sur mes lèvres en me remémorant le bal :

- M'enfin, c'était pas si mal après ; c'était pas mal drôle comme soirée, au final, avec la musique, les décors, etout etout.

Je la vis esquisser un sourire doux, sympathique. Un véritable sourire. Cette image faillit me faire arborer le même type d'expression, mais je fus coupé dans mon élan par ses paroles.

-Tu sais... Je suis peut-être pareille au poisson rouge niveau mémoire, mais je pense qu'un combat pour devenir Master, ça ne s'oublie pas... Tu t'étais très bien débrouillé... Et la preuve, c'est que tu es toi-même devenu Master maintenant. Bon...

Je reportai alors mon attention sur mon assiette, gêné. Le combat dont elle parlait remontait un peu – beaucoup, en fait – et je m'en souvenais pourtant comme si c'était hier. Le genre de combat titanesque qui n'arrive pas deux fois dans une vie. Le genre de combat pour lequel tu te bats pour ce qui t'es le plus cher, mais aussi et surtout pour toi-même. Pour te prouver ce que tu vaux. Pour prouver aux autres ce que tu vaux. Pour leur prouver, à tous, qu'être Master, c'est pas que faire mumuse avec ses pouvoirs et donner des ordres. Se dépasser, de toutes ses forces... Et affronter bien plus fort que soi. Je ne comprenais même pas comment j'y étais parvenu. Mais je l'avais fait : de cela, j'en étais certain.
Ses lèvres s'étirèrent moqueusement, une fois de plus, alors qu'elle me rappelait que j'avais effectivement fini à l'hosto. Ah bah ça... C'était à prévoir, aussi. Pour une Etoile, un Master, c'est un monstre...
Les quelques souvenirs de mon combat contre Mitsuki refirent surface, et j'essayai de ne pas y penser. Surtout pas.
Je ne lâchai finalement qu'un simple :

- Merci.

Puis nous revînmes sur cette fameuse soirée d'Halloween.

-Dis donc, c'est presque comme si tu ne m'étonnais pas ! Dis-moi, Aaron... Cette jeune fille aux cheveux blancs, c'est qui ? Tu aimes beaucoup les filles aux cheveux blancs à ce que je vois...

Je retins une grimace. Sérieusement, c'était quoi cette allusion débile ? Je savais pas encore si je devais m'arrêter sur la partie « aimer beaucoup » ou « cheveux blancs » dans sa phrase, en réalité... Aussi décidai-je de ne m'arrêter ni sur l'un, ni sur l'autre, histoire de ne pas m'attarder sur des pensées qui me déprimeraient bien joyeusement.

- Qui ça, Mitsuki ? C'est mon élève. Enfin, une élève, que j'ai passablement emmerdée dans la salle d'entraînement avant de lui donner des conseils, et... Enfin, c'est tout, quoi, fis-je d'une voix la plus neutre possible.

Maintenant qu'elle avait parlé des Masterisations, je ne pouvais me retirer cette idée de la tête...

- Ah, d'ailleurs, je pense la recommander pour le titre de Master d'ici quelques mois. C'est juste à titre informatif, hein.


HRP : J'y ai repensé... Et vu que je me suis dit que c'était toujours pas fait, je me suis permis de créer l'opportunité ici ._. Du coup, bah... Comme ça c'est fait >o<

Bien, j'ai réussi à ne pas tiquer, c'est déjà pas mal. Par contre, ce qui est moins bien, c'est la tête sceptique qu'Hideko me servit juste après mes paroles, puis son sourire absolument trop amusé que j'aimais pas du tout, là. Elle se fichait de moi, en fait ! Qu'est-ce qu'il y a de drôle à tout ça, hein ? Non, mais vraiment, je trouvais paaaas ça drôle ! Parce que si elle acceptait de la faire concourir dans l'arène, il est évident que je me retrouverais à nouveau à me battre contre elle. Et, la dernière fois, j'ai voulu me promettre de ne plus jamais avoir besoin de lui porter le moindre coup.

-Et tu m'apprends ça comme ça ? De but en blanc ?

Je haussai les épaules. Par quel autre moyen aurais-je pu le faire ? De manière détournée ? Ca aurait été idiot, non ?

-Qu'est-ce qui te fait penser qu'elle serait capable de devenir Master ? Il me semble qu'elle a légèrement pété les pédales il y a un moment de ça, ce jour où elle s'est battue contre Shizuru, avant que cette dernière ne déserte.

Rahhh, c'est quoi ce sourire, sérieux ?

- Je n'ai pas encore dit que je la recommandais de suite. C'est justement pour ça que j'ai besoin de temps ; quelques mois, peut-être un peu plus.

Je marquai une pause, avant de soupirer et de reprendre :

- Je me suis battu contre elle peu après tout ça, et elle a recommencé. Je ne comprends toujours pas réellement ce qu'il s'est passé, mais...

Cette fois-ci, je me stoppai simplement, ne sachant pas quoi dire. Je me remémorai ce sourire presque cruel qui avait étiré ses lèvres d'une oreille à l'autre. Je pinçai les miennes, et fronçai les sourcils. Cela ne datait que du début du mois, mais j'avais pourtant l'impression que cela s'était déroulé la veille. Et me souvenir de son visage désespéré, alors qu'elle me disait qu'elle était terrifiée... Rien que ça me serra le cœur.
J'eus un nouveau soupir.

- Elle m'a fait peur, avouais-je à mi-voix, comme si j'avais peur que mon vis-à-vis ne m'entende.

Je relevai ensuite les yeux vers Hideko, et continuai pourtant, déterminé :

- Mais je lui ai juré. Je lui ai juré que je l'empêcherai de faire du mal ; de se faire du mal. Je lui ai juré que je l'aiderai à faire disparaître cette ombre en elle. Le problème, c'est que je ne sais pas quoi faire. Il me faut du temps.

Je détournai ensuite la tête, peu sûr de moi, avant de souffler :

- Et de l'aide.



HRP : ... Après relecture, je suis en droit de me dire : Mais c'est vraiment Aaron, ça ?

Ma voix se faisait calme, mesurée ; pourtant, je savais – je sentais qu'elle percevait mon hésitation, mon trouble, et... Tout le reste. Je n'irais plus jamais jusqu'à avouer que j'avais peur – il ne fallait pas trop m'en demander, non plus. Je l'avais dit, et je sentais à présent un poids s'enlever de mes épaules. Soulagé d'avoir pu en faire part à une personne en qui j'avais tant confiance, peut-être ? Peu importait, à présent ; savoir qu'Hideko m'écoutait avec tant d'attention m'allégeais quelque peu la conscience, et j'avais à présent la réelle impression de ne plus être le seul à devoir gérer ça. Seul, de toute manière, je ne pouvais rien faire.
Elle me laissa terminer, attentive et studieuse, malgré le trouble qui s'était peu à peu emparé d'elle. Je savais à quoi elle pouvais bien penser – ce n'était pas difficile à imaginer.
Hideko finit par me sourire, et me lancer une petite pique :

-Et tu demandes à une femme enceinte de t'aider à s'occuper de ce genre de cas délicat ?

Mes joues prirent une teinte rouge soutenue, et je bafouillai légèrement sans parvenir à articuler quoi que ce soit de compréhensible. D'accord, c'est clair qu'elle avait pas totalement tort, mais... Mais... Mais bref.

-J'aimerais la voir à l'oeuvre. Véritablement. Ou alors... J'aimerais que tu me dises exactement ce que tu as ressenti en sentant son regard sur toi.

Je hochai la tête en fixant mon assiette, me mordillant pensivement la lèvre.

– Je ne sais pas. C'était confus.

Je soupirai.

– Au début, j'étais pas plus motivé qu'elle pour le combat. Puis, quand j'ai commencé à devenir aussi sérieux que possible... C'était pas très simple, m'enfin... Bref. Il y a eu un déclic. Une détermination sans nom. Une sensation de puissance. Du défi.

Puis, je plantai à nouveau mes yeux dans les siens.

– Ce n'était pas elle. Ce que j'ai ressenti, ce n'était pas elle.

Malgré tout ce qu'elle avait pu dire...

– Tu sais, Hideko, je sais pas quoi faire, je suis complètement dépassé. Je veux pas la revoir comme ça. Elle se rend pas compte, sur le coup, mais après, c'est comme si... C'est comme si elle ne pouvait pas contrôler ses propres réactions. Et pourtant, elle continue à dire que c'est elle, et...

Je fis un petit claquement de la langue, et tentai de reprendre mon calme. Cette situation ne me rappelait pas de très bons souvenirs.

– J'en crois pas un mot. C'est pas elle. J'ai l'impression d'avoir affaire à une espèce de schizophrénie, et je t'avoue que c'est assez flippant. Ça n'arrive qu'en situation de danger. Un instinct de survie ? Ça peut être quoi, exactement, Hideko ?

Ma voix s'était fait totalement désespérée. Dépassé. J'étais complètement dépassé.

HRP : Je suis désolée du temps de réponse >< Et pardon du ton déprimant du truc, c'est venu tout seul >O>'


Je fronçai légèrement les sourcils, tandis que j'observai le visage d'Hideko se décomposer et devenir de plus en plus pâle. Je ne l'avais que rarement vue comme ça, aussi soucieuse, inquiète ; et, une fois de plus, j'en vins à repenser à cette nouvelle qu'elle m'avait annoncée en début de soirée : elle allait être mère. Et elle serait une mère excellente, soucieuse, appliquée ; le genre de mère que tout le monde rêverait d'avoir. Ce petit, ou cette petite, je ne sais pas, il ne sait pas encore la chance qu'il a de pouvoir avoir une génitrice pareille – et je ne doutais pas qu'il l'apprenne bien assez tôt.
Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas faire semblant de ne pas ressentir ces sentiments qui tourbillonnaient au fond d'elle, et ce que je lisais dans ses yeux m'attristait encore plus. L'impuissance. Je connais ça.

-Peut-être le choc de son enlèvement. Ou bien l'hérédité, vis à vis du passé de sa mère. Je n'en sais rien... Ce que je sais c'est que c'est elle... Sans être elle. J'imagine qu'elle vit cet état sans pouvoir le changer ou... Enfin, ce ne sont que des suppositions, mais je pense qu'elle part dans une sorte de transe. Peut-être que c'est effectivement un instinct de survie...

Je hochai la tête, semblant comprendre ce qu'elle souhaitait me dire.

– Honnêtement, je n'en sais rien non plus ; mais elle avait effectivement parlé de sa mère et... Elle semblait avoir peur de vivre la même chose. Hideko, je...

Je soupirai, et continuai :

– Je veux pas la laisser comme ça. Pas toute seule...

C'est trop dur, d'être seul, dans ces situations-là. Je ne le sais que trop bien. Mais cette solitude, c'est moi qui l'ai souhaitée ; pour n'impliquer personne, pour ne blesser personne. C'était trop douloureux, et je n'ai jamais aimé faire porter le fardeau de mon existence à qui que ce soit – la preuve en était que j'avais lâchement délaissé Emmy alors qu'elle avait plus que jamais besoin de moi. Ceux qui sont proches de moi, toujours, ils se retrouvent confrontés à ces moments de doute qui m'enveloppent et ne me lâchent plus ; et je ne sais d'ailleurs toujours pas pourquoi. C'est terrifiant, parfois, de se dire que simplement croiser son propre reflet dans un miroir peut vous laisser dans un état de désespoir profond. Pour rien. C'est pour ça ; je n'aime pas être chiant, je n'aime pas blesser les autres, mais il le faut, pour qu'ils s'éloignent.
Et, pourtant, je n'ai jamais aimé être seul.

-Ce n'est arrivé qu'une fois ?
– Je n'en sais rien. Lorsqu'elle s'est battue contre cette Feu, cette Shizuru, je crois, il me semble qu'elle a réagi de la même manière, comme tu l'as déjà dit... Et que c'est pour cette raison que je suis allée lui demander se battre contre moi. Sinon, je ne sais pas.

J'étirai un sourire pâle, sans joie, et secouai tristement la tête, les yeux perdus dans mon assiette à demi vide ; je n'avais déjà plus faim, à vrai dire. Lui demander de se battre... Et l'obliger, un peu plus à chaque fois, à ne pas s'en aller, à ne pas me laisser aussi. C'était de l'égoïsme – c'était par pur égoïsme que j'ai souhaité l'entraîner. Et, à présent, je la blessai, et je ne pouvais même pas l'aider alors qu'elle en avait tant besoin. L'impuissance... Comme toujours.
Je relevai les yeux vers Hideko, et lâchai, dans un semi rire :

– Je suis un prof affreux, en fait.

Dire que j'ai toujours apprécié les enfants, depuis toujours... M'occuper de mes sœurs m'aura au moins appris à savoir y faire avec eux. Du moins, c'est ce que je croyais.
Et Mitsuki n'est plus une gosse...

Il n'y avait pas de mot pour décrire mon état en cet instant précis. Quelque chose entre un malaise profond et un désespoir hors norme – en même temps qu'une gratitude qui ne cessait de croître. Je n'avais jamais attendu ces mots – parce que je doutais que quiconque puisse les penser un jour.
C'est vrai, quoi ; j'ai jamais rien fait pour qu'on m'apprécie, alors pourquoi quelqu'un essaierait de me parler suffisamment longtemps pour comprendre que c'est pas comme ça que je suis ? Même si parfois je ne pouvais m'empêcher de passer de ce que j'étais à ce que je n'étais pas... Ah, non, en fait, c'était l'inverse. J'étais toujours ce que je n'étais pas. Presque toujours ? Je crois que j'ai même réussi à me persuader moi-même que ce masque cynique faisait partie de ma personnalité – et peut-être que c'est le cas, au final ; pour me protéger ? De quoi, des autres ? C'est pas non plus comme si ils me faisaient peur. Je crois. Ils ne me font pas réellement flipper, c'est juste... De la méfiance ? Sérieux, à qui j'aurais pu paraître « normal » ? J'ai appris tout jeune que pour se faire un minimum respecter – et oublier dans un coin, surtout, comme ça on est tranquille – fallait pas se dévoiler. Sinon quoi ? Sinon on se fait lyncher comme une pauvre merde. Déjà que quand on avait ma taille, au collège, c'était pas toujours super joyeux... Si j'étais resté un gentil p'tit toutout tout souriant, il se serait passé quoi ? Honnêtement je veux pas y penser.
Ma vie, c'est de la merde, et je vous emmerde.
N'empêche, ça me perturbe. Pas parce que c'est la directrice de Terrae. Même si elle est censée en connaître pas mal sur ses élèves (et qu'un jour j'étais l'un des siens), y en a, je sais qu'elle peut clairement pas les blairer, et pourtant, j'ai pas l'impression d'avoir été tellement mieux. N'importe qui aurait pu faire ce que j'ai fait ; n'importe qui. Même certains élèves, si ils en avaient eu le pouvoir, seraient allés à la rescousse de Mitsuki (et des deux autres mais je sais plus leur nom...) sans même hésiter. Ce que j'ai fait, ça fait pas de moi un héros, bordel de Dieu. N'importe qui aurait pu aller les chercher dans cet enfer – peut-être que des initiés ou étoiles en seraient pas revenus, mais je sais mieux que quiconque qu'il ne faut pas sous-estimer la force du mental de ces gosses. Ils sont plus forts que moi, en tout point.
Je ne suis pas « gentil. » Sinon j'aurais été Eau. Quoi que. J'aurais peut-être pu être Eau à bien y réfléchir. Un bon petit toutou... Ahhh. Tomoe est pas un chien, faut que j'arrête avec cette comparaison, ça m'énerve.
Je sais pas comment Hideko fait pour réussir à voir autant à travers moi.
BON. Peut-être que notre première rencontre y est pour quelque chose. Peut-être.
… BON, OK, SÛREMENT, voilà.
Fuck.
Un soupir m'échappa malgré moi, et je ne pus que sourire faiblement, baissant légèrement les yeux.

– Pardon.

Ça fait un peu beaucoup pour une seule soirée, je trouve. Je m'excuse un peu trop.

– Mais j'aimerais bien ne pas me la prendre, quand même, ta baffe. Je suis pas sûr de m'en remettre.

Mon visage redevint un peu plus serein, toujours triste néanmoins.

– Je l'aiderais. Mais je sais pas quoi faire pour...

Je restai un instant les yeux perdus dans le vide, avant de constater que nous avions tous deux fini notre assiette. Je relevai le regard vers elle, souris une fois de plus.

– Je peux débarrasser ?

Après avoir reçu son assentiment, je me levai, attrapai les assiettes pour commencer la vaisselle.

– Je pense pas que me battre contre elle soit la solution, tu sais. J'ai peur de lui faire du mal – mais en même temps, si j'y vais pas à fond, ça va finir comme la dernière fois. Sauf que c'est moi qui vais finir à l'hosto.

Quels pouvoirs flippants, quand même.