TW : Alcool. Genre beaucoup. Genre alcoolique en fait. Ambiance naze je préviens.



Une explosion, un flash de lumière, du chaos en fond sonore.

C'est tout ce que Kaiko voyait depuis quelques jours. Et elle en avait marre... Elle a appris que son frère participait à une mission avec cette histoire de gamins emprisonnés dans un "Centre", elle a fait genre elle était contente pour lui en lui précisant bien de faire attention à lui, qu'elle prendrait soin de lui casser correctement la gueule s'il revenait trop blessé. Sous-entendus qu'elle allait rester. Il n'a pas posé de questions, elle n'a pas plus développé. Ils sont passé à autre chose et fait quelques passes de volley.

C'est pas qu'elle n'avait pas l'expérience de la guerre. Certes elle ne l'avait pas, mais elle aurait été une bonne élève attentive lors d'entraînements au tir, lors de combats de corps-à-corps. Elle ne sait pas mais elle n'est pas vulnérable pour autant. Ce sont ses putains de pouvoirs de merde. Au début, ça allait. C'était chiant mais bref, elle pouvait encore faire sa vie comme si de rien et faire ce qu'elle avait à faire... Mais depuis quelques temps, ils viennent sans même qu'elle ne le sente arriver. Elle fait tout pour les ignorer, mais c'est compliqué. Elle qui a tout le temps envie, besoin de bouger, doit s'arrêter alors qu'elle fait son footing du matin, alors qu'elle se prépare à manger ou alors qu'elle sert un client au bar.

Alors qu'elle vit le présent, ses pouvoirs lui montre des choses qui ont été ou qui seront et qui ne la concerne pas.

Encore ce serait précis, elle dirait rien, mais souvent c'est trop fouillis pour qu'elle sache même de qui il s'agit. Ses visions n'ont pas de sens et lui pourrissent la vie, et c'est pas des putains d'exercices de respiration qui l'aide. Même son Eau ne lui sert à rien. Enfin. Sauf quand elle est à la plonge. Elle vide l'évier plus vite en faisant des tourbillons dans l'eau sale. Super !... inutile. Une fois, elle a voulu retirer la sueur de son front sans utiliser ses mains... Elle a juste réussi à s'aveugler toute seule comme une idiote.

Bref Kaiko ne servait à rien. Donc elle était au bar, fermé pour l'occasion, mais elle tenait le comptoir comme si quelqu'un allait entrer.

Spoiler ; non. Parce que ceux qui sont pas en mission, ont rejoint la cellule de soutien elle sait même plus où. Kaiko n'a pas retenu où. Elle avait pas sa place parmi les gens inquiets et était trop déprimée pour soutenir qui que ce soit. A la place, elle fait donc ce qu'elle fait de mieux : elle se sert une pinte. ...Qu'elle a payé bien sûr, elle veut rien voler. Elle a même pensé à mettre quelques billets d'avance, parce qu'elle sait dans ses tripes qu'une seule bière ne sera pas suffisante. Elle a choisi de la Kilkenny, une petite rousse irlandaise, pas forcément forte mais au goût riche. De quoi la brûler à l'intérieur, mais lentement. Elle l'a descendue dans son gosier un peu rapidement, donc elle se resserre.

Y'a pas que ses pouvoirs qui font qu'elle se sent mal... Elle a voulu prendre des nouvelles de ses amis d'enfance... Bon, elle n'a pas envoyé de messages à Hayato parce qu'il était aux États-Unis et n'arrivait pas à comprendre le système des fuseaux horaire, ni à Ryôhei qu'était papa cette année... Mais elle n'a pas de nouvelles de Takeshi, qui ne lui avait pas répondu. Il y avait Ganta aussi, son pote yakuza qui ne lui envoyait même plus des photos de sa fille... Elle n'essaie même plus de téléphoner à son ancien voisin, le vieux Sawada. Il ne répond plus quand elle l'appelle. Peut-être qu'il est mort. En fait, personne ne lui répond, sauf les barmans avec qui elle échange de temps en temps sur les boissons favorites du moment et les brasseurs pour recevoir les bières étrangères dans les meilleures conditions. Son téléphone n'a jamais été aussi silencieux de sa vie.

Elle le regarde d'ailleurs, sirotant une gorgée avant de le reposer fort en fronçant les sourcils. Bon d'accord les autres, c'est pas si grave mais Takeshi putain ! Faut quoi pour qu'il réponde ce salaud ? Qu'elle aille à Sendai et le baise comme au lycée ?! :

-Pcht.

Elle finit son verre. En reprend un autre. C'est facile la bière, c'est frais, c'est rassurant. Surtout au bout de deux ou trois, ça commence à la rendre plus guillerette, plus molle. Elle sourit pour rien, elle se rappelle mieux des bons souvenirs même toute seule. Elle reprend son téléphone plus doucement pour regarder les photos, avec des musiques de j-rock en fond sonore pour occuper le silence de l'espace vide. Le bar est un peu angoissant quand il n'y a personne... Alors elle s'imagine qu'il y a du monde, des bavardages joyeux, elle tient sa propre bière et elle n'est plus toute seule. Elle sourit donc, en observant les photos qu'elle a sauvegardé partout ; des clichés de son nabot de frère et elle quand ils étaient mômes, déguisés en Chevalier du Zodiaque ou en personnages de Naruto -damn elle adorait ces costumes en carton pâte tellement cheap-, les scooters de ses freaks au lycée, leurs sorties baseball,... Elle se tourna vers un tabouret vide. :

-Vous savez, quand j'étais jeune, j'aurais jamais cru me tenir de ce côté du comptoir. Mes potes et moi, on faisait plus vieux, alors même mineurs on commandait de l'alcool au karaoké. Mais j'ai toujours été plus résistante que les autres. Je pouvais me faire un pack toute seule et être bien ! Maintenant, c'est pire ahah.

Pour ressentir le doux buzz dans son esprit, elle devait en boire deux maintenant. Quand elle était toute seule, c'était facile d'atteindre ce moment de non-retour. Celui où elle sait qu'elle ne sera sobre que le lendemain. Accompagnée, c'est moins facile, parce qu'elle parle, elle danse,... il y a des soirées où elle n'a le temps de boire que deux bières avant de rentrer manger, et elle a déjà dessoûlé au moment de se coucher. Alors soit elle boit encore un peu pour s'assommer et être sûre de dormir sans faire de rêves, soit elle essaie de s'endormir, le crâne remplit de sa journée vide et de visions qui viennent aléatoirement.

Aller. Une autre pinte. Elle regarde les bulles danser dans son verre, souffle sur la fine couche de mousse avant d'être prise de ce lourd hoquet que font les gens pompettes. Elle ferme les yeux. La musique a changé, les souvenirs attachés ne sont plus les mêmes ; plus tristes, mais elle les aime quand même alors elle écoute, distraitement. Une vision essaie de faire son chemin dans sa tête mais c'est trop flou, l'alcool troublant ses sens. Elle sourit encore, contente de pouvoir compter sur son amie la bière pour la soutenir dans n'importe quelle circonstance. :

-Jolie rousse... murmure-t-elle affectueusement.

Elle fait naître un tourbillon dans le verre pour faire danser la boisson. Pas longtemps par contre, faudrait pas qu'elle perde ses bubulles. Bref, elle boit, et tangue dans un semblant de danse avant de s'arrêter bien vite. Elle a la tête lourde déjà, c'est qu'elle boit trop vite. Tant mieux. ...Elle aimerait bien retourner au temps du lycée, où tout était plus facile, même se bourrer la gueule. Le fameux temps où elle ne pensait jamais à elle, parce qu'elle n'avait pas le temps. Elle avait un petit frère sur lequel elle devait veiller, des amis qu'elle voyait quasiment tous les jours, une maison et une voiture à retaper constamment, une grand-mère à aider autant que possible. Ouais elle a un boulot au bar, elle a plus de temps pour faire du sport qu'à l'époque où elle était au garage. Mais elle est pas heureuse. Elle sent qu'elle sert à rien, et tout ce qu'elle a appris n'est plus utile... Elle se plaint comme ces vieux qui ont leur petite vie bien rangée dans leur bureau.

Bon. Un petit shot de tequila pour le plaisir et une autre pinte. Elle regarde son téléphone. Rien. Beh, c'est pas grave, l'alcool occupe. Elle passe un chiffon sur le comptoir quand même, avant de prendre une gorgée. C'est ce moment qu'elle reconnaît bien. Elle a l'impression que sa langue a enflée, anesthésié, elle picote quand elle entre en contact avec la boisson donc Kaiko déglutit fort. Elle claque sa langue et soupire. Ce n'est pas assez hein. Genre elle avait un vide, pcht. Vide à bière, elle a qu'à se noyer. Elle regarde sa pinte comme si elle venait de lui parler. :

-Haaan c'est pour ça que je suis Eau en faiiit... pour me noyer. PWAHAH !

Son rire n'a aucune joie dedans. C'est aussi creux qu'elle. Si on tape la tête de Senri, y'a de l'écho, et ben Kaiko, c'est son torse qu'il faut taper. Comme le gars là... Putain elle a oublié. Mais c'est pas important. Elle peut jouer la comédie, tranquille, elle gère. C'est son boulot aussi. On ne s'est jamais occupée de Kaiko, elle maîtrise toujours la situation. C'est elle qu'on appelle pour remplir le silence, du coup elle peut très bien le faire pour elle, la preuve. Comme une adulte, une championne on vous dit ! :

-PUTAIN FER-BLANC DANS LE MAGICIEN D'OZ ! FUCK !

Hm, oui, c'était ça qu'on cherchait. Attendez... Ça fait combien de verres déjà ?... J'ai mal à la tête et j'ai envie de fermer les yeux, mais j'ai encore soif. :

-SAKE GA NOMERU SAKE GA NOMERU SAKE GA NOMERUZOOOOOOOOOOO ! Oh- erg...

Son rot la surprend, mais elle prend une inspiration. Ah. Plus de place pour boire une autre pinte. Elle se disait bien que c'était bizarre. Bon, par contre un petit shot et pause pipi, elle se cogne au bar, au tabouret, au mur, y'a rien qui va. Elle végète sur le trône avant de se redresser quand elle se souvient qu'elle n'a pas finit son verre. Et j'ai toujours soif. Elle prend son verre mais va fumer dehors. Elle se dit que l'air froid du dehors lui fera du bien. Elle n'a pas mis sa veste alors elle subit de plein fouet le froid de l'hiver. Enfin, son corps le subit, mais elle ne le sent plus, elle ne sent plus rien. Plus rien n'existe dans son petit paradis d'éthanol. Aaah son vide est verre. Et quand tu tapes dessus y'a de l'écho.

Encore. Avec un p'tit shot encore, pour pas que la pinte se sente seule. Tant que son corps le peut, le veut, tant que la cuve n'est pas aussi vide qu'elle, elle pouvait se remplir. Ça lui brûle la langue maintenant. Elle pose son menton sur le comptoir, regarde son téléphone. Vide. Putain y'a de l'écho partout. Elle rigole.

Il y a plus de musique. Depuis quand il n'y a plus de musique. Alors on se ressert encore. Même quand il ne se passe rien, il se passe tout. Maintenant, elle boit pour boire, parce que j'ai soif. Il n'y a même plus de plaisir mais... Elle rigole.

Elle se redresse mais son corps est trop lourd, sa tête percute le comptoir et elle tombe au sol, allongée derrière le comptoir. Elle rigole.

Elle n'a plus mal. Elle rigole.

Elle s'endort, là.