En jetant un œil à la scène qui se déroulait à côté d’elle après s’être relever non sans peine, Elisha aperçu Tiago – du moins elle devinait que c’était lui – se redresser péniblement et faire face aux deux agresseurs qu’il restait. Il avait probablement dû réussir à en mettre un au tapis, mais vu la pénombre environnante, elle ne parvenait pas à distinguer la moindre forme inerte. Le Colombien lui était encore debout, mais sa carrure et son attitude étaient beaucoup moins assurés, il avait l’air … à bout de forces. Pourtant, lorsqu’il l’aperçue à son tour, ce fut avec véhémence et agressivité qu’il lui demanda ce qu’elle faisait encore ici. La jeune fille fronça les sourcils. C’était pas comme si elle avait vraiment eu le choix, elle venait à peine d’échapper au mec qui était censé se charger d’elle.

Mais elle n’eut pas le temps de l’envoyer bouler : en lui adressant la parole, il avait signalé sa présence aux deux agresseurs restants. Ces derniers se tournèrent dans sa direction, et lui dirent que c’était à son tour de connaître la douleur. Fronçant les sourcils, elle allait leur répondre, mais Tiago ne lui en laissa pas le temps et lui aboya de dégager avant de se jeter sur l’un des deux hommes. L’autre reporta son attention sur le Feu afin d’aider son ami, et la jeune fille se retrouva plantée là, incapable de choisir.

Les mots de son ami résonnaient dans son esprit, et elle aurait certainement pris ses jambes à son cou dans une autre situation. Parce que se battre, c’était vraiment pas son truc. Qu’elle était du genre à taser par derrière, mais jamais à affronter qui que ce soit. Pourtant, quelque chose la retenait, l’empêchait de tourner les talons. Elle pouvait pas le laisser. Ils lui tournaient le dos, elle avait l’avantage. Elle se pencha pour ramasser la barre de fer qui gisait à ses pieds et s’élança vers le petit groupe avant d’assener de toutes ses forces un coup violent sur l’un des adversaires. La barre frappa le derrière de la tête et produisit un son mat, mais le coup n’était pas assez puissant pour assommer la cible. Cette dernière se tourna vers elle et lui attrapa le poignet, le tordant si fort qu’elle relâcha son arme dans un gémissement douloureux.

Tiago était occupé, il ne pouvait pas l’aider. Mais Elisha n’avait pas l’intention de se laisser faire pour autant. Elle frappa du plat de la main le torse de son assaillant, et lui transmis par la même occasion une décharge électrique relativement puissante. Oh bien sûr, pas autant que celle qu’elle avait réussi à faire précédemment sous l’effet de l’adrénaline, car cette dernière l’avait vidée de son énergie. Mais bien assez pour le faire sursauter et lâcher prise. Rapide comme l’éclair, elle dégagea sa main et releva son genou pour venir frapper d’un coup violent son entrejambe. Le point faible de tous les hommes. Il se plia en deux sous l’impact, et se laissa tomber au sol sous l’effet de la douleur. Elisha lui donna ensuite un coup de pied dans le ventre, puis dans la tête, avant d’écraser à nouveau ses testicules d’un coup de talon, tout en hurlant :


Essoufflée, elle redressa la tête vers Tiago qui avait eu le temps de se débarrasser du dernier agresseur et qui la regardait à présent d’un air à la fois surpris et énervé. Vu la colère qu’elle avait sentie émaner de lui lorsqu’elle l’avait touché, elle se doutait bien qu’il ne devait pas être plus détendu là tout de suite. Aussi réprima-t-elle toute réflexion désagréable qui germa dans sa tête, et se contenta de murmurer en massant son poignet endolori :

Elisha avait ignoré le "tu fais chier" qu'avait lâché Tiago quand il avait comprit qu'elle comptait pas tourner les talons et qu'elle avait préféré les talons. Ouai, il devait s'inquiéter, il était en plein combat, elle pouvait laisser passer. Mais quand elle lui demanda presque gentiment si ça allait et qu'il la renvoya bouler, elle senti la colère monter à nouveau en elle. C'était quoi son putain de problème ? Elle l'écouta dire ensuite que c'était pas à elle de gérer ça, qu'elle aurai du partir, mais que maintenant, bah c'était fait. S'il avait dit ses derniers mots un peu plus calmement, la première phrase qu'il avait craché à la brune résonnait toujours dans sa tête. Ça ajouté à son poignet endoloris, sa lèvre ensanglantée, et son œil qui commençait déjà à enfler, c'était un peu trop pour qu'elle réussisse à garder son calme. Déjà qu'elle en était pas capable d'habitude ...


Elle s'approcha de lui, le visage déformé par la colère et l'indignation. L'angoisse de s'être retrouvée face à ces gros bras retombait était toujours présente, mais l'adrénaline retombait peu à peu, rendant la jeune fille incapable de réprimer ses émotions. Elle poursuivit en le pointant du doigt :


Poussant un soupire d'exaspération, elle glissa sa main dans ses cheveux et ferma les paupières, essayant de se calmer. Ça servait à rien de lui gueuler dessus, ok elle avait pas apprécié sa réflexion, mais c'était surtout son stress qu'elle relâchait enfin qui parlait. Elle inspira profondément, et reprit en baissant d'un ton mais en gardant tout de même une voix glaciale :


Lui avouer qu'elle aurait été incapable de le laisser là, qu'elle serait morte d'angoisse à l'idée qu'il lui soit arrivé quelque chose, et que la simple idée qu'il soit blessé la rendait folle ? Hors de question. Déjà parce que ... C'était pas le cas ! En tout cas c'était ce dont elle essayait de se convaincre. Et puis parce que ça lui aurait fait trop plaisir, et qu'il avait vraiment été un gros con là. Si elle s'était écoutée, elle aurait simplement tourné les talons et fait le chemin jusqu'à l'institut à pied. Ou en faisait du stop à la limite. Mais ça aurait pas été prudent, déjà parce qu'elle était en talons et avait mal aux pieds, qu'elle était encore saoul, et que les mecs qu'ils avaient mis à terre allaient forcément se remettre debout, et probablement plus vite qu'ils pouvaient l'imaginer. Et que donc elle préférait être à l'abri dans une voiture. Aussi finit-elle par soupirer en envoyant valser ses chaussures d'un coup de pied :


Elisha se pencha au dessus des corps inanimmés pour récupérer les portefeuilles de leurs propriétaires. Après tout, ils l'avaient bien cherché. Puis elle se dirigea vers la voiture non loin de là après avoir ramassé ses chaussures à la main, et s'installa du côté passager dès que Tiago eut ouvert la porte. Le trajet n'était pas très long, mais elle n'avait pas envie de laisser un silence pesant s'installer. Aussi finit-elle par lâcher avant qu'il ne démarre :

Un long silence pesant suivit les excuses d’Elisha. Tiago avait les dents serrées, il avait l’air prêt à exploser. Il alluma le moteur, et la musique vint combler le vide avec puissance, si fort que les tympans de la jeune fille vibrèrent douloureusement. Heureusement, cela ne dura qu’un temps, car très vite le Feu baissa le volume, probablement autant agressé qu’elle par les décibels. Il enclencha ensuite la première vitesse, et s’engagea sur la route de l’institut. Le paysage défilait à toute allure devant leurs yeux depuis plusieurs minutes maintenant, quand Tiago se décida enfin à ouvrir la bouche, disant qu’elle n’avait pas besoin de s’excuser. Elisha continua de fixer la route, trop énervée ou trop intimidée pour oser tourner la tête vers lui. Il continua en disant qu’il ne l’avait jamais considérée comme son chien, ou comme une de ses pétasses, et la brune ne put s’empêcher d’esquisser un sourire amer. Encore heureux qu’il ne la voyait pas comme une de ces innombrables filles qu’il ramenait le soir. Parce que là, son égo en aurait pris un sacré coup. S’il y avait bien une chose dont elle avait horreur, c’était n’être qu’une personne parmi d’autres. En particulier pour les gens qu’elle appréciait.

Tiago poursuivit ses explications, tout en appuyant de plus en plus fort sur le champignon. La jeune fille saisit par réflexe la poignée située au-dessus de la vitre. Non pas qu’elle n’avait pas confiance dans les talents de conduite de son ami, mais l’alcool amplifiait la sensation de vitesse, lui donnant une impression de vertige plutôt désagréable. Mais les mots de Tiago, eux, la réconfortaient au contraire. Ou au moins faisaient baisser sa colère. Car on sentait à la voix du Colombien qu’il n’était pas à l’aise avec l’exercice, pourtant il faisait cet effort. Cependant, ses mots soulevèrent plusieurs questions dans l’esprit de la jeune fille. Était-il vraiment inquiet pour eux ? Pour elle ? Ou bien n’aimait juste-t-il pas être interrompu au milieu d’une soirée ? Elle se garda de poser la question, se contentant de répondre :


Elle avait à peine tourné la tête vers lui en disant ça, craignant de croiser son regard. Elle ne savait pas vraiment pourquoi : elle sentait juste qu’elle aurait eu du mal à le soutenir. Probablement parce qu’elle aussi s’en voulait pour cette dispute, et qu’elle avait un peu honte de lui avoir crié dessus comme ça.

Finalement, Tiago arrêta la voiture sur le parking de l’institut et se tourna vers Elisha. Il était plus calme, moins sur les nerfs : rouler à toute vitesse lui avait sûrement permis de se défouler. Et ce fut presque avec douceur qu’il vint essuyer son menton de son pouce, tout en disant que la voir dans cet état l’avait fait disjoncter. La brune sentit son cœur accélérer au contact de ses doigts. A moins que ce ne soient ses mots qui la mettaient dans cet état … En tout cas, cela ne venait pas de lui, elle en était sûre. Car la seule chose qu’elle sentait en lui, c’était la culpabilité. Il s’en voulait. De l’avoir laissée se faire frapper ? De lui avoir crié dessus ? De ne pas avoir pu la pécho ? Ca, elle ne pouvait pas le deviner, même si elle avait sa petite idée. Elle aurait dû être Télépathe, elle l’avait toujours dit … Elle choisit néanmoins de croire qu’il était désolé pour leur dispute, et lui adressa un sourire, doux et sincère cette fois. Elle ne pouvait pas lui en vouloir … Même si elle en avait très envie !


Ce n’était pas tout à fait vrai. Elle avait déjà eu bien plus mal, certes, mais jamais physiquement. Elle était plutôt du genre à fuir le combat. Mais ça, il ne pouvait pas le savoir. Réalisant que sa main était toujours au niveau de son visage, Elisha l’écarta doucement et tourna la tête pour cacher ses joues rosissantes. Pourquoi la seule chose dont elle avait envie, là, tout de suite, c’était de se blottir contre lui ? Elle n’avait pourtant pas l’alcool câlin … Bah, c’était sûrement un syndrome post-traumatique, quelque chose du genre.


Elle lui jeta un coup d’œil inquiet, et continua :


Elle n’aurait pas dit non à une bonne douche et un lit douillet, mais l’idée de quelques petites pilules la tentait bien aussi. Elle laissa dont Tiago décider de la suite de la soirée.

Tiago eut l’air soulagé de voir Elisha lui sourire, ou du moins de voir qu’elle ne lui en voulait pas tant que ça. Il retrouva rapidement le petit air assuré et taquin qu’il arborait habituellement, et lui dit que s’il lui disait un jour qu’il avait mal quelque part, ce serait dans le but qu’elle joue aux infirmières. Comprenant parfaitement le sous-entendu, elle leva les yeux au ciel et poussa un soupire exaspéré, ses lèvres se relevant inconsciemment en un sourire amusé. S’il repartait sur ce genre de sujets, c’est que ça allait.


Elle lui adressa un clin d’œil provoquant. Elle avait fini par s’habituer à ses remarques tendancieuses ou déplacées, cela ne l’énervait même plus. Maintenant elle le laissait dire, rentrant parfois dans son jeu. D’habitude, elle savait bien qu’il riait et qu’il n’attendait plus rien d’elle depuis longtemps. Mais là, une petite pointe d’envie avait perlé dans son esprit. Elle s’était empressée de la chasser, niant même le fait qu’elle ait existée. Parce que si elle avait fait autrement, elle aurait commencé à flipper. Et elle avait pas envie de flipper.

Tiago opta pour une fin de soirée plus au calme, dans sa chambre, histoire de finir sur une touche un peu plus gaie. Une fois encore, il la taquina en disant qu’elle pouvait tout aussi bien rentrer chez elle si elle avait trop peur de rester seule avec lui dans une chambre close. Cette fois, la jeune fille rit légèrement, ignorant tant bien que mal la douleur que ce rire provoqua dans ses côtes. C’était pas maintenant qu’elle allait commencer à avoir peur d’un tête à tête avec lui. Après tout, ils venaient d’avoir une soirée qui aurait pu passer pour un rencard, ça c’était vraiment quelque chose de flippant. Boire et fumer jusqu’à pas d’heure, c’était déjà plus habituel.


Parce que oui, s’il ne voulait pas l’avouer, elle savait bien qu’il avait mal. La douleur était probablement la chose qu’elle ressentait le mieux chez les autres grâce à ses pouvoirs de Sensitive. Elle ne savait pas pourquoi, c’était comme ça. Quitte à choisir, elle aurait préféré capter plutôt la joie, un truc positif de ce genre. Mais elle n’ajouta rien à sa phrase, laissant Tiago penser qu’il pouvait faire le dur et le fort avec elle.

Le Feu vint lui ouvrir la porte, toujours son sourire arrogant sur les lèvres, et ils s’apprêtaient à repartir en direction des dortoirs quand il lui posa une question qui la perturba un instant. Si elle avait déjà mis un mec KO ? La jeune fille repensa à la rage qu’elle avait ressentie, à la colère … A la façon dont elle avait roué de coups de pieds cet homme déjà tombé au sol. Son regard s’assombri, et elle s’immobilisa.


Elle jeta un œil sur ses phalanges abimées, réalisant à quel point elle s’était montrée violente, ce soir. Ce n’était pas elle, ça … Elle serra les poings et la mâchoire, tentant d’ignorer sa tête qui commençait à tourner et son estomac qui se soulevait.


Elle s’interrompit dans sa phrase, et jeta un œil inquiet vers Tiago. La prenait-il pour une folle ? Une fille agressive et violente qui n’hésitait pas à frapper ceux qui l’emmerdaient ? Ok elle n’appréciait pas tout le monde, mais elle ne cassait pas non plus la gueule de tous ceux qui venaient la faire chier. Nan, il ne pensait sûrement pas ça. Parce qu’il la connaissait quand même un peu, depuis le temps … Pourtant elle sentait le besoin de se justifier.


Elle poussa un soupire plein de regrets.


En même temps, elle savait qu’elle n’aurait pas pu se contenter de fuir en laissant le Feu derrière elle. Qu’ils n’auraient pas non plus pu fuir tous les deux. Se défouler sur ces mecs lui avait fait un bien fou … Peut être que Tiago n’était pas le seul à être autant en colère.

Elisha n’avait pas vraiment voulu effrayer Tiago, mais elle n’avait pas non plus eu l’intention de flatter son égo. Aussi quand il conclut qu’il n’était donc pas si lourd que ça puisqu’il n’avait encore jamais eu droit à une décharge électrique, la brune se contenta de lever les yeux au ciel avec un demi-sourire.


Elle lui adressa un clin d’œil. Il était vrai que Tiago pouvait se montrer parfois lourd, insistant, macho, terriblement colérique, et parfois même capricieux, mais elle savait bien qu’au fond il n’était pas que cela, et qu’il pouvait être vraiment sympa quand il voulait. Sinon elle ne se serait pas embêter à accepter cette soirée au casino. Et puis, à bien y réfléchir, elle appréciait son petit côté imprévisible. Ca promettait toujours des soirées amusantes.

Le Feu lui demanda si elle avait déjà frappé quelqu’un, et Elisha lui répondit que non d’un air un peu perturbé. Elle n’avait pas réalisé jusqu’alors la violence dont elle avait fait preuve, et maintenant qu’elle s’en rendait compte, un sentiment de culpabilité naquit en elle. Bien sûr qu’ils l’avaient cherché, mais elle avait toujours eu horreur de la violence. Cependant, elle fut soulagée lorsque Tiago lui dit qu’il la croyait, et esquissa même un sourire quand il ajouta qu’une fille violente était quand même vachement moins mignonne.


Elisha eut un haussement d’épaules un peu gêné, et les deux amis se dirigèrent vers l’institut, bien décidés à effacer cette partie de la soirée de leurs esprits ne serait-ce que l’espace d’un instant. Mais alors qu’ils traversaient le parking, Tiago passa son bras autour de l’épaule de la jeune fille, avant de s’arrêter et de l’attirer contre lui. Surprise, cette dernière se laissa faire sans broncher, trop interdite pour oser faire le moindre mouvement. Ça, c’était nouveau. Parce qu’en général, il évitait ce genre de marque d’affection avec elle, à part quand ils étaient totalement torché. Il savait que ça la mettait mal à l’aise en général, et il évitait ce genre de gestes. Mais là … Peut être qu’il en avait besoin. Et elle se rendit compte en sentant ses bras s’enrouler autour d’elle qu’elle aussi en avait grandement besoin.

La Tonnerre mit quelques secondes à réagir à l’étreinte de son ami, mais finit par l’enlacer à son tour, posant sa tête contre le torse de Tiago. Même avec ses talons, ses yeux arrivaient à peine au niveau de l’épaule du Feu, et elle se sentait si petite ainsi serrée contre lui. Son cœur battait la chamade sans qu’elle arrive à en saisir vraiment la raison. Était-elle stressée par cette étreinte inhabituelle ? Ou simplement heureuse ? Elle était incapable de le déterminer. Le cœur de Tiago, lui, battait paisiblement et régulièrement dans sa poitrine. Il était soulagé. Elle le sentait. Probablement parce qu’ils s’en étaient sortis presque indemnes. Elle sourit, et laissa ce sentiment l’envahir progressivement, calmant ainsi les battements de son cœur. C’était mieux comme ça …


Elisha releva la tête, esquissant un léger rire. Elle ne savait pas combien de temps avait duré l’étreinte. Peut-être une fraction de seconde, peut être plusieurs minutes … Mais la remarque de Tiago l’avait ramenée à la réalité.


Elle lui lança un sourire provocateur, et s’écarta de lui alors qu’il relâchait son étreinte. Bon, d’accord, elle serait bien restée un peu plus longtemps dans cette position, mais il fallait pas non plus qu’il prenne ça pour une invitation à recommencer quand il aurait envie. C’est qu’elle avait une réputation à préserver, quand même. Celle de la fille froide et inaccessible, méprisante et en colère contre le monde entier. C’était pas facile à tenir, comme rôle. Surtout avec Tiago. Elle retrouva son air détaché habituel


Ils entrèrent dans le bâtiment et montèrent jusqu’à l’étage des Feux. La chambre de Tiago était, comme à son habitude, totalement bordélique. Ses affaires traînaient un peu partout, si bien qu’on pouvait se demander ce que contenaient précisément ses placards. Mais Elisha se serait bien gardée de faire la moindre remarque : la sienne n’était vraiment pas mieux.

Elle se dirigea vers le lit du jeune homme pour s’asseoir, et passa devant un miroir. Elle esquissa une grimace. Son menton était couvert de plusieurs traces de sang séché, et son œil commençait déjà à virer au bleu. Elle allait avoir un beau cocard …


La jeune fille s’éclipsa dans la salle de bain, et passa un peu d’eau sur son visage, retirant les trainées rougeâtres qui restaient. Son maquillage en prit un coup, mais elle s’en foutait. Puis elle retira les épingles qui maintenaient son chignon en place, et laissa retomber ses cheveux en cascade sur son dos. Elle se sentait déjà mieux, comme ça. Elle revint dans la chambre.


Lui non plus, il n'avait pas une super mine. Son visage était un peu rougis, et quelques hématomes pointaient le bout de leur nez. Mais apparemment, pas de coupure à déclarer. C'était déjà ça ...

Elisha rit légèrement quand Tiago lui déclara qu’il appréciait quand elle essayait de lui faire plaisir. Ce genre de situation étant quand même pas très fréquente. Elle lui dit d’une voix malicieuse avant de reprendre la route des dortoirs :


Ils rentrèrent dans la chambre du Feu, et la jeune fille en profita pour retirer un peu le sang de son visage, ignorant sa remarque concernant les James Bond Girl. Si elle pouvait éviter de prendre pour modèle une greluche qui n’existait que pour son physique avantageux, c’était pas plus mal.

En revenant dans la pièce, Tiago lui tendit un verre rempli d’un liquide ambré, probablement du rhum, lui disant d’avaler ça au lieu de le provoquer. Elle lui sourit malicieusement. Bien sûr qu’elle savait qu’en l’appelant « beau gosse », ça le provoquait un peu. C’était même tout l’intérêt du surnom, d’ailleurs. Il ajouta que si elle le draguait trop, il allait devoir lui demander de payer autrement que par cash, et elle comprit tout de suite à quoi il faisait allusion. Elle éclata de rire, et avala la moitié de son verre d’un trait.


Il était vrai qu’il partageait la plupart du temps ce qu’il avait sur lui sans rien lui demander en retour. Elle faisait de même, quand elle avait de quoi, mais il fallait bien avouer que la plupart du temps, ça venait de lui. Il ne lui avait jamais fait de remarque à ce sujet, aussi avait-elle estimait qu’il s’en foutait un peu. Mais c’était clairement pas elle qui allait chercher à tout prix à le rembourser : s’il voulait quelque chose d’elle, il était assez grand et cash pour venir lui demander.

Alors qu’elle finissait l’autre moitié de son verre, Tiago lui farfouilla dans les placards de ce qui lui servait de cuisine, visiblement à la recherche de quelque chose. Si c’était de la bouffe, elle passerait son tour : elle avait déjà trop mangé au restaurant. Mais à la place d’un paquet de chips, le Feu finit par sortir un petit sachet remplit de petit cristaux blancs, l’air triomphant, expliquant en même temps qu’il s’était amélioré dans la fabrication de meth’. Puis il vint s’avachir sur son lit, la poudre et une espèce de tube en verre avec une sphère au bout dans les mains. Elisha n’avait jamais vraiment expérimenté ce genre de drogue, mais lorsqu’il lui posa la question, elle se contenta de hausser les épaules et de répondre avec un sourire mystérieux :


Elle vint s’allonger à côté de lui, et le regarda mettre la poudre dans la sphère avant de la passer sous la flamme d’un briquet, et d’aspirer la fumée qui en sortait. Puis il lui tendit le tout avec un sourire, et elle l’imita, aspirant à plein poumons cette vapeur dont elle n’avait encore jamais expérimenté les effets. Elle avait l’habitude de la fumée de cigarette ou de joint, aussi ne se retrouva-t-elle pas à cracher ses poumons. Mais elle sentit bien qu’il ne s’agissait pas de la même substance. Les premières minutes, elle ne sentit pas vraiment d’effet, et elle se contenta après en avoir repris une bouffée de redonner la pipe à Tiago. Elle se redressa ensuite pour se servir un nouveau verre de rhum, et demanda :


Elle obtint la réponse avant même que le Feu n’ait eu à ouvrir la bouche. Subitement, ce fut comme si son cerveau se mettait à tourner 10 fois plus rapidement. Son rythme cardiaque accéléra, et sa respiration se fit plus forte. Autour d’elle, sa réalité commença à se déformer, à devenir plus floue et plus colorée à la fois. Pas comme une hallucination, mais plutôt comme si tous ses sens avaient été décuplés. Un effet totalement différent, et beaucoup plus grisant que les joints qu’elle fumait d’habitude.


La Tonnerre posa son verre sur ce qui faisait office de table de chevet et ferma les yeux, se laissant retomber en arrière sur le lit. Un large sourire rayonnait sur son visage. L’effet un peu brumeux de l’alcool avait fait place à quelque chose de beaucoup plus intense. C’était comme si elle réfléchissait plus vite, comme si le monde autour d’elle tournait plus lentement aussi. Elle avait l’impression que sa tête débordait d’idées, de mots, et qu’ils pouvaient jaillir à tout moment. Et encore, elle avait bien conscience que le trip avait à peine commencé.


Elle se tourna vers lui avec un large sourire, puis explosa de rire. Plus rien n’avait d’importance maintenant pour elle. Même la douleur de ses bleus avait disparue. Elle se sentait bien. Elle se sentait libre.

Elisha rit doucement quand Tiago affirma vouloir savoir si elle avait déjà testé ce genre de drogues uniquement pour décider quand il devait arrêter d’écouter ce qu’elle pouvait dire. Si c’était là sa seule motivation, elle pouvait bien satisfaire sa curiosité.


Elle s’approcha doucement de lui, un sourire taquin et un air mystérieux sur le visage, et chuchota après quelques secondes de suspens :


Elle recula, presque fière d’elle, et aspira à son tour la fumée produite par la fonte des petits cristaux. Elle ignorait tout des effets potentiels du produit, ni d’à quel point Tiago l’avait dosé. Mais elle lui faisait confiance là-dessus : s’il en prenait, elle pouvait bien le suivre non ?

Le sentiment de bien-être qui l’envahit lorsque les effets de la meth commencèrent à se manifester la surprit les premières secondes. Il y avait bien longtemps qu’Elisha ne s’était pas sentie aussi bien. L’alcool et les joints l’aidaient à passer outre ses peines et ses angoisses, mais là, c’était comme s’ils avaient disparu de son esprit. Non. Plutôt comme si tout ce qui avait pu se passer autrefois n’avait plus aucune importance. Et c’était tellement apaisant …

Tiago aussi avait l’air de ressentir les effets. Il était plus souriant, plus avenant : il n’avait pas l’air d’être prêt à exploser comme il avait pu l’être quelques minutes plus tôt. Il rit lorsqu’elle lui fit remarquer à quel point ses sensations lui paraissaient bizarres. La brune aimait bien ce rire. Celui qui n’était ni forcé, ni ironique, ni moqueur, mais qui apparaissait juste parce qu’il était heureux ou qu’il se sentait bien. Du moins, c’était ce qu’elle se disait.

Ce fut à Elisha de rire ensuite, en voyant le Feu se dandiner et gigoter tel un petit ver de terre sur le lit, cherchant à retirer son téléphone et ses cigarettes de sa poche. Une fois qu’il eut réussi, il se leva pour aller allumer l’enceinte. La brune se dit que cela valait bien la peine de faire tous ces efforts pour rester allongé si c’était pour se lever ensuite. Mais elle s’abstint d’en faire la remarque à haute voix, se contentant de lui jeter un regard amusé lorsqu’il revint s’allonger à côté d’elle, non sans être passé par la case ravitaillement.

Les notes de la musique de Scorpions s’élevaient dans la pièce et lui donnaient envie de se lever pour bouger sur le rythme entraînant, histoire d’évacuer le trop plein d’énergie que la meth avait provoqué chez elle. Mais au même moment, Tiago lui demanda comment elle avait trouvé la soirée. Elle tourna la tête vers lui, histoire de l’avoir dans son champ de vision, et répondit en riant :


Elle avait dit cela avec un regard malicieux, même si elle se doutait bien qu’il n’y aurai pas de prochaine fois. Parce qu’elle avait déjà eu assez de mal comme ça à le convaincre de faire une partie. Elle continua :


Elisha avait l’impression qu’elle ne pouvait plus s’arrêter de parler. Qu’elle avait besoin de dire tout ce qui lui passait par la tête, sans vraiment avoir de contrôle là-dessus. Et c’était vraiment étrange pour elle qui était habituellement assez avare de mots. Pour se donner de la contenance, elle se resservit un verre de rhum. Ouai, repartir sur la meth, ça aurait été une mauvaise idée là tout de suite, parce qu’honnêtement elle voyait mal comment elle pouvait être plus euphorique qu’elle ne l’était là. Tout en versant l’alcool dans le verre, elle avoua :


Elle porta son verre à ses lèvres sans se rendre compte qu’elle s’était probablement montrée trop curieuse. A vrai dire, elle s’en foutait royalement. Et puis c’était pas comme si elle contrôlait vraiment. Tiago avait raison : fallait vraiment pas faire gaffe à ce qu’elle disait sous meth.

Elisha sentait bien que ses questions étaient peut être indiscrètes. Mais elle n’arrivait pas à les garder pour elle. Déjà parce que l’effet de la meth empêchait toute barrière de retenir ses mots, et qu’ils se déversaient aussi rapidement que dans son esprit. Ensuite, parce qu’au fond elle avait l’impression d’avoir besoin d’en savoir plus sur lui. Après tout, vu le temps qu’ils passaient ensemble, c’était légitime non ?

Tiago se redressa pour répondre à sa question, déposant sur la table de nuit le matériel servant à respirer les vapeurs de meth, signalant au passage qu’elle avait déjà quelques éléments de réponse. Puis, il lui dit qu’il était prêt à lui donner quelques indices, si de son côté elle lui expliquait ce qu’elle faisait ici, sous-entendu à Terrae, mais aussi dans son lit. La brune sourit malicieusement, pensant qu’il blaguait pour la seconde partie, et hocha la tête en signe d’approbation.


Le Colombien glissa ses doigts sur la main d’Elisha tout en expliquant dans quel état il se trouvait au moment où le master était arrivé. La jeune fille ne retira pas sa main, bien au contraire : tandis qu’il parlait, elle la ferma sur celle de son ami tout en l’écoutant. Elle se disait qu’il avait peut-être besoin de ce contact pour parler. Et puis de toute façon vu l’état dans lequel elle se trouvait, elle aurait été bien incapable de comprendre les émotions qui lui parvenaient de Tiago. Il ne risquait donc pas de l’influencer. Et peut-être aussi sûrement parce que le contact de sa peau était vraiment très agréable … Quand il eut fini, elle fit une moue dubitative, et se redressa à son tour, venant s’asseoir prêt de lui.


Elle reprit une gorgée de son rhum resté sur la table de nuit, et rassembla les informations qu’elle pouvait savoir à propos de Tiago, ce qui au final s’élevait à bien peu de choses. Puis elle lui soumit ses déductions :


Fière de ses déductions, elle adressa un sourire plein d’espoirs à Tiago. Elle était totalement sérieuse en disant ces mots : c’était pour elle la version la plus crédible de celles qu’elle avait échafaudées, et qui collait le plus avec sa personnalité : un mec qui s’en fichait de tout et qui fuyait toute forme d’engagement.

L’idée amusait visiblement beaucoup le Colombien, qui éclata de rire quand elle eut fini. Prenant une moue boudeuse, Elisha croisa les bras et râla :


Puis elle s’adoucit, et reprit avec un sourire compatissant :


Elle ne voulait pas le forcer à se confier. Parce que s’il avait décidé de ne dévoiler que cela, c’était probablement qu’il n’était pas prêt à en dire plus.