Le sourire de Mitsuki est étrange, sa gestuelle aussi... En fait, tout chez elle parait étrangement "faux" depuis que Bito lui a lancé cette ultime attaque.

Ses mots  étaient-ils si violents ? Plus violents qu'un "Finish him" de Mortal Kombat ?!

Bito secoue la tête et lève un sourcil. Sa crainte prend le dessus sur son petit chagrin. Il doit s'assurer qu'il n'a pas blesser son amie.

Une main fourré dans sa poche, l'autre file rapidement en avant pour aller saisir le bras de Mitsuki.

– Eh att... !

Et soudain juste avant qu'elle ne l'emporte dans sa téléportation. Il ressent cette peine et cette confusion massive qui vient de Mitsuki. Son estomac se noue, son cœur se resserre. C'est comme si un poids énorme venait l'écraser et le briser de l'intérieur.

Et en un rien de temps, il retrouve chez Mitsuki, avec elle.

...ttend. Souffle-t-il.

Est-ce son instinct de super-héros qui lui a permis de ressentir tout ça ? Evidemment que non. C'est ce cristal de sensitif offert par Elfie qu'il tient fermement dans sa poche.

A présent, ses crainte son confirmées et il peut stopper le pouvoir du cristal, pour ne plus souffrir comme Mitsuki... car c'est tout simplement insupportable. Mais quelque chose, sa conscience peut-être, l'oblige à diviser cette souffrance.

Puis, il tire le bras de Mitsuki pour la ramener vers lui.

– Je suis désolé... vraiment. Dit-il en serrant Mitsuki dans ses bras.

Master ou pas. Immortelle ou pas. Mitsuki n'est invincible. Ça, il a tendance à l'oublier.

– Ça devrait être interdit de subir ça toute seule.

Au moment où mon corps se dématérialise pour reprendre contenance chez moi, je sens qu'il est différent. Il est plus lourd, plus long à téléporter. Il ne me faut pas très longtemps pour comprendre que je ne suis pas en train de me téléporter toute seule. Et je sais qu'en temps normal, même si on m'avait attrapé le bras, je me serai téléportée seule, mais là c'est différent. Là c'est différent parce qu'on revient de l'Eclipse, parce que nos pouvoirs en ont pris un coup ; parce que Bito est téléporteur aussi ; parce que je suis juste au fond du gouffre et qu'il me faut probablement plus de concentration que d'habitude pour réussir réellement ce que je veux faire.

Alors quand je réapparais dans mon salon et que je le vois en face de moi, sa main tenant mon poignet, je sens mon coeur qui se serre beaucoup trop douloureusement. je lève rapidement une main vers mes yeux pour les essuyer, parce qu'il ne doit pas voir, parce que plus personne ne doit voir ces larmes, parce que je suis fatiguée d'aller toujours aussi mal à chaque fois qu'on l'évoque lui.

Mais l'instant ne dure pas très longtemps finalement. Je ne crois pas que Bito se soit véritablement attardé sur mes larmes.

Je me retrouve dans ses bras et je le sens me serrer délicatement contre lui, retrouvant une chaleur humaine que j'avais perdu l'habitude de recevoir. Je sens un frisson remonter le long de ma colonne vertébrale et, les yeux écarquillés, j'essaie de faire le tri parmi les milliers de questions qui viennent de me monter en tête. Quand me suis-je retrouvée la dernière fois dans les bras de quelqu'un comme ça ? Quand ai-je connu pour la dernière fois un tel élan ? Quand m'a-t-on attiré contre soi comme ça dans le seul but de me réconforter ?

Est-ce qu'il cherche juste à me réconforter ? Est-ce que je devrais l'accepter ? Est-ce que j'ai le droit d'être dans ces bras ? Est-ce que je ne devrais pas partir ?

Pourquoi m'a-t-il serré contre lui ? Pourquoi continue-t-il de le faire ? Pourquoi m'a-t-il suivi ? Pourquoi est-il là, devant moi, non, pourquoi suis-je là, dans ses bras ?

Pourquoi est-ce que ça devrait être interdit de subir tout ça toute seule...?

Je me sens mal. Les larmes coulent sur mes joues et je ne sais toujours pas quoi dire. Un silence s'installe durant lequel je ne cesse de me dire que je devrais m'éloigner de lui. Son acte était-il légitime ?

Je ne sais plus ce que je dois penser. Parce que quelque part, Ys avait ce genre de comportement avec moi. Lui aussi, il me tirait parfois fort contre lui pour me serrer dans ses bras. Lui aussi parfois me suivait sans me laisser le choix. Lui aussi parfois m'interdisait certaines choses... Et c'est lui qui, une fois, une deuxième fois, une troisième fois, m'a menacée. C'est lui qui a planté son poing à côté de moi, contre le mur, les yeux rougies par l'amertume et la folie.

C'est lui qui a fait de moi celle que je suis devenue aujourd'hui, terrifiée par le moindre contact, vide de vie.

-Tu ne feras jamais subir ça à Elfie n'est-ce pas ?

Parce que Bito, ce n'est pas Ys, pas vrai ? Bito, s'il a fait ça, ce n'est pas parce qu'il voulait être violent. Bito, s'il a fait ça, c'était pour me réconforter, pas vrai ? S'il a fait ça, c'était pour m'aider.

Mais Ys, est-ce que tout ce qu'il a fait, ça n'a pas toujours été pour moi, au final...?

Ca y est, Mitsu laisse ses larmes couler.

Dans ce silence Bito resserre son étreinte sur elle et dépose une caresse sur ses cheveux. Le pouvoir du cristal ne fait plus effet et ses sentiments redeviennent stables. Sauf, qu'en relevant la tête, on voit qu'il a l'air complètement désespéré.

«Et maintenant j'dis quoi ?! J'fais quoi ?!» Gueule-t-il dans sa tête. «Réconforter les gens c'est vraiment pas mon truc !! J'finis toujours pas dire une connerie et ça empire les choses !»

Bito plisse les yeux et réfléchit... il utilise toute sa matière grise pour trouver ce qu'il doit faire. Mais un Bito qui réfléchit trop, c'est un Bito qui ne bouge plus. Qui freeze, un peu comme cette version de Windows Vista quand vous lui en demandez trop...

Heureusement, Mitsuki est là pour débugger le système en y ajoutant une requête... ou plutôt une question. Ce qui le fait sortir de la boucle dans laquelle il était bloqué.

– Hein, de quoi ?

Subir quoi ? Il a perdu le fil.

– Des câlins ? Bah si, elle subit souvent mon trop plein d'affection...

Pouce ! Temps mort ! Tu es hors sujet Bito ! On parlait de ce qu'elle subit sentimentalement, là, en ce moment, à cause de son chagrin d'amour !
«Mais oui, que chuis con ! Merci narrateur.»

– Tu voulais parler de ce qu'il t'as fais subir... Evidemment.
Eh bien, je t'avoue que j'ai flippé en comparant mon couple avec le tiens. Ys et moi, on se ressemble sur pas mal de points, mais en creusant un peu on voit tout de suite qu'on est aussi très différents !

Déjà, j'suis beaucoup plus beau gosse, héhé ! Commence-t-il en ricanant. Et j'ose même pas buter une mouche... alors niveau agressivité j'suis loin derrière.

Puis c'est une grimace qui se dessine sur son visage alors qu'il scrute le plafond.

– Et t'as une araignée qui squatte ton plafond j'ai pas envie qu'elle me tombe dessus...

Et contrairement à Ys, Bito est une grosse tapette...

Les questions cessent un instant de tourner dans ma tête à l'entente de la réponse de Bito. Je m'éloigne légèrement de lui, levant les yeux dans sa direction avec un sourcil arqué, avant de sentir un maigre sourire amusé étiré fébrilement, l'espace de quelques micro-secondes seulement, le coin de mes lèvres.

Je finis par m'éloigner définitivement de lui alors qu'il reprend la parole. Comparer mon couple au sien ? Est-ce une bonne idée ? Doit-on toujours se comparer ? En même temps, n'est-ce pas ce que je fais en permanence...?

Mon estomac se tord un peu à l'entente du terme "agressivité" pour définir Ys, à demi-mot évidemment.

Je baisse les yeux sur mes pieds, n'osant plus vraiment le regarder. Que dois-je penser de l'image que tout le monde possède de lui désormais ? Pourquoi est-ce que ça a été si facile pour les autres de le qualifier ainsi ? De lui attribuer ses actes ? Pourquoi est-ce que moi je n'arrive toujours pas à le faire ? Pourquoi pour moi y a-t-il encore deux Ys, celui que j'ai aimé, et cette personne que je ne connais pas ?

Je relève finalement le regard vers lui en le sentant devenir fébrile. Mon regard suit le sien et je hausse une épaule.

-Ah, oui, c'est la saison, elles rentrent beaucoup à l'intérieur en ce moment pour se protéger du froid ! T'inquiète pas, elle te fera rien, elle est au plafond depuis plusieurs semaines celle-là, et elle ne bouge jamais. Je me demande même si elle n'est pas en train d'hiberner. Tu sais si ça hiberne, les araignées ?

Alors que je terminai ma phrase, j'aperçus Balto qui arrivait dans le salon, quittant probablement ma chambre dans laquelle il était en train de faire sa sieste jusqu'à présent. Chose totalement interdite mais qui visiblement ne le dérange plus, vu que cela fait plusieurs mois maintenant que je n'ai plus eu le courage de le disputer pour ses bêtises.

Je m'accroupis pour me mettre à sa hauteur et le couvrir de caresses sur sa tête.

-Ca va aller, ne t'inquiète pas. Tu n'avais pas besoin de me suivre, tu peux retourner à tes occupations. Tes petits jeunes doivent t'attendre dans la salle commune !

Lorsque notre héros pétochard apprend que Mitsu garde cette araignée chez elle depuis de nombreuses semaines, cette grimace qu'il a adopté déforme un peu plus son visage. Elle voit pourtant aussi bien que lui ces monstrueuses pattes velues de quelques millimètre qui se baladent sur le plafond, mais ça ne semble pas l'affecter.

« Non mais... cette araignée pourrait venir la manger pendant son sommeil ! Ou pire, pondre des œufs sur elle jusqu'à ce qu'elle explose !! »

Bito devrait vraiment arrêter de regarder des films à la con. Ça le rend vraiment parano.

Puis il lève un sourcil quand vient la question sur l'hibernation des araignées. Et automatiquement, il répond :

– J'en sais rien moi. J'fais pas de l'élevage d'araignées sur mon plafond MOI.

« J'parie qu'elle lui a donné un p'tit nom en scred'... » Pense-t-il encore en plissant les yeux.

Et tandis que Bito se regarde sous chaque angle pour s'assurer que Mitsu ne lui ai pas laissé une araignée dessus, cette dernière lui dit qu'il peut retourner s'occuper des gosses dans la salle commune.

– T'as pas tort. Ils vont surement foutre le feu en testant des vieux machins... Fait-il en tenant son menton. Et puis Hitomi va se mettre à chialer si j'lui rend pas son diadème.

Eh oui, le petit diadème de la gamine orne toujours, dans toute sa splendeur, le sommet la tête Bito.

Il doit donc partir, mais il sent que ce n'est pas très raisonnable de laisser Mitsuki ainsi. Alors il lui tend le cristal de sensitif qu'il gardait dans sa poche.

– Tiens ! Utilise ça pour pomper ma bonne humeur, ça te fera du bien !

Et il insiste.

– Aller, pompe moi !

C'est un peu bizarre de crier ça... non ?

Je ne peux m'empêcher de rire quand Bito souligne que lui ne fait pas "d'élevage d'araignées", contrairement à moi. Il acquiesce ensuite sur le fait qu'il doit effectivement partir et je me contente de hocher la tête. J'ai besoin de temps pour moi, toute seule. Je dois digérer ce qu'il vient de se passer -encore.

Mon coeur se stoppe pourtant un instant et je fixe mon regard sur Bito à l'instant où il me tend son cristal de Sensitif. Mon coeur reprend l'instant d'après sa course, s'agitant très vite, trop vite. Mes doigts se tendent vers le petit objet débordant de cette puissance qui m'envoûte, et je finis par refermer ma main avant d'entrer en contact avec, réalisant que mes yeux se sont à nouveau remplis de larmes. Je lève les yeux vers Bito, quelques flashs de cette dispute que j'ai pu avoir avec Ys me revenant en tête.

Mes dents viennent mordiller nerveusement ma lèvre inférieure et j'essuie d'un geste maladroit les larmes qui ont perlé sur mes joues. Je ne peux pas. Je ne peux plus sombrer dans cette facilité à chaque fois qu'il part.

Mon coeur est lourd mais a ralenti petit à petit sa course. Je finis par parvenir à secouer négativement la tête.

-File. Ne me le donne pas. Je ne peux pas le prendre. Je n'ai pas le droit d'utiliser ce pouvoir. Je suis désolée, je sais que tu voulais bien faire.

Mais à présent, il est préférable que tu partes, et avec ce cristal. La tentation est trop forte, et maintenant que je sais qu'il est là, si tu ne pars pas, je finirai par changer d'avis...

De nouveau, c'est la panique à bord.
A-t-il a fait quelque chose de mal en proposant ce cristal de sensitif ?

« Idiot ! Imbécile ! Abrutis ! T'es con ! » Se crie-t-il à lui même dans sa petite tête. « Tu devrais arrêter de dire des trucs ! »

Il grimace. Il a l'impression d'empirer les choses à chaque fois qu'il tente d'aider Mitsu.

– Je... Humm... D'accord. J'y vais alors...

Il tourne le dos à son amie. Mais avant de la quitter, il joue sa dernière carte.

– Je reviens tout de suite, bouge pas !

A peine quelques minutes après s'être téléporté, Bito revient avec les bras encombrés. Il a deux vieux cartons sous les bras : Celui qui contient la Sega qu'ils ont trouvés plus tôt et l'autre avec tous les jeux.

– Tiens. Avec toi, elle sera en sécurité. Occupe-t'en bien ! Ajoute-t-il avec le sourire aux lèvres.

Il dépose les cartons sur la table, puis s'approche de Mitsuki pour aller lui tirer les joues.

– Et si ça va pas, t'as intérêt à m'appeler ! Fait-il d'un air faussement menaçant.

Et cette fois, il part pour de bon.

Mon coeur s'agite dans ma poitrine quand je vois le regard de Bito qui se voile. C'est encore de ma faute. J'ai encore tout raté. A chaque fois qu'il tente de m'aider, je fais n'importe quoi. Pourquoi faut-il que je sois aussi nulle ?

Pourtant, alors qu'il signale qu'il s'en va, il change d'avis et me demande de ne pas bouger car il reviendra tout de suite. J'écarquille les yeux quand je le vois disparaître pour réapparaître avec les cartons que nous étions en train de déballer dans la salle commune. Un mince sourire se glisse sur mes lèvres, et je tourne la tête vers lui alors qu'il dépose ces trésors sur la table. Il revient vers moi et tire mes joues, me provoquant une grimace. Je lève aussitôt une main pour les frotter et faire passer la légère douleur, alors qu'il part vraiment, et pour de bon cette fois, m'avertissant que si ça ne devait plus aller, je devais alors immédiatement le contacter.

Je souris donc en le voyant disparaître, et me tourne pour aller sortir la console du carton. J'aurais beau dire, je ne peux que constater que je suis bien entourée, finalement, ici... Tous sont prêts à m'aider. Je ne suis pas vraiment sûre de le mériter, mais je crois que ma psy me demanderait surtout d'arrêter de réfléchir, et d'accepter.

Pendant les minutes qui suivent, je prends le temps d'installer la console sur la télévision, trouvant fort heureusement un câble d'adaptation dans le fond du carton. Avec les nouvelles télés maintenant, ça devient n'importe quoi, on ne peut plus sortir nos vieilles merveilles !