—Et c'est une réaction très saine, je réponds spontanément à Huo.

Parce que faire passer tous ceux qu'on aime avant soi, c'est douloureux aussi. On fait des mauvais choix, on pense aussi qu'on ne vaut pas assez pour rester avec eux. Ca a énormément de conséquences. Parfois je suis égoïste quand même, et je décide de couper les ponts avec certaines personnes qui me font du mal, comme je l'ai fait avec Gaetano. Mais il faut toujours en arriver à un point critique avant que je ne cède. Un point critique où littéralement seule ce choix, ou plus de souffrance, plus de sacrifices encore, seront nécessaires. Et là je voulais plus les faire, ces sacrifices. Peut-être que c'est un signe que je suis en train de changer. Peut-être que c'est un signe que je suis en train de devenir réellement adulte. Mais c'est un choix que je regretterai jamais, même si je regrette parfois que nous ne nous parlions plus. J'ai perdu un ami, j'ai perdu un confident, j'ai perdu quelqu'un que j'aimais.

Mais en soi, le reste, les autres, jusqu'à un certain point, ça me semble normal. Peut-être que je suis simplement trop sentimental ?

Dans tous les cas, Huo est assez surpris quand je lui balance Lottie dans les bras en me cassant lâchement pour prendre touuut mon temps pour récupérer mon dossier. Je retourne ensuite dans la cuisine et m'appuie contre le mur avec un sourire en coin en les fixant. Lottie aime bien les cheveux des roux, j'crois que c'est parce qu'on a que ça niveau poto, ou bien c'est juste adaptatif, j'sais pas. Elle s'amuse à tirer sur ses mèches et à essayer de les gober, c'est assez adorable. Allez, une petite photo pour la route... Quoi mais non je suis pas un enfoiré c'est faux...

—Ca vaa, tu t'en sors ?

Lottie tourne la tête vers moi quand elle entend ma voix et je l'entends babiller en lâchant des "papapapapapaa" trop mimichoupidbgjhsdfbndj. Je vais poser le dossier sur la table et reprends ma tasse sans me décider à reprendre Charlotte. C'est trop drôle.

—Elle est mignonne heinnnn ? T'as pas le droit de dire non.

Une réaction saine, hm… J'sais pas. D'un côté oui parce que vouloir placer ceux qu'on aime au dessus du reste, c'est normal. D'un autre côté… Est-ce que c'est vraiment sain ? Jusqu'à quel moment ? Parce que si je ne l'ai jamais dit à personne, je pense que Aoi sait très bien que si c'était nécessaire, je donnerais ma vie pour elle. Sans hésiter. C'est pas un truc dont je jurerais qu'elle est consciente et c'est un peu effrayant aussi.

Et puis il me balance Lottie dans les bras et je suis un peu trop surpris pour réagir autrement qu'en essayant de la tenir hors de portée de mes cheveux. Elle a son biberon de flotte, putain, pourquoi elle essaye de bouffer mes cheveux ? Les gosses sont des créatures étranges...

— Quoi ? Je bégaye à moitié.

Oh l'enfoiré, il a pris une photo. Je vais le buter dès que la gamine sera hors de vue. Et c'est qu'il me la reprend pas en plus.

— S'tu l'dis. Tu veux pas la reprendre maintenant ?

Me la laisse pas, je vais finir par la casser, ta gosse. J'ai pas envie de finir enterré dans le fond du jardin.

— Non, sans rire. Je suis pas apte à m'occuper d'un gosse, je le sens pas.

Elle gigote et elle babille dans son langage de bébé et ouais bon peut-être que je me sens juste un peu attendri mais damn. Je sais pas quoi faire de ce machin ? Je sais que c'est potentiellement pas un machin mais une petite fille qui est vivante et qui bouge et- Mais en fait c'est ça le problème ? Je sais déjà pas m'occuper de moi alors comment je suis censé savoir m'occuper d'un bébé ?

— Si tu la reprend pas, je te jure que je demande à Piu de pirater George pour savoir d'où viens ton blobfish.

Non, sérieux, arrête de me faire paniquer. Je sais que c'est drôle et tout mais je flippe.

T'as pas dit oui. Connard. J'vais te taper. C'est pas "si tu le dis" c'est "oui monsieur Williams" putain ! Regarde sa bouille ! Allez ! Je le crois pas quand il dit qu'il a pas envie d'un gosse. Ca se voit qu'il est trop in love de Charlotte - bon en même temps, je comprends, hein, c'est un peu le plus beau bébé du monde, donc il ne peut pas ne pas être attendri. Après, j'peux comprendre le fait qu'il flippe - c'est marrant mais Gae m'a dit la même chose aha eh lel, sauf que lui n'avait pas ce regard-là. Donc : je ne crois pas Huo.

—Déjà : non, garde-la cinq minutes, sinon j'détruis ton dossier. Elle t'aime bien, elle a envie de jouer avec tonton Huo, t'aimerais pas la priver quand même... j'me moque. Ensuite… On pense tous ça, surtout ici j'veux dire. Qu'on n'est pas apte à s'occuper d'un gamin, qu'on sait pas s'occuper de nous. Mais déjà, tu sais t'occuper de toi, sinon tu serais pas Master. T'as d'ailleurs l'air d'en être un beaucoup plus sain d'esprit que moi (ce qui n'est pas difficile trolol) et t'es avec Aoi depuis quoi, trois, quatre ans ?

Haussement d'épaules avant que je ne croise les bras. Je l'observe tenir Charlotte et il y a quelque chose dans ses mimiques et ses gestes qui est très doux et très tendre.

—Personne sait comment est un parent idéal. Quand on a eu des modèles merdiques encore plus. Mais au moins on sait ce qu'on ne veut pas être.

Violent, abusif, absent. Ca, c'est ce qu'on ne veut pas être.

—Enfin bon, j'essaie pas de te convaincre. C'est juste, faut pas que ça te mette des freins non plus.

Parce que bon, si on part de savoir si on en sera capable ou pas... J'ai envie de dire : on le saura pas tant qu'on n'aura pas essayé ?

Haussement de sourcil lorsqu'il évoque Blobby, par contre. J'ai un demi sourire en coin.

—Hmmm. Je pense pas que Piu ait spécifiquement envie d'accéder à ta requête, sachant qu'elle était là quand Blobby a débarqué… Et qu'y a des photos très, très, très compromettantes d'elle aussi qu'il vaudrait mieux que personne ne voie.

Que je ne regarderai jamais, en vrai, et que je ferai encore moins sortir de mon ordi. Elle serait capable de balancer partout dans Terrae des photos d'mon avec ses bas résilles et son string, et franchement, j'ai encore un peu de dignité.
(Puis euh, j'ai peur de savoir si on a baisé ce soir-là. Allez, bisous.)

Charlotte est mignonne. Fin, c'est un bébé quoi. J'suis sûr que notre cerveau est programmé pour trouver les bébés mignons. Genre survie de l'espèce, instinct de protection toussa. Puis elle a les yeux de son frère. Ca peut que m'attendrir. Bref, je m'égare.

Je roule des yeux en tirant une tronche à Aaron. Enfoiré. Son argument est tellement censé en plus, c'est injuste. Je sais tout ça. Que je suis Master, adulte, en couple depuis un moment. Fiancé… Je le sais. Mais j'essaye de pas trop y penser en ce moment. La gamine gigote un peu dans mesbras et j'essaye de la tenir correctement.

— Bien sûr que t'essayes de me convaincre, je réplique. Et là c'est même pas question de modèle.

Si c'était Aoi, oui. Elle flippe à mort là dessus. Parce que son père et la façon dont il est mort l'ont fait flipper au delà du raisonnable sur l'idée qu'elle se fait de la famille. Moi c'est pas mon problème. Mon problème c'est que je ne sais toujours pas si je me sens capable de ne pas détruire ceux que j'aime. Parce que je l'ai déjà fait avec Aoi. Je l'aime putain. Mais ça m'a pas empêché de tout jeter dès que j'ai eu un problème d'ego.

— J'ai encore plus envie de savoir maintenant, je rigole.

Surtout que Piu et la honte… Fin ça m'étonnerait qu'elle en ait quelque chose à faire qu'on la voit dans une position compromettante. Ca aurait plus tendance à la faire marrer.

— Pour en revenir à ce qu'on disait, t'as pas besoin de me convaincre. Je sais qu'un jour j'aurai envie d'être parent. C'est con mais je crois que dans mon couple, c'est pas moi qui a besoin d'être convaincu.

Même si ça m'empêche pas de flipper. Mais est-ce qu'être Papa c'est pas se préparer à flipper pendant 20 ans jusqu'à ce que tes gosses te recrachent à la gueule tout ce que t'as fait de travers ?

Je souris doucement à Lottie qui essaye encore d'attraper mes cheveux. Tu mesures pas ta chance, gamine. Quand tu seras plus grande peut-être. Je l'envie un peu. Elle va pouvoir grandir avec un père aimant et deux frères qui seront surement toujours là pour elle. Je pense qu'à Terrae on est beaucoup à pas pouvoir en dire autant.

— Profite de ton père, petite. T'as de la chance qu'il soit à peu près potable, je rigole.

Mais non vas-y, fais pas chier, j'essaie pas de te convaincre ! J'essaie juste de te convaincre que tu te trouves des excuses, pas de faire un gosse à ta meuf là maintenant de suite. Faut pas abuser non plus, j'suis un monstre mais pas à ce point ! J'ai pas non plus envie de me faire buter, bisous. Pour lui signifier à quel point son argument ne m'atteint pas, je hausse une épaule et baille. C'est pas que le problème du modèle, j'en parle parce que moi j'me sentais concerné par ça et que certains peuvent se dire un peu la même chose. Mais dans l'idée, à part le fait que son couple est un peu jeune - et encore, c'est pas à moi de le juger, y a des gens qui ont des gamins très rapidement et si ça leur convient c'est le plus important. Après, peut-être qu'il faut arrêter de se dire "non mais je peux pas avoir de gamin parce que" et juste dire "pour le moment, je ne veux pas d'enfant" ?

Grimace quand il évoque Ipiu. Tssssk. Nan, tu sauras pas, crève. C'est privé, okey. Y a déjà Mitsu qui en a eu une vision, j'vais pas en plus en parler à Huo qui co-dirige le journal omg. Et bon, j'me vois mal lui dire après ce qu'il s'est passé cet été avec Nico : "Hey, en fait, on a fait un méga bad trip et j'me suis réveillé en string à dentelle et bas résille, attaché à un blondinet très mignon mais très con, les couilles posées sur le front de Piu, et on avait Blobby dans la baignoire, mais je me souviens pas, mais alors absolument pas de ce qu'il s'est passé la veille..." Ce serait pas vraiment de bon ton.

Nouveau haussement d'épaule. Je m'en doute un peu. Pendant qu'il continue à jouer avec Charlotte, je m'approche d'un des placards pour  en sortir une compote puis une cuillère vert et bleu version bébé.

—J'essaie pas de te convaincre d'avoir un gamin, je répète. J'essaie de te convaincre de parler de ta vision de ton couple à ta meuf. Parce qu'après être allé aussi loin qu'une demande en mariage, si vous êtes toujours pas au clair, il va y avoir des problèmes.

Cette fois, je suis un peu plus ferme dans mon ton. Je relève les yeux vers lui et hausse une épaule.

—Mais tu fais comme tu veux. Je te dis juste ce que j'en pense. Et par rapport au reste… C'est simplement parce que je pense qu'on se pose tous la question. De savoir si on est à la hauteur ou pas. Mais ça, on le sait que quand on y est confronté.

Je me la suis posée quand on était en France, avec Nico, quand on est allés récupérer Charlotte. Je pensais que je pourrais pas m'en occuper. Et maintenant, je suis son père ?

Doucement, je pose la compote sur la table, à côté du dossier, et vais récupérer ma fille des bras d'Huo. Je lui fais un câlin pendant qu'elle gazouille et souris en coin.

—Euh, ouais, tu sais que c'est chelou de t'entendre dire ça, quand même ? Tu te souviens que j'suis juste à côté ? j'me marre en l'installant dans sa chaise haute puis en ouvrant sa compote. Tu essaies de ne pas m'en mettre partout aujourd'hui ma chérie, ok ? (Puis, en me tournant vers Huo) Normalement le dossier est assez développé, mais si des trucs te paraissent encore bizarres hésite pas à me le dire pour que je revoie ça.

La parentalité c'est un truc compliqué pour moi aussi, je crois. Fin, j'ai pas eu de bons modèles faut dire. Ma mère un peu, je crois qu'elle m'aimait à sa façon et qu'elle se souciait de moi. Mon père je ne sais pas. Je suis pas sûr qu'il voulait un enfant au final. En soi, je crois qu'avoir eu ce genre de parents nous donne surtout de bons exemples de ce qu'il vaut mieux éviter de faire avec nos propres gosses.

Je grimace quand il me parle d'Aoi, de ma vision du couple. Ha ouais j'ai compris le message. C'est pas tant d'être au clair que c'est compliqué de me résoudre à lui parler des trucs importants. Je sais pas… Parfois je me demande si ça vaut la peine de remuer nos problèmes passés. Vous croyez que je devrais aller voir un psy ?

— A la hauteur… Ca fait prétentieux de dire que je pense que je le serais ?

Je souris en coin et lui repasse la gamine pour qu'il lui donne sa compote. J'ai pas de doutes sur moi, vraiment. Mais s'occuper d'un autre être humain, l'élever, tout ça… C'est un peu terrifiant quelque part.

Je récupère le dossier et le feuillette rapidement en lisant qq pages en diagonale.

— C'est bien parce que t'es à côté que je le dis, je rigole.

Je soupire doucement et les regarde, Lottie dans sa chaise haute en train de jouer avec sa compote et Aaron qui garde un oeil sur elle quand il me parle. Il fait un bon père, je crois.

— Je regarderai ça, ouais. Merci pour le coup de main en tout cas.

Et la discussion. Aaron est pas si chiant au final quand on s'habitue. Il me donne de bons conseils. Surment parce qu'il a plus d'expérience ? C'est vrai qu'il a pas loin de la trentaine si je me souviens bien. C'est peut-être ça être vraiment adulte ? Ca a l'air aussi chiant que cool...

— Aaron… Tu sais que si t'as envie de parler une fois… Enfin j'ai des oreilles aussi.

Même si ça me fait très bizarre de lui dire ça à lui ? Mais visiblement s'il parle à personne de cette histoire avec la fille de Boston c'est que ça le travaille.

Demi rire. Ouais, ça ferait sans doute carrément prétentieux, mais j'vais éviter de lui dire, il va se vexer. Quelque part, c'est bien d'être assuré à ce niveau-là ; tout le monde peut pas en dire autant. Avant d'être père, j'pensais pas être un bon père. J'ai été un mauvais frère, j'ai été un mauvais fils, j'ai été un mauvais amant, j'ai été un mauvais copain, j'ai été un mauvais ami. Franchement, quand on est aussi doué que moi dans les relations humaines, c'est pas possible de se dire ça ; donc clairement, je peux pas répondre à sa question. Mais je pense surtout que c'est bien pour lui aussi, quelque part, s'il pense que ça va, il gèrerait pas mal.

—Je ne sais pas. Tant que tu te remets en question et que t'es flexible, alors tu le seras de toute manière, je souris en coin.

Doucement, je donne ses cuillérées à Charlotte. Elle m'en réclame encore en babillant et agitant ses petits pieds adorables, attrape la cuillère pour accompagner mon mouvement. Ses grands yeux gris me fixent avec bonheur et je l'embrasse sur le front en lui souriant. On ne sait pas toujours comment les choses nous tombent dessus, mais c'est aussi en sortant de sa zone de confiance qu'on arrive à évoluer.

—T'inquiète, t'inquiète. C'est mon job aussi, je souris en coin. Et c'est moins chiant que la compta.

La compta, plus jamais j'aide Hideko à la faire, elle se démerde omg. Ou alors elle engage un comptable compétent et déterminé, mais pas moi merci.

Encore une fois, je suis pris de court alors qu'Huo reprend la parole. Mes yeux se relève vers lui.

—Si c'est pour finir comme la dernière fois au bar, c'est même pas la peine, je grommelle, toujours blessé dans mon égo de m'être mis à pleurer devant lui. C'est sympa, hein ? Mais j'ai un psy pour ça, j'suppose. Puis on a parlé, là, nan ? 'Fin je vois pas quoi dire de plus.

L'amitié, c'est un concept difficile à comprendre, à accepter. La confiance, aussi, sans doute ; et puis, parler, c'est s'exposer, c'est se faire voir, menacé d'être compris. Et souvent, je me fais croire que je n'ai pas envie d'être compris. Moins on en sait sur moi, et mieux je me porte, au final. Mais ça amène à des a priori, à des stéréotypisations, à des jugements de toute sorte. Et à la longue, je ne sais pas trop si j'ai peur qu'on me juge ou si je me juge simplement trop moi-même.

—Arrête de faire genre tu t'inquiètes pour moi, ça va virer bizarre, je ricane.

J'acquiesce doucement quand Aaron me parle de se remettre en question. Oui, ça je peux esayer. Je ne veux pas reproduire les erreurs de mes parents si un jour j'ai des enfants. J'espère juste que ça veut dire que je ne tomberais pas dans les travers inverses. Trop de liberté c'est pas bon non plus.

Je souris doucement en les observant. Aaron a cette façon de se comporter avec Charlotte. On voit qu'il l'aime tellement. Je plains celui qui voudra sortir avec elle dans le futur. Ou juste la personne qui tentera de lui faire du mal. Avec un père pareil plus les deux grands frères… Ouais nan bon courage aux futurs prétendants. Ou prétendantes. J'suis pas sectaire.

— Tu m'étonnes, je rigole. La compta c'est bien le truc que personne veut faire.

Je retiens un sourire amusé quand il reparle de notre soirée au bar. Faut avouer que c'était quelque chose. Mais ouais nan pas à réitérer je crois. Même si c'était pas si mal avec le recul mais bon… Ouais, pas à répéter trop souvent. J'apprécie de connaître les problèmes perso d'Aaron que jusqu'à un certain point.

— C'est la bromance qui te perturbe ? Je ricane un peu. T'inquiète pas, je suis bien avec Aoi tu risques rien.

Je me lève et m'étire doucement.

— Mais plus sérieusement, pour la fille de Boston, ça a vraiment l'air de te travailler. Fin, attend pas de plus avoir le choix pour en parler ? Parfois ça rend les choses pires.

Reculer pour mieux sauter, c'est pas la meilleure tactique quand il s'agit de relations sociales. Parce qu'après on se reproche de pas avoir parlé plus tôt, les autres nous veulent et les situations s'enveniment. Ce serait dommage de gâcher une reconstruction avec un mensonge.

— Fin bon. J'vais peut-être y aller, te laisser t'occuper de la gamine ?

Si. La compta, les comptables aiment bien. Vous voulez savoir le pire ? On n'a pas de vrai comptable à Terrae. Du coup c'est Keitaro, Ryu et moi qui nous partagions le taf. Puis un jour j'ai fait semblant de faire un burnout, entre les dossiers, les cours et mes recherches et surveillance, et depuis ils s'en occupent. Bon j'pense qu'ils ont capté tous les deux que j'avais pas envie de gérer ça, mais au moins, ça a été efficace. On va dire que j'suis un fourbe.

Malheureusement, la relation qu'on commence à développer Huo et moi ne me plaît guère. Je roule des yeux. Bromance ? C'est quoi ce mot, "bromance" ?? C'est encore plus chelou omg, ça veut dire quoi ?? Je crois que j'suis trop vieux pour ces conneries. J'veux pas savoir. J'vais cafter à Aoi.

—Ravi d'le savoir, j'préfère les mecs plus grands qu'moi t'façon...

Sur cette belle parole, je lui lance un sourire lumineux. Qui s'évanouit. MAIS STOP PARLER DE LOUISA LÀ VAS-Y, RECUPERE TON DOSSIER ET VA-T-EN OMG. Je fais la moue et croise à moitié les bras, boudeur. De toute manière, je sais pas trop quoi en dire, et je saurais pas comment amener les choses. Les pouvoirs, c'est une pilule dure à avaler. Et j'ai pas envie qu'elle me voie… comme un monstre ? Ou que Terrae, ma famille, me rejette parce que j'ai fait le choix de tomber am- putain je déteste ces discussions ok ?

—On verra. Je te laisse partir, ouais, faut que j'lance une machine en plus, je fais en regardant l'heure d'un oeil contrarié, constatant que le temps a filé bien trop vite. J'te raccompagne.

Je récupère Charlotte dans mes bras et lui essuie la bouche avec sa bavette, que je laisse sur sa chaise, et suis Huo jusque dans l'entrée. Je fais un coucou à Huo et Lottie m'imite avec un rire joyeux.

—Promis si j'ai un problème j'irai voir tonton Huo~ À bientôt, tombe pas du trottoir~

Sourire en coin, avant de fermer la porte. Ouais, nan, j'aime pas parler de moi.