Aaron n'avait plus de repère dans le temps. Parfois, il avait l'impression qu'une minute prenait des heures à s'écouler, et d'autre fois que cette même minute ne durait même pas une seconde. Les yeux fermés, respirant doucement, il ne se rendit pas compte qu'au moins vingt minutes s'étaient passées. Mais quelle importance, elles avaient ? Aucune. Du moins pour le moment... Mais d'autres cauchemars virent le torturer durant la nuit, ne lui accordant absolument pas un sommeil réparateur et même s'il se réveilla, pour de bon, vers onze heure, il avait l'impression de ne pas avoir dormi du tout. Il avait beau s'être réveillé, il n'avait aucune envie de sortir du lit, malgré le fait que ce ne soit pas le sien et... ne s'en sorti que vers treize heure quand son estomac le martyrisait beaucoup trop pour rester allonger. Vidant la bouteille d'eau, qu'il avait ramené, il avait, ensuite, quitté sans un bruit la chambre de la rouquine pour aller dans la sienne. Sa froideur et son odeur métallique le révulsa. Il faudrait, vraiment, qu'il achète un chauffage... Ou qu'il trouve comment activer la clim qui faisait aussi chauffage. Il fila jusqu'à sa salle de bain et se lava rapidement. Il avait beau vouloir la chaleur de son environnement, les douches brûlantes ce n'était pas encore au programme. Alors qu'il s'habillait, il vit le petit bout métallique traînait sur le dallage glacé du lavabo. Pendant quelques secondes, il fut tenté de continuer à maltraité ses bras, mais... l'air déçu de son frère lui revient.
- Ce n'est pas ce qu'il aurait voulu, chuchota-t-il devant la glace. Hein... Tu n'as pas voulu ça ?

Aaron avait beau ressembler à son frère, parler à son propre reflet n'allait pas lui répondre comme s'il l'était. Il sera le bord alors que ses pouvoirs se remettaient à faire n'importe quoi. Les éclairs semblaient particulièrement énervés alors que la téléportation ne s'était plus du tout faite entendre depuis qu'il était rentré... L'adolescent soupira en se détournant. En ignorant les éclairs qui s'agitaient. Ils ne pouvaient pas lui faire de mal, hein. Il prit l'oreiller qu'il avait pour habitude de serrer contre lui et s'enfuit de sa chambre pour se rendre dans celle de Ludmila. Il ne voulait plus être seul... Attirés par le métal, les éclairs filèrent droit sur la poignet en même temps qu'il y posait la main. Il se reçu tout le jus, qui l'électrisa et le réveilla pour de bon. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête alors que son souffle s'échappait.

Woh. ça ne lui avait jamais fait ça. Il avait du mal à croire que c'était ses pouvoirs, ses propres pouvoirs, qui venaient de le blesser. L'adolescent enleva sa main et la regarda. La paume entière semblait brûlée et pourtant, il ne sentait rien. Et pour cause ! Tout son bras gauche était endolori. Il souffla, complètement éberlué et rentra en prenant soin de ne plus toucher cette poignet. Non, non, non... Ce n'était pas ses pouvoirs. Ça ne pouvait pas être ses pouvoirs. C'était la faute à la poignet, devait y avoir un mauvais raccord... mais ça ne pouvait pas être ses pouvoirs. Il essayait de se convaincre alors qu'il retournait vers le lit. Puis... peu à peu, les sensations dans son bras revinrent. Ainsi que la douleur. Dans sa main. Vive. Saisissante. A couper le souffle. L'adolescent la regarda de nouveau, le sang commençait à apparaître, formant une petite flaque et perlant doucement sur son pantalon.
- Ludmila, l'appela-t-il en s'asseyant en tailleur face au lit. Tu aurais des bandages ? Et un truc pour désinfecter ?

Bon... dit comme ça, et sans explication, il était presque sûr d'avoir droit à une scène. Ou alors elle ferait comme son frère : l'engueulerait, lui dirait de se démerder pour revenir vingt secondes plus tard avec tout ce qu'il fallait pour soigner quelqu'un et continuerait à pester mais en le soignant. Il était tellement captivé par cet étrange blessure qu'il oublie tout ce qui l'entoure et toutes ses pensées.
- Dis Ludmi, fit-il après un long moment. Ton pouvoir t'a déjà blessé ?

L'adolescent leva la tête vers la rouquine et la suivit du regard. Elle avait l'air... A vrai dire, il ne trouvait pas de mot pour décrire l'expression qu'elle avait. Mais, en tout cas, elle lui rappelait son grand frère. A chaque fois qu'il le voyait revenir avec une nouvelle blessure, Aaron avait toujours eut l'impression qu'il avait un mot sur le bout des lèvres qu'il n'osait pas dire. Enfin... Peut-être qu'il l'avait dit une fois, mais il n'en était pas très sûr. En même temps, cela remontait à assez longtemps. Du temps où il était à peine plus haut que trois pommes, ou quelques choses comme ça. Comme il traînait, trop occupé à regarder comment la blessure évoluait, il ne s’assit sur le lit, qu'à la dernière seconde. Quand il sentit l'ombre de Ludmila lui glacer le dos. ça faisait un peu bizarre... Mais il se tint tranquille, la main tendu à la regarder faire.
- C'est pas ma faute, marmonna-t-il en gonflant les joues après qu'elle l'ait accusé d'avoir fait l'idiot avec ses pouvoirs.

Aaron finit par détourner la tête. Autant pour ne pas l'expression de Ludmila que par croyance stupide que s'il ne regardait pas et bah, ça ferait moins mal. Mais sa croyance lui sembla bien erronée lorsqu'il se mit à trépigner de douleur sur le lit. C'était pas censé être marqué "ne pique pas" !? Il fait la moue. Si même les médicaments se mettaient à mentir... Elle lui fit un bandage et un "oh" silencieux se dessina sur ses lèvres. ça changeait du bandage...sur le tas de Marvin. Celui là était plus propre, et serré comme il le fallait. C'était stupide, mais c'était des petites choses sur lesquelles l'adolescent se focalisait rapidement.
- Mais j'ai rien fait ! Insista-t-il en tournant de nouveau la tête vers elle. C'est mes pouvoirs tout seul. Ils font n'importent quoi depuis que je suis revenu. Je contrôle plus rien. Quand je veux les utiliser y absolument rien qui se passe mais quand je les ai en horreur, ils se déchaînent en essayant de sortir. C'était pas voulu hier.

L'adolescent ne savait absolument pas comment décrire la sensation que lui provoquait cette perte de contrôle. Alors cela donnait un récit sur un ton boudeur en regardant le bout de ses chaussures. Pourquoi ne contrôlait-il plus rien ? Même ses émotions semblaient lui échapper. Se laissant tomber sur le dos, il leva sa main bandée pour la voir. Main gauche... Poignet gauche... La cicatrice était masquée par la bande de tissu mails il devinait aisément où elle se trouvait. Il ne se sentait pas la force de dormir, mais encore moins de faire quelque chose. Avec un soupire il laisse tomber son bras, qui lui tombe sur les yeux, et un léger éclair en profite pour s'enfuir. Les minutes passent sans qu'il ne bouge. L'esprit perdu dans le vide. Ne pensant à rien... Puis il finit par bouger, se reculant contre le lit, son oreiller serré contre lui.
- Ça ne te l'a pas fait ? demanda-t-il en ramenant ses genoux contre son menton. J'veux dire... de ne plus contrôler du tout tes pouvoirs et qu'ils fassent comme s'ils avaient leurs propres volontés ?

Dépité, l'adolescent penche la tête en arrière en voyant la réponse de Ludmila. Non... Pourquoi ça ne lui faisait qu'à lui ? Le regard perdu dans le plafond, il écouta ce qu'elle lui disait. Se sentir coupable et refuser tout bonheur... Etait-il égoïste ? Ou avait-il oublié un truc important ? Parce qu'il n'arrive pas à ressentir cette culpabilité. Après tout, c'était de SA faute si son frère était mort. Parce qu'il l'avait énervé, alors qu'on lui avait dit de ne pas le faire. Parce qu'il était né... Même revenir à ces évidences ne le fit plus rien du tout. Du moins, au niveau de ses émotions. Ce fut le désert complet dès qu'il y pensa... Blackout ? Il savait, de par les dires de son frère, qu'il en avait déjà fait un voire même deux. Mais... pourquoi ? C'est en sentant quelques choses contre son épaule qu'il redescendit sur terre. Euwh... Que faisait-elle là ? Légèrement surpris, il se crispa mais ne bougea pas. Et l'écouta. Et dès qu'il eut fini, il rétorqua en secouant la tête :
- Attentiiion une poignet de porte sauvage apparaît ! Pouvoir lancer éclair ! C'est super efficace, la poignet est électrocutée : elle ne peut plus agir ! Malheureusement il est trop tard : main s'est déjà posée dessus. C'est très efficace : main est brûlée !

Son ton est railleur, signe qu'il ne croit absolument pas à la théorie de la rouquine. De plus, ayant imité un jeu très célèbre, il y avait de grande chance pour que la rouquine ne le prenne pas trop mal. Du moins, c'est ce que disait une petite pensée qu'il lui traversa l'esprit. Pendant quelques secondes, y a eut plus rien. Plus de regret, de tristesse, juste une petite flamme d'espoir qui avait brûlée dans ses yeux. Mais quand il se tu, tout revient, la cachant. Posant de nouveau le menton sur ses genoux, il ferma les yeux doucement.
- J'ai pas envie de sortir, chuchota-t-il. J'ai plus envie de sortir...

Pourquoi... ? Car l'adolescent n'avait jamais été très social et dès que son frère était là, il ne le quittait plus d'une semelle qu'importe ce qui se passait. Et le fait de savoir que maintenant il n'aurait plus cette personne pour le protéger, pour le pousser en avant, l'effrayait grandement. Parce qu'il se reposait toujours sur son frère quand les conneries devenaient énormes et qu'il savait qu'il allait en pâtir. Sans son grand-frère, son protecteur... il redevenait un gosse ayant peur de tout. Comment il allait faire maintenant qu'il était parti...
- C'est pas juste, gémit-il en s'appuyant contre Ludmila, les yeux clos de nouveau rempli de larme.

L'adolescent ne réagit pas. Pourquoi il n'avait pas le droit d'abandonner ? Pourquoi il ne pouvait tout simplement pas tout laisser tomber ? Pourquoi se coltiner tout ce poids... ? Toutes cette douleurs ? Il avait envie de dire non, il n'avait pas proposé son aide à Ludmila, il l'avait forcée à la prendre. Il l'avait tellement accablée qu'il avait finit par lui ouvrir les yeux... ça faisait toujours comme ça. Les remords, les remords, toujours il les utilisait afin d'obtenir ce qu'il voulait. Et ce qu'il avait voulu ce jour là, c'était que la rouquine retrouve le sourire... Il releva doucement la tête lorsqu'il la vit s'habiller, où voulait-elle aller ?
- Maintenant, tu t'habilles chaudement et tu me suis. Et si jamais tu fais mine de rester ici, compte sur moi pour te faire sortir comme ça, même si tu te gèles.

Aaron se renfrogna. Non, non, non, il ne voulait pas sortir. Secouant faiblement la tête, il finit par la cacher entre ses mains. Il se met à frissonner, et se recule, va se réfugier contre le mur. Il ne veut vraiment pas sortir. Là, il aimerait vraiment que ses pouvoirs sortent pour le protéger, pour réchauffer ses bras mais rien... il tente de les retrouver : rien non plus. C'est comme s'ils avaient complètement disparus... Pourquoi... Il les voulait, vraiment. Il en avait besoin... Il voulait leurs réconforts, la douce chaleur qu'ils lui procuraient. Même si cette chaleur était agressive, violente... il voulait juste s'en contenter.
- Je veux pas Ludmi, s'il te plais, je veux pas sortir...

Le reste de la phrase fut coupée par un hoquet silencieux. Il affrontait de nouveau une crise. Certes, beaucoup moins forte que les autres, mais qui pouvait facilement dégénérer...
- S'il te plait, articula-t-il sans lever la tête.

Au fond de lui, y avait bien une petite pensée qui lui ordonnait de faire un effort, qu'il décevait la rouquine, qu'il pouvait bien le faire à contre cœur après ce qu'il lui avait fait... Mais cette petite pensée était trop petite pour se faire entendre par les autres. Trop futile, trop légère... Et rapidement, elle fut englouti par les autres et les idées qu'elle prônait, disparurent dans la tempête qui s’élevait dans sa tête.

Ne pas parler... Ne pas l'écouter... Pourquoi faisait-elle cela ? Alors qu'elle sait pertinemment que ça lui fait si mal... Il aimerait lui crier de se taire. De ne pas parler de lui... Mais il n'y arrive pas. Pourquoi fait-elle ça... ? Il ne veut pas la blesser, mais ses pouvoirs s'affolent sous sa peau. Elle risque de prendre cher. Mais il veut qu'elle se taise, mais sans être méchant... Alors il sort brusquement avant qu'elle ne l'achève. Même a travers la porte claquée, il entend les derniers mots. Ça fait mal. C'était faux... Complètement faux. Il n'est pas capable de le rendre fier. A grandes enjambées, il rejoints sa chambre et s'adosse contre la porte après l'avoir claquée un peu brutalement. Aaron ferme les yeux, les serre fortement. Ne plus voir le monde. Ne plus le supporter... Il renverse sa tête en arrière et souffle doucement. Se calmer... Ne pas se laisser glisser. Ne pas piquer de crise.

Il rouvre les yeux, voit le plafond... Son monde est beaucoup trop horrible pour le moment... Il n'a pas envie de replonger dans sa discussion avec son frère, ni même de revoir les deux cercueils qui descendaient dans les trous. Mais il n'y arrive pas... Son sombre plafond est comme une toile sur lequel se projettent ses souvenirs. Alors il s'en détache, tourne brusquement la tête, et fuit sa porte. Il s'avance vers son lit, avant de se tourner vers son bureau, non... il file vers la salle de bain, mais à mi-chemin refait demi-tour. Il tourne dans sa chambre... Chaque chose lui renvoi un souvenir. Le lit, la soirée avec Marvin ce jour de pluie. Le bureau avec les affaires de son frère balancée dessous. Et la salle de bain toutes ses traîtrises. Alors les peurs enfantines reviennent. Il se traite d'idiot mais pourtant, il reste au milieu de la petite pièce. Là, où le monstre de l'armoire ne pourrait pas l'avoir ni même celui qui se cache sous le lit. Loin, des serpents imaginaires de la salle de bain et des araignées cachées dans les tiroirs du bureau. L'adolescent est complètement crispé, les yeux fermés, il a l'impression de sentir tout ces petits monstres s'approcher de lui... Alors, il fait un geste qu'il n'avait plus fait depuis longtemps. Sa main s'approche de son cou et se referme. Mais... il n'y a rien. Alors il panique. Où est la chaîne ?! Où est le collier ?!

En panique, il rouvre les yeux alors que son pouvoir fait de même. Il cherche du regard tandis que les éclairs vont chercher tous les appareils en fer, ou électrique de la chambre. La l'ampoule y passe, et il se retrouve avec plein de poussière de verre dans les cheveux. Où l'a-t-il mis ? C'est pas possible... Il se retourne et ouvre en grand l'armoire. Rien de rien. File vers le bureau, ouvre les tiroirs, rien non plus, se baisse et met en désordre les affaires, rien, rien et re-rien. De plus, il n'arrête pas d'avoir mal à la main. Alors, quand il pose les doigts sur la règle en métal qui pleurait au sol, et s'électrifie vivement, il ne peut s'empêcher d'hurler :
- ÇA SUFFIT !

Bizarrement, cela fonctionne. Il n'y a plus aucun éclair dans la chambre et il ne sent plus son pouvoir. Sûrement terré de peur quelque part au fond. Il grommelle des insanités contres lui tout en mettant ses doigts dans sa bouche. Ça fait un mal de chien... Tremblotant par autant de volt, il se relève va vers le lit. Les oreillers valsent à l'autre bout de la chambre, renversent deux trois livres qui étaient sur le bureau, et la couette suit presque le même chemin. Toujours rien. La panique revient. Pourquoi ne le trouve-t-il pas ? Qu'est-ce qu'il en a fait ? Il ne l'a quand même pas laissé en Amérique... Il retire les doigts de sa bouche et soulève son matelas. Il n'y voit que dalle et se trouve donc obligé de chercher à tâtons entre les lattes. La peur d'avoir perdu ce simple bout de métal est bien plus forte que celle de se faire happer par le monstre du lit... Mais il ne trouve toujours rien. Ni de collier, ni de monstre. Dans sa chambre, c'est affreux calme d'un coup... Il est complètement abattu. Où l'a-t-il mis... ? Pourquoi même ça, il le perd... ?

Il reste une pièce... La mort dans l'âme, il s'y rend. Y a peu de chance qu'il y soit. Il y a, effectivement, rien qui ne ressemble au collier de son frère. Il soupir en s'appuyant au lavabo. Se passe de l'eau sur le visage et dans la nuque, essaye de se calmer mais... il l'a perdu. Il l'a complètement per... Le miroir est fêlé. Vers le milieu. Comment il a fait pour ne pas voir ça tout à l'heure ? Son reflet est brisé en plusieurs morceaux, et ils lui renvoient tous la figure d'un adolescent complètement perdu et éberlué. Alors il se souvient de quand il avait retrouvé sa chambre... La première chose qu'il avait faite, était de retirer le collier et de le jeter rageusement. Contre le miroir. Parce qu'il était en colère contre son frère. Parce qu'il le haïssait de l'avoir laissé tomber... Parce qu'il en avait marre de le voir à chaque fois qu'il passait devant le miroir. Mais... Où était-il maintenant ?! D'un geste paniqué de la main, il envoya voler toutes les affaires qui se trouvaient sur le meuble. Pour le trouver.
Là.
Juste là.
Ramassé dans un coin comme s'il était autant blessé que lui. Par ce rejet brutal. Et d'un coup il repense à la rouquine. Qui lui proposait gentiment son aide et... comment il l'avait brutalement repoussée. Il ferme les yeux. C'est pas de ma faute, chuchote-t-il. C'est jamais de sa faute. Ce n'est pas de sa faute s'il lui a parlé aussi mal. Ce n'est pas de sa faute s'il se prenait tout ça dans la gueule. Non, Aaron. Ce n'est toujours pas de ta faute si elle avait fini par te parler de cette façon. Ses pensées se faisaient railleuses, accusatrices. Elles le rabaissaient. Non, il se rabaissait. Parce qu'il faisait du mal aux autres, que son frère ne serait jamais fier de lui et que... que voilà. Il n'arrivait plus à trouver ses mots. Ses gestes. Ses doigts n'étaient qu'à quelques centimètres de la chaîne et pourtant, il n'arrivait pas à la prendre. Il ne la méritait pas...
Vraiment ?

Aaron retombe doucement sur terre. Son regard vide, se fit un peu terne mais reprit un bout de vie. Et lorsqu'il les relève, il voit un adolescent perdu, aux bords des larmes... Qui se bat pour retenir ses larmes, ses peurs... Il... Il avait osé dire le fond de sa pensé à son frère, et il était mort. Et... il n'avait rien osé dire à Ludmila, et... qu'est-ce qui ce passerait ? S'il n'avait rien dit à son frère ? S'il avait dit à Ludmila de se taire... ? Qu'est-ce qu'elle faisait ? A cause de ses paroles, de ses gestes ? Qu'est-ce qu'ils avaient pu lui faire... ? Alors que les paroles de la rouquine le détruisaient, qu'est-ce que ses propres silences pouvait lui faire ? Il sent un long courant électrique lui remonter le long du dos. Lentement. Puis brusquement, ses doigts se tendent et choppent le bout de la chaîne. Puis d'un coup, tout devient blanc. Il est aveuglé, et lorsque les couleurs reviennent tout doucement, il titube. Il a la tête qui tourne. Toujours aveugle, il se raccroche à quelque chose devant lui. ça a l'air d'être une veste... ou un pull... un vêtement, va-t-il dire pour ne pas se compliquer la chose. Il tend une deuxième main pour s'y raccrocher alors que ses genoux menacent de se dérober sous son poids. Faudrait vraiment qu'il mange un peu... Il lève la tête alors que des petites plaques de couleur arrivent à percer à travers le blanc aveuglant. Il croit voir de l'orange... ?
- Ludmi ? Fit-il d'une petite voix.

Aaron n' absolument aucune idée d'où il est... Une chose est sûre : il fait froid.

Cela n'avait été une téléportation que d'un centimètre sur le côté. Ou quelques choses du genre... Mais suffisamment près pour déstabiliser complètement l'adolescent. Il sentait le peu de couleur déserter ses joues et aurait surement tourné de l'oeil si la rouquine ne l'avait pas forcé à s'asseoir. Il ferma les yeux en se prenant la tête. Merde... Qu'est-ce qui lui arrivait encore ? Il tremblait de partout, la tête lui tournait et son estomac menaçait de se retourner... Il ne put s'empêcher de lui jeter un regard de chiot battu lorsqu'elle lui tandis le sandwich. Pas ça... Pour pouvoir fonctionner correctement, le corps à besoin d'une certaine quantité de nutriment. Lorsque cette quantité n'est pas atteinte, l'organisme va tenter de le faire comprendre à la conscience qu'il en besoin, aux moyens de diverses réactions : fatigues, insomnies, malaises, vomissements. Ugh... L'adolescent ferma les yeux de douleur en se résignant. Quitte à être obligé de manger, autant le faire tout seul...

Alors il mange. Ou du moins, il s'efforce de manger. Ses bouchées sont ridiculement petites et pourtant, il est déjà dégoûté. Tout à un goût fade, peu ragoutant. Alors au bout de deux ou trois, il ouvre prudemment un oeil, se disant qu'il pourrait arrêter... Mais il croise le regard de la rouquine et le referme presque immédiatement. Il ne pourrait pas faire comme ça... Il continue donc un peu. ça ne le soulage pas... Au contraire, ça ne fait que torturer son estomac qui ne sait plus tellement ce que c'est et qui était plus prêt à tout rejeter qu'à recevoir... De longues minutes passent. Très longues pour lui. Manger est devenu un véritable supplice, mais au moins... il a arrêté de trembler. Fermer les yeux a fait disparaître le tournis, et donner quelques choses à son estomac l'avait cloué sur place. Mais il satura, posant la moitié du sandwich à côté de lui, il réussi à articuler.
- 'peux plus...

Aaron rouvre doucement les yeux et se pelote en serrant la veste qu'il a autour de lui. Croyant que c'est celle de son frère... Il y cherche son odeur... C'est stupide, il le sait, de se fier uniquement à l'odeur, mais ça l'avait toujours réconforté... Parce que c'était son frère, et que normalement il est toujours là pour lui. Mais là, il n'y a pas son odeur. C'est celle de la rouquine. L'adolescent relève doucement la tête. Pourquoi elle fait ça... ? Pourquoi elle reste avec lui alors qu'il l'a tant jetée ?
- Merci, murmure-t-il en baissant de nouveau la tête.

Il ne sait pas quoi lui dire d'autre... C'était un véritable merci. Merci de rester avec lui, malgré tout ce qu'il faisait. Merci de le soutenir. Merci de pas l'abandonner. Et plein d'autre merci... Mais il n'avait pas les mots pour l'exprimer. Il bouge doucement les doigts tandis qu'il posait son menton sur ses genoux. Y a quelque chose qui s'y balance doucement. Comme un pendu au bout d'une corde. Les idées noirs revenues, il joue avec ses doigts pour ramener les plaques dans sa main. C'est froid... Il suppose que la petite broche au cinq étoiles bleues sur le bureau doit l'être, aussi. Tout est froid chez son frère maintenant... Enfin, si son corps aurait été encore entier.
- Je veux le retrouver, hoqueta-t-il en se cachant de nouveau la tête. Je veux revoir mon frère...

C'est trop tôt pour se relever complètement. Ou même commencer à se relever... Deux jours. Deux horribles jours... Il avait mit presque un mois lors de sa "première" mort avant de vouloir sortir de nouveau, alors deux jours... ce n'était pas possible. Tout simplement pas...

- T'en fais pas Aaron. Ça ira. Laisse toi le temps.

L'adolescent releva la tête, de surprise. Et il ne put s'empêcher de rire. Parce qu'il n'y croyait pas tellement. Parce que c'était idiot... Tellement idiot qu'il craquait. Les larmes qu'il avait aux yeux n'étaient pas de larmes de rire, juste de tristesse. Mais le son qui s'enfuyait était bel et bien un rire, même pas hystérique, juste un rire. C'était tellement stupide, et il était tellement à bout, qu'il lui fallut bien une voire deux minutes avant de réussir à se calmer. Alors, quelques larmes de rire se mêlent à celles de la tristesse et il pose sa tête contre l'épaule de la rouquine. Chacun son tour, quoi... Il ferme les yeux alors que quelques restes de rire le secouent nerveusement. Il penche un peu la tête vers la rouquine et arrive à lui sourire. Un sourire faiblard, tremblotant, mais un sourire. Alors qu'il serre si fort les petites plaques que ses phalanges blessées devinrent blanches.
- Ça va aller...

Ça va aller... Suffit d'y croire. Même s'il en a pas envie. Suffit juste d'y croire. Peu à peu, son sourire se tarit et il finit par incliner doucement la tête. Il est fatigué... Fatigué de supporter ces changements brutaux. Un coup trop de sentiment et un autre absolument aucun... Jamais le juste milieu... Non, il n'arrivait plus à l'atteindre ce juste milieu. Comme si ses pouvoirs avaient tout déréglés. Pelotait sous la veste de la rouquine et un peu contre elle, il se sent bien. Il n'a plus vraiment peur... Y a pas de monstre dans l'armoire, ni sous le lit, pas de serpent dans la salle de bain et encore moins d'araignée dans les tiroirs du bureau. Y a juste un temps mort. Une petite pause... Combien de temps... ? Une dizaine de minute, dirait-il, peut-être même vingt. C'est tranquille d'un coup. Il somnole presque. Épuisé par les crises, le manque...
- Demain j'essaye... marmonna-t-il au porte du sommeil.