-C'est vrai, d'après mon père on a pas du tout le même caractère toutes les deux et au niveau physique la seule chose que j'ai hérité d'elle ce sont mes yeux. Elle s'appellait Yin, je crois que son nom de famille était Asano.

Le passé. C'était le passé qu'elle avait employé pour parler de sa mère. J'avais fait exprès, moi, de parler au présent... Ce qui l'aurait incité à le faire aussi, si sa mère était encore vivante. Or, elle m'avait répondu au passé. En me disant qu'elle s'appelAIT Yin... Et qu'aux dernières nouvelles, son nom de famille étAIT Asano...
Cependant, je n'eus pas le temps d'en parler ou d'y faire allusion maladroitement pour être sûre de ce que j'avais supposé, quelques secondes plus tard, June me confirmait mes doutes :

-Elle est morte à ma naissance en fait, je ne l'ai pas connu même si j'aurais vraiment aimé. Tu as beaucoup de chance d'avoir des parents comme les tiens je pense, quand on te voit on comprend qu'ils t'ont beaucoup aimé.

J'affichai un regard désolé, triste pour elle. Quand je savais tout l'amour que je portais à mes parents... Je n'arrivais pas à m'imaginer à sa place... Sans mère. Je sais que sans ma mère, ça aurait sans doute été totalement différente, la relation que j'aurais eu avec mon père. Je veux dire... Si Maman n'avait pas été là, il aurait dû joué double rôle. Papa ET Maman. Si je pouvais autant m'amuser avec lui, si on pouvait autant de charier... C'est parce qu'on n'avait pas à être toujours si sérieux. Les responsabilités étaient partagées entre eux deux, ce n'était pas que l'un d'entre eux qui les supportait. Or, là... Si Maman n'avait pas été là, Papa aurait dû tout supporter. Et j'étais certaine, connaissance son caractère, qu'il aurait bien moins rigolé avec moi. Il aurait voulu tout faire bien, pour mon bonheur, et le prix à payer c'était la déconnade.
Je secouai finalement la tête pour me remettre les idées en place.

-Ton père t'a aussi beaucoup aimé je suis sûre, non ?

Je l'écoutai attentivement, tentant de m'imaginer à sa place. Je m'imaginais sans Maman, avec Papa. Je m'imaginais donc vivant avec un père identique à celui qu'elle me décrivait... Et je ne pouvais qu'imaginer la lueur de tristesse qui aurait pu briller dans les yeux de Papa en me voyant grandir, alors que mes traits ressemblaient de plus en plus à Maman, que mes cheveux ne cessaient de s'éclaircir... Oui. Je sais qu'il se serait instinctivement "éloigné" de moi pour se protéger de sa propre tristesse, de son malheur qui le rongeait. Je pense que si Maman était morte, et qu'il avait dû m'élever seule, s'il avait dû continuer à me voir grandir et ressembler de plus en plus à Maman... Il aurait été dans tous les cas obligé de s'éloigner pour me protéger moi. Parce que je le connaissais. Lorsqu'un sentiment le submergeait trop, il pouvait devenir méchant, voire violent.
Il aurait suffi que j'insiste pour un détail, pourtant insignifiant, pour que plongé dans ses remords, rongé par la solitude et la perte de l'être aimé, il m'envoie voir ailleurs avec méchanceté et froideur... Tout simplement parce qu'il aurait été trop submergé par ses sentiments pour se contrôler avec moi, qui lui aurait trop rappelé Maman.
Alors oui... D'une certaine manière, j'arrivais à m'imaginer à la place de June, et à m'imaginer son père. Et en suivant ce que disait June, je pensais qu'elle ne devait pas avoir totalement tort... Et qu'elle devait avoir bien compris son père. Ce qui était tant mieux pour lui... Car grâce à cela, même s'il s'était visiblement éloigné d'elle, elle avait continué à l'aimer de tout son coeur.
Par la suite, June me demanda ensuite si c'était bien d'avoir une mère, et je ne pus empêcher un énorme sourire de venir se peindre sur mes lèvres.

-C'est merveilleux. En tout cas, moi je trouve que ça l'est. Même si elle n'était pas très cuisine ou très féminine, Maman était une personne formidable. Elle était très douée de ses mains, elle me fabriquait plein de petites choses lorsque j'étais petite. Des robots, des bricoles. J'en ai toujours pris énormément soin ! Et puis, elle m'avait même offert deux robots bien plus poussé, qu'elle avait elle-même assemblé, encore une fois. En même temps, c'était dans ce genre de chose qu'elle bossait... Mais elle m'avait créé deux robots, qu'elle avait rendu encore plus réel en leur donnant une apparence de peluche... Le truc, c'est que petite, j'avais vraiment l'impression que ces peluches avaient une âme ! Il y a quelques années de ça maintenant, elles sont tombées en panne, et je ne l'ai jamais dit à Maman. Par contre, je les ai quand même gardé... Et je les ai amené à Terrae. Elles me permettent de penser à tous ces jours heureux que j'ai passé à la maison quand j'étais petite, à ces après-midi que j'ai pu passé à me balader avec Papa et Maman, accompagnée de mes robots qui faisaient baver d'envie tous les enfants que je croisais et qui jusque là avaient passé leur temps à se moquer de moi, de mes cheveux et de mes yeux.

Je marquai une pause, avant d'ajouter :

-Et puis... C'est beau, de voir sa mère avec son père, de les voir s'aimer, de les voir complice. Je sais que ça, tout le monde ne peut pas le vivre, certains parents divorcent ou bien passent leur temps à s'engueuler mais restent ensemble pour des soucis financiers... C'est pourquoi je remercie énormément mes parents pour tout ce qu'ils m'ont offert : leur amour, leurs sourires, leur bonheur qu'ils m'ont transmis...

Je souris, secouant la tête pour tirer mon regard hors du vide afin de le reposer sur June.

-Ca me fait tellement mal au coeur de savoir que tu n'as pas connu ma mère ! Je suis désolée, parce qu'en plus, je dois être en train d'enfoncer le couteau dans la plaie... Mais tu es tellement courageuse aussi... Je t'admire.

-Je n'ai rien fait de vraiment digne d'être admirée, j'ai juste grandi comme ça. Perdre un parent ça doit être bien plus dur que ça. J'ai eu beaucoup de chance que mon père s'occupe bien de moi, je ne pense pas que tout le monde en aurait fait autant et je le respecte beaucoup pour ça parce que je sais que ça n'a pas été facile pour lui.

Je hochai la tête, sentant mon coeur encore serré après l'avoir vu pleurer. Je me mordis la lèvre inférieure et continuai malgré tout à acquiescer. Même si elle avait "grandi comme ça". Si, n'ayant jamais connu sa mère, elle ne pouvait pas précisément savoir la différence que ça aurait apporté dans sa vie... J'étais certaine que ça devait quand même être dur à vivre. L'absence d'une mère, ce n'est pas seulement quelque chose... Avec lequel on s'habitue à vivre. Quand on est petit et que l'on voit des mères venir chercher leurs enfants, se dire que nous, nous n'aurons jamais de mère pour venir nous chercher à l'école... Ca doit être dur à accepter.
Cela dit, j'étais d'accord sur ce qu'elle disait sur son père. Je veux dire... Ce n'est pas comme dans ses familles que je trouve si triste ou, après le décès du ou de la compagne, le parent restant enchaîne les aventures en dépit de ses enfants. Non, son père avait respecté ça, avait respecté sa fille et sa femme... morte. Et je trouve que pour ça, c'était un très bon père.

-Tu as de la chance d'avoir eu un père comme ça, dans ce cas...!

Tentant de changer de sujet, je pris un petit air taquin, même si le coeur n'y était pas encore parfaitement.

-Mais j'espère que comme tous les enfants, tu lui as causé du souci quand tu étais petite !

-Pas vraiment, j'étais très sage comme enfant à ce qu'il parait mais je suis une ado insupportable d'après lui. Il dit souvent que je comme j'étais trop sage petite je me rattrape en piquant une crise d'adolescence double force. Ca me fait bien rire même si je crois qu'il est quand même à moitié sérieux en disant ça.

Je souris, et hochai la tête. En fait, j'étais impressionnée que ça n'ait pas été l'inverse ! Je ne sais pas, je l'aurais plus imaginé assez turbulente petite, à toujours poser des questions un peu déplacées à son père, genre où est sa mère et tout le tralala, et à, au moment de l'adolescence, se rendre compte de tout, prendre conscience des choses, et alors, après avoir relativiser, devenir beaucoup plus mature et beaucoup plus calme et sérieuse. Mais... Ben visiblement, je m'étais trompée !

-Pourquoi est-ce qu'il dit que tu es une "ado insupportable", même si j'imagine effectivement comme toi qu'il exagère en disant cela. Je veux dire... Tu as l'air normale, non ? A moins que tu caches super bien ton jeu !

Je lui adressai un sourire, attendant sa réponse. Après tout, j'étais bien curieuse de savoir, tiens ! Moi, je me souviens que Maman m'avait dit que j'étais un ange, toute petite. Puis, j'avais commencé à me rebeller un peu, et j'avais changé, mais j'étais toujours resté agréable avec les membres de ma familles et mes amis proches, et que de ce fait, elle ne pouvait pas m'en vouloir d'avoir changé, mais simplement me comprendre de l'avoir fait.

Ah... Ah ouais, ok, je vois le genre ! C'est vrai que j'étais pas trop comme ça moi ! Moi, en cours, j'avais toujours super beaucoup de mal à me concentrer et à écouter, alors du coup je dessinais dans mon coin, ou alors, quand j'arrivais à me concentrer, j'étais trop au taquet et je prenais tout en note ! Sinon, quand j'étais de corvée de ménage, ben je trouvais soit quelqu'un pour le faire pour moi, soit j'y allais et je perdais un peu de mon temps à nettoyer et astiquer les moindres recoins de la pièce ! Enfin bon, moi, j'ai jamais pensé à faire des farces comme ça ! Je crois que j'aurais bien aimé voir ça...
Ecoutant l'exemple qu'elle me donnait, je tentai de m'imaginer, avant de rire légèrement.

-Et bien, effectivement, tu avais l'air infernale pour tes prof ! J'aurais vraiment aimé voir ça...

Je souris, amusée. Je pense que si j'avais été dans sa classe, on aurait pu être amie. Elle avait l'air vraiment sociable, et elle était ce genre de fille que j'aimais bien, ça aurait été cool.

-Dis voir, tu devais avoir plus d'amis garçon que fille, non ?

Je ne sais pas, je la voyais plus comme ça... Mais peut-être que je me trompais !

HRP : Pas de souci, t'inquiète ^o^

-En fait on pourrait dire que je n'avais presque pas d'amis, plus des camarades de classes en fait. Comme Papa m'a élévé seul et que lui et Maman n'étaient pas marriés on me considérait comme une marginale et mon caractère espiègle n'arrangeait pas trop les choses. Du coup les autres n'aimaient pas trop me fréquenter. Jusqu'au lycée ça ne m'a jamais embêté, je suis une fille très discrète quand je le veux et avant que Nee-chan s'en aille je n'avais pas l'impression d'avoir besoin d'autres amis.

June... Avait une soeur ? Pour qu'elle l'appelle Nee-chan, elle devait énormément tenir à elle... Mais j'avais pourtant du mal à comprendre. Je croyais que son père l'avant élevée seul ? Bon bah ça y est, j'étais perdue !
Mais tout de même, n'avoir presque aucun ami ça doit être... dur, non ? Et puis être plus ou moins évitée... Raah, je n'imaginais même pas ! Pourtant, je savais qu'il y avait pire, et puis June ne semblait pas en avoir souffert, mais... Quand même. Rien que pour ça, même si c'était insignifiant, je la trouvais courageuse. Bien sûr, je garderais ce compliment pour moi parce que je sais qu'elle ira rétorquer quelque chose comme "Mais j'avais pas besoin des autres, j'avais ma soeur" mais voilà quoi ! Moi je trouve ça courageux, c'est tout !

-A ma rentrée au lycée je me suis fait deux vrais amis, Keigo et Mayumi mais depuis que je suis ici... Enfin je ne vais pas te raconter ma vie non plus mais se rendre compte que son meilleur ami est amoureux de soi... Je pense qu'on peut dire que ça éloigne un peu.

Son... Meilleur ami était amoureux d'elle ? Et ben, heureusement que ça n'est jamais arrivé entre Allen et moi ! Sinon c'est sûr que j'aurais été perturbée ! Je la comprends ! (Haha, comme Mitsuki est naïve, j'adore xD)
Enfin, j'étais quand même tout de même intriguée, vis à vis de cette Nee-chan.

-June, tu avais une soeur ? Je croyais que ton père t'avait élevé seul ? Et puis ne t'inquiète pas, ça ne me dérange pas que tu me racontes ça ! J'adore écouter les autres parler, même si je n'arrive pas forcément toujours à comprendre tout, parce que je suis pas douée avec ça, mais enfin, je fais des efforts !