Nicolas, le cadeau de Noël de Matheo dans la main, se tenait devant sa porte. Il faisait nuit noire depuis quelques heures déjà, mais il lui avait fallu un peu de courage pour venir jusque là. Pas pour subir les regards curieux des Airs non, ils sont gentils les Airs hein, tant que tu fous pas le boxon ils sont cools. Pas parce qu'il avait une appréhension par rapport au fait de retrouver Matheo, non, il était sympa comme tout, il l'adorait. Non, non, le souci, c'était qu'on était genre... mi-février ?... et qu'il avait son cadeau de Noël dans la main ?... Ça l'fait pas on est d'accord. C'est pas comme avec Ludmi ou Tahia, à qui il avait juste déposé les cadeaux devant leurs portes, ou Ipiu, Huo et Aaron qu'il avait retrouvé à la fête d'anniversaire de ce dernier. Il voulait le donner en main propre à Matheo... Mais il ne vivait que la nuit... Et entres les fêtes, le retour des cours, cette Mission qui arrive, le stress, les exercices de maths, les entraînements, il avait trouvé un certain rythme en fait, les insomnies se faisaient rares... Pour une fois que ça me fait chier de dormir... Gros soupir.

Il se décide, lève le poing, prêt à toquer... avant de rebaisser sa main. Il se sentait parfaitement ridicule... Il s'en voulait aussi un peu quelque part, ça faisait quelque temps déjà qu'ils ne s'étaient pas vus, et il avait promis de venir le voir. Après tout, il était le premier à l'avoir touché, il l'avait aidé à mieux accepté le contact humain quelque part, ça méritait traitement de faveur... Mais il n'avait rien fait et pire... IL AVAIT SON CADEAU DANS LA MAIN BORDEL DE NOUILLE ! Et c'est pas sa main qui toque à ce moment, c'est le crâne de Nicolas qui rencontre la porte tant il était furieux contre lui. Il a presque aussitôt un mouvement de recul, puis ses traits s'affaissent, se désespérant lui-même. Ça, pour une façon peu conventionnelle de frapper la porte !... Non mais quel débile. Et encore un soupir ! Si on les comptait et les additionnait depuis le début de cette soirée, il était certain qu'on pourrait créer une tornade... Aller demandez aux Airs, ça se trouve c'est possible !

Et la porte s'ouvre. :

-Salut Matheo !

Il avait parlé un peu fort là non ?... Il jette un coup d'oeil dans le couloir mais il s'est vidé au fur et à mesure du temps qui passe... Non mais en fait... je suis là depuis combien de temps ?... Il n'osa pas regarder l'heure et revint vers Matheo en reprenant plus bas. :

-Je suis passé... avec ton cadeau de Noël.

Tintintiiiiiin ! Shame on you Nico. Il a de la chance qu'il soit aveugle sinon il aurait remarqué que ses joues sont bien trop rouges.

Je m'étais entraîné toute la journée pour perfectionner ma technique de perception. J'y étais arrivé en partie, pouvant ressentir jusqu'à deux personnes en même temps sans ressentir un trop gros mal de tête. J'étais toujours incapable de reconnaître les affinités, ce qu'il faudrait que j'améliore, mais j'arrivais à capter les diverses présences du couloir, au-delà, je dépensais trop d'énergie en concentration, et manquais presque de m'évanouir. La journée avait été longue, et après plusieurs siestes consécutives, je me sentais de nouveau en forme. Ce soir, je prévoyais de sortir à nouveau peut-être, prendre l'air, pour profiter de tout ce que la journée ne m'apportait pas. Pourtant, j'étais encore un peu sonné, retardant le moment de la promenade nocturne. De ce fait, je faisais un peu de rangement... un rangement un peu spécial cependant. Alors que je m'appliquais à remettre les produits dans l'ordre, j'utilisais mon contrôle de l'air pour ranger mes vêtements, en l'occurence pendre mon manteau ou mettre dans un tiroir et le refermer. J'aimais ce genre de tour.

Un coup porté à ma porte interrompit ma séance d'apprenti sorcier. Il avait sacrément retentit, comme si la personne en question s'était écroulé sur la porte. Intrigué, je déployais mes sens pour voir de qui il s'agissait. Un sourire naquit sur mes lèvres, je me dirigeais prudemment mais avec assurance vers la porte, que j'ouvris.

-Salut Nicolas! Ca faisait longtemps, comment tu vas ?

Il semblait gêné, tournant sa tête aux quatres coins du couloir. Je le vis dressais la main et lui offris un air interrogateur. La surprise se peignit sur mon visage puis, attendri, un doux sourire étira mes lèvres.

-Tu n'aurais pas dû Nico... Je n'ai rien pour toi en plus! Tu vas me faire culpabiliser, dis-je précipitament.

Je trouvais son attitude trop choupinette, le simple fait qu'il ait pensé à moi me faisait très plaisir et même davantage. Une douce chaleur envahit mon visage, signe que je devais probablement rougir. Je toussais pour me distraire puis m'écartais précipitament de l'entrée.

-Mais rentre, ne reste pas dehors. Je suis très content que tu sois là!

Nicolas n'avait pas eu besoin de préciser que c'était lui... Et instinctivement, il s'était dit qu'il n'avait pas à le faire. C'était étrange parce qu'il savait au fond de lui qu'il était aveugle... pourtant il ne le reconnaissait pas en tant que tel. Peut-être était-ce à cause de sa façon de se tenir, la manière qu'il avait de le "regarder"... Ça se voyait à peine en vrai, sauf à partir du moment où on prêtait attention à son regard légèrement décaler par rapport à l'endroit où était son visage, comme s'il regardait autre chose, à la façon dont ses mains se mouvaient dans l'espace. Ce genre de détails que Nicolas occultaient maintenant qu'il le connaissait. Il lui offrit un petit sourire joyeux. :

-Oui ça va, j'ai pas pu venir plus tôt, j'ai eu des journées chargées... Et toi quoi de neuf ?

Il haussa les sourcils en entendant qu'il allait le faire culpabiliser... Il a un moment en suspens. En vrai, Nico ne s'attendait pas à avoir des cadeaux... En offrir oui, maintenant qu'il avait les moyens, et rien que ça lui faisait extrêmement plaisir. En recevoir le surprenait toujours, comme si quelque part il était inconcevable qu'on pense à lui ou qu'on s'embête à chercher un truc qui lui plaît. C'est peut-être pour ça que Matheo disait qu'il allait le faire culpabiliser...

Il revint sur terre quand il l'invita à entrer... Comme il se dégageait de la porte, il entra un peu de manière précipitée, ne sachant plus quoi faire du cadeau qu'il avait dans les mains. :

-Ah ! Mais... Non ! C'est pour te faire plaisir hein ! Je m'en fous d'avoir un retour, c'était pas le but. J'me disais que... 'fin ça te plairait quoi.

J'me répète un peu là non ? Il mordit sa lèvre inférieure, se demandant ce qu'il pourrait bien faire avant de secouer le magnétophone. :

-Tu... Tu veux écouter ?

La question est débile Nico... Si tu l'as ramené bien sûr qu'il veut l'écouter ! Nicolas fouilla la chambre des yeux à la recherche d'une chaise et s'y installa. Il allait appuyer sur le bouton mais se ravisa. :

-Tu veux essayer de deviner ce que c'est où je te le dis maintenant ?

D'un sourire, je secouai la tête pour lui faire comprendre que ce n'était pas grave. On était tous occupé, avec notre propre vie à mener. Lui était nouveau en plus, il avait besoin de temps pour s'adapter, de prendre de nouveau repère. d'ailleurs, si je me souvenais bien, c'est lui qui était en admiration devant Huo, ce dernier devait l'aider bien plus que moi. J'en avais discuté avec lui et , même si ce rôle de grand frère que lui imposait le garçon lui faisait peur, je savais qu'il serait à la hauteur. Et puis j'avais dis à Nicolas qu'il était le bienvenue quand il voulait, pa spour recevoir tout le temps de la visite mais au cas où il aurait besoin de moi, ou juste envie de voir quelqu'un.

-Pas grand chose pour moi! Les journées sont plutôt monotones, c'est pour ça que je suis toujours ravi de voir quelqu'un me rendre visite, dis-je en lui offrant un grand sourire. Et toi alors ? Tu as été initié à ce que je vois, quel pouvoir est l'heureux élu ?

J'avais utilisé naturellement le verbe voir, mais lui comme moi savions que ce n'était pas vraiment ce que je voulais dire C'est aussi pour ça que je ne prenais pas la peine de préciser, il comprendrait. Et sinon il demanderait, ce ne serait pas le premier, sûrement pas le dernier.
Alors qu'il entrait dans ma chambre, il m'expliqua qu'il n'attendait rien en retour. Peut-être bien mais moi je trouvais ça incorrect de ne rien offrir à quelqu'un, surtout si cette personne à pensé à vous. Pour les autres ce n'était pas grave s'ils ne me rendaient pas la faveur, mais si c'est à moi que l'on adresse un cadeau, je me dois de le rendre.

-Bien sur que ça me fait plaisir!

Dans un coin de ma tête, je cherchais ce que je pourrais éventuellement lui offrir. L'agitation de l'air et les paroles de Nicolas attirèrent à ce moment-là mon attention. Ecouter quelque chose ? Un peu surpris, j'acquiesçais lentement avant de m'emparer de l'appareil qui me servait de cadeau.

-Non non ne dis rien! Je vais essayer.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Je mis en marche le magnétophone, que je collais près de mes oreilles, avant de me rendre compte que ce n'était pas nécessaire. Je le posais donc sur le bureau, près de là où Nicolas était assis et, m'installant à terre, je profitais de la musique qui s'élevait de l'appareil électronique. C'était doux, apaisant... Je me serais presque cru dans un salon zen, avant une séance de massage, du moins c'est ce que l'on voit à la télé. Silencieux, je me concentrai sur les tonalités, les pulsations de l'air qui vibrait au rythme de la musique comme un ballet aérien. Trop tôt, la musique s'éteignit. Trop tôt à mon goût. Emu, je reniflai distraitement avant de secouer la tête. Je ne voulais pas être émotif devant Nicolas, le pauvre n'avait à subir mes pleurnicheries.

-C'est très beau Nico, vraiment! C'est si doux et en même temps, ça fait vibrer tout mon corps. C'est un cadeau génial, vraiment.

Je voulus le serrer dans mes bras, mais je me rappelais au même moment qu'il n'aimait pas trop les contacts humains. Je lui offris donc un sourire ému à la place, chargeant mon visage de toute la reconnaissance dont j'étais capable.

-Par contre, j'admets ne pas savoir ce que c'est! Eclaire ma lanterne, demandais-je avec douceur.

J'étais curieux de savoir ce que j'avais écouté. Je n'étais pas très doué en matière de musique mais je ne reconnaissais pas du tout ce que cela pouvait être. C'est alors que, comme un coup de fouet, une idée me vint. Le cadeau de Nico, je voulais qu'il soit personnel, mais je ne le connaissais pas assez pour cela, sans risquer de le blesser involontairement. C'est ainsi que je sus quoi lui offrir, un cadeau très personnel puisqu'il viendrait directement de moi, mêlé aux sentiments que cette musique avait fait naître en moi et à l'affection que je lui portais à lui. Je joignis mes mains face à moi, sentant l'énergie couler hors de mon corps vers mes paumes serrées. Une petite lumière devait s'en dégager en même temps, je la percevais, cette accumulation d'énergie. Après quelques secondes, je lui tendis une de mes mains, au centre de laquelle brillait un cristal grisé comme une opale.

-Tiens, c'est un cristal de guérison, assez fort pour deux utilisations. Désolé, ça ne vaut en rien ton cadeau, mais c'est ce que j'ai de plus personnel à t'offrir, dis-je avec dépit.

Cela restait lié aux pouvoirs et à l'institut, n'importe qui pouvait lui offrir un cristal alors que moi j'étais chanceux, j'avais une musique qu'il m'offrait à moi, qui chantait pour moi.

Il a un soupir quand il lui demande de quelle affinité est son pouvoir... C'est vrai qu'il les a reçu genre... quelques heures après l'avoir rencontré ?... Il avait raté sa phase de déni, puis sa tentative de compréhension puis son acceptation... En fait, il venait de se rendre compte qu'il avait découvert pas mal d'émotions depuis qu'il était initié. A cause de ses capacités, peut-être, mais il l'admettait pas. D'où le soupir, en partie. Puis il lève les bras, avec un peu de dépit et fait un tour sur lui-même comme pour qu'il puisse l'admirer sous toutes les coutures. :

-Cher aîné vous avez devant vos yeux zzzzébahis un nouveau Tonnerre Solaire... Hé oui. Une petite révérence pour ponctuer sa déclaration. Nouveau modèle de Sensitif, livré avec les accessoires... Néanmoins, Terrae ne prend pas en charge les dégâts que pourrait subir votre matériel électronique.

C'est bien dommage d'ailleurs... Enfin, pour les ordinateurs portables de ses voisins de chambrées, parce que pour l'instant, Nico avait eu de la chance avec son téléphone... Et depuis qu'il avait appris à se décharger par la terre avec Ipiu, il ne craignait plus autant de le sortir de sa poche.

Bref, maintenant qu'il est assis, il tend le magnétophone à Matheo qui s'en saisi et l'active sans problème. Le chant des étoiles, différentes mais étrangement ressemblantes à quelques détails près. Des échos de vents, des impressions de voix, des craquements et des notes suspendues que Nicolas avait mixé, un peu, ne sachant trop comment utiliser l'ordinateur, avec un mode d'emploi du logiciel non loin de lui, mélangeant les pistes pour faire de leur système solaire une seule et même musique. Puis elle s'arrêta, et ce qui sortit un instant Nicolas de sa rêverie, c'était le reniflement de Matheo qui le remerciait.

Un peu gêné de l'avoir ému à ce point, un peu content d'avoir bien choisi son cadeau, Nico le regardait avec un petit sourire sur les lèvres, ne sachant que dire ou quoi faire... Les émotions que son ami dégageait était rassurante aussi, sans qu'il ne sache pourquoi. En fait, comme si lui même avait été aveugle sans ses capacités, il avait l'impression de le regarder pour la première fois. Son cœur manqua un battement quand il lui offrit un sourire. Il porta instinctivement la main à sa poitrine et déglutit avant de répondre. :

-Ce sont les sons des planètes et des étoiles. Comme tu aimes la nuit, j'ai pensé que ça te ferait plaisir d'entendre ce que tu ne peux plus voir.

Et puis Matheo eut un mouvement, un sursaut peut-être ?... Nicolas n'était pas certain mais il le regarda, paupières plissées, tandis qu'il avait ses mains en coupe devant lui. Il ressentit, plus qu'il ne vit, une énergie sortit de lui, glisser jusqu'à ses paumes, dégageant certes une lumière et une chaleur étrange. C'était doux. Il avait l'impression que son rythme cardiaque s'était abaissé lentement, à peine, comme pour lui faire ressentir un peu de paix.

Il tendit sa main et seulement il sut de quoi il s'agissait. Un cristal. Il savait ce que c'était, mais c'était la première fois qu'il en voyait un. Il le prit délicatement, il était gris mais à ses yeux, il brillait aussi clairement qu'un diamant. Il se reflétait dans ses yeux, iris et pierre de couleur jumelle. Il pinça ses lèvres... :

-Eugnih...

...Moui c'est dur de parler quand on ouvre pas la bouche. Il fouilla un instant ses poches, bougonnant quand il n'arrivait pas à trouver ce qu'il cherchait, jusqu'à ce qu'il se souvienne que c'était dans la poche de son jean. Un morceaux de tissus, du coton tout simple, et quelques épingles à nourrisse qu'il fit tomber par terre en le retirant de sa poche... Ça faisait parti de ces choses qu'il avait toujours sur lui, un peu comme son tournevis dans son sac à dos. Ces petites choses qui pouvaient lui sauver la vie. Il posa le cristal dans le tissu, fit un nœud qu'il assura d'une épingle.

C'était un cristal... pourtant... il se dit au plus profond de lui qu'il le garderait toute sa vie. Quitte à ne jamais l'utiliser. :

-M... Merci beaucoup Matheo.

Il serra le cristal protégé dans ses mains comme le bien le plus précieux qu'il n'eut jamais reçu.

Je haussais les sourcils bien haut devant la révélation. Le chant des étoiles ? Pour de vrai ? C'est pour ça que je trouvais que ça ne ressemblait à rien de connu. J'avais bien entendu que ce n'était pas de la musique à proprement parler, plutôt comme un concert de chuchotements associé au vent et des grésillements, mais j'avais trouvé ça si beau. Et maintenant que je savais ce que c'était, je trouvais ça encore plus beau. La raison de son cadeau provoqua une nouvelle vague d'émotions en moi. Il était plus attentionné et sensible qu'on ne voudrait le croire au premier abord. Moi je n'en avais jamais douté mais le voir en chair et en os, sentir tout cela à travers un simple cadeau, cela me donnait du baume au coeur, plus que je ne le laissais paraître, pour ne pas le gêner davantage.

Je lui offris un grand sourire alors, agitant le magnétophone dans ma main comme lui auparavant.

-Je ne sais pas trop quoi dire... C'est magnifique, merci Nicolas, dis-je en serrant l'appareil contre moi.

Le chant des étoiles... c'est si beau comme appelation quand on y pense .A présent que seule mon ouïe comptait, il avait su trouver le cadeau idéal, qui convenait à mon handicap et en même comblait le manque qui me rongeait depuis. Que pouvais-je dire de plus ?

Mon cadeau ne lui fut pas indifférent à ce que je pus sentir au premier abord. Il lâcha d'abord un gargoullis incompréhensible, qui me fit légèrement rire, avant de s'exprimer dans la langue commune. Je hochais la tête, ravi que mon présent lui fasse plaisir. Ca ne valait pas le sien, mais j'y avais mis du mien, littéralement parlant. Je tenais d'ailleurs à le lui préciser, tandis que je le sentais s'agiter autour de mon cristal, peut-être n'avait-il pas eut de cours dessus encore... même si j'en doutais sérieusement.

-En plus, si jamais tu as un problème ou que tu as besoin de moi, tu n'auras qu'à le tenir pour que je le sâche, où que tu sois. Après tout, c'est une partie de moi que tu tiens, explicais-je, amusé.

Au fond de moi, je me disais que je demanderais surement à Ys ou quelqu'un d'autre, peut-êtr Huo puisqu'il le connait bien, de m'emmener dans les boutiques du village pour lui trouver un vrai cadeau. J'y tenais vraiment. Il faudrait que je les contacte l'un ou l'autre, hors de question de déranger Ryu en plein travail.
Il me raconta alors son initiation et je poussais à mon tour un petit soupir, quoique amusé. Encore un tonnerre... Décidément je les collectionne, je n'ai quasiment que ça dans mes amis proche, des feux et des tonnerres. A croire que les opposoés s'attirent vraiment.

-Encore un tonnerre ? Décidément vous proliférez à la vitesse de la lumière, c'est rien de le dire, dis-je en rigolant. Mais un sensitif... ça c'est déjà plus rare.

Je pinçais les lèvres un moment. S'il était sensitif, cela veut dire que malgré mes efforts, il avait dû ressentir mon émotion de tout à l'heure. Mon dieu... ce genre de pouvoir doit être dur mentalement parlant. Je me souviens que Ys m'avait dit que je ferais un bon sensitif, et je lu avais répondu que je ne serais pas capable de gérer un tel pouvoir, un tel surplus d'émotions. Nicolas y parvenait lui on dirait.

-Tu n'as pas trop de mal alors ? Tu arrives à canaliser les émotions ? demandais-je, inquiet

Lors de mes jours d'aide à l'infirmerie, il n'était pas rare de voir des télépathes ou sensitifs arriver, paniqués, parce qu'ils n'arrivaient pas à gérer tout ce qu'ils percevaient. La guérison ne pouvait rien bien sur, si ce n'est les détendre un peu. Toutefois, l'énergie de Nicolas semblait stable donc je ne m'en faisais pas trop.

-Mais je suis ravi que tu n'es pas oublié les marques de politesses à mon égard. Je suis fier de toi le novice, dis-je avant d'éclater de rire.

C'était bien un cristal. Pas plus gros qu'une perle, tenant au creux de sa main qui lui paraissait du coup immense. On lui avait appris ce que c'était bien sûr, mais sans trop de détails, seulement qu'ils renfermaient le pouvoir de l'utilisateur, affinité ou aptitude, et que c'était épuisant pour un initié. Il s'était donc arrêté là, pensant qu'il n'en verrait pas ou qu'on ne lui autoriserait pas à s'en servir avant qu'il ne maîtrise complètement ses capacités. C'était donc déjà quelque chose de précieux pour lui, mais il comprit mieux à quel point ça l'était quand Matheo lui tendit celui qu'il venait de créer pour lui, juste après avoir entendu le chant des étoiles. Il l'emballa aussitôt, ayant peur qu'il fonde ou simplement de l'abîmer à son contact. ...Il ne savait pas très bien si c'était lui ou les émotions de Matheo qui le faisait légèrement trembler. Attendri par cette démonstration d'amitié, il garda le cristal emballé dans sa main, souriant doucement en le fixant. Ce moment était gravé en lui et dans la pierre.

Il eut un rire bref et tendu quand il lui fit remarquer que les Sensitifs étaient rares. C'est le cas ?... Il songea alors que c'était bien triste quelque part... Il en connaissait plus que des Téléporteurs déjà, et pourtant ils semblaient tous dans le même état ; abîmés et tentant de se retaper de l'intérieur. La tentation de se dire à nouveau que c'était une malédiction fut grande... mais il s'abstint, se rappelant qu'il n'arriverait jamais à s'accepter s'il empruntait ce chemin. Et comme s'il avait lu ses pensées, Matheo lui posa la grande question, d'un ton inquiet. Nicolas mit un temps et prit une lente inspiration avant de répondre. :

-C'est pas tant les canaliser qui me pose problème. J'ai un filet, comme un rempart, je perçois de loin sans attacher trop d'importance, à travers duquel je peux quand même me concentrer pour suivre une émotion à la fois au besoin.

On dit merci Aaron et Ipiu. Il fit glisser son doigt sur le cristal qu'il percevait à travers le tissu protecteur. Il reprit d'un ton égal. :

-Non, c'est d'accepter tout ça qui a été le plus dur. J'ai parfois encore des bouffées de colère quand je suis dans un lieu où il y a trop de monde, c'est plus dur de faire le tri quand il y en a beaucoup... C'est... usant. Et quand je suis trop fatigué, je commence à mettre des mots sur les émotions des gens.

Il eut un rire franc, parce qu'il l'admettait, c'était extrêmement stupide de sa part de faire ça, même s'il y avait désormais des circonstances atténuantes. :

-Le truc à surtout pas faire tu sais ! Sinon ça va. J'arrive à m'y faire... Je découvre des choses et des émotions, je comprends mieux les gens... La masse m'effraie moins du coup. Comme si j'ouvrais lentement les yeux...

Lentement, parce qu'il avait du coup de plus en plus de mal à s'assumer, lui. Il connaissait la joie et la gratitude à Terrae, il savait qu'en lui, restait les traces d'un gamin rempli de haine et de désespoir qui ne demandait qu'à sortir... et il avait peur de le voir sortir sans prévenir et de blesser les personnes qu'i aimait plus que tout au monde. Mais ça, il ne le dira sans doute jamais.

Il mit le cristal dans sa poche tout en ayant un rictus rieur. Il n'était plus novice, même s'il ne se considérait pas vraiment comme initié ; disons plutôt qu'il s'habituait. :

-Prenez garde cher aîné, l'élève dépassera peut-être un jour le maître !

Il n'y croyait pas une seconde, parce qu'il côtoyait trop Huo pour croire un jour atteindre un tel niveau... parce qu'il pensait que jamais il n'arriverait à se maîtriser avec ce qui l'habitait. Et même s'il allait sur ses 16 ans, même s'il avait encore grandi et que sa voix muait peu à peu, lui chatouillant la glotte au passage, il ne se sentirait jamais grand dans ce monde immense.

Je penchais la tête sur le côté, l'écoutant avec attention, le magnétophone toujours serré dans ma main. Je ne pus retenir un mouvement de tête approbateur lorsqu'il m'expliqua qu'il avait dressé une sorte de barrière dans son esprit, pour ne pas se laisser envahir par le surplus. Il avait raison, c'est ce qu'il fallait faire... Mais peu y parvenait, ce pourquoi l'infirmerie était toujours pleine malgré tout. Dresser un rempart n'était pas si facile que l'on voulait le croire, cela demander de la technique, de la volonté, une sacrée force de caractère surtout. Cela ne m'étonnait pas qu'il y arrive, il était doué. Un sourire satisfait étira mes lèvres.

-Bonne technique, approuvais-je. On dirait que tu es doué avec tes pouvoirs.

Je le laissais poursuivre, ne l'interrompant plus par la suite. Il avait besoin de parler un peu on dirait, d'extérioriser son ressenti de sensitif. J'avais appréhendé ses mots avant qu'il ne les prononce. Je me souvenais de la difficulté qu'il avait à faire face aux émotions, un don comme le sien, le forçant à ressentir, devait être un véritable enfer pour lui. Lorsqu'il eut fini, je pris une profonde inspiration avant de parler, de me confier à mon tour

-Tu sais, je comprends ce que tu ressens. Lors de mon initiation, j'ai appris que j'étais guérisseur et j'étais fou de joie. Imagine ma déception lorsque je compris que je ne pourrai jamais me soigner moi, juste les autres. J'étais frustré, incroyablement triste, en colère même je pense...

Cela me ramenait des années en arrière d'évoquer cette nuit. J'étais si jeune à l'époque, si innocent, si perdu... Terrae avait apporté à ma vie le sens qui lui manquait. Encore aujourd"hui, j'en ressens les effets. Mais en ce temps-là, les choses étaient différentes, je n'avais personne sur qui compter.

-Et ces derniers temps, je retrouve cette sensation. Je me repère grâce à l'énergie des gens maintenant, tu sais! Le problème c'est que, au delà de deux personnes, je me perds, je suis pris de violents maux de têtes et je me retrouve démuni... Comme si tout ce que j'avais fait n'avait servi à rien.

Et c'était frustrant, comme avant, lors de cette fameuse nuit. Avoir cette sensation de toujours revenir en arrière, comme si rien n'avait compté auparavant. Mais Nicolas, lui, il progressait. Il comprenait son problème, il était honnête avec lui-même, pas comme moi qui me voilais la face. Je lui adressais un grand sourire, plein de tendresse.

- Tu sais ce que je crois ? Je pense que ce pouvoir est fait pour toi, même si tu penses le contraire. De la même façon que le mien m'a permis de comprendre qu'une personne pouvait se dévouer aux autres avant elle-même et que soigner les autres était une manière de se soigner soi-même, le tien te permet de t'ouvrir, de comprendre les sentiments humains... de te rendre compte que le monde entier n'est pas nécessairement une menace mais que tout le monde a plusieurs saveurs, dis-je avec douceur.

Cela pouvait sembler cliché, horriblement saint même, mais au fond de moi, j'en étais persuadé, j'y croyais dur comme fer. Terrae avait sa manière à elle d'éclairer les gens, de les mettre sur la voie. La méthode peut paraître brutale au début mais en grandissant, en comprenant son pouvoir, on réalise que finalement, ce que l'on pensait nous être étranger fait parti de nous depuis le début, nous avions juste besoin de quelqu'un pour nous en rendre compte.
Sa remarque déclencha chez moi un nouveau rire. Je lui répondis en lui tirant la langue.

-Impossible! Je suis immortel petit, tu n'es pas de taille face à un Guérisseur!

Je n'y croyais pas moi-même mais c'était pour le taquiner. Nicolas deviendra fort, très fort même. Il apprivoisera son don et saura s'en servir dans tous les cas, de toutes ses facettes. Il était quelqu'un de bien. Il deviendra encore meilleur.

Nicolas haussa un sourcil quand il lui dit qu'il était doué... Pour lui, ce n'était pas le cas, son instinct de survie lui avait permis de maîtriser certaines choses plus rapidement c'est vrai, mais son ignorance sur les sentiments d'autrui le laissait pantois quand parfois il rencontrait une émotion inconnue, ou lorsqu'il tentait de les manipuler. En gros, à ses yeux, il utilisait à peine son côté sensitif même si en réalité, c'était comme son esprit était toujours tendu vers l'avant, pour se protéger et non manipuler certes, mais il était actif. Et il s'étonne qu'il dort comme un bébé depuis ?!

A son tour, il écouta attentivement Matheo, casant son dos aux creux de la chaise, plaçant son pied droit sur son genou gauche... Position qu'il arborait souvent assis, les mains liés sous son menton. Loin d'être psy et d'analyser franchement la question, il restait ouvert et absorbé par ce qu'on pouvait lui dire... Il s'était rendu compte que les gens choisissait parfois soigneusement leurs mots pour exprimer parfois, même la plus simple émotion. Et ce qu'avait vécu Matheo, être guérisseur et ne pas pouvoir se soigner, étrange parallèle de Nicolas sensitif qui avait tout fait durant sa vie pour déshumaniser les autres pour justifier ses propres actes, il ne pouvait que le comprendre...

La vision du monde de son ami le fit doucement sourire... Il ne la partageait pas totalement, mais il ne pouvait pas nier qu'il avait un peu raison, sinon comment pourrait-il estimer ses rencontres, ses amis ? Huo, Aria, Aaron, Ipiu, Matheo même... tout ce beau monde qu'il avait fini par considérer par, ce que le commun des mortels pourrait aisément comparer à une famille ? Pourtant il tenait encore à garder cet éloignement, pour se protéger comme toujours, bien qu'en leur présence il était incapable de cacher son affection pour eux. :

-Qu'importe d'où viennent ses pouvoirs... Il faut admettre qu'ils ne manquent pas d'ironie parfois.

...ouais, c'est bien salaud même. Il rit quand Matheo lui annonce qu'il est immortel. Ah ça, il l'espérait bien quelque part. Car perdre... Chut. Il tut la subite vague de chagrin qu'il allait manquer de créer. Non, ce n'était pas le moment de se souvenir. Et pour ça, il fit un léger retour en arrière sur les paroles de Matheo, s'occuper l'esprit avec ce qu'il lui offrait. :

-Tu repères les énergies tu dis ?... Comment ça ? Ça m'intrigue un peu.

Beaucoup en fait. Parce que si Matheo se transformait en Daredevil il avait de quoi devenir carrément classe en fait. Nicolas se pencha en avant et fit doucement aller le bout de ses doigts. :

-Est-ce que ça tu peux le voir ?... 'fin "voir", on s'comprend hein.

Il dirigea un flux électrique jusqu'à ses mains et, au creux de celles-ci, de petits éclairs naquirent. Petit à petit, les éclairs se réunirent, formèrent des figures dansantes sur ses paumes. Maintenir aussi longtemps les éclairs hors de lui était fatiguant un peu, mais comme il n'avait pas de puissance de feu, il s'était vite attardé sur la précision. ...et faire danser des poupées de foudre dans sa main était ce qu'il arrivait de mieux à faire pour le moment.

On dirait que mes explications l'ont laissé un peu pantois. Il ne s'exprima pas immédiatement, comem pour méditer sur ce que je venais de dire. Il fallait bien avouer que j'avais beaucoup parler, que cela faisait beaucoup d'informations à digérer... et interroger. Je ne cherchais à ce qu'il soit d'accord avec moi, je voulais juste lui montrer ce que je pensais, comment je voyais les choses. Lui faire comprendre que j'étais comme lui au début mais que, après un certain temps, on finit par se rendre compte d'un certaine logique, même si elle ne nous plait pas toujours. Au même moment, il me fit part d'une pensée que je partageais amplement, comme mon histoire le laissait supposer. J'acquiesçais tout en pouffant légèrement.

-Je suis d'accord! Mais ne vois-tu pas des choses que tu n'aurais jamais vu ou entendu avant sans ton pouvoir ? demandais-je, un sourire aux lèvres

Je ne voulais pas qu'il reconnaisse publiquement que osn pouvoir était super utile, le meilleur de tous, que Terrae avait eut raison de le bouleverser ainsi. Non. Ce que je voulais, c'est qu'il ne ferme pas les yeux aux opportunités qui lui étaient offertes, à la chance qu'il pouvait en tirer. Le commencement est toujours difficile, il faut le temps du mûrir. Il manque de confiance en lui, en ses pouvoirs, ce qui est totalement normal. Moi-même je ne me fais que rarement confiance.

Mes propos sur l'énergie attirèrent davantage son attention on dirait. Un sourire doux étira mes lèvres à nouveau, amusé par sa curiosité. C'est vrai que dit comme ça, mes paroles avaient un côté un peu mystérieux, voire impossible. Je comprenais totalement. Lorsqu'il repris la parole, je relevai la tête, intrigué par ce qu'il voulait faire. Je sentais ses doigts s'agiter dans les airs puis son énergie commença à bouilloner. C'est ainsi que je le ressentais, comme lorsque vous regardez de l'eau couler et qu'elle se met à faire des bulles, à parturber sa ronde habituelle. Voilà comment je percevais les choses. Ses mains contenaient de l'énergie, électrique puisqu'il était tonnerre, mais même sans ça, je captai la forme que l'énergie prenait. Les particules d'air tout autour étaient électrisées par les étincelles émises par sa figure.

-Je "vois" ce que tu fais. Un peu comme contempler une lueur dans le noir total, voilà comment m'apparait l'énergie. Lorsque je me concentre sur une personne, je peux suivre le cours de son énergie dans son corps, ce qui me permet d'en faire un portrait exact. Mais c'est moins pratique que le toucher.

L'énergie, l'image mental que je me projetais, ne créait qu'un fantôme, une sorte de copie fantomatique de l'original. Il n'y avait pas de couleur, pas de saveur, je en voyais que des formes et des traits plus ou moins grossiers. Mais tout le monde n'aimant être touché, Nicolas et Allen en étaient de parfaits exemples, j'essayais de me contenter de ça pour le moment. En attendant de devenir plus fort.

-J'y arrive plus facilement car je suis guérisseur, je capte naturellement les énergies, ce qui me permet de savoir quand une personne est malade ou blessée, le flux d'énergie me l'indique. Sauf que je m'en sers à un niveau de précision plus intense que les guérisseurs normaux, pour combler ma vision. Ce n'est pas idéal mais ça a de bons côtés.

Pour illustrer mes propos, je tournais la tête vers la commode qui de trouvait au fond de la pièce, près de la fenêtre. Tout était rangé au millimètre près, Ryu s'en était assuré. Sans geste apparant, un des tiroirs s'ouvris, manipulé par l'air que je contrôlais. Un stylo lévita hors de son emplacement et vint de poser dans ma main, alors que le tiroir se refermait.

-Avant, je devais me concentrer pour faire cet exercice, être très vigilant. Maintenant je le fais sans y penser, c'est devenu naturel. Parce qu'en ressentant si bien les énergies, je peux manipuler la mienne avec plus d'aisance, ne pas en faire trop. J'ai gagné plus de contrôle, de discipline sur mes pouvoirs, j'ai même découvert des capacités que j'ignorais.

Je posais le crayon par terre et relevai la tête vers Nicolas. J'aurai tant aimé voir sa tête en ce moment.

-Ca va ? Pas trop perdu ? demandais-je en rigolant.

Il lui fallut de nouveau un temps avant qu'il ne réponde à sa question, mais la réponse fut bien plus rapide. :

-J'en voyais déjà avant d'être initié tu sais. Rien que le fait de venir à Terrae... ou disons plutôt de partir de chez moi... m'avait ouvert des portes sur pleins de choses.

D'autres connaissances, des rencontres, des avenirs possibles, une vie plus équilibrée, rien que ça, et il en était reconnaissant. Pourtant, il acceptait d'être Sensitif, mais cela s'arrêtait là... Il ne pouvait pas dire que ses pouvoirs lui étaient d'une quelconque utilité, même si c'était le cas parfois, et préférait largement donner tout le crédit de son apprentissage et de son évolution aux gens qu'il appréciait.

Quand à l'explication que donna Matheo de sa super-vision, elle lui parut floue au début... Sans mauvais jeu de mot. Il referma la main sur ses éclairs dansants pour se réinstaller au fond de la chaise. Étant Guérisseur, Matheo avait naturellement cette capacité de capter les énergies. Il aurait apparemment exacerbé cette aptitude au point de pouvoir, en se concentrant, suivre les flux dans le corps, ces frontières et ces détails. Nicolas eut une moue impressionnée... C'est qu'il fallait y penser. Exacerber un sensitif et ça donnerait quoi ?... Du coulis de cerveau ? Beurk. A moins que... On pourrait peut-être garder une connexion émotionnelle précise plus longtemps et à distance ? Il secoue la tête. Non, bien sûr que non, les Masters y auraient pensé avant si c'était possible.

Il suivit le mouvement de tête de Matheo, se tendit quand un tiroir s'ouvrit simplement parce qu'il ne s'y attendait pas et fixa le stylo qui s'envola jusqu'à la main de son ami. Effectivement, à s'entraîner sur la précision, il en devenait plus efficace. Nicolas eut un sourire. S'il s'entraînait un peu chaque jour, il allait rapidement maîtriser tout ça. C'était rassurant quelque part. :

-Oui. J'ai suivi, ne t'inquiètes pas.

Il avait bien fait de demander quand même, c'est que Nico n'y connaissait pas grand chose aux autres affinités de Terrae, du moins pas dans le détail. Il eut un souffle bref, comme un rire sans joie. :

-Si tu peux faire un portrait exact, tu peux donc voir même les détails infimes du corps en face de toi ?...

Il pensait fort à ses cicatrices. Il ne lui demandait pas de le faire, il se posait juste la question... Et si c'était déjà fait et bien soit, ce n'était rien. Après tout, Matheo avait déjà une idée précise de ce qu'était son visage après l'avoir touché. Il devrait pas être plus choqué par l'état du rester de son corps.

Je hochais légèrement la tête après l'avoir écouté parler. Je ne connaissais pas grand chose de Nicolas, encore moins de sa vie auparavant. Les cicatrices que j'avais touché et senti m'indiquaient bien que cela n'avait pas du être facile tous les jours, peut-être même davantage. Mais quelque soit notre passé, on changeait tous en arrivant à Terrae. Ce lieu était si différent, on y rencontrait toutes sortes de gens capables d'élargir nos horizons. C'était à la fois effrayant, et en même temps un ravissement. C'est comme ça que l'on se rend compte que le monde où l'on vivait avant était bien petit... Du moins, c'est ainsi que je le percevais.

-Je comprends... Terrae change beaucoup de choses à nos vies.

C'était dit un peu simplement, mais le sens et le coeur y étaient. Pas besoin de grandes phrases pour exprimer ce que l'on ressent, pas toujours. Même si c'est souvent mon cas.
Mes petites démonstrations eurent leurs effets. Mes explications devaient sûrement être barbantes, c'est aussi pour ça que je ne me sentais pas de devenir professeur. Une démonstration valait toujours mieux, on comprend plus facilement. Je l'ai tout de même senti se tendre lorsque le tiroir s'est ouvert, cela m'avait amusé. J'essayais de me mettre à sa place, voir un tiroir s'ouvrir seul sans qu'on s'y attende, il y avait de quoi être surpris.
La question qui suivit me prit au dépourvu. Je ne savais pas trop quoi répondre. A sa voix, je comprenais que cette perspective ne l'enthousiasmait pas trop. Je savais de quoi il parlait, du moins je m'en doutais. Je pinçais les lèvres un instant avant de lui répondre.

-Oui je peux. En me concentrant, je pourrai connaîtres les moindre détails du corps sur lequel je me concentre, ça fait parti des attributs du guérisseur... ça le rend plus efficace surtout, dis-je d'un ton triste.

Je ne parvenais pas à me réjouir en le lui disant car je savais que cela n'avait pas la même portée pour moi que pour lui. Toutefois, je pouvais le rassurer en lui disant la vérité.

-Mais je ne le fais pas. Je n'aime pas trop ça, j'ai l'impression de violer l'intimité de la personne. J'éteins donc mon "radar" en toutes circonstances, sauf les plus extrêmes.

Comme lorsque les scientifiques avaient attaqués Terrae, je pouvais sentir lorsque Chris ou Ryu étaient blessés, je ne pouvais pas ne pas le sentir, c'est comme un sixième sens dans ces moments-là, l'adrénaline et l'urgence font tout. Mais en temps normal, je ne me le permettais pas. On a tous des choses que l'on préfère garder pour soi. Moi non plus je n'aimerai pas que l'on passe mon corps au scrible.

-Et toi alors ? En tant que sensitif tu peux influencer les sentiments des autres aussi... Tu as déjà essayé ?

Nicolas hocha lentement la tête quand Matheo déclara que Terrae changeait la vie. Ce n'était pas une affirmation, une espèce de vérité absolue qui faisait que quiconque pénétrant l'enceinte de l'institut s'en trouvait immédiatement changé ou grandi. Mais une personne un temps soit peu ouverte ou curieuse, soignant lentement ses blessures à l'aura étrange que dégageait ce lieu et ses habitants, pouvait apprendre de lui autant que des autres. Changer dans le bon sens comme le mauvais aussi... Des épreuves bien différentes d'ailleurs qui permettent aux gens d'allaer mieux tout en restant eux-mêmes. Terrae, un grand débat philosophique. Ce qui avait changé chez Nicolas, c'est qu'il accepte enfin de s'ouvrir aux autres ; d'avoir une meute, dirait son ancien "lui". Il avait fait un pas hors du chemin de la solitude sans s'en rendre compte, ce qui lui restait à accomplir lui était encore flou mais il était bien moins craintif d'arpenter cette nouvelle voie qui s'offrait à lui...

Il sortit de ses réflexions, qui de toute façon ne menaient nulle part, quand Matheo lui expliqua comment il pouvait voir le détail des gens. Il perçoit sa tristesse, sa gêne un peu, et il a un sourire. Bien sûr, Nicolas avait songé à ses propres cicatrices en posant la question, mais même si son ami les avait "vues", il ne lui en aurait jamais voulu... Déjà, si ça permettait de le percevoir, ce ne pouvait pas être un mal, même s'il disait ne pas en abuser forcément. Ensuite, ça ne changeait rien au fait qu'elles faisaient parti de lui ; Matheo "percevait" ses anciennes blessures, les gens les voyaient. Cela avait été son choix de les garder, de toute manière.

Il aurait voulu le rassurer, il réfléchissait encore à comment quand il lui posa la question à propos de ses capacités de sensitif. Il fit la moue et gratta un instant nuque. :

-Oui et non en fait...

L'explication allait être longue, parce que c'était la première fois qu'il allait mettre des mots sur ce qu'il faisait de ses capacités avec quelqu'un qui ne les partageait pas ; avec Aaron, il avait l'impression que même en sortant des phrases vagues, il arrivait à se faire comprendre... Nicolas tiqua sur le mot "influencer" mais passa outre, car après tout, c'était le cas. :

-Je pense que tu te doutes que les Sensitifs sont pas vraiment aimés, comme les Télépathes, les gens n'apprécient pas qu'on puisse voir ce qu'ils cachent consciemment ou non... Et qu'on les manipule.

Nicolas n'avait pas subi d'insultes ou de gestes méchants -ce qui le changeait d'autrefois- de la part des autres affinités, mais il reconnaissait les regards et le recul, il n'était pas dupe ; ni par ses dons, ni par ses yeux. Il reprit. :

-Je ne me plains pas, je suis même plutôt d'accord avec ce point-de-vue, mais je n'y peux rien. Il hausse une épaule. Du coup, comme toi et ton "radar" de guérisseur, je m'en sers que très peu... Seulement quand un sentiment que je connais pas me parvient et qu'il me fait mal, j'ai l'instinct d'essayer de calmer la personne avec une vague plus positive. Mais c'est dur, car des émotions positives, j'en connaissais pas des masses et comme leur découverte est récente, je les contrôle difficilement et je dois beaucoup me concentrer... Et puis ne parlons pas de gérer plus d'une personne à la fois, c'est le bordel complet !

Il fit une pause en riant, se rendant compte qu'il lâchait beaucoup d'informations à quelqu'un qui ne savait pas tous les détails d'un pouvoir comme le sien... En même temps, même moi je galère. Il conclut alors rapidement. :

-De mon côté sensitif, disons que pour l'instant, je m'en sers surtout pour observer. J'apprends à reconnaître certaines émotions, je catalogue tout ça dans ma tête au cas où ça pourrait me servir... Et puis maintenant je suis infaillible pour détecter le second degré !

Incroyable n'est-ce pas ?... C'est à force de traîner avec Ipiu ça, il en était certain... C'est pas un mal hein, non justement ! Et puis il y a toujours un écart entre détecter et comprendre...

Une question traînait dans sa tête depuis que Matheo lui avait dit qu'il captait les énergies du corps... Il était intrigué et cherchait à connaître les limites d'un tel pouvoir. :

-J'ai une zone brûlé dans le dos, je sens plus rien à cet endroit depuis mes dix ans... Du coup est-ce que tu la voies ou pas ?

Il voulait savoir si l'énergie se déplaçait via ses nerfs, auquel cas il ne verrait rien de cette zone de son dos, soit autrement et dans ce cas il voulait découvrir comment... Quoi ?... Lui, curieux ?! ... ...Juste un peu.

J'avais la bouche un peu pâteuse d'avoir parlé si longtemps et, avec le silence qui s'en suivit, j'éprouvais le besoin de bouger un peu. Je me levais donc pour aller me chercher un verre d'eau, tandis que Nicolas commençait à me raconter sa vie en tant que sensitif. Les plus haïes avec les télépathes... c'est possible oui. Les gens ont souvent du mal à accepter que l'on viole leur intimité, surtout lorsqu'il s'agit de sentiments ou de pensées secrètes. Je pouvais le comprendre en quelque sorte, je n'aimerais pas non plus que l'on force l'entrée de mon esprit, mais pour les plus jeunes et les plus inexpérimentés, ce n'était pas vraiment leur faute. Je pensais même que c'était plus douloureux pour eux que ça ne l'était pour les autres. Être soudain envahi par des pensées inconnus, des sentiments à tout va... ça me terrifirait, je ne saurais pas comment gérer un tel pouvoir.

Un grand sourire étira mes lèvres lorsqu'il me dit tenter d'apaiser les gens par des vagues positives. Je me doutais bien que c'était quelqu'un de bien, pas énormément de sensitif ne ferait ça, la plupart fuirait. Une fois, j'en ai soigné un qui s'était frappé par accident, lors d'une bagarre qu'il avait lui-même provoqué en attisant la colère d'un garçon. Je ne comprenais pas vraiment ce point de vue... Je revins alors à m aplace, non sans avoir ébouriffé rapidement ses cheveux au passage.

- Au moins tu t'en sers pour faire de bonnes choses... Peu en font de même tu sais ?

Un rire léger s'échappa lorsqu'il m'affirma pouvoir détecter le second degrès. C'est bien, il fait des progrès alors, le second degrès, c'est important.
Il me posa alors une question qui me tira une moue surprise. Pourquoi voulait-il savoir ça ? Y avait-il une raison particulière ou c'était juste de la curiosité ? Je ne mis pas longtemps à lui répondre, je savais déjà à quoi il faisait allusion. Le radar vous savez...

-Oui je la vois. Elle est dans cette zone non ? dis-je en montrant avec mon doigt.

Je restai toujours un peu perplexe sur la raison de sa demande, mais je ne dis rien. Peut-être faisait-il ses propres expériences... Ou c'était une chose qu'il aimerait que je ne vois pas, et il s'assurait que ma perception n'aille pas jusque là. Je décidai de le rassurer un peu, ne voulant pas qu'il se fasse d'idées.

-Littéralement, je peux percevoir chaque blessure sou détails de ton corps. Imagine-toi des veines pour l'énergie, comme quelqu'un qui suivrait le cours du sang verrait les organes, c'est pareil pour l'énergie. Mais promis, je n'espionne pas ton corps, et je ne cherche pas à apprendre quoique ce soit dessus. Je ne fais ce genre de choses qui si on m'y autorise, généralement pour le soin, explicais-je avec douceur.

Je comprenais ce qu'il voulait dire à propos de ces gens qui n'aimaient pas qu'on les espionne avec nos pouvoirs. Je ne pensais que c'était son cas, mais il est vrai que mon pouvoir pouvait être gênant pour certains, cela m'était déjà arrivait.
Je laissais un nouveau sourire apparaître, voulant aborder un sujet moins triste. Je ne voulais pas qu'il se morfonde ou quoique ce soit d'autre, alors j'eus l'idée parfaite pour le dérider un peu plus.

-Au fait, j'ai croisé Huo la dernière fois, pas longtemps après notre rencontre au parc. On a un peu parlé de toi d'ailleurs... Il t'aime beaucoup on dirait, dis-je d'un ton taquin.

A vrai dire, même si je m'étais un peu moqué de Huo parce que le rôle du grand frère jurait tellement avec sa personalité, je trouvais absolument mignon. C'était positif et pour l'un et pour l'autre, j'avais même réussi à convaincre Huo de ça.


Hrp: Déso, c'est tout pourri ><

Nicolas tira la langue... La pâteuse. C'est qu'il parlait pas autant d'un coup d'habitude. Il comprit du coup pourquoi Matheo s'était servi un verre d'eau. Ça et l'hydratation peut-être. C'est important les enfants ! Mais il paria sur le fait qu'il devait lui aussi avoir cette sensation désagréable. Tellement désagréable qu'il préféra faire une moue plutôt que de répondre à Matheo... Il avait les moyens d'envoyer des sensations positives, il le faisait. Il comprenait que certains n'avait pas les capacités ou n'y pensait pas, mais pour Nicolas, ce n'était pas un geste de pur altruisme parce qu'il essayait aussi de ne plus avoir affaire avec l'émotion gênante que dégageait la personne. Oui, il se cachait très bien de sa gentillesse, mais il ne faut pas le lui dire. Gardons ça secret, entre nous hm ?

Quand il pointa son doigt vers son dos, il retira son cuir et souleva son maillot, geste qu'il n'aurait jamais fait avant et qui était pourtant instinctif parce que Matheo le voyait pas... Enfin si il le voyait mais il voyait pas ce qu'il y avait à voir, soit sa cicatrice en forme de soleil due au fer chauffé à blanc qui l'avait touché. ...Et si cette phrase a du sens ! Nicolas étant assez souple, il tapota du doigt l'endroit de sa peau abîmée. :

-Oui celle-là ! Et tu peux y aller hein !... ajoutait-il, touché qu'il ne se soit pas plus approché pour désigner l'endroit.

C'est qu'il insistait le petit Matou, pour dire qu'il "n'espionnait" pas le corps de Nicolas. C'était sympa, et officiellement le truc le plus mignon qu'il avait vu jusque là... Bon, deuxième truc, parce qu'Aria avec son cache-oreille en forme de grenouilles méritait grave le détour. Il eut un rire bref caché dans un soupir. :

-Tu sais, je cherche juste à comprendre ta vision !... Comment... Hm. il réfléchit en instant. Plutôt, je veux voir comme toi tu vois. Et je comprends mieux à travers mon corps, parce que je le connais, qu'à travers d'autres exemples. C'est tout !... Je sais que, si tu en viens à me voir de cette façon, ou que tu l'as fait, c'est ben... pour me voir ! Je sais pas, ça me paraît normal. Si tu le fais c'est dans un but pratique ou urgent, pas pour me reluquer en secret. Et puis regarde...

Il s'approcha de Matheo, vérifia qu'il avait bien perçu qu'il était devant lui pour ne pas lui faire peur, s'empara de ses mains et les posa sur ses propres joues, ponctuant son geste d'un "bouh" ridicule. Tout ça, sans un frisson, sans un sursaut. :

-Je me suis habitué aux contacts depuis la dernière fois qu'on s'est vu... J'avais pas le choix de toute façon, j'ai beaucoup de connaissances tactiles l'air de rien. Et puis pour une raison que j'ignore, les gens semblent fascinés par mes cheveux. dit-il avec un amusement étouffé, puisque Matheo l'avait fait quelques secondes plus tôt, lui aussi. Tout le monde passe son temps à m’ébouriffer la crinière ! Comme si elle n'était pas déjà assez en bordel !

Il rit. C'est vrai qu'il a toujours tendance à se tendre quand on le prend par surprise, mais sinon, une fois qu'il reconnaît être en présence d'une personne qu'il connaît, ou que le geste n'a rien de menaçant, Nicolas n'a plus cette crainte sourde de se faire tabasser. Il avait constaté ça il y a quelques semaines seulement, mais en vérité, ça prise de confiance date de Noël...

Il retourna s'asseoir une fois qu'il fut sûr que l'atmosphère se soit détendue. Il s'en voulait un peu que Matheo se sente mal pour lui, après tout ce n'était pas le but de sa visite. Alors même s'il rougit instantanément quand il lui parle d'Huo, même si l'idée que son frère de cœur parle de lui à d'autres personnes lui semblait fou voir impossible, il préféra suivre Matheo dans sa tentative de changer de sujet, plutôt qu'il ne se morfonde à propos de ses pouvoirs... Nicolas savait ce que c'était que d'avoir une capacité intrusive, on ne pourra jamais le convaincre que manipuler les émotions des gens est quelque chose de bien, parce qu'il faut aussi expérimenter la douleur et apprendre à vivre par soi-même -conseil su'il n'applique jamais à lui-même remarquez, faites ce que je dis pas ce que je fais hein-, alors... :

-Ah c'était donc ça, mes oreilles qui sifflaient... Vous vous en êtes donné à cœur joie pour vous moquer de moi j'espère ?

Il ponctue sa question d'un sourire, même si, au final, il était vraiment curieux de savoir ce qu'ils avaient bien pu se raconter, ces deux-là.

HRP : Mais... Mais tais-toi donc c'était super ! J'ai failli faire un pavé XD ! Love sur toi va ♥ !