Je pas la moindre idée de l'heure qu'il est quand je pousse la porte d'entrée de l'Institutn mais je crois que le soleil ne va pas tarder à se lever. Heureusement que mes jambes avancent toutes seules sans que ce ne je n'ai à leur indiquer le chemin, parce que je suis pas hyper frais. Enfin je n'suis pas complètement défoncé non plus, je bossais quand même une bonne partie de la nuit. Mais c'était pas à l'hosto, alors forcément, il y a certaines règles à respecter. Comme parler de certains sujets sensibles avec un verre à la main.

Je laisse tomber le mégot de ma clope avant d'entrer, sans même prendre la peine de l'écraser et encore moins de viser le cendrier, les yeux pas franchement en face des trous, ne pensant qu'au moment où je vais pouvoir m'écrouler dans mon lit. Nan, j'suis pas accompagné d'une demoiselle avec qui partager ce matelas, mais là j'ai juste besoin de dormir. Surtout que d'ici deux ou trois heures va falloir que je me lève pour retourner bosser. Oui, à l'hosto cette fois.

J'avance toujours au radar, sans faire gaffe à quoi que ce soit. Sauf qu'en me dirigeant vers l'escalier, la surface au sol avec laquelle ma semelle entre en contact a décidé de me faire chier, se dérobant ou je ne sais quoi. Résultat, je me retrouve sur le cul, littéralement, dans une chute aussi ridule que bruyante.

- "Putain, fais chier là ! C'est quoi c'bordel merde ?!"

Ouais, bah du coup j'suis un peu vénère sur ce coup. Mes mains qui se posent au sol pour me stabiliser avant d'essayer de retrouver une position un peu plus digne, ce n'est qu'à cet instant que je me rends compte que le sol est en fait trempé.

- "Si j'trouve le connard qu'a foutu d'la flotte partout j'lui refais l'portait !"

Grommelant mon mécontentement, il faut que j'aperçoive ces cheveux crépus caractéristiques pour que le lien se fasse dans mon esprit. Ce n'est pas juste quelqu'un qui a versé le contenu de sa bouteille par terre, mais l'équipe de ménage du matin qui fait simplement son taff... Putain, la honte....

- "Oh, salut Afya, excuse, j'avais pas fait gaffe, j'voulais pas, enfin j'étais juste un peu énervé quand j'disais ça, j'vais rien t'faire hein."

Bravo, c'est le bordel dans ma tête, je viens de balancer un pourcentage important de grossièretés, et en plus je me suis vautré lamentablement. Qu'est-ce que j'aimerais pouvoir me téléporter direct dans ma chambre là...

Comme le dirait un vieux sage : le matin c’est trop tôt. Pourtant la jeune femme était levée depuis un moment déjà, à son habitude. Les cours avaient repris pour les terraens, aussi aurait-elle le temps de de laver l’étage des dortoirs pendant les premières heures de classe quand ils se seraient vidés, elle se disait ainsi que les gens prendraient plus de plaisir à se réveiller si le hall était propre. Elle s’était surtout réveillé hyper tôt à son habitude, pas encore habituée au changement de rythme. Passer la serpillère lui prend moins de temps maintenant qu’elle n’a plus besoin de te trimballer le seau. L’eau souillée volant dans le couloir pour le gagner d’elle-même et de l’eau propre imbibant le tissu par magie… Par contre passer le balai lui prenait toujours autant de temps. Alors qu’elle arrivait enfin au bout du couloir un bruit retentit dans son dos la faisant sursauter. Elle se figea un instant et fit demi-tour.

L’eau s’envolait sur son passage laissant le sol sec, elle ne voulait pas laisser des traces alors qu’elle venait de tout laver. Elle vit le corps avant de deviner de qui i s’agissait, l’accent du jeune homme et son langage fleuri lui en donnèrent un bref aperçu. Il changea de ton en voyant son visage, comprenant sans doute qu’il venait de lui donner du travail en plus ? L’eau récupérée rejoint le seau posé à l’entrée du couloir et elle se pencha en avant afin de tendre sa main au jeune homme pour l’aider à se relever.

« Il n’y a pas de mal, ça va ? Tu ne t’es rien cassé ? Je suis désolée, je ne pensais pas que quelqu’un passerait à cette heure, j’aurais dû être plus prudente et sécher au fur et à mesure. Tu rentres de soirée ? »

Ils s’étaient croisés une paire de fois durant l’été alors qu’elle venait de se lever et que lui partait se coucher. C’était drôle, elle ne savait pas comment il réussissait à tenir si longtemps. Il n’y a bien qu’à Terrae qu’une technicienne de surface s’inquiète de ne pas avoir fait sécher le sol. Elle n’avait pourtant pas oublié les panneaux prévenant que le sol était glissant.

Je ne m'attarde pas par terre, acceptant cette main tendue en guise d'aide plus par un soucis de politesse que par réelle nécessité. Bien sûr que si c'était une parfaite inconnue en face de moi je l'aurais ignoré, mais là, ce n'est pas l'cas.

- "Nan ça va, t'inquiète, j'étais juste surpris."

Ah ça, je ne m'attendais pas à me casser la gueule de la sorte. Heureusement, avec l'alcool je dois un peu moins ressentir la douleur. Enfin même si ce n'était pas le cas, il n'est de toute façon pas question que je puisse reconnaitre avoir mal. J'suis résistant moi !

- "T'excuses pas, tu bosses, c'est normal. Et, ouais, j'étais un peu occupé à faire la fête alors, j'devais pas vraiment faire gaffe où je mettais les pieds !"

J'ai un peu picolé certes, mais ça n'empêche pas mon cerveau de faire quelques connexions dignes du génie que je suis ! D'un côté je me fais chier à rester debout jusqu'à pas d'heures pour m'assurer que la plus grande majorité de Terrae dorme au moment où je rencontre ces quelques personnes à qui je peux vendre des cristaux pour un bon paquet de fric. De l'autre il y a Afya qui est forcément débout à cette heure charnière qui est la plus intéressante. Je crois qu'il est temps de songer à étendre un peu mon réseau et à déléguer certaines tâches. Parce que je sais bien que je ne vais pas tenir éternellement avec le rythme que j'ai depuis quelques mois.

- "Et toi, comment tu vas ? Attends j'vais te filer un coup de main, j'voudrais pas que tu sois à la bourre sur ton programme à cause de moi."

Ouais ouais ok, ce n'est pas complètement désintéressé cette façon que j'ai d'aller choper heu.... Un balai ? Bon, clairement le ménage ce n'est toujours pas mon point fort et les nombreuses punitions sur ce thème que j'ai pu me coltiner depuis mon arrivée à Terrae n'y ont manifestement pas changé grand chose.

- "C'est pas trop dur comme taff ? Enfin j'veux dire, tu te lèves hyper tôt tous les jours, c'est quand même pas évident à faire et pas hyper sympas non plus. C'est bien payé au moins ?"

Je me doute que ça ne doit pas être le job le mieux payé au monde. Et c'est exactement ce qui  m'intéresse. Eh ça va, j'ai jamais prétendu être un exemple d'intégrité non plus, mais si je peux l'aider à gagner un peu mieux sa vie sans qu'elle n'ait besoin de faire d'efforts supplémentaires, ça reste quand même un acte de bienveillance !

Elle lui sourit, pour lui la fête n’est jamais finie semble-t-il, elle trouve cela quelque peu amusant. En tous les cas il ne lui tient finalement pas rigueur de l’accident et s’aide même se sa main pour se redresser. C’est assez étonnant qu’il respecte autant la jeune femme quand on connait son caractère de belligérant. Une autre qu’elle se serait pris une floppée d’insultes et sans doute quelques coup, travail ou non.

Elle ne voit pas ses pensées s’agiter mais regarde les traces qu’il a laissées sur ce sol parfaitement propre. Elle n’en aura pas pour longtemps, un aller-retour, trois minutes tout au plus, mais il s’était proposé de si bon cœur, pouvait-elle refuser son aide ? Certes pas, et j’avoue que personnellement j’apprécie l’idée de le voir passer la serpillère de son plein gré, mais passons ce n’est pas pour mon plaisir qu’il fait ça mais pour ses affaires. Afya lui passe donc le manche du balais.

« Je vais chercher le seau, je te laisse passer la serpillère en attendant. »

Elle sait qu’il peut le faire, au début de l’été ils avaient été amenés à travailler ensembles sous la direction d’un master. Il ne travaillait pas mal, mais elle trouvait que c’était lourd d’avoir quelqu’un pour surveiller un travail qu’elle avait l’habitude de faire seule. Chacun son étage et les poules seraient bien gardées. Elle aimait penser pendant ses heures de ménage aux histoires qu’elle avait écrites et à celles qu’elle écrirait, aux livres qu’elle était en train de lire et aux amis qu’elle avait rencontré.

« Oh, je gagne bien assez. Tu sais ici vu qu’on est nourri et logé, tout ce que je gagne est pour moi. Après c’est pas un travail très gratifiant tu t’en doutes, je ne le trouve pas désagréable, mais j’ai parfois l’impression que les gens n’ont pas conscience qu’il y a des personnes qui nettoient et pensent que leurs saletés disparaitront comme par magie. »

Elle s’éloigne et revient quelques instants plus tard avec le seau.

« Merci, mais tu peux aller te coucher, tu travailles après non ? »

Ca aussi elle le savait pour l’avoir croisé quand elle finissait de travailler et qu’il partait moyennement frai à l’hôpital.

Passer la serpillère, bien sûr que je sais faire ! Alors j'attrape le balai que me tend Afya et... Je frotte à l'endroit où je viens de laisser les traces d'une glissade absolument non contrôlée en mode "effacement de preuves compromettantes" (non, je ne vais pas effacer Afya avec non plus...). Surtout que je pourrais en avoir besoin. Bon ok, peut-être que je l'aime bien aussi mais... Bon laisse tomber !

- "Ah ouais, mais t'inquiète pas pour ça, j'suis pas très fatigué, j'crois que j'ai pris un peu trop de trucs" c'est faux "puis suffira juste que je prenne un café de plus demain matin et ça ira ! Mais, c'est sympa de t'en inquiéter ! On t'as déjà dis que t'es super mignonne ?!"

Un léger sourire amusé (ouais, j'peux pas m'en empêcher mais c'est pas de ma faute si elle est trop adorable...) mais j'ai pas non plus envie de la mettre mal à l'aise. Si seulement le café pouvait régler à lui seul mes problèmes de fatigue... Mais de toute façon, j'ai bien plus intéressant en tête que de juste aller me pieuter ! Désolé, mais quand je suis dans cet état, ce n'est pas si facile de me faire changer d'objectif.

- "Ça commence à faire quelques temps qu'on n'a pas discuté un peu tous les deux. Comment ça se passe pour toi en ce moment ? D'ailleurs, tu ne m'as jamais dis ce que t'aime faire. A part écrire j'veux dire. Du genre, le soir quand tu ne bosses pas le lendemain ou même la journée ?!"

Hop, j'essaie de préparer un peu le terrain tout en suivant la demoiselle avec mon balai (sans rien en faire désormais que de m'le trimballe parce que je ne sais pas quoi en faire d'autre (et non je t'interdis de penser à une utilisation malsaine !!)). Ouais, je vais pas tout lui balancer direct non plus, je garde encore quelques infos pour moi le temps de savoir comment pouvoir présenter ça de la meilleure façon qui soit. Je ne sais pas pourquoi, mais j'imagine mal Afya être naturellement hyper emballée par ce que j'ai envie de lui proposer...

A elle on ne l’a pas dit bien souvent, à moi par contre… On ne me l’a que trop répété. Elle ne sait que faire de sa dernière assertion. Etre mignonne ne change rien à sa vie, elle est juste elle. Droite dans ses baskets et honnête, si cela fait d’elle une personne mignonne tant mieux mais ce n’en est nullement le but. Elle répond donc en toute simplicité.

« Non on ne me l’avait jamais dit, je te remercie. Si tu dors trop peu et que tu prends trop de café pour tenir tu finiras par tomber malade. Fais attention à toi d’accord ? »

Elle se souvient que trop bien de l’état de Baxter ces derniers mois. Elle apprécie Tiago, aussi étrange que puisse être le mélange du feu et de l’eau. Peut-être que son calme lui permet de garder le sien ? Elle n’en sait rien, mais avec elle le jeune homme s’est toujours montré charmant. Elle n’en est cependant pas aussi proche que de l’américain, et elle ne prendra pas sur elle le fait de le gronder ou de prendre soin de lui. Elle ne peut que l’y exhorter.

Elle ne voit d’ailleurs pas venir le traquenard alors qu’il la rejoint le balai dans les mains. Elle utilise son pouvoir pour regrouper l’eau qu’il a utilisée, ainsi le sol ne se dérobera-t-il plus sous ses pieds. Ni ceux de personne.

« C’est vrai ça fait un moment qu’on n’a pas pu parler, mais il est un peu tôt et le café ne t’aidera pas beaucoup si tu n’as pas dormi… Si tu es libre cet après-midi ou en début de soirée je te montrerais à quoi j’occupe mes journées quand je ne travaille pas. »

Elle pensait à lui montrer un entrainement, car c’était ce qui lui prenait le plus de temps… Et Peut-être lui conterait-elle un morceau de conte en donnant vie à des personnages aqueux, vu que c’était-là son passe-temps du moment. Elle récupéra le balai, et sourit au jeune homme.

« Va te coucher, tu veux bien ? »

Faire attention à moi ? Je peux faire gaffe à mon apparence, à faire suffisamment de sport pour un garder un corps qui permette d'attirer les filles facilement, mais pour ce qui est de ma santé, c'est toujours passé au second plan. Eh, je compte pas battre des records de longévité hein, j'en ai rien çà foutre de maltraiter mon organisme. Que ce soit par ce que je consomme ou par un manque de sommeil.

- "Ahah, j'te dérange tant que ça pour que tu veuilles à ce point que j'me barre ?"

Bien sûr que c'est de l'humour. Et, bien sûr que je commence à savoir qu'avec cette demoiselle c'est pas forcément un choix judicieux. Parce que ça m'étonnerait qu'elle comprenne immédiatement que c'est est. Peut-être qu'en accentuant un peu mon sourire ça passera mieux ? Bah, de toute façon ce n'est pas comme si la façon dont elle le prend m'importait énormément.

- "Ok, j'te laisse tranquille pour l'instant, mais tu me réserves une partie de ta soirée alors ! Pas juste 5 minutes comme ça ! Je termine vers 18h. Je passe te chercher à 19h ? Tu me montreras tout c'que tu fais et on pourra discuter tranquille !"

Bien sûr que je prévois une marge après le boulot ! Même si ce n'est pas vraiment un thème rencard, je ne suis pas du genre à sortir sans prévoir de passer par la case douche/préparation après une journée de boulot ! Toujours être paré à toutes les situations ! Et puis, je préfère attendre qu'elle soit plus open pour lui faire ma super proposition de renflouement de portefeuille !

- "Ca t'va ?"

Contrairement à ce qu’il peut penser elle saisit l’humour du premier coup, ses yeux se plissent et se font rieurs, tout en gardant leur douceur sélénienne.

« En effet, va dormir plutôt que de déranger les honnêtes travailleurs. »

Ce n’est pas un mensonge, ce n’est pas la vérité non plus. Elle pourrait continuer de lui parler tout en travaillant, mais elle s’inquiète visiblement plus de sa santé que lui-même. C’est souvent le cas, vos proches tiennent plus à vous que vous-même, sachez-le. Il se plie finalement au bon vouloir de l’eau non sans lui donner rendez-vous le soir même.

« Ca me va, tu n’auras qu’à demander dans les dortoirs des eaux, tout le monde saura te dire où est la chambre d’Ariana, moi c’est celle de gauche. »

Elle sait que tout le monde aime et apprécie sa meilleure amie. Elle la première d’ailleurs. Elle sait donc qu’il est plus certain de la trouver en demandant l’exubérante eau plutôt qu’elle-même. Elle lui sourit une dernière fois alors qu’il disparait vers les étages.

***
Le soir venu elle ne s’est pas particulièrement préparée, ou du moins bien moins que ce que l’on aurait pu attendre de sa part. Elle ne considère pas qu’ils aient un rencard, sans quoi elle l’aurait sans doute refoulé. Comme n’importe qui, même le garçon qui s’invite de temps en temps à l’improviste dans ses pensées. Elle porte un legging et une chemise ample et propre qu’elle a passé après une douche à la fin de son service à midi. Ses préparations consistaient plus à ranger sa chambre et à préparer quelque-chose de bon à manger, le chef l’avait laissé prendre un peu de tarte et de salade, elle espérait que cela conviendrait à son ami. Alors qu’il s’apprêtait à toquer à la porte elle lui ouvrit, n’était pas voyante qui veut.

« Bonjour Tiago, ça a été ta journée ? Entre, e t’en prie, j’ai ramené de quoi manger avant de partir. J’espère que tu as faim, le chef m’a gâtée ! »

Je ne retiens pas un léger sourire amusé lorsque Afya évoque les honnêtes travailleurs. Faut dire que ce n'est pas le type de job qui fait rêver. Et j'imagine que la paye non plus. Mais je sens que je ne pourrais pas en tirer grand chose si j'insiste davantage. Alors je préfère accepter ses exigences tout en m'arrangeant pour obtenir un peu de temps à passer avec elle. Elle devrait être dans de meilleures dispositions pour entendre ce que je peux lui proposer. Et ça me permettra de réfléchir à la meilleure façon de lui présenter les choses.

- "D'Ariana ? Hum, ok, mais j'essaierai quand même avec celle d'Afya avant ! A ce soir !"

Un clin d’œil plus tard, j'abandonne le balai sur place pour me diriger vers l'escalier. Même en m'endormant à la seconde où ma tête touche l'oreiller, sans même avoir pris la peine de me désaper, le réveil me tire de mes songes beaucoup trop tôt. Non, je ne calcule pas le nombre d'heures que je passe à dormir, c'est un coup à déprimer ça.

La journée passe de toute façon relativement vite. Un trop grand nombre de cafés en soutien, je finis par être de retour à l'Institut en fin d'après midi, parfaitement dans les temps. Je peux même me permettre de passer de trop nombreuses minutes dans la salle de bain, comme à chaque fois que je m'apprête à sortir. Ouais ouais, ce n'est pas un rencard ok, mais ce n'est pas une raison pour paraitre négligé.

Et effectivement, après quelques essais infructueux dans la partie Eaux, je finis par me rabattre sur la solution recommandée par la demoiselle ce matin. Passer par sa voisine. Bah, le principal c'est que je sais où aller toquer. Enfin, plus ou moins. Je n'ai même pas le temps de relever le bras pour signaler poliment ma présence que la porte s'ouvre, Afya se tenant déjà juste de l'autre côté.

- "Ouah, t'es bluffante !" Je ne connais pas bien le pouvoir des voyants, mais je ne peux m'empêcher de penser à toutes les possibilités qui peuvent y être associées à cet instant. "Ouaip, les patients ont été plutôt cool aujourd'hui, j'ai pas trop à me plaindre ! Et, je ne proposais pas cette soirée pour que ce soit toi qui gère la bouffe, mais si c'est le chef qui invite, alors carrément !"

En entrant chez Afya je ne peux m'empêcher de remarquer la différence entre une pièce bien rangée et une autre où règne le bordel... Peut-être qu'il faudra que je fasse un effort un jour. Quand j'aurais un peu plus de temps.

- "Et toi ? Comment s'est passée ta journée ? Pas trop long de s'occuper en se levant aussi tôt ?"

Évidemment que cette question n'est pas totalement innocente. Mais je crois que la réponse ne m'intéresse pas uniquement pour de mauvaises raisons. Mouais, je l'aime bien quand même Afya.

Elle ne répond pas au compliment. Elle sait l’effet que cela fait quand elle agit avant qu’on ne lui demande, elle sait que ça en impressionne certains. Elle doit avouer qu’elle aime bien ce sentiment, celui qu’on ressent quand on vous regarde avec admiration.

« Tu voulais entrer dans mon univers, et il est vaste alors il valait mieux que je nous ménage un peu de temps. »

Ainsi elle pourrait l’amener dans le parc où elle contait des histoires aux enfants, ces histoires dont elle faisait bouger les formes aqueuses des protagonistes. Et peut-être même au lac où elle s’entraine, si elle s’est spoilé l’horaire d’arrivé de l’homme elle n’a pas jugé utile de le faire pour la soirée. Elle pense qu’elle préfère profiter en direct de sa vie plutôt que de se spoiler la fin.

« Disons que j’ai l’habitude de faire une petite sieste après le service du midi. C’était une bonne journée. »

L’ambiance en cuisine n’était pas redevenue ce qu’elle était mais ils parlaient plus avec Baxter, c’était de nouveau agréable d’y travailler. Oh, bien entendu quand elle avait dit qu’un pote mangerait avec elle ce soir-là, tant le chef que son collègue (et ami) avaient cherché à en savoir plus. C’était d’un point de vu externe plutôt drôle mais du point de vue de la jeune femme plutôt insupportable : de quoi se mêlaient-ils ? De ce qui ne les regardait pas évidemment. Cela l’agaçait d’autant plus qu’ils lui prêtaient des intentions qu’elle n’avait pas. Quand elle demandait quelques restes parce qu’elle allait manger avec Ariana on ne l’embêtait pas ainsi ! Elle ne se rendait pas compte que plus que savoir qui viendrait et pourquoi, c’était ses réactions qui les faisaient bien marrer. D’autres qu’elles se seraient sans doute offusquées, elle avait décidé d’en rire.

« Dis tu maitrises assez bien ton élément pour faire réchauffer la pizza et la quiche ou on les mange froides ? »

Elle n’avait pas de microonde, tout juste une bouilloire, utile pour les nouilles instantanées dont elle se gavait pendant ses jours de repos pour éviter d’aller à la cafétaria et d’être tentée d’aller donner un coup de main quand elle voyait que c’était le bazar.

« Installes-toi où tu veux, fais comme chez toi. » lui dit-elle en souriant et en rapportant le repas.

Il pouvait choisir le lit ou sa chaise de bureau sans que cela ne la dérange, elle-même s’assirait à même le sol sur un tapis chaud et coloré qu’elle affectionnait. Il était à prédominance d’orange, comme les cheveux d’Ariana.

Afya a l'air beaucoup plus encline à la discussion que ce matin ! Il faut dire que je ne débarque pas à l'improviste pour la couper au beau milieu de son boulot cette fois. Tant mieux ! J'acquiesce donc lorsqu'elle m'affirme lui falloir du temps pour que je puisse en comprendre davantage la concernant. Ça tombe bien parce que du temps, ce soir, j'en ai !

- "Manger froid ? Nan, bien sûr que je peux gérer la cuisson !"

Une attitude pleine d’assurance, qui n'est peut-être pas totalement justifiée. Bah, comme d'habitude en fait. La modestie ne servirait qu'à semer le doute, autant ne pas l'inquiéter pour le repas qu'elle a réussi à obtenir ! Ça va, pas de panique, je peux gérer quand même !! Même si la seule fois où je me suis effectivement servit de mes pouvoirs dans un but culinaire, il y avait un barbecue à disposition et il ne s'agissait que de faire prendre quelques braises.

- "J'aurais su que t'avais tout prévu j'aurais ramené une bouteille pour accompagner ! D'ailleurs, je ne t'ai jamais vue trainer vers le bar le soir. Tu ne fais jamais la fête pour décompresser un peu ? Ou alors tu préfères le confort d'une chambre pour ça ?"

Je sais bien que tout le monde ne picole pas à la moindre occasion ! Et je ne traine pas non plus qu'avec des alcooliques ! Enfin, je crois. J'ai pas trop envie de faire la liste maintenant. Tout ça pour dire que ce n'est en rien un critère de je ne sais quoi, seulement une façon de me renseigner un peu plus sur ses habitudes en matière de bar et d'alcool ! Après tout, je reste dans le thème de la soirée !

Tout en lui posant cette nouvelle question, je m'approche de la miss en pleins préparatifs. Plus ou moins sommaires ok. Mais elle a bien dit de faire comme chez moi, et chez moi, j'ai pas franchement l'habitude d'attendre de me faire servir, le cul posé. Même si je dois reconnaitre que ce serait plutôt cool ! Mais bien sûr que je vais lui filer un coup de main.

- "Alors, elles sont où ces quiche et pizza à réchauffer ?!"

Est-ce que faire confiance à Tiago est une bonne idée ? Peut-être pas, mais à vrai dire la jeune femme ne prends même pas la peine de vérifier l’avenir pour en être certaine. Si ses pouvoirs venaient à lui échapper, elle était certaine de pouvoir arrêter un début de feu et ne craignait pas de manger froid. Dans ces conditions elle pouvait se permettre de faire confiance à Tiago… Non ? C’était encore un choix étonnant que de faire confiance au trafiquant elle lui sourit et se tourna pour saisir les plats, ouvrant les tuperwares.

« Ahah. Je ne bois pas d’alcool, je ne suis pas certaine d’aimer ça… »

A dire vrai elle n’en a jamais gouté. Sa mère lui appris que l’alcool c’était mal et que cela rendait les gens mauvais. Elle a rencontré des gens mauvais. Rendus mauvais par l’alcool ? C’est loin, elle veut oublier. L’oublie est facile. Elle sourit. N’en parle pas. Si elle en parlait ça aurait existé.

« Je n’aime pas trop la musique qu’il passe en boite de nuit à Terrae… La J-pop je crois ? Je préfère passer mes soirées à lire ! »

Pourtant avant elle aimait danser, remuer ses membres en cadence. Sentir son cœur battre en rythme avec ceux des autres danseurs. Elle aimait tellement ça… Avant. L’idée même de sortir en boite la terrifie maintenant, oh, elle y est allée une paire de fois avec des amis à Terrae… S’y est fait trainée serait plus juste, mais les haleines alcoolisées l’ont terrifiée. Elle ne dit rien. Rien de tout cela n’existe tant qu’elle n’en parle pas. Elle peut l’oublier. Elle pet tout oublier. Jusqu’à ce qu’elle oublie même qu’elle a oublié.

« Tiens ! » dit-elle en lui passant les assiettes sur lesquelles trônent deux parts, l’une de quiche l’autre de pizza.

Ne pas boire d'alcool... Mouais, objectivement, c'est clair que c'est une très bonne chose et parfois, peut-être que j'aimerais être pareil. Et puis après je me souviens de tous ces bons moments passés autour de quelques verres avec des potes. Tout en prenant soin d'oublier les mauvais.

- "Bah, j'aurais aussi pu ramener du jus de fruit !"

Nan mais je ne picole pas tout le temps non plus. Et puis je me doutais bien que ce serait pas au cours de cette soirée que j'allais me retourner la tête. Mais c'est une bonne chose, il vaut mieux que je garde l'esprit clair. Parce que l'objectif de ce soir n'est pas évident. Alors autant me concentrer sur le principal. En apprendre un peu plus sur le quotidien et le rythme de vie de la demoiselle.

- "Ouais, je comprends, j'ai du mal aussi avec leurs musiques ici. Après, rien ne t'empêche de passer ta propre musique avec tes amis pour t'amuser !"

Mais avant ça... Gérer la cuisson !! Et ça non plus, il ne vaut mieux pas que je la foire pour mettre toutes les chances de mon côté ! Je récupère l'assiette tendue par Afya, la tient en hauteur et fait apparaître une flamme en dessous et une autre en dessus. Théoriquement, ça devrait réchauffer non... ? Concentration maximale pour éviter qu'elles ne prennent trop d'ampleur à venir flirter de trop près avec la bouffe (le but c'est pas non plus de faire de la quiche flambée) je me fie à la température de l'assiette entre mes mains. Je ne voudrais pas qu'elle me pète entre les doigts.

- "Je t'avoue que je ne lis pas beaucoup. Jamais à part pour les cours en réalité. Je préfère les activités de groupe. Qu'est-ce que tu aimes tant dans la lecture ?"

Je fais genre je suis capable de faire la discussion tranquillement, mais le contrôle sur ces flammes à mesure que mes mots sont prononcés se fait moins fort. Plus vacillantes, je les fais disparaitre à peine ma question posée. Ce sera plus sûr. Puis, ça aura toujours eu le temps de chauffer un peu.

Et vu que je suis quand même bien élevé, je lui rend évidemment cette assiette nouvellement chaude. Bon, le résultat n'est sûrement pas à la hauteur de ce qu'aurait fait un microonde, mais on va dire que les caractéristiques de base sont remplies. Et sans mettre le feu à la chambre en plus !!

Les yeux de la voyante se plissent en un sourire silencieux alors qu’elle indique les trois bouteilles de boisson sucrées qui reposent dans un coin de la chambre du menton. Jus d’orange et Coca évidemment on ne refait pas ses classiques. La troisième bouteille est une sorte de limonade goût melon, sans les bulles, elle la trouve plutôt bonne. Elle n’a pas pu lui faire du bissap, boisson qu’elle sert habituellement à ses invités. Elle n’a plus de fleur d’hibiscus séchées depuis quelques mois, elle trouve que les frais de port, de même que ceux de l’attiéké qu’elle affection ont beaucoup trop augmenté, elle aimerait que sa mère prenne le temps de lui en envoyer, mais elle sait que même ainsi cela serait cher. Tant pis.

« Il n’y a pas que la musique, l’ambiance aussi est différente de chez moi… Enfin, peut-être que j’ai simplement grandi et que mes goûts ont changé ? »

Elle le voit allumer une flamme au-dessus de l’assiette, elle le laisse faire, pas vraiment certaine de comment cela est censé fonctionner. C’est plutôt impressionnant le feu elle trouve. Sa question par contre lui laisse à réfléchir. Qu’aime-t-elle tellement dans la lecture ? Quand elle a commencé à lire, peu après son arrivée à Terrae elle aurait pu répondre « la nouveauté » et aussi, le sentiment grisant de ne plus être ignorante, de se sentir intelligente. C’était idiot, mais elle avait ressenti cela. Elle ne le ressentait plus, son affection pour cette activité avait changé, elle sourit.

« Le voyage, l’aventure, la passion ! » répond-elle avec emphase. Et le tout en restant en sécurité, ça elle ne le dit pas.

« Mais j’imagine que ce doit être compliqué de lire pour le plaisir quand on a l’obligation de le faire pour les cours… Mais si tu veux t'y mettre, les bibliothécaires sont bonnes conseillères. »

Elle a pourtant lu une bonne partie des classiques littéraires qu’on lui recommandait pour pouvoir passer son bac en candidat libre à la fin de l’année. Elle récupère l’assiette qui est un poil brulante… Fait discrètement apparaitre un peu de givre sur le bout de ses doigts pour s’en préserver.

« Merci ! » elle l'accompagne d'un sourire.

Peut-être n’aurait-elle pas du attendre qu’il ait chauffé son assiette à lui avant de commencer à manger mais on lui a dit que c’était impoli alors…

Eheh, j'crois que je pourrais bien me reconvertir en cuistot ! Nan mais c'est vrai, regardez donc avec quelle classe, élégance et maîtrise je libère les saveurs de ces parts de bouffe à l'aide de la chaleur ! Hum, peut-être qu'il y a encore quelques rares endroits qui ont vu d'un peu trop près les flammes, mais globalement, le contenu de cette assiette ne termine pas carbonisé !!

Mais je garde mes exploits bien pour moi, faisant comme si ce résultat était parfaitement prévisible. Nan mais bien sûr que j'ai un peu flippé de ruiner son repas !! Comme quoi, je devrais me faire un peu plus confiance ! Enfin pour le moment, je devrais me reconcentrer sur la discussion actuelle et ce que me livre la demoiselle. Je manque de m’esclaffer lorsqu'elle me conseille de demander aux bibliothécaires de l'aide pour choisir un bouquin. Ahah, c'est mort, la probabilité que ça remonte aux oreilles d'Ipiu, ou pire, que je tombe direct sur elle est beaucoup trop importante. Et j'ai quand même une réputation à tenir !

- "Si j'avais un peu plus de temps, peut-être que je l'envisagerais, mais pour le moment, j'ai déjà l'impression que les journées sont trop courtes pour pouvoir faire tout ce que je veux, alors je vais m'en passer encore un peu. Mais merci du conseil !"

Bah voyons. Cela dit, ce n'est pas parce que cette activité ne fait pas partie de celles que j'affectionne que ça va m'empêcher de me renseigner à ce sujet.

- "Bon ap !"

J'ai bien vu qu'elle m'attendait, alors j'essaie de faire en sorte qu'elle n'ait pas à patienter trop longtemps. Ce qui veut aussi dire que je me suis un peu plus foiré sur la "cuisson" de cette seconde assiette, mais à vrai dire, moi j'm'en fout un peu. Je n'ai jamais été très difficile sur ce qu'il y a dans mon assiette. Encore moins lorsque c'est offert !

- "Mais j'imagine que tu ne fais pas que lire quand même ? Tu dois bien avoir des amis avec qui tu passes du temps !"

Hum, mouais, effectivement, je ne suis pas encore au niveau du microonde. Entre certains endroits qui sont proches du carbonisé et d'autres qui sont encore froids, j'crois qu'il va falloir que je m'entraine un peu à la cuisson à la flamme avant de réussir à impressionner les filles avec ça...