En d'autres circonstances, Nathanaël aurait réalisé que ce soir-là n'était justement pas un bon soir, car même s'il croyait être en pleine possession de sa raison, son jugement était altéré par son trouble, cette confusion de ses émotions, ses sensations. Il avait bien émis l'hypothèse que ce n'était probablement pas un bon moment, mais sans vraiment prendre conscience de ce que cela impliquait et surtout pourquoi il le disait. À tête reposée, il aurait compris son indélicatesse et, peut-être, son égoïsme, ou plutôt, son manque d'empathie temporaire pour ce qu'Ipiu traversait comme épreuve.

Sa bien-aimée lui avait souri, avait caressé sa joue, ses lèvres du bout des doigts, mais il n'avait pas bougé. Il attendait une réponse verbale, se perdant en contemplation, comme elle. La Master était si belle, même dans la pénombre. Il ne pouvait voir tous les détails de son visage et certains argueraient que cela gommait les défauts, mais l'Anglais pensait justement que ces derniers transcendaient sa magnificence.

La voix de la Tonnerre reprit, lui posant une question à laquelle il n'était pas certain de trouver une réponse. S'il avait songé à s'exprimer, il lui aurait sans doute dit "pas à la hauteur de toi, de ce que tu mérites ?". le Titan ne savait pas vraiment. Se comparait-il à d'autres ? Des fantômes du passé d'Ipiu ? Peut-être, mais il n'en avait pas l'impression.

Les derniers mots de son aimée calmèrent grandement le feu qui brûlait en lui. "Pas ce soir". Oui, elle avait raison, ce n'était pas un bon soir et il s'en voulut un bref instant, mais chassa ce sentiment rapidement, lorsqu'elle l'attira contre elle. Il espérait simplement ne pas l'avoir rendue triste, alors il se blottit contre elle, posant sa tête contre l'épaule de la Tonnerre. Le Terre vint saisir la main de la Sensitive pour l'amener à ses lèvres et y déposer un baiser, avant de la relâcher, puis il posa son bras en travers sur le ventre de la jeune femme, sa main sur sa taille.

Je t'aime, Ipiu.

Nathanaël ferma les yeux, appréciant la caresse dans son amie sur ses cheveux. C'était apaisant. Il terminait gentiment de calmer les battements de son cœur. L'Anglais prenait doucement conscience de l'importance de cette journée. Peu avait été accompli, mais beaucoup avait été dit. Il ne savait pas encore à quel point cela allait changer les choses entre eux, mais il était indéniable qu'ils continuaient d'avancer, ensemble.

« Moi aussi Nathou… » je pose mes lèvres dans ses cheveux doux et je profite de leur caresse sur elles.

Comme on pouvait s’attendre de la part de Nathanaël, il ne se montra pas pressant et je l’en remerciais silencieusement posant ma main sur sa joue après qu’il l’eut embrassée avec douceur. J’ai beaucoup de chance de sortir avec lui, et je m’en rends souvent compte. Je sens son souffle se faire régulier contre mon cou, je ne bouge pas, de longues heures je reste comme ça à caresser sa joue, ses cheveux, son dos. On a beaucoup parlé ce soir, comme souvent j’ai le sentiment de trop lui en avoir demandé, mais il est encore là et ça me fait du bien. Du bien de le sentir contre, moi, de sentir son poids sur mon ventre et mon épaule, ça me rassure.
Je sens la boule dans mon ventre, je sens la douleur, la culpabilité et toutes ces choses moches. Ces choses que je n’aime pas en moi. Le doute, la crainte, la rancœur, la haine aussi. Ces choses que je tais car elles sont trop laides. J’ai mal et j’ai envie de faire mal, j’ai envie de blesser les gens que j’aime pour qu’eux aussi aient mal, mais je ne le fais pas. Je me contiens, car ma colère n’est pas envers eux mais envers moi, et envers le Centre. Je ne supporterais pas de m’en prendre à Nath ou à qui que ce soit dans ces conditions.
Et pourtant maintenant je le sens, je le sens que j’ai mal, je sens ma détresse et ma souffrance, mais avec un certain détachement ? Je les observe en tant que master, pas en tant que moi. Je les distance sans les amoindrir. Je sais que j’ai mal, mais je n’ai pas envie que ça s’arrête. J’en ai besoin, besoin de sentir cette douleur pour me prouver qu’il existe. Qu’il a existé, mais quand elle me submerge, quand elle m’emporte je serre un peu plus l’homme que j’aime dans mes bras, je pose mes lèvres dans ses cheveux et j’inspire son odeur et ça m’apaise. J’arrive finalement à m’endormir contre lui. Grâce à lui et si je sens la détresse dans mon cœur je le sens aussi déborder d’amour. Ce sont des sentiments antagonistes et fort et si un instant j’ai mal je me sens réconfortée le moment d’après.