Douce nuit, mélancolie...
Les mains enfoncées dans les poches, Mucha traînait les pieds, l'air plus renfrogné que jamais. Iel avait comme un poids sur la poitrine dont iel ne pouvait se débarrasser. Iel avait enfoui ses écouteurs dans ses oreilles, essayant de se vider l'esprit et le cœur à grand renfort de refrains.
Devinez quoi : ça marche pas. Mais genre absolument pas. Il semblait même que, cette fois-ci, la musique jouait un rôle d'amplificateur de ses pensées et de ses émotions, tant et si bien que, dans ce vacarme, iel ne parvenait même plus à identifier les mélodies de sa playlist.

Iel gronda de frustration et arracha ses écouteurs, les laissant pendouiller négligemment sur le col de son sweat. Comme, bien sûr, en soirée, iel n'est pas obligé de porter ce fichu uniforme comme pour pendant les cours, c'est sans mécontentement qu'iel se rhabille comme iel le veut.
Iel avait pourtant particulièrement retouché l'uniforme pour l'adapter à sa façon de penser et de vivre, mais, le fait était là : iel déteste ce genre de vêtements qui te foutent dans une case, même si c'est pour effacer les frontières financières et sociales entre les individus. Ça reste une case : quelqu'un qui lea voit avec ces habits lea met direct dans la case "Lycéens".
L'ho-rreur.

Lea bassiste frissonna, car le vent était particulièrement frais à cette heure-ci, et bien sûr, iel avait oublié de prendre une écharpe. Purée, iel espère qu'iel va pas chopper une saleté de rhume le lendemain.
Lea voici maintenant dans le Parc. Y'a pas trop de monde, étonnamment. P't'être qu'ils sont tous un peu frileux, et en même temps, on ne pourra pas le leur reprocher. En réalité, le fait qu'il n'y ait pas trop de gens jouait en la faveur de l'apaisement de Mucha. En ce moment, même avec son propre frère iel n'avait pas envie de causer, c'est pour dire.

Il semblait que, uniquement jouer de la basse pourrait enfin ramener Mucha à un état de "calme", si on peut parler d'une telle chose que le "calme" avec iel. Ou alors, quelques coups de poings bien placés dans le décor (ou dans des figures) !
Croyez-moi, iel s'est beaucoup retenu pour ne pas cogner toutes les personnes qui ont croisé son chemin. Aussi, maintenant (et étonnamment), iel s'est mis à fuir le réparateur attitré de Terrae qui tout d'un coup s'est retrouvé avec pleins de portes à remettre en place dans tout l'Institut, quotidiennement. Quoi, si c'est de sa faute ? Enfin, ménooooooon, j'vois pas de quoi vous parlez. Et puis, d'abord, iel est pas lea seul, alors chut.

Alors, bien sûr, maintenant Titan, iel évite de trop traîner dans les endroits restreints, et encore moins dans les boutiques de porcelaine. C'est pourquoi le Parc est un endroit parfait pour déambuler sans craindre de tout défoncer sur le passage.

Mucha profita de l'air frais qui lea revigorait, commençant doucement à laisser retomber la pression, couplée à l'agacement à répétition, des derniers jours. Iel avait envie d'insulter absolument tout ce qu'iel voyait ou bousculait. Même cet arbre, ou encore ce banc un peu défoncé (un autre new-Titan qui serait passé par là ?), ce caillou... même la pelouse en fait ! Et même l'espèce d'asperge de blondinet là-bas, à quelques pas, avec un tout petit groupe de jeunes autour, qui... Qui quoi ?

La plupart des gens, en général, lorsqu'ils sentent qu'une affaire porte une sacrée odeur de louche, ils ont tendance à s'esquiver ou à changer de chemin. Normal, après tout, personne n'a envie de se créer des problèmes ; CA. NE LES. CONCERNE. PAS. QUOI. Ils laissent le plaisir d'avoir des yeux au beurre noir aux courageux, aux audacieux ; ou encore aux crétins ou aux suicidaires.
Mucha, iel, s'iel ne faisait pas partie de la seconde catégorie, ce n'était pas non plus la première qui lea poussait à se jeter dans des situations pas possibles. Enfin, y'a aussi de ça, mais, c'est surtout son impulsivité qui joua un grand rôle dans toutes les galères par lesquelles iel est passé.

En réalité, ça aurait pu se passer crème, si certaines paroles n'avaient pas été lancées plus fort. Après tout, même si l'ambiance paraît étrange entre les membres du petit groupe, là-bas, on pourrait interpréter cela comme une sortie entre amis bizarres. C'est cela, un groupe d'amis un peu excentrique.

Impossible de dire pourquoi, mais, Mucha, instinctivement, se campa, scrutant sans aucune honte la scène qui se passait dans le Parc. Après tout, qu'est-ce qu'iel avait de mieux à foutre ? Ce n'est pas trop son genre d'être indiscret, cependant, il faut admettre qu'iel aimait bien jouer aux espions, lorsqu'iel était gosse, au point de rendre les parents ouf. Bon, iel n'a pas recommencé depuis ses huit ans, lorsqu'iel s'est pris la plus horrible punition qu'on pouvait lui infliger à l'époque : donner toutes ses figurines rock-star à son petit frère. "La prochaine fois, ce sera ton micro de karaoké !!", avaient menacé avec sérieux les darons. Ça l'a tellement marqué, que, depuis, iel évite de faire la fouine.
Quoi, vous avez un problème avec les micros de karaoké ? Héo, iel avait pas encore de basse, je vous signale, et il est même peu probable qu'iel connut alors l'existence d'un tel instrument !! Alors, oui, c'était un vieux matos de karaoké en plastoc pour gosses ! On juge pas.

Enfin, bref, là, c'est pas vraiment faire la fouine, iel se promenait tranquillou au Parc, avant. Pas de sa faute s'iel a croisé le chemin de ces gens chelous. Iel s'était pas caché derrière un arbre, iel... avait continué d'avancer un peu, étrangement intrigué.
C'est bizarre comment son instinct lea pousse toujours dans les emmerdes. Mais, en même temps, pour une fois qu'iel est calme, depuis ces derniers jours, et qu'iel éprouve un intérêt autre que pour les portes qu'iel arrache involontairement, on va pas lui jeter la pierre tout de même !

Jeter la pierre... HÉ, MAIS, TU FAIS QUOI LÀ ?! Repose ce caillou !! Oui, c'est ça, c'est bien, observe-le bien, soupèse-le, ouiii il est joli avec ses formes un peu rugueuses, ses cavités d'obsidienne qui reflètent légèrement certaines lumières, maintenant, repo.... MAIS WESH ?!! Mucha ?!
Oh non.
OH non non non. Iel l'a lancé. Iel a lancé ce putain de caillou sur le gars à côté de l'asperge blanche, le touchant à l'épaule. MUCHA !! On avait dit quoi sur l'impulsivité ?!
Okay, y'a rien à faire, iel est de nouveau avec ces espèces de yeux de tueurs avec une flamme bien flippante de sa race. Si les yeux pouvaient lancer des rayons laser en mode Star Wars, le groupe de jeunes en face d'iel aurait été carbonisé. Enfin, même s'iel se concentrait plus sur les deux gars qui faisaient leur marché.

Heureusement qu'iel n'était plus Feu, à cause de l'éclipse sinon.... ouhla la catastrophe. Par contre, avec sa force de Titan, et sa précision, iel a dû faire bien mal au type qu'iel a touché. Iel n'était vraiment pas sûr, mais iel pense avoir entendu un petit "crac", bien que, malgré la colère qui lui chauffait l'intérieur, iel ait réussi à se retenir un peu, histoire de ne pas transpercer la chair de l'autre. Après, il pouvait aussi s'agir d'une branche qui a craqué sous le vent qui balayait l'endroit.

Bah, au pire, le gus aurait pu se vanter d'avoir un piercing là où personne n'a pu s'en mettre jusqu'à présent ; à l'omoplate. Ouais, non, c'était pas drôle, mais, en même temps, Mucha est maintenant plus d'humeur à étriper des gens plutôt qu'à aider des mamies à traverser la route. Ohlala, et dire qu'iel avait ENFIN réussi à s'apaiser un tant soit peu... purée, ça n'a pas duré longtemps !
Le bonhomme qu'iel a attaqué, pendant qu'il se tournait justement vers iel, risquait, soit de foncer pour lea tabasser, soit de se faire aider par ses potos.
Alors, Mucha ramassa d'autres cailloux qui traînaient, menaçant, les sourcils froncés.

Iel ne pensait à rien, iel laissait ses émotions prendre les manettes, des phrases de dialogues tournant dans sa tête ; ces phrases qui lui avaient fait comprendre la raison de ce petit rassemblement. Déjà, les jérémiades des trois ados boutonneux qui s'étaient retirés visiblement à regret, parlant de l'âge qu'ils avaient, et caetera (les oreilles de Mucha s'étaient étrangement reportées sur les deux autres, qui parlaient plus bas, se concentrant malgré les bruissements des arbres qui faisaient un peu interférence). Puis, l'éclat de voix du gars restant.

Citation :

- "Quoi ?! Mais c'était pas aussi cher la dernière fois !"

"Pas aussi cher... aussi cher.... aussi cher... la dernière fois... fois... fois... fois" ; ça se répercutait en écho contre les tympans de Mucha.
Comprenant rapidement que la chose dont le prix était discuté, n'était certainement pas un paquet de bonbons Haribo, ou, enfin, des bonbons un peu spéciaux, son sang ne fit qu'un tour.
C'était ce genre de bonbons qui avait indirectement valu la mort de leurs parents, à iel et à son frère.
C'était ce genre de bonbons qui détruisait des vies, des familles, des visages, des personnes, au profit de raclures de la plus basse espèce.
Bref, ce n'est carrément pas un marché qu'iel porte dans son petit kokoro.

Mucha avait des comptes à rendre avec lesdites raclures, bien qu'elles ne connaissent probablement pas encore son existence.

S'iel avait frappé celui qui semblait être le client, c'était pour que lui et sa petite clique dégagent, lea laissant seul avec celui qui était visiblement le... commerçant.
Mucha n'hésita pas à lancer ses missiles sur ses ennemis de la soirée (/!HRP!\Que s'ils font mine d'approcher pour lea cogner. Iel lancera un autre caillou sur Will pareillement (attentiooon arme de la mort qui tuuuue/!\)
Lea nouvellement Titan s'approcha, vénère, et lança de sa voix de Berserk, glacial :

- Barrez-vous.

Ouhla. Ohlala. Iel est devenu pâle. C'est ultra mauvais signe. Ça veut dire qu'iel est dans un état de colère absolument atroce. Clairement, son ton, son visage, même son attitude en général (et sans oublier ses munitions minérales), ne laissaient passer aucune contestation. Même si tous lea dépassaient largement en taille, l'autorité de ces deux simples mots couplée à l'énergie bouillante qui l'habitait, pouvaient faire peur.
Iel lança un caillou, cette fois-ci, de toutes ses forces, qui se planta violemment dans le sol à deux pas des quatre jeunes, ignorant le blondinet qui était visiblement plus âgé ; iel lui réservait autre chose. C'est bon, iel peut se reconvertir en baseballer, c'est parti. Adieu la basse, la musique (non).

Si tout cela n'a pas suffit à faire décamper les ados, iel était prêt à sortir les poings et à aider le business médical spécialisé dans la production de dentiers du coin.

Heureusement que Mucha avait fait le stock de munitions, car, s'iel ne s'était pas mis à lapider sans relâche les jeunes cons, iel aurait probablement été obligé de se battre à un contre plusieurs ; iel a l'habitude, mais c'est toujours aussi désagréable de rentrer avec des bleus de partout comme si c'était un enfant battu. Iel ne gagne pas toujours les combats dans lesquels iel rentre, iel en a conscience, mais, actuellement.... iel est tellement en colère qu'iel n'en a plus cure de se faire défoncer.
De toute façon, ptdr, maintenant qu'iel est Titan, faut bien que ça serve. 'tain.
Les boutonneux avaient tous détalé, se protégeant du mieux qu'ils pouvaient, pestant si grossièrement qu'un charretier en aurait fait une crise cardiaque. Mucha claqua de la langue, à la fois appréciatif et agacé. Putain de lâches. Sérieusement, ils ont peur de quelques pierres ? Okay, iel tirait avec beaucoup plus de puissance que d'ordinaire, mais quand même. Iel aurait tenu bon et aurait foncé casser la gueule au tireur. Enfin bon.
Seule une personne restait en lice : le pâlot de service. C'était la véritable cible de notre bassiste effarouché.

-C'est bon, ils se sont barrés, t'es content ? A ton tour maintenant.  , lança ce dernier, qui n'avait pas bougé de tout l'affrontement ; pourquoi l'aurait-il fait ? Il n'avait pas été agressé par des caillasses comme ses compères, et semblait n'en avoir rien à fiche de leur sort.

Parfait.

Lea Titan ne répondit pas, encore muni de missiles minéraux, franchement campé sur ses pieds. Un blanc s'ensuivit, agrémenté par le souffle du vent. Iel expira discrètement un coup par les narines, les joues rougies par le contact entre le froid ambiant et son ire ardente. Ses jointures et le dos de ses mains avaient aussi pris la douloureuse couleur du grenat, mais iel n'y accordait pas la moindre attention. Iel avait vu bien pire lorsqu'iel était encore Feu, à se brûler les mains régulièrement ; c'était assez embêtant en tant que musicien, par ailleurs.

Après un moment paraissant interminable, où iel essayait de percer les détails du visage de l'autre afin de mieux s'en souvenir, iel finit par se débarrasser de ses cailloux, et se mit à s'avancer vers lui. Iel avait uniquement gardé le plus gros des galets amassés, le gardant serré froidement contre sa paume gauche. Finalement, assez rapidement, iel se retrouva à quelques centimètres de l'albinos... qui, finalement - la couleur de ses yeux le lui apprenant-  , n'en était pas un.

Les sourcils froncés, les yeux étincelants dans le clair-obscur, et les lèvres serrées, Mucha planta son regard noisette dans celui marron de l'autre. Cette scène pouvait paraître assez comique ; après tout, le gars faisait au moins deux bonnes têtes de plus qu'iel.
On aurait dit un petit chien teigneux avec un tigre hautain. Pas le même level quoi. Et, pourtant, il faut toujours se méfier des petits chiens, dit-on, parce qu'ils savent exactement mordre là où ça fait le plus mal. Et... ils ne lâchent pas, si vous vous posez la question.

Mucha, toujours restant muet, leva son coude, exposant à la faible lumière le caillou qu'iel avait gardé à sa disposition.
Sans quitter celui qu'iel avait enregistré dans sa tête en tant que dealer (même si, si ça se trouve, iel se trompait, mais iel faisait une confiance aveugle à son instinct - malheureusement ou heureusement), du regard, iel affirma la pression de ses doigts dessus. Et pas qu'un peu. Les veines de son bras se gonflèrent sous l'abri de ses vêtements, ses jointures blanchirent, prenant la couleur de ses os, tandis que des grincements désagréables se faisaient entendre de la pierre mise à martyre.
Quelques petites secondes plus tard, elle se brisa en plusieurs petits morceaux et des poussières, en des craquements sinistres.
Du sang gouttait des ongles de Mucha, mais iel ne se concentrait pas sur la douleur, et, toujours en fixant le lascar, laissa négligemment tomber les débris sur le sol, se frottant ensuite les mains l'une contre l'autre.

Iel inspira un coup, avalant sa salive, et pointa l'autre du doigt avec détermination, un pli entre ses deux sourcils bruns, les muscles de ses mâchoires, crispés.

- Je te défie. Combat singulier. Ici. Demain. Même heure. Si tu n'y es pas, je te trouverai, et je te péterai quand même la gueule. Si tu as des couilles, tu y seras, et seul.

Iel avait parlé à voix basse, mais avec tellement de force dans le ton qu'on aurait dit qu'iel avait hurlé. Pourtant, étonnamment, et de façon inquiétante, iel avait gardé un calme glacial.

Oh bon sang, Mucha me fait peur quand iel agit comme ça. J'aurais limite préféré qu'iel pète dans tous les sens tel un volcan et aille coller immédiatement son poing dans la gueule de l'autre, quitte à se prendre un K.O dans sa propre face.

Iel ne savait pas pourquoi iel agissait ainsi, et ne cherchait pas à le découvrir, à vrai dire.
Iel ressentait furieusement le besoin de laver quelque chose à coup d'allonges. Mais, ça attendrait de préférence le lendemain, car c'était un travail qui méritait de la maturation, aussi barbare que ce soit.

Au pire, il y aurait un règlement de comptes ici, et maintenant. Iel ne recherche pas la vengeance. Iel ne cherche pas non plus forcément la punition, puisque les meurtriers de son Histoire avaient été punis par la Mort en personne, sans avoir même besoin de tribunaux.
Iel veut se libérer. Mettre à tabac uniquement quelqu'un ne suffirait pas, c'était certain. Cependant, comme on dit, un petit pas est le début d'une grande course.

Le faux albinos partit dans un fou rire, semblant quelque peu décontenancé, ou encore surpris, par les réactions de Mucha ; on ne pouvait pas lui en vouloir. Vous, vous réagiriez comment, si une espèce de gars aux cheveux limite fluos se ramenait, vous balançait des cailloux comme si vous étiez des macaques décérébrés, puis vous défiait en duel, et sans savoir de quoi s'agit ce duel ? C'est carrément déstabilisant, nan ? (La réponse est oui.)

- Qu'est c'qui t'fais croire que j'ai du temps à t'accorder ? Tu interfères dans des histoires qui ne te regardent pas, tu balances des cailloux sur des potes à moi et tu t'la joues super-héros ? Laisse tomber, les minus dans ton genre ne m'intéressent pas. Je n'ai pas l'intention de remettre les pieds ici demain soir et encore moins pour y retrouver te sale gueule.

Mucha haussa lentement les sourcils, toujours bien ferme dans sa position, comme s'iel avait pris racines.

- Écoute, je n'sais pas c'que tu m'veux et j'en ai rien à branler. Si t'as quelque chose à me reprocher, alors dis le moi en face au lieu de te la jouer grand far-ouest. Et pour l'affrontement, revient dans quelques années. Que ce soit un minimum intéressant.  , finit le babtou.

Gros silence.
Mucha réfléchissait.
C'était bien ça le problème. Iel ne se mettait à réfléchir, souvent que bien après s'être mis en galère. M'enfin, iel faisait avec, survivait, et même vivait bien avec, pour l'instant. C'était devenu une partie intégrante d'iel-même, bien qu'iel aurait parfois préféré ne pas faire certaines bêtises sous le coup des émotions. Genre, la fois où iel avait brisé le vase familial transmis par leur arrière-grand-mère maternelle, venant du Chili (le vase). C'était qu'un objet, direz vous, cependant, c'est quand même pendant plus d'une semaine que ses parents lui firent la gueule, au Muchamax. Sans compter les punitions ménagères.

Il y eut quelques instants où son visage n'exprima rien de particulier. C'était particulièrement étrange, et le blanc qui était resté entre les deux Terraens devenait de plus en plus pesant, en plus de l'attente qui donnait de plus en plus de consistance au suspens. Mais que se passe-t-il dans sa tête couverte de mèches indigo ? Bonne question.

Et puis, iel siffla un coup.

- Putain, mais c'est qu'il a raison le bougre.

Iel avait plus dit ça pour iel-même, et avait accompagné ces paroles d'un geste explicite de son menton qui vint se reposer sur sa main intacte tandis que son autre bras soutenait le tout. Puis, Mucha releva d'un coup la tête, s'adressant, cette fois-ci, réellement à l'autre.

- Alors, au début, j'voulais te balancer le fond de ma pensée à coups de poings dans la face. Puis, j'me suis dit que faire lea bourrin, c'était pas la chose la plus mature, et encore moins la plus efficace. Nan, parce que, me prend pas pour l'imbécile du coin, je devine assez ce que tu faisais avec tes soi-disant "potes", et pour être franco, c'est crade. Ce genre d'histoires me regarderait pas si j'avais pas de bonnes raisons de m'en mêler. Je suis bien placé pour savoir à quel point elles détruisent aussi aisément des vies, des personnes.

Un air un peu sombre se plaça sur son visage, bien que son regard était toujours lumineux, même si un peu plus calme, et toujours planté dans celui du gars.
Iel avait eu la chance pour l'instant de ne pas connaître les travers de ce genre d'addictions, mais pas assez pour que ça n'impacte sa famille. Ses darons avaient été fauchés. Mucha avait cependant aussi une pote qui avait été détruite à cause de l'addiction de son frère à des drogues, qui l'avait mené à des situations extrêmes. Iel avait déjà rencontré une fois ledit frère, avant ce malheur. C'était alors un gus très sympa, très cordial, et assez ouvert. Iel ne savait pas ce qui l'avait plongé dans ce puits sans fond, mais, lorsqu'iel l'avait revu plus tard, il n'était absolument plus le même. Traits marqués, pâles, yeux injectés de sang et tirés par les cernes ; il aurait presque pu ressembler à un zombi s'il n'y avait pas constamment cette lueur agressive au fond de ses yeux. Il semblait dans un autre monde, très loin.
Mucha n'avait pas pu analyser plus en profondeur son cas, car, de un, ne le connaissant pas tellement et de deux, parce qu'ensuite, son amie avait déménagé, donc iel n'avait pas pu les revoir depuis.

Cependant, cela l'avait assez marqué, et resurgissait, maintenant qu'iel aussi, avait été blessé par ce business infâme.

Mucha prit une inspiration rapide mais grande, et enchaîna de façon presque abrupte, et pourtant, très sincère et posée. Ce n'étaient pas des paroles en l'air, mais des mots qui avaient tout leur poids.

- Du coup, moi, y'a un truc que je comprends pas. Explique-moi. T'es bien un humain, hein, rassure-moi ? Tu ressens des émotions, des sensations, voire même de l'empathie, tout ça ? Alors, pourquoi tu fais ça mec ?

...
Iel croisa les bras, réfléchissant.
Iel ne voulait pas juger, mais juste comprendre. Comprendre comment ça fonctionne dans la tête de ce genre de personnes.
Et, bien sûr, comme il s'agit de Mucha, iel s'adresse au premier gars qu'iel croise et qui paraît être un dealer, sans avoir pour autant de vraie preuve qui tient la route, et, de prime, un type qu'iel a jamais rencontré de toute sa vie, - et vice versa. Lo-gique. M'enfin, faut bien commencer quelque part ?

Quoi ?! Il est passé où le gus lanceur de pierre enragé de tout à l'heure ???? Ah bah, fallait être plus rapide, c'est trop tard pour les autographes !!

Un sourire de méchant comme dans les Disney, et des paroles polaires.
Le blondinet alla en gradation, listant ce qu'il considérait probablement comme des leçons de vie propres à chaque être humain. Mucha écoutait attentivement, les bras croisés, une étincelle dans le regard, tandis que l'autre épanchait son flot abrupt de paroles.
Ce serait de mentir que ce qu'il balançait n'avait pas au moins pincé le cœur de lea bassiste, qui malgré toutes les emmerdes du monde, essayait de garder foi en toutes les choses géniales dont sont capables les humains.
Iel ne bougea pas d'un cran lorsque l'autre voulut se la jouer "évazykchuisplugranktoi", gardant une face à la fois détendue et sérieuse ; iel n'avait que trop l'habitude que les gens prennent sa petite taille pour une faiblesse.

-Et j'vais t'apprendre autre chose au passage. Vu que t'es pas stupide et que tu comprends très bien ce qui s'passe ici, tu devrais te contenter d'ignorer sagement ce que tu peux voir, tracer ta route et ne pas t'attarder dans l'coin ok ? Parce que ça, ça peut t'attirer de très gros problèmes. Compris ?

Ouah il a l'air carrément vénère le bonhomme ! Allez savoir pourquoi.
Mucha se vit propulsé de deux-trois mètres alors qu'iel était en train de prendre une inspiration ; le choc et la surprise la lui coupèrent. S'iel n'avait pas eu le réflexe de bondir légèrement, et s'iel n'avait pas un bon équilibre, iel aurait probablement fini le derrière dans la terre gadoueuse. Ce genre d'humiliations, non, merci.
Et pourtant... son pied dérapa alors qu'iel était censé avoir retrouvé une position stable.
Iel tomba donc sur le dos dans un gros "scroutch", envoyant des gicles de boue glacée autour d'iel.

-puTAIN d'sa MÈRE !  , jura-t-iel avec force.

Il est sérieux c'mecton ?! Putain, ses vêtements sont tout dégueulassés maintenant !! C't'une blague !! Mais vas-y, iel va vraiment finir par lui coller son poing dans le gueule à ce blanc-bec de ses deux !!!
Si sa chute était certes assez disgracieuse, iel se remit sur ses deux pattes d'un bond agile, et regarda avec dépit ses manches, se tordant légèrement le cou pour aviser l'état de son dos.
Puis, iel refixa ses prunelles foudroyantes sur le supposé dealer. Iel leva juste un index, et lança pareillement des paroles toutes simples et pleines de vendetta.

-Tu vas m'le payer.

Et il ne lui fallut pas longtemps pour trouver comment se venger, comment réparer l'honneur taché de ses fringues. Ses yeux descendirent vers la flaque pâteuse....
Iel se saisit d'une boooooonne grosse poignée de terre collante.
Et, tel un joueur de base-ball, prit une position bien stylée, et la balança sur l'autre, se fichant éperdument de l'impact que ça aurait avec sa force de Titan.

Un sourire absolument joueur et mauvais, iel bondit et poussa de ses deux paumes l'autre, imprimant une empreinte irrégulière sur son superbe gilet noir. Iel ne perdit pas son temps, et fit de nouveau un saut, se dirigeant vers un arbre, et tel un macaque, y grimpa à vitesse éclair, toute sensation de froid ou d'humidité l'ayant quitté.
Iel était chtarbé, mais pas suicidaire... ou pas trop. L'autre semblait lui aussi être Titan, et risquait d'autant plus d'être très vénère, alors Mucha tenait à la vie.
Et iel tenait aussi à se taper des barres.
Du coup, lea voilà dans un arbre, prêt à foutre un coup de pied dans la face du bonhomme s'il essaye de monter aussi avec par exemple la forte idée de lui bourriner la gueule - supposition totalement sortie au hasard, bien sûr.

Mucha avait eu sa réponse, et maintenant, une envie tordante de donner à son tour des leçons de vie dirigeait ses actions, remplaçant ses pensées par des raisonnements instinctifs.
Cependant, sans le faire forcément exprès, il se pourrait qu'iel ait quelque peu sous-estimé son adversaire.

Mucha faisait lea fier et lea malin, un sourire ardent sur ses lèvres. NANANÈRE ! aurait-iel probablement sorti en tirant bruyamment la langue, s'iel avait dix ans. Dommage que cet arbre ne soit pas un pin, sinon iel se serait fait un plaisir non caché d'envoyer des missiles dans la face du bonhomme enragé, histoire de varier ses registres de la soirée.

-HAHA !! KESSTUVAFÈR KESSTUVAFÈR MAINTENANT ? RIEN DU TOUT ! RIEN DU TOUUUUT. Fallait pas m'vénère l'asperge.  , fit Mucha, très provocateur, narguant le blondinet. Tu sais pas à qui tu as aff........ GUH ?!

Quand le robuste arbre se mit dangereusement à vaciller et à s'enfoncer dans la terre de façon surréaliste, Mucha dut se raccrocher à des branches pour ne pas tomber face contre sol, coupé en plein dans son discours tellement mature.
NANIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ?????
Sentant la situation virer dangereusement au rouge, Mucha testa l'appui de ses pieds sur la branche, et n'hésita pas à bondir au bon moment pour se raccrocher aux branches d'un autre arbre, changeant de perchoir.
Décidément, iel s'était métamorphosé en vrai macaque ce soir-là. Probablement que le fait qu'iel ne puisse pas jouer de sa basse l'a rendu encore plus chtarbé que d'ordinaire.

-Hé mais t'es ouf toi !! J'aurais pu crever, s'pèce de corniaud !!! Te mettre dans cet état juste pour une veste tachée... Hé, s'tu veux, j'connais un super bon psy dans le campus, j't'assure que.... MAIS ??

Son nouvel abri à feuilles caduques se mit lui aussi à chuter, l'obligeant de nouveau à bondir tel un lémurien aux couleurs nucléaires.
Purée, ça payait ces vacances passées à faire les fous dans les bois avec son frère Christian.

-Ecoute, écoute l'ami, pas la peine de t'en prendre aux arbres comme ça ! Obviously, nous sommes tous deux Titans, alors pourquoi se taper dessus quand on peut faire pousser de mignonnes petites fleurs ?

Cette tirade comportait cette fois une rage bouillonnante, celle qui rongeait Mucha depuis qu'iel avait été frappé du maléfice terrien causé par l'éclipse.

-TSSK, ton humour vole vraiment au ras des pâquerettes mec !!  , lança avec une pointe colérique notre bassiste en sentant qu'iel allait devoir changer ENCORE d'abri aérien, bondissant à la prochaine victime arbre qui osait lea protéger de l'ire du dealer.

Mucha réfléchit à toute allure, car, à vrai dire, même si toutes ses actions n'étaient dues qu'au feeling du moment, iel ne prévoyait absolument pas de passer toute la nuit à aider à la déforestation de la planète, ça, les usines font parfaitement leur taff !

-Franchement, pour un gars qui voulait faire ses trucs discretos, j'pense pas que le boucan des arbres qui tombent soit ton allié ! Si ça continue, y'a des Masters qui vont rappliquer... Ce serait emmerdant qu'à cause de ta réaction immature, tes activités soient drastiquement diminuées, hein ? T'es un adulte où t'es resté coincé à l'école primaire ? WOH

Mucha bondit de nouveau, mais les muscles de ses cuisses lea brûlaient de plus en plus. Mucha suppliait son corps de ne pas avoir de crampes, pas quand iel risque de passer quelques jours à l'hosto à cause qu'iel a vénère le mauvais dealer, le mauvais soir.
Iel et son impulsivité...
... Cependant, cette fois-ci, comme iel semblait bien décidé à ne pas rejoindre la terre ferme, l'univers fit en sorte que ce soit son téléphone qui le fasse à sa place.
NON !

Y'a toutes ses playlists dessus.... OH NON... Et y'a aussi des messages qui s'affichent sur l'écran d'accueil, qui ne s'était miraculeusement pas brisé.
Chiotte. Avec beaucoup de chance, l'autre dégénéré serait trop à fond dans sa colère et son envie de lea tabasser pour accorder d'importance à ce vulgaire parallélépipède rectangle métallique.