A l'instant même où je lui propose d'avoir un compte-rendu, je sens que c'est pas une bonne idée. Elle met un certain temps à l'admettre elle même, et clairement on sent que ça lui coûte, qu'elle aimerait dire l'inverse par curiosité, mais elle a au moins la décence de ne pas se torturer. Elle doit s'en poser des questions... J'espère juste qu'elle se monte pas des théories du complot toute seule.

Parce que je suis encore trop amoureuse de lui pour réfléchir correctement. La phrase percute mon cerveau, et un frisson mauvais me parcours le dos. Je n'aime pas que ses pensées s'introduisent dans ma tête. Surtout quand je ne peux pas les comprendre. Je ne comprends pas ça. Je connais la loyauté déraisonnée, sans limite, excessive et poussive. Mais être loyal ne m'a jamais empêcher d'être lucide sur les personnes que je servais. J'ai donné tout mon temps et toute mon âme (et j'aurais donné ma vie) à des connards, à aucun moment je n'ai cru que c'était des personnes décentes. L'amour lui, rend complètement aveugle. La chute est probablement beaucoup plus vertigineuse.

Elle me dit qu'elle va rentrer, et je hoche la tête. Elle me demande quand même si j'ai d'autres questions. Je lâche un rire sarcastique.

_ Nan t'inquiète c'est tout pour moi. Je vais pas te torturer plus longtemps. Sauf si tu as des questions, je dis histoire de détendre l'atmosphère. Tu veux que je sorte avant, histoire que tu souffles un peu avant de te lever ?

Ouaiiiis j'ai toujours un problème avec les sorties de la pièce.

Je sentis qu'il cherchait à me ménager, mais je ne fus qu'en mesure de relever le regard vers lui et afficher un maigre sourire triste quand il me renvoya le "si tu as des questions". Silencieusement, je le remerciai quand même d'être compréhensif, et d'avoir été si patient face à moi. Même s'il ne l'avouerait peut-être jamais, j'étais certaine que l'attitude que j'adoptais, le visage que j'affichais l'agaçait. Mais il n'avait rien dit. Et indirectement, il avait fini par accepter mes excuses. Tout n'était pas encore arrangé, mais c'était déjà mieux, et je m'attachais à cette petite lueur d'espoir quand il me proposa de partir avant moi.

Un léger rire jaune m'échappa.

-Ca aurait été encore plus simple si j'étais encore Téléporteuse.

Peut-on avoir le mal des pouvoirs comme nous avons le mal du pays ?

Je secouai finalement la tête, et m'aidant du rebord de la table, je me redressai de ma chaise.

-T'embête pas pour moi. Je devrais réussir à m'en sortir.

Et puis j'aurais été encore plus gênée s'il partait avant moi, et que je restais ici seule, avec les quelques Masters de l'autre côté de la salle pour me regarder me morfondre sur moi-même. J'étais peut-être lamentable, mais je crois que je préférais fuir que perdre toute ma dignité.

-Merci de m'avoir écoutée Houston.

Je lui offris un sourire simple, sincère, puis fis volte face pour quitter la pièce, n'avançant pas bien vite quand même. Une fois dehors, je m'adossais quelques longues secondes contre le mur à côté de la porte, avant de reprendre le chemin de la maison.