On peut mesurer l'évolution de Jérémy selon la motivation qu'il a pour aller chez le psy. Au début, c'était la merde ; Aaron devait veiller à ce qu'il fasse pas genre il oublie le rendez-vous, limite il l'accompagnait jusqu'à la salle d'attente parfois pour être bien sûr qu'il allait pas se barrer. Après ça le faisait chier mais il y allait ; il avait pas trop le choix de toute manière, éviter la torture ça faisait qu'amplifier la douleur. Et pour finir, depuis quelques mois, il y va. Oh ça le fait toujours chier hein, faut pas déconner, aller chez un psy alors qu'il pourrait faire tout un tas d'autres trucs plus intéressants... Mais bon, c'était important et puis ça lui faisait du bien d'avoir une certaine approbation d'un inconnu. Ouais, il avait fait des choses sales dans sa vie, mais sa reconversion se déroule sans trop d'encombres, ça fait "plaisir à voir" avait même dit le spécialiste, une fois.

Alors après un an et demi depuis son arrivée à Terrae, pourquoi il continuait d'avoir des rendez-vous à l'hôpital vous me direz ? Bon, d'abord parce que, quand t'as tué et violé des gens, vaut mieux avoir un suivi continu hein... Ensuite c'est bien d'évoluer, mais il reste des zones d'ombres chez Jérémy. Il reste souvent tiraillé en lui, il ne sait pas pourquoi, chaque fois qu'il doit faire face à une situation nouvelle... Et puis toutes ses conneries, faut les assumer derrière... Surtout quand tu admets enfin que tu étais quelqu'un de mauvais. Tu as du sang sur les mains, ce n'est pas le tien, tu ne te souviens pas des noms et maintenant regarde-toi dans le miroir. Salopard... Jérémy secoue la tête. Ressentir cette pointe de culpabilité, c'est dur. ...C'est aussi pour ça qu'il est là.

Assis dans la salle d'attente vide, il n'a aucune idée du moment où ce sera son tour. Parfois le psy prend son temps avec ses patients, les rendez-vous sont décalés de plusieurs minutes donc ça ne le surprend pas... Surtout qu'il a tendance à venir en avance. ...J'aurais du prendre mes écouteurs. Il pousse un soupir, regarde les magazines sur la table basse face à lui... Il n'y a rien qui attire son regard. Même pas un petit mag' de cuisine, c'est la pérave. Il pousse un soupir, lève la tête et ferme les yeux. Putain c'est long quand même.

Aujourd'hui c'est une très bonne journée. Une journée fabuleuse. Une journée géniale. Pourquoi ? Tu n'en n'as pas la moindre idée mais tu étrangement tu te sens bien. C'est peut-être les céréales que tu as mangé ce matin, ou le verre de jus d'orange qui les accompagnait. Ou peut-être c'était juste que tu allais mieux.
Le temps a passé, et les choses ont changé. Désolée c'était trop facile. Tu as réussi à sortir peu à peu du cercle vicieux dans lequel tu t'étais embourbé. Ce fut long, ce fut fastidieux mais c'est derrière toi. Du moins c'est ce que tu aimes à penser. Parfois tu doutes encore, et les démons dansent à la lisière de tes pensées, toujours présents ils n'arrivent pas à t'atteindre. Pourtant ils te font peur, et la question persiste : Vont-ils revenir ? Elle n'est seulement pas assez présente pour t'empêcher de vivre.

Tu continues pourtant à aller voir ce psy. Celui qui te suit depuis le début. Il te complimente sur tes progrès maintenant, il aimerait bien espacer les séances. Tu ne veux pas, la peur se transforme en angoisse quand tu envisage de l'affronter seul. Tu es peut-être guéri mais pas encore assez solide. Ou peut-être que tu ne te considère pas comme assez solide ?

Malgré tout aujourd'hui est une bonne journée. Une journée où tu ne te déprécieras pas. Une journée productive, où tu as peint une espèce de tabouret chelou fait à partir de cartons de récupérés dans les poubelles de l'Institut. Faut dire que noël était passé par là. Les étudiants avait commandé en ligne pas mal de cadeaux et c'était débarrassés de leurs emballages... Tu avais pu récupérer des dizaines de papiers cadeaux différents et tu envisageait déjà nombre de collages de grande envergure. Tu comptais en parler avec ton Psy.

Tu étais arrivé à l'horaire habituel, oubliant qu'exceptionnellement il avait retardé votre rendez-vous. Dans la salle d'attente, tu n'es pas seul. Un autre jeune homme patiente. Tu le dévisage longuement, sans te rendre compte que c'est totalement inconvenant. Aujourd'hui est une bonne journée, alors aujourd'hui tu arrives à trouver le courage d'adresser la parole à un inconnu. Comme si tout ça n'était jamais arrivé.

" Bonjour moi c'est Angie, désolé de te déranger mais je me demandais : Comment tu fais ta coiffure ?"

Oui comme d'habitude, tu adresses la parole à n'importe qui, pour demander... N'importe quoi.

Quelqu'un entre dans la salle, Jérémy s'est redressé pour voir un grand châtain s'asseoir non loin de lui. Il se pose de manière plus convenable sur sa chaise sans rien dire... Il le fixe et Jérémy ne se gêne pas pour faire de même ; son vis-à-vis à des yeux verts curieux, il a l'air de frissonner... Il est peut-être malade... Et s'il inspire un peu plus profondément, il peut sentir, de là où il est, l'odeur de peinture et de colle. Un artiste. Un artiste malade alors... Jérémy ne l'inspecte plus pour se plonger dans ses pensées. Ronron l'avait déjà complimenté pour sa cuisine, disant qu'il était "un artiste de la fourchette !"... Mais la cuisine c'est pas de l'art pour lui, c'est vital. ...Bon c'est pas vital de faire une présentation toute jolie aux couleurs harmonieuses mais bon c'est juste parce que c'est cool d'entendre les gens lâcher une onomatopée surprise en voyant leur assiette arriver... C'est pas comme s'il le faisait exprès... genre... juste... M'voilà.

Alors franchement, la question ne l'étonne qu'à moitié. Ce qui le surprend un peu c'est le côté direct, genre tact,tac j'te connais pas et j'ai maté tes veuch' gros c'est quoi ton secret ?... Il répond quand même, après tout ce Angie avait pas l'air d'être une mauvaise personne. :

-Jérémy. répond-il sobrement avant de vérifier sa coupe en passant sa main sur sur son crâne sans rien abîmer. C'est le principe d'une tresse africaine j'crois ; on commence au front comme une tresse classique et à mesure qu'on descend on ajoute des mèches d'en dessous.

C'est ce qu'il arrive le mieux à faire tout seul... Dès que ça demande un peu plus de tresses et de doigté, comme pour les coupes vikings, il préfère demander à Nicolas, qu'est largement moins bourrin que lui. Il tente de sourire à Angie. :

-Si tu veux une tresse de ce genre il faudra attendre que tes cheveux poussent un peu.

Ahah humour t'es un comédien Jérémy Bonnet. ...putain mais tu voulais que j'enchaîne sur quoi toi aussi ?! "Et moi j'aime tes chaussures cousin, c'est du daim synthétique ??!!! woaaah eh, on mettrait des cornes qu'on dirait des vrais !" ...ouais non, il s'est amélioré mais c'est toujours compliqué d'entamer la conversation apparemment.

« Comme la reine des neiges ? Claaaaaaasse ! »

AZY PAIE TA REF. D’ailleurs elle s’appelles comment la blonde, c’est Elsa ou Anna ? C’est loin très loin. Pourtant tu l’as vu ce film avec ta nièce. C’est loin, ça r’monte. C’était avant Terrae, alors t’as le droit d’avoir oublié. Maintenant qu’il le dit c’est logique, une tresse africaine. Ça aussi tu savais l’faire avant, avec un tuto youtube en fond cependant, mais les mots exacts nommant cette coiffure t’échappaient jusqu’à ce qu’il les dise. Tresse africaine. Tiens maintenant qu’il le dit t’as un souvenir qui revient, une fille en erasmus qui te disait que chez elle [en Allemagne] on disait tresse française.
Des fois t’as des mots qui partent, et sans le mot tu retrouves plus le tiroir où t’as rangé le souvenir. C’est bizarre, tu fonctionnes pas bien… Mais tu l’as toujours su en fait, donc ça ne t’inquiète pas plus que ça.

Tu passes une main dans tes cheveux qui ne font pas que commencer à repousser. T’as déjà plus de cinq centimètres, et tu préfères au final ne plus avoir la tête à Barthez. Fabien pas Yann. De toute manière ça s’écrit pas pareil, tu le saurais si tu avais pris la peine de chercher. Tout ça pour dire qu’il a raison ils sont trop courts pour un tresse, quelle qu’en soit la nature.

« T’as raison, mais j’les supporterais jamais aussi long… Faut que je vois pour une perruque. »

Oui monsieur, une perruque c’est moins relou que des cheveux longs… Surtout que la perruque on peut la retirer quand on veut, les cheveux longs aussi remarque… Mais ça a un côté plus définitif ? C’est pas définitif tu le sais, mais c’est du long terme.

« En tous les cas ça te va bien ! »

… Et non ce n’est pas une approche relou pour draguer, juste un constat.

La... Reine des Neiges. Jérémy pince ses lèvres. S'il n'avait pas aimé autant cette coupe, il se serait peut-être coupé les cheveux à ce moment. A la place il laisse un rire jaune s'échapper de sa gorge, espérant intérieurement ne pas avoir la chanson "Libérée, délivrée" coincée dans la tête pour le reste de la journée.

Angie passe une main dans ses cheveux, admettant qu'effectivement, ils sont trop courts pour une tresse même quelconque, et qu'il ne pourrait pas les supporter aussi long. Jérémy s'entend. C'est assez agaçant quand il perd ses élastiques ; il les cherche partout quand c'est comme ça, ses cheveux libérés délivrés -OMG NOOON- en train de chatouiller ses épaules. Il est prêt à piquer des chouchous roses de Charlotte pour ne pas avoir à les supporter. On lui avait fait une remarque un jour d'ailleurs, quand il a débarqué au resto avec une barrette coccinelle de sa petite sœur dans les cheveux. Aria avait bien sûr pris une photo dès qu'il avait eu les mains dans l'évier, occupées à la plonge, l'empêchant de se cacher.

Jérémy n'y connaît rien en perruque, et il tente de visualiser son vis-à-vis avec des cheveux longs. ...et comme il n'est pas très fashion, il ne saurait pas dire si ça lui irait bien. Par contre, Angie lui dit qu'a Jérémy, ça lui va bien. Il a un bref haussement de sourcil avant de marmonner un "Merci" pas convaincu. Il ne sait même plus d'où lui est venu l'idée de ne plus couper ses cheveux... Dans ses souvenirs, ça avait commencé à la naissance de Charlotte, elle était déjà fascinée par les cheveux qu'elle tentait d'attraper. Ah... voilà c'est pour ça.

.......Et maintenant il dit quoi ? Qu'Angie est plutôt pas mal aussi ? Même si bon, il est tout fin. Faudrait qu'il fasse un peu de muscu et qu'il bouffe un peu... Jérémy se demande s'il cuisine de manière équilibrée. Euh. Non. Ce qu'il veut dire c'est- :

-Et sinon t'es là pour quoi toi ?

............................
IL EST LA POUR CULTIVER DES OIGNONS ESPÈCE DE CON !
Facepalm mental.

Tu le regardes passer les mains sur sa natte et tu te dis qu'elle lui va réellement bien, mais tu ne souhaites pas te montrer insistant. Tu aimes complimenter les gens, mais parfois un compliment peut être lourd.
Ici, il veut dire ici icic, où ici plus large ? A Terrae ? Dans la salle d’attente d’un psychologue ? Au final la réponse est la même pour toi, tu n'as pas besoin de lui demander de préciser sa question... Tu dois juste te demander si tu veux y répondre.
T’sais Angie qu’il y a des moments dans la vie un p’tit mensonge ça fait pas d’mal ? Non, tu le sais pas. Mentir c’est constamment mal. Tu ne sais pas mentir… Enfin c’est ce que tu croyais, et c’est sans doute en partie vrai. La seule personne à qui tu sais mentir correctement, c’est toi… Et parfois tu as cru en tes mensonges. Ce n’est plus le cas. Tu pourrais avoir honte, et c’est sans doute le cas. Tu pourrais sortir un trait d’humour, cachant derrière un rire la raison de ta présence ici. Ce serait sans doute le plus sage…
Mais aujourd’hui c’est une bonne journée. Une journée où tu te sens le courage de t’affronter. Le courage de sourire en répondant avec sincérité :

« Je suis dépressif, ou peut-être que je l’étais… Je ne sais pas si l’on peut se considérer un jour guéri ou simplement en rémission. »

Ça dépend sans doute des cas, on dira que tu étais guéri si tu ne replonges pas jusqu’à ta mort. C’est en comparant ta dépression à un cancer que le psychologue a réussi à te faire comprendre que c’était une maladie et que tu n’en étais pas responsable. Bon tu te sentais encore coupable par moment, preuve que tout n’était pas résolu. Tu regardes le beau blond en te demandant s’il te juge, mais tu te rends soudain compte de quelque-chose : cela n’a aucune importance.

« Et toi, je peux te demander pourquoi tu es là ? »

Tu sais que parfois quand on pose une question c’est qu’on ne veut pas y répondre soi-même. Alors s’il n’a pas envie de répondre tu comprendras, mais tu sais aussi que parfois la question que tu poses est celle que tu aimerais qu’on te pose à toi. T’es pas forcément doué pour comprendre les gens, mais tu sais les écouter.

Y'a un silence. Jérémy savait déjà un peu que ça se posait pas trop, comme question. Après tout il aurait pas voulu qu'il la lui pose d'emblée. Mais il savait tellement pas quoi dire qu'il l'a sorti sans trop penser... comme la plupart des conneries qu'il sort. C'est qu'il ne pense pas avant. Ouais, ça s'est carrément amélioré, mais ça n'empêche pas qu'à chaque fois qu'il demande quelque chose à quelqu'un, il se retrouve à réfléchir avant, peser ses mots, savoir s'il ne va pas être indiscret ou utiliser des termes limites. Mais bizarrement, ça n'étonne personne, du moins, ceux qui le connaissent, qu'il y a toujours des silences dans une conversation avec lui. Mais ce silence là, avec Angie, il aurait voulu l'éviter.

Pourtant il répond. Et... Well... Ben... Du coup il sait pas quoi dire. Il s'attendait pas à une telle franchise, déjà, surtout avec une question aussi indiscrète alors qu'il le connaît pas... Ensuite, Jérémy ne sait simplement comment réagir face à quelqu'un en dépression. Il ne comprend pas la dépression. L'état dépressif est un antonyme à sa personne ; l'anxiété, la lassitude, le découragement,... ouais il a déjà ressenti tout ça, mais c'est toujours très vite dépassé par le besoin d'avancer. ...Même à fond dans sa connerie. Tout tant qu'il n'était pas inactif, et ça, depuis son unique tentative de suicide, quand il était tout gamin... Et ce geste encore était surtout motivé par l'envie de retrouver sa mère...

Quand la question lui revient, il se dit qu'il l'a bien mérité, d'abord. Après, il y réfléchit longuement. Dans sa tête, il se devait d'être franc. Mais bon, ça la fout mal un peu non ? Tu rencontres un gars, seul à seul, dans une salle d'attente, et il t'annonce qu'il est un ancien raciste, violeur, meurtrier, ect... ...Ambiance quoi. Il prend une inspiration. :

-Avant d'être à Terrae je... bossais pour un gang. J'étais pas très... Enfin, j'ai fait tout un tas de trucs pas légal ou... respectueux.

Résumé de merde. Jérémy soupire. :

-Excuse-moi pour cette question de merde. J'voulais pas te mettre mal à l'aise ou quoi. Il mordille sa lèvre. Et guérit ou pas, c'est bien que tu sois là... pour te soigner.

Pour Jérémy, c'est toujours bien de prendre ses problèmes à bras le corps plutôt que de se laisser bouffer par eux. ...C'est déjà un pas vers la guérison.

« Est-ce que je dois avoir peur de toi ? »

C’est la question qui vient après ta réflexion. Tu ne t’es nullement formalisé du temps qu’il a mis à te répondre, tu l’as laissé décider s’il voulait s’abstenir ou pas. Il pouvait te dire qu’il n’avait pas envie d’en parler, tout comme tu aurais pu lui répondre ceci. Ta franchise pourtant poussa la sienne, et quand tu t’en rendis compte tu sentis une petite pointe de culpabilité que tu laissas cependant derrière toi pour essayer de comprendre ce qu’il venait de te dire.

Il faisait partie d’un gang. Pour toi c’était un vocabulaire obscur et sans doute fantasmé par les films et séries policières que tu avais pu voir jusqu’alors. Tu ne savais pas vraiment ce que cela voulait dire « faire partie d’un gang. » La manière dont il l’avait dit cependant te pousse à croire qu’il n’est pas fier de ce qu’il y a fait. Il a dit que ce n’était ni légal, cela ne te choque pas dans le contexte d’un gang, ni très respectueux. Tu n’imagines pas qu’il ait pu commettre des sévices, tu n’imagines ça de personne de toute manière. Pour toi il n’était pas très respectueux de la loi.

Cela ne t’expliquait en rien pourquoi il venait voir un psychologue. Les regrets peut-être, peut-on soigner les regrets ? Sans doute pas, alors ton esprit s’est demandé s’il était dans un gang pour des accès de violence, ou l’inverse. C’est fou comment tu es formaté. Tu le sais, les accès de violence peuvent se traiter chez un psychologue, certains de tes élèves rataient tes cours pour aller en voir. Après tout, l’art-plastique n’était pas une matière importante…

Pourtant il s’est excusé de t’avoir mis mal à l’aise, alors tu n’arrives pas à l’imaginer violent. D’ailleurs quand il l’a fait tu lui as souri et lui a dit non de la tête. Il n’avait pas à s’excuser, et finalement c’était peut-être plus simple de se dire les choses que de laisser des non-dits. On ne t’a pas assez dit que la salle d’attente d’un psy n’était pas le meilleur endroit pour faire des rencontres.

-Non.

La réponse est directe. Franche. Parce que c'est le cas. Faire peur, c'est un moyen comme un autre de montrer qu'on ne peut pas être atteint par qui ou quoi que ce soit. Faire peur, c'est un moyen de se détacher des autres pour ne leur laisser aucune chance de te faire du mal. Jérémy n'a pas à faire ça, parce qu'à Terrae, ouais y'a peut-être des petits cons qui s'amusent encore à ça, blesser les autres... mais il sait se défendre. Et il en a un peu rien à foutre maintenant, ses priorités sont nouvelles, ses résolutions totalement différentes. Il ne veut pas faire peur à Angie, parce que même s'il est le premier à dire que les apparences peuvent être trompeuses, il ne lui inspire que du bien ; que ce soit par sa façon de se tenir, de parler,...

Toutefois... Il ajoute en souriant. :

-Mais si un jour tu fais du mal à ceux que j'aime, là, j'dis pas.

Ce qui sonne comme une menace était sensé être un début de blague. Mais au final, il sait bien que ce qu'il dit est vrai. Bien sûr qu'il a appris que ses habitudes, ses tics et ses réflexes ne sont pas les bons. Mais c'est en lui. Il n'oubliera jamais comment se déroule une chasse ; l'on suit les habitudes de la proie, on la traque sur plusieurs jours, semaines, voir des mois. Moins elle s'attend aux répercutions de ses activités, de son erreur, plus le Chasseur fait son effet en frappant. Le moindre détail est important ; de la façon dont la proie réagit à la menace à la façon dont il préfère boire son chocolat chaud. Et chaque détail est utile à la torture mentale et physique qui s'en suit.

Jérémy Bonnet, le Chasseur, le second du Jarl, sadique, précis, monstrueux. Cette image de lui qu'il s'était forcé à aimer et qu'il espère vraiment ne plus avoir à endosser un jour... :

-Sinon, non... Ou juste un peu. Tu devrais avoir surtout peur de ma capacité à vouloir faire à manger à tout le monde. ...Tu manges sainement d'ailleurs ?

Et voilà. Il a craqué.

Puisqu’il a dit non, c’est non. Angie, tu n’auras pas peur. Tu n’as décidément aucun instinct de survie mon gars. Genre tu pourrais être le héros de contes pour enfants, genre Hansel et Gretel ou le petit chaperon rouge, sauf que tu finirais bouffé par le loup et la sorcière. Toi du petit poucet tu n’as que le nom, enfin tu suis pas tout le raisonnement du blond mais tu t’étonnes de sa conclusion.

« Pourquoi je leur ferais du mal ? »

Pourquoi tu leur ferais du mal ? C’est vrai, t’as aucune raison de leur faire du mal… Et tu saurais pas comment faire même si on te le demandait. C’est vachement bizarre comme question. Où est passé ton second degré Charlie-Ange ? Tu pourrais comprendre que c’est une blague, c’est pas une vraie menace ou peut-être que si ? Toujours est-il que tu es plus intrigué par sa formulation que son sens.

Tu comprends rarement les choses, et le lien entre le danger et la manière qu’il a de vouloir cuisiner pour tout le monde pourrait te sembler obscure, tu comprends juste qu’il doit être très mauvais cuisinier… et que c’est quelqu’un de gentil, puisqu’il se soucie de si tu manges bien. Tu es tellement loin du compte…

« Je pense que oui, je mange à la cantine c’est censé être équilibré je crois… »

Pourquoi il te pose cette ques… Ton regard suit le sien sur tes bras que l’épaisseur de ton pull n’arrive pas à rendre volumineux. C’est vrai que comparé aux siens… Tu fais un tantinet malingre. T’as jamais réussi à être épais même quand ta mère essayait de t’engraisser. Peut-être que si tu avais été plus sportif, tu aurais pu faire un peu de muscle, mais ton seul sport a toujours été de tenir un pinceau…

« Tu fais beaucoup de sport ? »

… Des fois tes questions suivent de trop près tes pensées, et tes pensées tes yeux…

Jérémy bloque. Pourquoi il leur ferait du mal c'est vrai ? Nicolas c'est Nicolas. Le Loup Noir. Avant d'arriver à lui faire du mal, faut y aller. A moins qu'il n'arrive à l'atteindre à travers... Aaron. Mon Ronron, même s'il n'a pas l'air de s'en rendre compte, c'est un Master vachement responsable qui s'attache à tous les membres de Terrae, même les pires. Il en est la preuve vivante !... Quant à Charlotte. Eh bien. C'est un bébé, mais on sait pas ce qui traverse le cerveau des psychopathes. Mais est-ce qu'Angie en est un ? Ah ça... :

-Je ne sais pas, c'est vrai. admet-il. Mais j'ai vu tellement de choses incompréhensibles parce qu'on ne s'y attend pas que... je suppose, que je suis devenu méfiant.

Il s'exprime sans filtre. Ça le dérange un peu, juste un peu. Parce qu'il n'a pas l'habitude de donner autant d'infos sur lui aussi naturellement. Peut-être qu'il fait ça parce qu'il s'agit d'une tierce personne... Faudra qu'il en parle à son psy tiens !

Angie pense que, parce qu'il mange à la cantine, il mange équilibré. Jérémy grimace un peu. Ah. Oui c'est vrai que c'est plus ou moins équilibré... Si on mange un peu de tout ce qu'il y a dans les plats. Si on zappe l'entrée, paf, il y a un légume ou deux en moins... Et encore, ce sont pas des légumes de saison. Les sauces sont faites de manière industrielles. Et pour avoir mangé un temps là-bas, c'était pas fameux. Il est quasi sur que certains plats étaient surgelés... Et on ne veut pas connaître l'avis de Jérémy sur le surgelé sinon il va faire un pamphlet là-dessus.

Et quand il retrouve les yeux d'Angie, il constate... qu'il le mate. AH. BON. OK. Jérémy a sa main qui va instinctivement protéger ses points faibles, les endroits où se trouvent les cicatrices qu'il aime le moins avant de se dire que, jamais il aurait eu ce geste avant. Angie pose une autre question avant qu'il n'ait le temps d'y réfléchir plus longtemps. :

-Oui. Mais moins qu'avant. Une fois par semaine, je vais au gymnase et sinon, je cours jusqu'au travail...

Il pose sa main sur son biceps, là où semble s'être arrêté le regard d'Angie. :

-La morphologie, c'est aussi une question de métabolisme. Tu peux manger la même chose que ton voisin et tu seras obèse quand lui sera tout fin. Perso, je sais que si je mangeais pas correctement et que je faisais jamais de sport... je serais probablement en surpoids.

Y'a qu'à voir son père. :

-Mais je connais quelqu'un qui a un plus gros appétit que moi et qui est plus fin. Manger équilibré, c'est aussi une question de besoin. Et les besoins, c'est selon chacun.

Y'a qu'à voir Nicolas.

Tu hoches la tête, il a raison. Pour toi c’est toujours incompréhensible de chercher à faire du mal à quelqu’un. T’essaie toujours de limiter la casse, tu marches souvent sur des œufs et si tu blesses les gens, c’est souvent sans le faire exprès. Tu t’en veux après coup, mais tu n’accordes que rarement autant d’importance que ceux qui t’entourent à bien des choses.

« Du coup je n’ai pas à avoir peur de toi. » tu conclues.

C’est pas plus compliqué que ça, tu ne comptes pas faire de mal aux gens qu’il aime, alors tu n’as pas à avoir peur de lui. CQFD. Affaire classée.

Tu le vois grimacer quand tu dis que tu manges équilibré puisque tu manges à la cantine. Bah quoi ? C’est pas équilibré la cantine ? On t’aurait menti ? Tu vas te remettre à te nourrir de nouilles instantanées s’il te dit ça. Bon, peut-être pas en fait. Si cela était une épreuve fut un temps de te rendre dans cette salle au contact des gens, maintenant tu apprécies du nouveau t’asseoir au contact d’inconnus pour partager un repas et une conversation. Un peu comme maintenant en soit.
Il t’explique qu’en effet il fait du sport. Car oui en supposant qu’il travaille tous les jours s’il court tous les jours c’est du sport… Et même beaucoup de sport, et en plus il va au gymnase. Une part de toi aimerait le traiter de masochiste, l’autre l’envie un peu d’avoir assez de motivation pour se tenir à cet entrainement. On t’a toujours dit que le sport était bon pour la santé, et tu as fini par conclure que ce n’était pas bon pour la tienne.
Il doit avoir raison cela étant, même en mangeant beaucoup et n’importe comment tu n’as jamais réussi à être gros.

« Ca te dérangerait de poser pour moi ? »

Non ça ne sort pas de nulle part. Juste comme il te regardait, tu l’as regardé, et tu t’es dit qu’il était beau. Tu te dis rarement que quelqu’un est moche cela étant. Seulement il a quelque-chose dans son attitude qui donne envie de le dessiner, ou peut-être de le prendre en photo. Tu n’es pas sûr. Il a du style, oui c’est ça ! Tu aurais pu être normal, rebondir sur son travail pour relancer la conversation, je sais pas… Mais là tu fais chelou mon gars.

Angie, soit il a pas d'instinct de survie -comme Asbjorn-, soit il est naïf. Est-ce que c'est un mal en soi ? Jérémy a appris que non. Est-ce que c'est déconseillé en sa présence ? Plus maintenant, parce qu'il ne chercherait plus à en profiter, comme autrefois. Mais il a un bref instant où il s'inquiète un peu pour lui... Un dépressif qu'est capable de, au bout de quelques minutes de discussion, conclure qu'il ne faut pas avoir peur d'une personne c'est... pas commun ? Pour lui en tout cas, même si ça commence à force de traîner ici... Ça va quand même à l'encontre de tous les instincts de Jérémy.

PIRE, après avoir expliqué qu'il faisait du sport et que la morphologie d'un personne était surtout le résultat entre, l'écoute de ses besoins et de ses activités, la première question qui lui vient c'est "Ça te dérangerait de poser pour moi ?" :

-Ahskeblrpteumbleu ?

Oui, à la base, c'était une question qu'on pourrait traduire par "Mec, quel drogue tu as consommé pour croire que je pouvais être assez bg pour devenir modèle de quoi que ce soit ?"... Il finit par prendre une inspiration avant de vouloir des précisions. :

-Donc... je suppose... que tu peins ?

Soit ça ou la photographie, mais vu l'odeur qu'Angie dégage, il utilise de l'acrylique et de la peinture à l'huile. :

-Non pis poser pour quoi ? fait-il en se ratatinant et dévorant sa lèvre inférieure. Même quand je suis habillé on voit mes cicatrices... et mon tatouage... et- Non mais je suis un monstre.

Jérémy avait fait un bac L. Il savait un minimum l'intention qu'un artiste pouvait donner à son oeuvre... et bizarrement, Jérémy était persuadé qu'Angie, quelque soit son domaine, ne pourrait jamais donner le message qu'il veut faire passer, quel qu'il soit, avec un corps comme le sien.

Sa réponse pourrait te paraitre étrange s’il n’était pas le premier à te regarder avec des yeux écarquillés en se demandant « mais what the fuck il me veut quoi ? » Juste tu oublies tout le temps cette réaction, ne réfléchissant que rarement avant de proposer à quelqu’un d’être ton modèle. C’est tellement une question simple et dépourvue de toute ambiguïté pour toi que tu n’y vois pas le mal. Personne ne t’a d’ailleurs (et heureusement) pris pour un pervers quand tu la poses. Faut croire que tu as de la chance…
Sa seconde question est plus intelligible, et tu hoches la tête affirmativement, bien qu’en cet instant tu n’ais pas encore choisi le moyen d’expression qui lui conviendrait le mieux. La peinture ou la photo ? Peut-être les deux cela étant, même si tu aimes le contact d’un modèle de chair quand tu le peins, tu t’es rendu compte que tenir une position longuement pouvait être un calvaire, aussi si cela est trop contraignant pour l’autre, tu le prends en photo et ne peint qu’à partir de ces prises. Seulement parfois tu as l’impression que plus l’image est reproduite plus elle perde de sa profondeur, un peu comme un document passé plusieurs fois dans une photocopieuse…
Il ne t’a pas encore donné de réponse alors tu attends. Elle commence par un « non » et se termine par un « pourquoi » tu comprends que ce n’est peut-être pas un vrai non, et sans doute une véritable interrogation. Il est plus facile de dire oui quand on a commencé par un non que l’inverse. Un oui semble nous engager. Il reprend. Il bafouille. T’as réussi à faire bafouiller Jérémy Bonnet en moins de 5 minutes de conversation. GG mon gars. Tu lui souris avec douceur, car au travers de ses mots tu as senti sa douleur.

« D’accord. »

Que dire de plus ? C’est compliqué. Tu n’insisteras pas pour qu’il pose pour toi.

« Mais un monstre est censé faire peur, et je n’ai pas peur. »

Angie tu réalises que les monstres choperaient jamais de quoi bouffer s'ils disaient à leur proie d'avoir peur ? Tu confonds monstre et prédateur ma grande.

Il s'attendait à un minimum de débat, ou du moins, il s'attendait à ce que Angie insiste un peu plus longuement. Mais non. On est à Terrae. Et Angie a un sourire très doux avant de simplement dire qu'il était d'accord, qu'il n'allait pas le peindre/prendre en photo/quoi que soit son modèle d'expression. Jérémy baisse d'un coup la tête sans s'en rendre compte en essayant de se retenir de rougir. La partie de lui qui a répondu n'avait pas autant d'influence, mais il faut croire que d'imaginer quelqu'un peindre tout ses défauts l'avait réveillé. Il se sent stupide. Et cette stupidité est contagieuse entre ses lui. Mais il n'a pas le temps de dire quoi que ce soit qu'Angie répond qu'un monstre est sensé faire peur. Et Jérémy relève la tête. :

-Alors tu me demanderais d'être comment ? Moi ?

Il se lève lentement, s'avance calmement pour se poser devant lui, avec toute sa taille, toute sa masse, sans vraiment vouloir pour un instant prétendre être menaçant, juste... lui. :

-Tu voudrais peindre quoi en premier ? Ça ?

Il abaisse son t-shirt pour faire dépasser un peu des cicatrices qu'on repère le plus facilement chez lui, à savoir les tortures qu'on lui a fait subir... puis il s'assoit. :

-Ou alors ça ? fait-il en désignant le "V" tatoué dans son cou... Ou simplement mon nez ?

Son nez cassé par Nicolas. Il sait très bien que ça fait partie de lui, mais ça fait aussi partie du monstre qu'il a été. Jérémy se penche un peu vers Angie, leur visage ne sont pas si éloigné que ça mais il ne dégage aucune menace... Il veut connaître la véritable intention artistique d'Angie derrière ce qui paraît être une simple demande. :

-Qu'est-ce que tu ferais en premier ? Et pourquoi ?