◇
Sanjay était attablé à la cafétéria, dévorant respectivement un livre bien posé à plat devant lui (une passionnante histoire d'amnésie et d'administration surnaturelle) et une tranche de cheesecake aux fruits rouges.
Le cheesecake était délicieux, le livre palpitant, et l’esprit de Sanjay assez tranquille.
Leur affinité venait de changer à nouveau, et il bénissait tous les dieux du ciel et de la terre de lui avoir conféré une maîtrise de ses pouvoirs si minime et si peu impressionnante; le don de Voyance semblait très, très éprouvant, et il était soulagé de n'avoir, pour le moment, souffert que de vagues flash insensés auquel il n'essaya même pas de donner un sens. Il s'en sortait, somme toute, assez bien, et avait même tenté quelques exercices de contrôle de l'eau, dans le calme de sa salle de bain, sans grand résultat, si ce n'est une tenue trempée.
Rien de bien folichon, en somme ; le progrès se faisait tout petit pas par tout petit pas, et il lui semblait plus sage de ne pas se presser, mais il semblait plus enclin à tester ses pouvoirs que quelques jours auparavant et c’était, en soi, un réel progrès. Il n’était, fort heureusement, pas du style jaloux, et ne ressentait que de l’admiration face à tous ces élèves bien plus jeunes que lui, qui semblaient déjà maîtriser leurs pouvoirs avec brio. Il était à peu près sûr que la majorité des Masters était plus jeune que lui, même, mais avec cette histoire de jeunesse éternelle, il n’en mettrait pas sa main à couper…
Il se demanda distraitement comment le vivaient les autres. Sans doute pas aussi innocemment que lui, il n’en doutait pas une seule seconde. C’était bien la première fois qu’il considérait sa propre faiblesse comme un atout…

Il se laissa allez sur le dossier de sa chaise. Le cheesecake était enfin terminé, l’assiette parfaitement raclée, et Sanjay esquissa un sourire de contentement.
Il y avait un moment qu'il n'avait pas pris le temps de se poser tranquillement, au calme, pour profiter d'un roman.
Sa brûlure avait recommencé à lui faire mal, au point qu'il n'en dormait pas très bien la nuit ; assez mal en tout cas pour le dissuader de reprendre la danse tout de suite. Pas aussi fatigué, et pas avec un bras à moitié en compote. On verrait bien ce que le médecin en dirait, mais pour le moment, patience et tranquillité.
Il songea qu'une tasse de thé aurait fait un complément parfait à ce moment hors du temps. Peut-être plus tard, qui sait ?
Il se replongea dans son livre ; les pages tournent lentement, au rythme des aiguilles de l’horloge accrochée au mur.

◇

Les pouvoirs avaient changés. Si a la phase phase précédente avait été plutôt calme et sereine celle ci ne lui donnait en rien envie. Air c'était simple et délicat, avec guérisseur encore plus. Il n'avait pas vraiment pu user de son pouvoir comme il se doit bien qu'il eut tenté de faire un cristal. Est ce qu'il a réussit ? Oui. Deux fois même. Incroyable mais vrai. C'est peut être les deux seules vraies choses qu'il avait réussi à accomplir ses derniers temps. Ce n'était pas peu dire que Zola avait perdu de sa joie de vivre. Au fur et à mesure des événements il était de plus en plus difficile pour lui de garder la face. Tout s'enchaînait trop vite, trop fort .. Toujours trop. A chaque fois trop. Trop de bruit, trop d’éventements, de changements, de violences, d'incompréhensions ... Trop de problème tout cour. Il semait derrière lui sa force, son courage, son sourire.

Les pouvoirs avaient changés et maintenant il était voyant. Voyant signifiait aussi qu'il était eau et ça à vrai dire il appréciait. C'était un élément qu'il jugeait à la fois fort et délicat. Poétique et sauvage. Et peut être que le fait d'avoir plusieurs amis de base de cet élément l'encourageait à mieux l'appréhender. C'était le cas en tout cas pour l'eau mais alors pour la voyance... Il avait essayé de ne pas avoir peur et il avait été plutôt rassuré de se dire qu'à priori ce pouvoir ne mettrait personne en danger. La première nuit il s'était réveillé en sursaut et avait trempé tout le sol de sa chambre. La nuit suivante il avait juste très peu dormi de peur à refaire de même mais le problème c'est qu'endormi ou éveillé les visions venaient à lui. Certes pas toujours régulières, certes pas toujours précises .. Ca l'était même assez rarement mais ça lui suffisait a ce qu'il le retienne. Il les écrivait dans un petit carnet pret de la tete de son lit. Est ce que c'était une bonne idée... Hmmm. pas forcement. D'autant plus que d'avoir le carnet sous la main l'encourageait à le relire dès qu'il ne savait pas quoi faire.

Il se mit roula dans sa couette. Le volet était fermé. Il ferma les yeux et se mordit la lèvre en espérant être en paix. Il reconnu une femme. Toujours aussi élégante et sûre d'elle. Un homme droit et studieux. Et là, ce jeune gamin brun les regardant en s'excusant platement en se faisant ramener par les cheveux à sa chambre. Zola rouvrit les yeux et serra les dents. Il passa sa main dans ses cheveux. Il avait mal. Il se sentait con. Il passa sa main sur son visage. Il avait si mal à la tête. Il se leva la couette sur les épaules pour aller prendre un verre d'eau avant de retourner s'écraser dans son lit. Comment avait il pu descendre si bas en à peine quelques jours. Il eut un rire las face à la situation pitoyable qu'il illustrait. Il fallait qu'il voit quelqu'un. Il fallait qu'il voit quelqu'un avant de devenir fou. A partir de là il aurait pu contacter plusieurs personnes. Angie, Houston, Aria, Aki ou même Alice ou Katsu .. Mais non. Il préféra contacter la dernière personne qu'il avait rencontré peut être celle qui du coup le connaissait le moins mais justement c'était rassurant comme ça.

"Tu fais quoi ?"

Et il envoya à Sanjay.

◇
Sanjay tourna une nouvelle page de son livre quand son portable vibra dans sa poche. Un message de Zola. Ça lui fit plaisir ; il aimait déjà beaucoup ce géant passionné.

Sanjay a écrit:

pas grand chose.
session lecture à la cafet.
et toi ?

Il eut à peine le temps de reprendre sa lecture qu’il reçu deux autres messages. Un sourcil haussé, il récupéra l’appareil, peu habitué à une telle déferlante de fougue. Il devait sans doute s’ennuyer, portable à la main.

Zola a écrit:

tu veux passer ?

Zola a écrit:

enfin faut pas que ça te dérange hein surtout

Il ne connaissait pas encore bien Zola, mais quelque chose semblait… différent. Peut-être qu’il l’imaginait, à tort, être le genre de gars à utiliser un smiley à chaque message ? Il avait sans doute jugé un peu vite. Mais il avait l’air… fatigué. Est-ce qu'on peut avoir l’air fatigué par message ? Oui, sans aucun doute. Après, encore une fois, il n’avait jamais vraiment échangé de message avec lui depuis leur rencontre récente ; peut-être qu’il était juste comme ça tout le temps.

Sanjay a écrit:

avec plaisir !
j’arrive asap

Il rangea son livre dans son sac, son assiette dans le bac à vaisselle sale, s’apprêta à sortir de la cafétéria, mais fit demi tour et s’empressa d’aller acheter quelques cookies, un thé pour lui et un chocolat chaud pour Zola. On ne savait jamais.
Et puis, de toute façon, qui dit non à des gâteaux offerts ? Personne de sensé.
Il espéra sottement que Zola n’était pas vegan.
Il arriva devant la porte, pas très loin de sa propre chambre, et frappa un petit coup sur la porte.

- Zola ? C’est Sanjay, appela-t-il, avant de se rendre compte que la porte n’était pas fermée.

Il se permit d’entrer, et fut surpris de constater qu’il y faisait très sombre. Ça sentait également un peu le renfermé.
Son cœur s’affola quand il remarqua son ami roulé en boule sous la couette. Oh, décidément, ça n’annonçait rien de bon.
Il déposa ce qu’il avait amené sur la table de nuit, aussi discrètement que possible, et s’assit en bout de lit. Il tendit le bras et posa une main réconfortante sur ce qu’il pensait être son dos.

- Hey, murmura-t-il d’une voix très douce. Ça a pas l’air d’aller très fort.

◇

Zola entendit la voix de Sanjay et la porte s'ouvrir. Il se sentit soudainement profondement con de ne pas avoir songé que forcement son ami arriverait rapidement tout comme le suggérait le raccourcis "asap" et que du coup de rester comme un bouffon en boule dans sa couette ça n'aidait pas à faire genre qu'on va bien. Il sentit la présence de Sanjay puis qu'il venait de s'asseoir sur le matelas du à la courbure différente que prenait ce dernier.

Il sentit une main se poser sur son dos. Elle eut un coté resoursant. Non vraiment ça lui apporta quelque chose. Il soupire de sous sa couette et resta sans rien dire un léger temps. Il profita de cette main réconfortante et innocente sur son dos un moment comme ça avant de bouger et de pseudo rouler contre son ami. Sanjay avait désormais une couette assaisonnée à l'humain blottie contre lui.

-... Je ... Si si ça va ça passe. Et toi ?

Est ce que ce n'était pas là le mensonge le moins crédible de la terre ? Eeeeh si c'est totalement possible.

◇
Sanjay laissa Zola se rouler contre lui avec surprise. C’est vrai qu’il était très tactile. Ça l’arrangeait ; il avait toujours cru en les bienfaits des contacts physiques pour remonter le moral.
Même si, présentement, le problème semblait un peu plus grave qu’un simple coup de mou…
Il entoura de ses bras la masse informe qu’était devenu Zola sous sa couverture, du mieux qu’il pu, et afficha un tout petite sourire peiné. Il faisait mal à voir, et il essayait pourtant de le convaincre que tout était normal. Sanjay n’était pas un génie, mais il en faudrait un petit peu plus pour le persuader que c’était le cas…  

- … Ouais, ça a l’air d’être la super forme, répondit-il en passant gentiment la main dans les cheveux déjà en bataille de son ami.

Il lui caressa les cheveux en silence pendant quelques instants, les sourcils légèrement froncés d'inquiétude. Il espérait que Zola accepterait de parler un peu, parce qu’il ne quitterait pas cette chambre avant de savoir ce qui l’avait mis dans un tel état. Ni avant d’avoir pu le réconforter, d'ailleurs.

- Qu’est-ce qui se passe, chaton ? demanda-t-il d’une voix très douce, laissant échapper le surnom sans même s’en rendre compte, parce que c’était comme ça qu’il avait toujours réconforté les autres, depuis toujours. Patience, calme, et petit surnoms. Je sais qu’on se connait pas depuis longtemps, mais ça ressemble pas vraiment à ta définition du “tout est ok”, pour moi…

Ça ressemblait plus à… bah. À une grosse dépression, appelons un chat un chat. Ils étaient certes tous plus sensibles à tout ça, avec cette histoire de Vide, mais ça n’était pas à prendre à la légère pour autant.

- … si t’as pas envie de parler je comprends, c’est pas grave. Je reste là tant que t’en as besoin.

◇

Il hoche la tête vivement depuis sous la couette. Oui oui ça va. bien sûr que ça va. Tout va bien non ? Mais biensûr que oui tout va bien. Tout va pour le mieux même. Tranquilou pilou, tout roule comme sur des roulettes. La vie est belle dans le meilleur des mondes.. Allez on se le repète encore une fois pour bien se convaincre comme il faut ?

Un bras sort de sous le couette pour allez choper la taille de Sanjay. Un calin au niveau de la taille on dira. C'était agréable d'avoir la présence et la chaleur humaine à ses cotés. Il ferma ses yeux et cala sa tête contre la hanche de son ami.

-Je tiendrais jamais 3 semaines avec ce pouvoir ..

Il l'avait presque grogné. S'il avait eu une barbe ses mots ce serait perdu dedans. Mais au moins Sanjay n'avait pas eu a trop creuser pour avoir une plus ou moins correcte réponse. Petit veinard qu'il était, ça n'arrivait pas à tout le monde. Il eut un soupir.

-Désolé .. Je sais pas pourquoi je t'ai fait venir. Je t'embête. C'est egoiste. j'avais juste peur d'être seul.

Parlons d'un autre porblème pour cacher le principal. C'est bien ça. C'est une technique super avérée !

◇
Hmm. Des problèmes avec la Voyance. C’est vrai que Zola gérait bien, bien mieux ses pouvoirs de Titan que lui (non, disons que lui gérait son pouvoir de Titan,
et que Sanjay n’en avait tout simplement jamais fait les frais), et qu’il était donc normal que la Voyance l’impacte beaucoup plus. Malheureusement, ça semblait trop par rapport à ce qu’il pouvait supporter, et très honnêtement, ça ne rassurait pas beaucoup Sanjay. C’était un sentiment très normal, en soi, mais il n’aimait vraiment, vraiment pas voir ses amis souffrir.
Il n'arrête pas les petits mouvements de sa main dans les cheveux de son ami, réfléchissant rapidement. Il lui semblait que Zola avait un ami Voyant, à la base ; il pourrait toujours essayer d’aller lui demander quelques infos pour l’aider ? Bon, en vrai Zola le ferait sans doute mieux que lui, mais il ne semblait tout simplement pas en état de faire quoi que ce soit là tout de suite. Enfin, il se préoccuperait de ça un peu plus tard.
Pour l’instant, Sanjay ne pouvait qu’être là pour essayer de le rassurer. Pas facile quand il ne savait absolument pas de quoi était capable ce nouveau pouvoir…

- Hey, Zozo, répondit-il d’une voix douce. Si je suis là c’est que ça me dérange pas, sinon je t’aurais répondu que j’étais pas dispo. Je suis là, okay ? Je te laisse pas tout seul.

Il sentait bien que ce n’était pas le fin mot du problème, bien loin de là. Sanjay n’était pas un génie, mais il n’était pas idiot non plus, et il comprit assez rapidement que Zola ne lui dirait pas ce qu’il avait sur le cœur… en tout cas, pas tout de suite. Mais il n’était pas pressé. Il lui ferait dire ce qui le mettait réellement dans un tel état petit à petit. Il voulait qu’il comprenne qu’il était là pour lui.

- Je sais pas si ça te tente, mais au cas où, j’ai ramené des provisions. Bon, c’est juste des cookies et du chocolat chaud, mais si jamais t’as faim, ils sont sur la table de nuit. Si tu les veux pas c’est pas grave, je te les laisserai pour plus tard. Est-ce que tu as mangé quelque chose, aujourd’hui ? Et dormi assez ? demanda-t-il, essayant de se faufiler, pas à pas, au nœud central du problème.

◇

Il garda son bras autour de la taille de son ami. Il les resserra un peu plus. Est ce qu'il était une genre de sangsue qui absorbait la vitalité des gens ? Peut être bien. Ce n'était pas 100% impossible. En tout cas la main de Sanjay lui faisait beaucoup de bien. Ca l’apaisait. Il avait l'impression que grâce à elle, il pouvait respirer. Pour autant il restait renfermé sur lui même les mots de son pauvre compagnon de route ne faisant que glisser sur lui. Sanjay était si gentil. Il s'en voulait tellement de lui apporter soudainement tant de négativité. Il n'avait jamais voulu ça, non clairement jamais.

Sanjay parle et Zola ne bronche pas comme un animal insuportable et têtu. Cependant il y a tout de même deux neurones qui connectent. Si le chocolat est chaud maintenant, il ne le sera plus après. Et puis le chocolat chaud c'est bon. Il rentre ses mains sous la couette et se masse le visage avant de sortir de la dessous en se redressant. Il n'ose pas regarder Sanjay. Juste un petit coup d'oeil furtif et timide. Il porte son attention assez rapidement sur la table de nuit et saisit le chocolat.

-Merci ..

Il est vraiment content. On ne le voit peut être pas trop avec son état mais il est heureux de ce chocolat. Ca lui apporte de la chaleur, c'est bon. Il souffle dessus tout en secouant la tête.

-J'ai grignoté mais j'ai pas spécialement fin. Et oui.. ouais ouais j'ai dormi un peu !

Il avait dormi oui mais c'était réveillé plusieurs fois en plus et clairement ça n'avait pas été un sommeil bénéfique à en juger par ses cernes. Il tente un sourire gentil comme il en a l'habitude.

-Et toi tu as bien dormi ?

Sauf que bon vu le contexte, ça marche qu'à moitié de retourner la question là.

◇
Sanjay sentit Zola bouger légèrement contre lui, comme pris d’un dilemme, et attendit patiemment qu’il décide ou non à se lever. Quand il le dit, finalement, avec, manifestement,  grand peine, Sanjay l’accueillit avec un grand sourire chaleureux, et leva un pouce en l’air. “Bien joué !”, signifiait ce petit geste, parce que dans un état pareil, le moindre mouvement est à célébrer.
Il se décala pour laisser un peu de place à Zola, et posa une main sur sa cuisse, décidant qu’il allait toujours rester en contact avec lui, parce que ça lui semblait une bonne idée. Zola n’avait pas l’air d’être particulièrement dérangé.

- On ira te chercher quelque chose d’un peu consistant quand tu te sentiras un peu mieux, okay ? Faut que tu manges quelque chose, c’est super important.

Sanjay haussa un sourcil à sa réponse, pas dupe.
Mouais. Dormi un peu, sans doute, mais un peu du style “je me réveille tous les quart d’heure pendant trois heures et le reste du temps je fixe mon plafond en maudissant ma vie”, à en juger pas son visage extrêmement fatigué. Ça, malheureusement, il n’avait pas vraiment de solution… Il espérait que ses insomnies ne dureraient pas, mais bizarrement il eut le sentiment que ce ne serait pas le cas…

- J’ai bien dormi oui, merci, menti-t-il avec brio, sachant pertinemment que la douleur à son bras l’avait tenu réveiller une bonne partie de la nuit. Mais on était pas là pour ça, alors il fit semblant de rien, il prendrait des anti douleur cette nuit et basta.

Le plus important maintenant, c'était l’état de Zola.

- Je suis content de te voir, tu sais, avoua-t-il avec un léger sourire. Je me demandais si j’allais te recroiser bientôt.

Sa main quitta le genou de son ami, et lui attrapa doucement la main qui ne tenait pas le chocolat. Il la serra gentiment, sans volonté de lui faire mal, en un geste qui se voulait plutôt rassurant. Tout ira bien, Zozo. Tout ira bien.

- Est-ce que tout va bien avec… ta nouvelle affinité ? demanda-t-il innocemment, comme ça, sans tentative aucune d’aiguiller la conversation, je vois vraiment pas ce que vous insinuez…

◇

Zola ignora sans trop s'en rendre compte l'encouragement de Sanjay. Il secoua la tête et releva les yeux vers son ami pour lui sourire. Si c'était un sourire qui se voulait rassurant c'était totalement raté. Et donc oui c'était un raté.

-Non t'inquiète c'est bon ça ira. Je dois avoir des céréales par là .. Je .. Et une pomme aussi surement. Ca ira.

Il avait peut être le ventre vide mais il n'avait pas faim. ll s'avait qu'il devait manger mais rien que cette idée le fatiguait et lui donnait envie de retourner sous la couette. Rien que de penser à manger lui donnait la grimace.

Il retenta un second sourire. Celui ci un peu plus vrai déjà. Il ne s'agissait plus de lui mais de son ami alors forcement c'était plus sincère.

-C'est bien. Je suis content aussi de te voir. Tu trouves doucement tes marques ici ?

Il se détestait parce qu'en vrai il était vraiment content de voir Sanjay mais il lui imposait sa façon d'être actuel qui était un poid terrible pour n'importe qui entrait en contact. Il s'en voulait de lui imposer ça. Sanjay ne le méritait pas. Personne ne le méritait.

Il haussa les épaules à la question. Qu'est ce qu'il pouvait bien répondre à ça. La vérité telle qu'elle d'un coup là juste comme ça ? Non clairement pas. C'était hors de question. C'était si nul à dire en plus de ça. Il souffla.

-J'aime pas trop ce pouvoir mais bon.. On a pas le choix de toute façon. Et toi tu t'en sors ?

Toujours retourner la question. Toujours.

◇
Sanjay retint de peu une grimace. Ça allait encore moins bien que ce qu’il pensait, en fait. Il n’aurait jamais imaginé Zola avec un regard aussi vide, un sourire aussi faux. Il passa de fortement embêté à totalement inquiet, mais masqua tout comme un chef derrière une moue compatissante. Tout irait bien. Tout irait bien. Ça finirait par aller. Ouais. Tout finissait toujours par passer, les blessures comme les cauchemars.

Il hocha la tête sans rien dire quand il lui détailla un menu d’une incroyable inconsistance, vraiment sceptique. Il n’allait pas tenir le coup avec si peu dans le ventre, mais décida de ne pas forcer. Pas tout de suite, en tout cas. Il se promit de revenir pour le forcer à avaler un vrai repas, plus tard. Ce soir. Ou demain. Un ventre vide n’aide pas les problèmes de tête, tout le monde et sa grand-mère le savait. Surtout quand on faisait la taille de Zola ; Sanjay ne pouvait concevoir qu’il mange moins qu’un cheval entier chaque jour. Au moins. Ou un truc comme ça.

- Doucement, ouais, répondit-il vaguement. Je me repère, c’est déjà pas mal…

Ce n’était pas un mensonge, simplement une courte vérité. Les bâtiments ne lui posaient presque plus de problèmes, mais il avait encore un peu du mal à aller vers les gens, bizarrement.
Il décida qu’il lui parlerait de son potentiel nouveau job plus tard. Quand il irait mieux. Ce n’était pas la préoccupation première, et puis rien n’était joué. Autant ne pas se donner de faux espoirs…

Il esquissa un sourire le plus chaleureux que possible. Il n'était absolument pas dupe. Cette réponse ne lui convenait absolument pas, mais Zola semblait tout prêt à détourner ses questions en répondant des trucs vagues. Sanjay ne se laissa pas dégonfler ; il avait tout le temps du monde devant lui, et si ça devait se finir dans les larmes, hé bien, ça se finirait dans les larmes et puis c’est tout.

- J’ai une maitrise tellement minime de mes pouvoirs à la base que ça change à peine les choses pour moi, honnêtement, répondit-il en haussant les épaules, un léger sourire au visage. Donc… ouais ? Je m’en sors.

Et toi pas.
Allez, dis-le.
Toi clairement c’est un peu plus que “pas aimer”, nan ?
DIS-LE.
Il n’osa pas. Merde. Droit au but n’était sans doute pas la meilleure idée…
Il soupira par le nez, jetant à son ami un regard un peu peiné.

- Tu sais que tu peux me dire si ça va vraiment pas, hm ? T’as pas besoin de faire semblant. Je vais pas t’en vouloir parce que t’es… triste… fatigué… en colère, stressé, ce que tu veux. Ça arrive. C’est pas grave.

Il failli se donner une gifle. Bravo pour la philosophie de comptoir, mon gars. À ce rythme là, clairement il allait te révéler tout ce qu’il avait sur le cœur, pas le moindre doute ! Mon vieux San, tu devrais faire psy.

◇

Zola cherche tout autour de lui quelque chose qui pourrait capter son attention comme il se doit. Ce n'est pas toujours facile il faut le savoir. C'est même plutot compliqué à vrai dire. Du coup il joue un peu avec ses doigts et il observe autour de lui. Le filet de lumière qui s'echappe de sous le volet est vraiment fascinant. Il est fin mais si brillant. On pourrait le tracer à la règle. Il se dessine vraiment dans le paysage. Il a l'air libre mais à la fois emprisonné. On dirait qu'il indique un chemin mais qu'au fil de ses explications il s'est perdu. Ou alors qu'il tente de matérialiser la route vers le paradis en nous expliquant, qu'en fait elle n'est pas possible. Oui .. Ca doit surement être ça. On est tous mauvais. Il regarde Sanjay... Hum.. Non on n'est pas tous mauvais c'est pas possible.

Il hoche la tête et fait un petit sourire qui se veut encourageant même si on a presque l'impression qu'il s'en bat les couilles.

- Ooh ! Beh c'est déjà super cool ! Tu t'adaptes vite c'est chouette ! Bravo.

Le pire c'est qu'il le pense vraiment mais toutes ses paroles sonnent à moitié creux. C'est si frustrant. Il aimerait ne pas avoir à parler. Ne pas entendre sa voix .. Arrêter de se trouver stupide et inutile .. Mais après si c'est la vérité .. C'est sans aucun doute pour ça qu'elle est si dure à entendre. Ah la la .. Quelle vie de merde. Et il se plaint alors qu'il n'a pas la pire. Franchement il est le pire.

Il hoche la tête. C'est vrai que Sanjay vient tout juste d'avoir ses pouvoirs. Quelle chance. Et puis ça le frappe d'un coup. Il se revoit quelques mois après son arrivée dans un état proche de celui ci. En fait il n'avancera jamais c'est ça ? Il est condamné dans cette boucle où il reviendra toujours se terrer ici au final. Un minable quoi.

Micro sourire.

-Ah ça ! Tu as bien de la chance ahah ! C'est vrai qu'en tant qu'initié vous êtes plutot tranquille. C'est pas plus mal je t'avoue. Parce qu'elle galère de controler les autres affinités ! Je te raconte pas quand j'étais tonnerre. Une plaie !

Wow ! Que de phrase à la suite ! C'est que tu tiens bien ton rôle mon Zozo ! Même lui il est un peu fier. Las, mais fier. Il réussi à tenir la conversation mine rien. C'est bien ! Bon okay son regard se perd et il n'arrive pas vraiment à regarder Sanjay dans les yeux. Ca lui fait mal. Il sait qu'il ment et il ne veut pas mentir à son nouvel ami mais il ne veut pas non plus lui imposer tout ça. Alors il reste coincé là. Se sentant plus que nul.

Et d'un seul coup c'est la panique. Qu'est ce que c'est que cette proposition. Il a un rire nerveux puis secoue la tête. Cette fois il ose le regarder. Ca donne plus d’appui à ses mots, c'est bien.

-T'inquiète pas je suis juste très fatigué. Bon okay j'avoue je suis un peut stressé aussi ! C'est toujours un peu compliqué quand on change de pouvoir mais tranquille ! Ca va le faire ! C'est le temps que je m'habitue !

Oh putain Zola. Comme tu t'enfonces et te noie. C'est terrible. Arrête ça tout de suite.

◇
Sanjay ouvrit la bouche pour lui répondre, puis la ferma après une courte hésitation, les sourcils froncés. Il regarda ses mains crispées sur ses genoux, toujours assis en bord du lit. Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler. Dix fois. Quinze fois. Trente s’il le faut.

Est-ce que tu veux bien arrêter de me prendre pour un con, s’il-te-plait ?

Ils se connaissaient à peine. Ils se voyaient pour la deuxième fois (sans compter la rencontre au marché, à Mumbai), avaient échangé quelques sms, mais sans plus. Il l’appréciait déjà énormément, mais il ne savait presque rien de lui, et se rendait très bien compte qu’il y a des choses que tu ne dis pas à quelqu’un dont tu ne connais même pas l’âge.

Aurais-tu l'amabilité de ne pas m’imaginer plus bête que je ne suis ?

Mais Zola lui faisait manifestement (et surprenamment) assez confiance pour accepter être vu dans un état si vulnérable. C’était pas rien. Tu fais pas ça avec n’importe quel inconnu. Si ? Il lui semblait que non. Et cette confiance, du coup, il aimerait que ça dure un peu.
Il voulait être digne de sa confiance. Mais il ne voulait pas faire semblant que tout allait bien. Les vrais amis ne font pas ça. Il ne voulait pas rentrer dans son petit jeu, sourire stupidement, lancer deux-trois vannes puis partir comme si de rien n’était.
Pour faire quoi, en plus ? S’auto-congratuler d’avoir été un super pote parce qu’il lui avait tapoté le genoux et, attention, offert un chocolat chaud ? Waouh ! Décidément, on ne pouvait rêver mieux ! Tout le monde allait se l’arracher, ce Sanjay ! Toujours là en cas de déprime.
Ce n’était pas le genre de personne qu’il voulait être.
Il serra les dents. Si Terrae devait le changer, ce serait aussi pour ça. En finir avec les faux-semblants, en finir avec cette crainte terrible de décevoir et blesser quiconque. Parfois (et je dis bien parfois), il était nécessaire de se faire bousculer un peu, même si ça ne faisait pas plaisir à entendre.
Il leva les yeux vers Zola.
Mais il ne voulait pas lui faire de mal…

Pourquoi est-ce que tu ne me dis pas la vérité, hein ?

- Je…

Sanjay plissa le nez, cherchant ses mots.
Comment formuler ce qu'il avait envie de lui dire sans passer pour une affreuse personne ?

- Je… je sais ce que tu essayes de faire, Zozo. J’ai… j’ai bien compris que tu essayes de te protéger de quelque chose. De faire, hah… de faire comme si… tout allait bien ? Comme si ça allait passer comme ça mais… mais t’as pas l’air de quelqu’un qui a juste sommeil, tu sais ? Ça… ça se voit. C’est pas quelque chose que tu peux vraiment cacher, en fait.

Et quand tu as vécu les trois-quart de ta vie perpétuellement entouré d’une centaine de personnes, jusque dans ta propre chambre, forcément tu finis par devenir habitué à ces changements dans le regard. Rien de bien sorcier, ni une analyse particulièrement profonde des tréfonds de l’être humain, mais des amis, il en avait beaucoup, et des dépressions, il en avait vu fleurir par mal. Alors, ouais, la lumière éteinte dans la chambre et les yeux de Zola, ça ne lui disait rien qui vaille.
Même s’il espérait se tromper.
Il se leva sans trop s’en rendre compte.
Mais qu’est-ce que tu fais ?!

- Je veux ni ne peux te forcer à parler, lâcha-t-il après un silence. Je suis sans doute pas la personne dont tu aies besoin, là tout de suite, et je comprends, c’est pas grave, et je veux pas… t’embêter plus que nécessaire, alors… je vais y aller ? Si tu veux ? Tu veux appeler quelqu’un d’autre ?

Quelqu’un qui t’aidera un peu plus que moi ?
Il n’avait pas envie de partir, cependant. Il était à peu près persuadé que Zola retournerait sous la couette, tout seul, et qu’il n’oserait plus jamais déranger qui que ce soit.
Et c’était clairement le contraire de ce qu’il voulait.

- Je sais que je me répète mais… tu peux me dire si ça va pas, okay ? C’est pas honteux. Je vais pas te… te juger ou je sais pas.

Il esquissa un sourire.
C’est comme tu le sens, Zozo, la décision t’appartient !

◇

Zola n'est plus vraiment lui même. Il a mal et tout lui fait mal. Le moindre geste, le moindre mot.. Que ce soit de lui ou de quelqu'un d'autre. Peu importe l'intention qui lui est associé, ça fait mal. Sanjay est une douceur. Il est adorable, il est merveilleux, il est rayonnant. Il est tout ça mais c'est terriblement douloureux en fin de compte de l'avoir à ses cotés là maintenant. Il vient d'arriver, il ne mérite pas ça. Il lui a promis une amitié et le voilà qui lui rapporte des problèmes et de l'ennui. N'est il pas le pire ? Si bien sûr.

Sanjay comprend non ? Oui il comprend. Il sait ce que Zola tente de faire et Zola le sait aussi. Il sait très bien ce qui se profile. Il ne veut pas. Il aimerait lui dire. Il aimerait que ce soit si facile mais son corps agit tout seule. Il secoue la tête et sourit.

-Je sais que tout ne vas pas bien mais c'est quand même plus facile de garder le sourire. Ca ne sert à rien de se laisser abattre non ? Bon okay c'est peut être pas le sommeil. Une grosse baisse de tension alors. C'est pas grand chose. Ca va ça vient ces choses là.

Plus il parle plus il arrive à rentrer dans son rôle. Son sourire sonne presque vrai. Son intonation sonne presque amusée et enjouée. Il se déteste un peu plus à chaque mot. Comment peut il faire ça ? Zola lui fait un sourire doux et triste à la fois. Il s'approche de son ami, lui pose la main sur la joue et lui embrasse le front.

-Ne te fais pas trop de soucis pour moi ça va aller. C'est qu'un gros coup de mou mais ça va passer. On en a tous de temps en temps pas vrai.

Il le regarde dans les yeux toujours souriant, lui caressant la joue avec le pouce.

-Tu peux y aller si tu veux. Désolé de t'avoir dérangé, c'était bête de ma part. Je vais surement me reposer maintenant. Tranquille. Et merci pour tout. Tu es adorable.

Non il n'avait rien de honteux. Tout allait bien non ? Et puis au pire .. Si jamais tout n'allait pas bien quand Sanjay partirait il n'aurait qu'à fermer la porte et garder ce mal avec lui, ici. Ca n'affecterait personne.

◇
Le baiser au front lui fit mal au cœur.
Tout était surjoué, comme dans une pièce de théâtre. Lui et Zola connaissaient parfaitement leur rôle, lui l’ami inquiet, l’autre l’Adonis pâle, triste mais rassurant. C’est une mécanique parfaitement huilée, on s’y croirait, tout semble si naturel, Sanjay allait hocher la tête avec un sourire, l’Adonis a bien joué son rôle, l’ami inquiet n’a pas à s’en faire. Il lui souhaiterait un bon après-midi, lui ferait promettre de manger quelque chose, ils échangeraient une blague rapide, comme le font les amis qui se connaissent à peine, puis Sanjay sortirait et la porte se fermerait, et avec elle l’acte, noir plateau, rideau.

Sauf que.

Sauf que Sanjay en avait marre que sa vie soit dictée par les codes et conventions qu’il s’imposait lui-même depuis l’enfance. Tant de mots étaient restés bloqués dans le fond de sa gorge, depuis 25 ans, tant de trucs qu’il n’avait pas osé dire par peur de décevoir. De ne pas être celui qu’on s’attend qu’il soit, le gars gentil, celui qui s’efface.
Il en avait marre de s’effacer. Et très franchement, le théâtre, c’était pas son truc.

Sanjay regarda Zola dans le bleu des yeux. Bon. Il n’aimait pas être surplombé de la sorte. Ce n’était pas de la faute de son ami, cette immense différence de taille, mais là, ça le dérangeait.
Et si Sanjay était haut comme trois pommes, il était aussi, ne nous mentons pas, fort comme un bœuf. Il en profita donc pour pousser Zola au torse, sans le moindre effort, et le faire tomber assis sur le lit. Bien. Beaucoup mieux.
Il s’approcha, posa un genou contre le lit, et attrapa le visage de Zola entre ses mains. Leurs visages étaient sans doute un peu plus proches que la limite de la sphère d’intimité ne l'autorisait, mais il voulait être sûr que son amis ne puisse pas dévier le regard.
Il veilla cependant à ne pas lui faire mal.
Il savait bien que, quoi qu’il fasse, il ne paraîtrait jamais intimidant. Il allait juste essayer d’avoir l’air sérieux. Il voulait qu’il l’écoute vraiment.

- Bon. Zozo.

Il prit une grande inspiration.
Allez. Vas-y.

- Tu sais que je t’aime beaucoup, oui ? Je sais qu’on s’est rencontré très récemment, et qu’on se connait pas encore super bien, mais perso j’ai tout de suite senti que je pouvais te faire confiance. C’est comme ça, je m’attache vite aux gens, et je me suis attaché à toi. C’est peut-être un peu bizarre, je sais pas. Moi c’est comme ça que je fonctionne. Mais donc… je tiens à toi. Presque autant que mes amis d’enfance. Je fais pas vraiment de différence.

Il s’arrêta quelques secondes, et prit le temps de se calmer un peu. Pas besoin de lui déballer ta vie entière, ce n’était ni le moment, ni le sujet.
À l’essentiel.

- Ce que je voulais dire… oui. Donc. Je comprends que tu veuilles faire semblant que tout va bien, que c’est juste passager, que genre… ça ira mieux demain, on les connaît tous. Je comprends aussi que t'aies pas envie de me parler, je suis sans doute pas la bonne personne pour ça, t’as sans doute envie d’être réconforté par un ami proche et pas, genre, le type que t’as croisé sur un marché une fois y a trois mois. Je comprends totalement. Ça va pas me vexer. On peut pas être à l’aise avec tout le monde, eh ? Non clairement pas, on est d’accord, continua-t-il sans même attendre sa réponse. Sauf que bon, dommage, je suis pas totalement idiot, gentil peut-être, niais sans doute, naïf absolument, mais pas idiot. Et toi non plus. Et toi et moi on sait très bien que tu fais semblant de rien pour être un poids pour personne, hm ? Et toi et moi on sait aussi très bien que ça passera pas après une bonne nuit de sommeil. Vu ta tête, je sais même pas si tu peux encore dormir, en fait ? Tu dois parler à quelqu’un. Genre vraiment. Mais en tous les cas, même si c’est pas à moi que tu dois te confier… promets-moi de le faire, d’accord ? S’il-te-plait ? Sinon, je te jure, Zozo, sinon je vais me mettre en colère, et tu veux pas que je me mette en colère.

Il lui caressa la joue du pouce, retrouvant un petit sourire.

- Et tu me déranges pas du tout. Ça me fait plaisir de te voir, même en cas de… “grosse chute de tension” ?

Il garda son petit sourire quelques secondes, puis écarquilla soudain les yeux et sursauta, comme frappé par la foudre, comme s’il se réveillait en sueur. Il lâcha rapidement le visage de Zola et se releva. Il recula d’un pas, remettant une distance respectable entre eux deux, les mains levées devant lui et le regard affolé.
Bon.
Il avait tenu deux minutes, avant que la culpabilité ne revienne au grand galop.
Il en avait fait trop. Oh mon dieu, il en avait fait beaucoup trop.

- Je suis désolé ! Pardon vraiment je sais pas ce qui m’a pris, je… je suis désolé, pardon, pardon, c’était déplacé, pardon, pardon excuse-moi, s’embrouilla-t-il, fixant du regard un bout de plancher.

Il recula d’un pas supplémentaire, il aurait voulu s’effacer, se faire tout petit, il voulait rendre son espace à Zola, arrêter d’être aussi stupide et disparaître disparaître disparaître
DISPARAÎTRE

- Je vais pas me mettre en colère c’est promis je veux pas me mettre en colère désolé Zola désolé désolé.

Il recula lentement vers la porte, le regard toujours vrillé sur son bout de plancher, ne le lâche pas du regard, ne le lâche pas du regard sinon tu vas fondre en larmes et tu ne veux pas fondre en larmes.

- Je… je vais te laisser. Oublie ce que j’ai dit. Que je suis venu. Oublie. Ce sera mieux pour toi. Désolé. Pardon.

Disparaître.

◇