__-Ça, c’est une de ces soirées.
__-Où je me dis « sans déconner putain de bordel de merde si c’est ça le monde du travail, rien à foutre si ça fait chier Ashton je retourne dans ma jungle ».
__-Mais j’ai trop de conscience professionnelle pour ça. Je crois. Que dalle ouais. C’est surtout que les novices vont pas apprécier et elles constituent une part non négligeable de ma clientèle. Oui, je sais c’est un raisonnement qui ne tient pas la route quand on y réfléchit trente secondes.
__-Mais ça impliquerait d’avoir trente secondes à soi, ce qui là en ce moment est pas super facile.
__-Enfin, après vingt-deux heures trente ça se calme enfin. Les étudiants se sont rappelés que y’a cours demain, j’ai évacué ceux d’entre eux effondrés sur leur table dans la solitude de leur fond de bière devenue tiède, qui me font bien, bien trop penser à moi il y a quelques mois – et pour cause, j’étais littéralement à leur place.
__-Je regarde les derniers encore là.
__-« Oh les gens, je ferme bientôt.
__-– Mais… Le concept d’un bar, c’est pas… qu’on puisse y passer la soirée ? »
__-T’es qui toi. Encore un étudiant ? Mais t’as pas cours ou quelque chose comme ça ?
__-« Alors en principe oui, mais c’est un bar à chicha maintenant ici, mon fond de commerce principal c’est encore ceux qui consomment du liquide à boire, mais ça transite pas mal sur ceux qui sont en terrasse à fumer. Et on fume plus l’après-midi à l’heure de la sieste qu’à minuit passé.
__-– Mais…
__-– Et accessoirement j’ai une petite sœur, je dois me lever en même temps qu’elle pour pouvoir la voir un peu dans la journée, et je sais pas si ça t’est sauté aux yeux mais je suis toute seule. Alors à moins que t’aies envie de bosser ici…
__-– Vu comme ça…
__-– ’me semblait bien. Allez, finis ta conso et reviens demain si t’as encore soif. »
__-Ça se vide tranquillement. Il ne reste plus que cette nana, au demeurant franchement pas mal sapée et avec des cheveux assez incroyables.
__-« Yo ma grande, il serait temps d’assécher le cul du verre et de lever le sien, tu crois pas ? »

Je m'entraîne.

En fait, une fois qu'il n'y a plus de partiel, que ça m'use de passer la journée devant un miroir pour essayer des coiffures ou des maquillages qui au final sont les mêmes, il ne me reste plus que ça. Donc, je suis allée me poser au bar. Qui s'est transformé en bar à chicha depuis la dernière fois où j'y suis allé. Je n'ai jamais eu l'occasion d'essayer. Alors ayant le goût du risque, je me suis assise en terrasse. J'ai commandé un truc coloré pour cacher l'alcool (et pour aller avec mes vêtements tout droit sortie d'une pride) et j'ai allumé une clope.

Oui, d'abord, j'observe. En fait, c'est surtout parce que, mon goût du risque est restreint par... Je ne sais pas. Un sentiment d'angoisse face à l'inconnu ?

Bref. Au bout d'un moment je suis devenu invisible. Parfois, une cigarette se roulait dans les airs et commençait à se consumer. Et le contenu verre descendait petit à petit.

J'ignore si c'est l'alcool, la clope ou les volutes de fumée parfumé, mais j'ai l'impression, que sur cette terrasse, quand je suis invisible, je suis hors du monde. C'est un sentiment appréciable. Je crois.

Réfléchir si j'apprécie ou non ce sentiment, m'amène jusqu'à la fermeture. Je suis redevenu visible alors qu'un cinquième mégot se consume dans ma main. Jusqu'à ce qu'une fille, la gérante du lieu qui semble bouger dans tous les sens, ne me dise qu'il serait temps de bouger mes fesses.

J'écrase mon mégot, fini mon verre, le tout en faisant attention à chacun de mes mouvements, qu'ils soient à la fois gracieux et sophistiqués. Suivant éternellement le même schéma gerbant de fille parfaite sorti de Todaï et destiné à devenir l'élite japonaise.

Une fois debout, j'adresse un sourire pimpant et recouvert de gloss pailleté à la jeune femme face à moi. M'apprêtant à m'excuser et à pouffer, pour finalement dire de manière désinvolte que je n'avais pas vu l'heure et sortir une justification approximative qui ferait encore de moi, un modèle sociétale.

Sauf que, pas vraiment.

— C'est si dur que ça de tenir un bar ?

__-Hé bé, je suis encore tombée sur un cas. Notez, il n’y a que ça, à Terrae. Et tous les jours j’en croise au moins un dans la salle de bain, qui me fixe avec son air pas réveillé.
__-Je prends le narguilé qu’elle utilisait dans ma main gauche. Il va falloir faire plusieurs voyages, comme à chaque fois, pas envie de perdre le contrôle d’un doigt et de péter de la vaisselle. Et flemme d’utiliser un cristal pour améliorer la finesse de ma maîtrise des plantes qui constituent mon bras, là. C’est long et chiant d’en faire pour la journée quand y’a des clients, vu qu’il m’en faut un sacré paquet, alors j’essaie de limiter leur utilisation autant que possible.
__-« Bah écoute. »
__-Qu’est-ce qu’elle a la classe, par contre. Après c’est venant de moi qui n’ait jamais ne serait-ce que touché à du maquillage et pour qui le summum de l’effort c’est de se saper relativement proprement sans trop ressembler à une clocharde. Partant de là, n’importe quelle nana qui fait des efforts aura des airs de princesse en comparaison.
__-« Tu veux essayer ? »
__-Ah, tiens, curieux, ça. Dans ma tête c’était plutôt quelque chose comme « T’es libre ce soir ? » et ça allait embrayer sur une de mes légendaires techniques de drague, tellement légères et subtiles qu’on doit les transporter en camion et en évitant de les faire passer sur des ponts.
__-« T’es libre ce soir ? »
__-Je me disais aussi. Puis ça doit faire longtemps que j’ai pas dragué quelqu’un au débotté. Au moins… deux jours, peut-être trois.
__-« Tu verras ça vaut le coup. »
__-Et galère, ça y est j’ai oublié si je voulais lui proposer une sauterie ou un boulot étudiant.

Alors qu'elle débarrasse, mes yeux se posent sur son bras. Je crois reconnaître une prothèse ? Je dois avouer que je suis surprise. Ses plaintes de tout à l'heure étaient tout à fait légitimes pour quelqu'un qui tient un établissement, mais là, elles le sont encore plus. J'ai envie de lui proposer de l'aide, mais en fait, je sais pas. J'ai de suite assumé que ça devait être plus difficile de tenir son bar en ayant une prothèse à la place d'un bras. Est-ce que lui proposer mon aide c'est pas lui manquer de respect ? Correspondre encore à cette image de fille parfaite qui écrase les autres.

Sa phrase me sort de mes pensées en me demandant si je veux essayer. Je ne réponds pas tout de suite. Ce qui lui permet d'enchaîner en me demandant si je suis libre ce soir, en m'assurant que ça me plaira. Je sais plus exactement ce que ce qu'elle essaie de me dire. Est-ce que "essayer de tenir un bar" c'est une métaphore pour autre chose ? Je décide finalement de mettre mon esprit sur pause et de partir.

- Tu devais pas fermer ?

Oui, alors y aller à l'instinct, c'est bien. Mais là, en fait, je vais passer pour une imbécile.

- Fin, j'imagine qu'essayer avec des vrais clients, ça doit pas être malin.

Woh, je m'embourbe, là.

- Bref, oui. Je suis libre ce soir.

Est-ce qu'être invisible à rendu mes capacités d’interactions sociale inexistantes ?

__-Qui de nous deux est la plus confuse sur la teneur véritable de notre échange ? Enfin, je veux dire, on est tous les deux en train de se balancer des double-sens. Et probable qu’on soit tous les deux en train de se dire « mais c’est pas possible, elle m’envoie des énormes double-sens là, du coup je fais quoi ? » et d’en envoyer un à son tour à la réplique suivante.
__-Vous allez voir qu’on va finir par coucher ensemble, aucune de nous n’aura compris pourquoi ni comment on en est arrivées là.
__-Passons sur le fait que c’est le résumé de toute ma vie sexuelle.
__-« Okay, parfait. »
__-Il va falloir choisir ses prochains mots avec attention.
__-« Ben écoute, si tu veux, tu peux m’aider à tout ranger et nettoyer. »
__-Ça va…
__-« Puis si ça te semble pas trop chiant à faire, tu pourras revenir demain, j’ouvre vers seize heures. Et du coup toucher un salaire. »
__-Ça va…
__-« Et entre temps si tu veux on peut coucher ensemble. »
__-Ça va moins. Ou mieux. Non mais, c’est déjà un exploit pour moi d’arriver à tourner autour du pot le temps de deux répliques. Je me reconnais mieux, là, tout d’un coup. Est-ce que j’apprécie ce que j’aperçois… à peu près. Disons que j’en suis à un stade où j’en ai plus forcément grand-chose à foutre de ma réputation.

- Et, si on buvait d'abord un verre ?

Ceci est la réplique de quelqu'un qui ne comprends pas ce qui se passe et qui tente de gagner du temps. En fait, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me propose qu'on couche ensemble.

Un retour en arrière s'impose.

Après que je lui ai dis que j'étais libre ce soir, la gérante du bar me propose de l'aider à ranger et nettoyer. Ce qui en soit ne me dérange pas, vu qu'elle propose aussi de ma faire commencer demain à 16h. C'est un petit peu short au niveau des travaux que je dois rendre mais j'arrangerais mon emploi du temps. L'avantage de ne plus avoir instagram et autres réseaux à porté de téléphone, c'est que ça libère un temps phénoménale.

Dans tous les cas, l'aider à ranger ce soir, ça fait une espèce de "formation". Aussi courte soit-elle, ce qui me rassure un peu. Je préfère savoir à quoi m'attendre. En revanche, s'il y a une chose à laquelle je ne m'attendais pas, c'est que entre ce soir et demain, elle me propose de coucher avec elle.

On en revient donc où j'en étais plus tôt, quand je lui ai proposé de d'abord boire un verre, avec sûrement le visage le plus... Minute. Non pas de visage, finalement, puisqu'avec la surprise, je suis devenu invisible. Je réapparais, l'instant d'après, avec un sourire et un visage enjoué.

- Oups, je ne contrôle pas tout !

Personne n'y croit. Je suis juste devenu invisible parce que j'ai rougi. Ce n'est pas une manière de me dérober poliment. Seulement, cette fille, je la connais seulement depuis qu'elle m'a servit un verre et maintenant, elle me propose du taff. Et du sexe. J'aurais pu lui demande si ça faisait partit de l'entretien, mais j'ai été un peu prise au dépourvue. Dans tous les cas, je n'ai jamais eu de relation de manière aussi spontanée.

Chacune de mes relations s'est faite dans le cadre d'un couple, avec une attente d'au moins un mois avant le premier rapport.

Donc, je suis un peu désœuvrée, là tout de suite.

- Au fait, je m'appelle Katsuyo ! Et toi ?

Oui, parce que si jamais on couche ensemble, j'aimerais au moins connaître son prénom.

__-« Un verre. C’est pas une mauvaise idée. Puis ce sera gra— »
__-D’accord, donc c’est une Feu. J’aurais pas cru tiens.
__-« T’inquiètes. »
__-Non je dis pas, c’est plutôt approprié. Je me demande si je n’aurais pas fait la même chose à sa place, je dois dire. T’es là pépère tu profites et on te propose du ménage et du cul, c’est chaud j’admets. Surtout qu’effectivement. Je ne lui ai même pas donné mon prénom. Ni demandé le sien. C’est pas si mal que ça de n’avoir aucun complexe hein, mais par contre ça produit des situations affreusement gênantes. En vrai, je me demande comment ça se fait qu’elle ne m’ait pas déjà foutu une beigne.
__-Parce qu’elle est intéressée ? Oui non mais aussi, si personne ne me dit jamais non, je vais jamais apprendre moi.
__-« Luna. »
__-Okay alors maintenant il s’agit de récupérer la situation avant qu’elle devienne affreusement gênante.
__-« Du coup, on va se faire un truc, tu me suis au comptoir ? Prend ce que tu veux. Si c’est un cocktail, si tu veux bosser ici, je peux t’aider à le faire, il va falloir que t’apprennes t’façons. »
__-En vrai, je suis assez vannée, j’ai pas beaucoup dîné et il y a pas mal de taf à faire ce soir. Tout à ranger, les tables à nettoyer, les stocks à vérifier et passer les commandes si nécessaire… Même avec son aide je vais probablement en remettre une partie à demain, juste avant l’ouverture.

Luna/Katsu
Elle ne s’offusque pas de mon invisibilité, c’est déjà ça. En même temps, l’éclipse a pas mal perturbé les perceptions des manifestations de pouvoir inopinées. Enfin, j’imagine. Je n’ai pas connu Terrae avant l’éclipse. Dans tous les cas, elle accepte mon verre et me dit qu’elle s’appelle Luna. J’acquiesce avec un sourire, pour dire « enchantée de te rencontrer ! », si je l’avais dis à haute voix, j’aurais pu rajouter un « hihi ». Donc, autant fermer sa gueule et éviter d’être la cruche de d’habitude.

Je la suis jusqu’au bar tout en l’écoutant. Un cocktail ne serait pas sérieux, j’en ai déjà bu un, en plus j’ai beaucoup fumé. Ce n’est pas bon pour le maintien de mon hygiène de vie.

Mais, en même temps, je vis comme une moine en ce moment.

– Ça marche pour le cocktail. Je vais prendre un... sex on the beach.

Vous comprenez pourquoi je dois arrêter d’ouvrir la bouche ? Mais, après, c’est elle qui m’a perturbée, donc je ne suis qu’à moitié fautive. On va dire. Je me balance d’un pied à l’autre, alors que je regarde le bar et les bouteilles pour ne pas assumer ma connerie.

– Donc, euh, tu me montres ? Je passe derrière le bar ?

Ah, oui. Ai-je précisé que je n’ai aucune idée de quoi est composé un sex on the beach ?

– Et, toi qu’est-ce que tu vas prendre ?

__-D’accord.
__-Elle me dit son choix de cocktail. Je la regarde. J’appuie mentalement sur mon bouton mental de redémarrage mental.
__-Bah d’accord.
__-Non mais. C’est bien. On assume à peu près autant l’une que l’autre les conneries qu’on se dit.
__-Je la fais passer derrière le comptoir et sors des bouteilles.
__-« Ouais. Euh. Ouais ok. Alors. C’est pas super compliqué. Il faut de la vodka, de la liqueur de pêche, du jus, d’ananas, de la canneberge et le shaker qui est là tu vois. Comme ça fait partie des classiques, je laisse en général ce dont il y a besoin à portée de main sous le comptoir. Tu trouves tout dans la réserve sinon. C’est la porte derrière. J’essaie de faire en sorte qu’elle soit à peu près bien classée. »
__-Je commence à verser les liquides dans le shaker, avec un verre doseur pour lui montrer les proportions, puis ajoute des glaçons.
__-« Après t’as plus qu’à secouer. Tiens vas-y essaie. Ça peut prendre plus ou moins de temps selon comment tu t’y prend. L’important, c’est que ça ait un bon aspect et que ce soit bien mélangé. »
__-Genre typiquement, moi qui suis titanide, ça va plutôt vite.
__-Je lui tend le shaker pour qu’elle essaie. C’est la partie la plus rigolote il faut direeeeeet c’est quoi cette question.
__-Dans un effort surhumain de contrôle de moi-même, j’attends qu’elle repose le shaker avant de dire :
__-« Ben moi pour commencer si tu veux. »
__-Non parce que ce serait con qu’il lui tombe sur le pied. Ou finisse dans ma gueule.

Je l'écoute aussi attentivement que la situation me le permet. J'ai l'esprit un peu embrumé, je sais pas si c'est à cause d'elle et de la situation, ou de la dizaine de cigarette et du cocktail qui m'ont accompagnés dans mon après-midi. Je suis parfaitement consciente que boire un nouveau cocktail est une mauvaise idée. Je la regarde doser, puis m'expliquer qu'il faut secouer.

J'ai dû voir ça dans une soirée étudiante, il y a toujours quelqu'un qui ramène son shaker acheté trois mille yens, pour se la jouer barman, prince des cocktails, ou que sais-je. Et finalement, tu te retrouves avec quelque chose de très mal dosé que tu bois en quatre gorgées car quand tu en as déjà bu deux autres, et que tu n'as plus conscience des effets de l'alcool sur ta psyché. J'ai vraiment l'impression de digresser. C'est à cause d'elle ?

Je prends le shaker et commence à le secouer, je m'y reprends plusieurs fois, changeant de sens, de manière. Jusqu'à, ce que je finisse. J'ouvre le shaker et le verse. Quand elle répond à ma question.

Je la regarde.

Le verre est rempli, c'est un travail de cochon, c'est pire que les guignols de mes soirées étudiante. Je le prends et le vide. C'est immonde, chaque liquide vient l'un après l'autre. Aucune harmonie.

Je la regarde à nouveau. Elle est à côté de moi. Elle est assez grande toute de même. Elle doit faire dix centimètres de plus que moi.

Pour être honnête, je n'ai pas compris sa réponse. Je me suis dit que l'alcool m'aiderait, mais non. Est-ce qu'elle a un cocktail à son nom ? Est-ce que c'est un sous-entendu ? Après tout, notre discussion en est remplie.

- Tu veux pas plutôt goûter mon cocktail ?

Pour info, mon verre est vide, le seul endroit où il reste un peu de cocktail, c'est sur mes lèvres. Je me suis mise sur la pointe des pieds, aussi. Là, si le message passe pas, je redeviens invisible. Jusqu'à la fin de ma vie.

__-Attendez, quoi ?
__-Han, maintenant qu’on est proches je viens de remarquer un truc. Elle est pas grande la Katsuyo. Et qu’est-ce qu’elle fabrique. Pourquoi elle se met sur la pointe des pieds ? (Ce qui ne change pas grand-chose mais est affreusement mignon, comment vous voulez que je réagisse proprement dans ces conditions.)
__-Et en vrai. J’ai pas spécialement besoin de goûter son cocktail pour comprendre ce qu’il ne va pas avec. Elle a sous-estimé à quel point il fallait secouer et rien n’a été mélangé, ça s’est vu dès que c’est sorti du shaker. Ceci dit c’est pas si grave, mes premiers essais c’était des gâchis de bouteilles, pareil. Ça désespérait Lloyd d’ailleurs, mais après m’être gavée de tutos sur Youtube, ça a fini par rentrer.
__-Non mais qu’est-ce que je raconte. On s’en fout de ça. Oh. OH. HÉO LUNA IL Y A QUELQU’UN LÀ DEDANS. Il s’agirait de se respecter un peu. Elle m’a envoyé un signal tellement fort et tellement visible que si six mille Rohirrims passent la porte d’ici quelques instants je ne serais même pas si étonnée que ça. En fait, ce qui doit expliquer mon regard de truite hors de l’eau là, c’est que, d’ordinaire c’est moi qui lance ces répliques invraisemblables de stupidité mais qui marchent quand-même pour allez savoir quelle magie.
__-« ’faut soulever la bouteille alors. »
__-Vous voyez.
__-Non parce que du coup le problème c’est que, pour goûter son cocktail, je vais devoir me baisser. Mais en fait, vous savez. Je suis titanide. J’ai plus besoin de me baisser. Du coup je m’approche. Mets mon bras gauche contre ses fesses et mon métallique sur ses côtes. Active mon cristal – j’aurais l’air conne si ma prise est pas correcte et qu’elle se vautre. Je la soulève et la pose sur mon bras gauche. Ça ne veut rien dire venant d’une titanide, mais Katsuyo est toute légère.
__-Et du coup je l’embrasse.

Je suis une bouteille, donc. C’est à peu près la seule chose à laquelle j’arrive à penser. Je m’imagine en version bouteille. Ça ne vous est jamais arrivé d’être tellement pris dans un baiser ou quelque chose de similaire et juste, votre esprit divague ? Parce que moi, c’est totalement ce qui m’arrive.

Enfin maintenant que je rationalise, j’ai à peu près conscience de ce qui se passe et s’est passé. Après avoir suggéré avec subtilité à Luna que c’était le moment pour s’embrasser, celle-ci m’a attrapé et m’a posé sur son bras. Très délicatement.

C’est normal à Terrae mais, un, ça fait longtemps que je n’ai pas embrassé quelqu’un. Deux, comme ça à été dis plus tôt, je suis sur son bras. Ça reste une situation particulière. Et trois, je crois que j’ai oublié et que je suis juste en train d’apprécier.

Mes mains sont remontées jusqu’à son visage, pour finalement se glisser derrière sa nuque. Je suis assez entreprenante dans notre baiser. Le fait qu’elle soit littéralement en train de me porter me laisse le loisir de penser juste à celui-ci et à faire danser sa langue avec la mienne.

Finalement, quand nos visages se détachent, j’ai le feu qui m’est montée aux joues - pas littéralement - je reprends mon souffle alors que quelques mèches roses scindent mon visage.

Je la regarde, et je suis un peu perdue. Peut être qu’il faudrait que je dise quelque chose, mais en même temps, la seule chose à laquelle je pense, c’est à l’embrasser à nouveau.

Je ne suis qu’une feu après tout.

__-Ah ouais et en plus c’est une experte en la matière. La vache c’est chaud, on a à peine commencé j’ai déjà l’impression d’être hors de ma ligue. C’est la princesse et la camionneuse, là, figurez-vous. Enfin vous me direz, si ça m’avait jamais arrêté, je serais restée vierge et aurais probablement rejoint un couvent.
__-Uuhhh, je tremble rien qu’à l’idée. Ou alors c’est d’excitation d’avoir une si jolie nana, ben, littéralement dans les bras. Qui me regarde avec sa petite bouille trop choupie là. Et très explicite. Tu veux la suite du programme ? Ben écoute c’est parti. Je la pose avec délicatesse sur le comptoir. S’agirait pas qu’elle devienne invisible, quoique je pourrais encore me repérer rien qu’avec le toucher. Quoi qu’il en soit, maintenant que j’ai les mains libres, je les passe le long de ses hanches, puis sous son débardeur et je remonte lentement. Assez lentement pour qu’elle me dise stop avant que j’entre dans le vif du sujet. Ah, c’est quoi ce truc… Le soutif, c’est vrai. J’en mets jamais, ça me trouble à chaque fois que j’en palpe un.
__-Oui non mais je t’ai vu aussi t’en fais pas. C’est donc avec mes mains entre ma poitrine et la sienne que je m’approche de son visage. On est parties pour faire ça là sur le comptoir comme ça. Ah, mais, une minute.
__-« Bouge… Pas… »
__-Je dégage ma main gauche, sors mon téléphone de ma poche, va dans les messages, Pricie, le presse-papier, colle « je suis occupée avec un client ce soir, commande-toi à dîner je te rembourserai » et envoie. Oui, ça m’arrive tellement souvent que j’ai pris le coup et ne m’emmerde pas à retaper ça à chaque fois.
__-Ok ça c’est fait, on repasse aux choses sérieuses. Mes lèvres, ses lèvres, pas besoin de vous décrire la suite.

Je passe de sur son bras, à sur le comptoir. Ses mains passent sous mon haut. Je crois qu'il y a plus de place pour le doute, là. D'ordinaire, je préfère faire ça sur un lit, sauf que, le temps de d'arrêter de se rouler des pelles et de se peloter, faire le chemin jusqu'à l'institut, se demander dans quelle chambre on va, aller dans l'une d'elle, proposer un truc à l'autre et reprendre, y a des chances qu'on soit plus dans le délire.

Ah. Elle s'arrête. Elle sort son téléphone - avec toujours sa main droite contre ma peau, le contact de la prothèse est... intéressant. Enfin. Je. Oui.

Elle range son téléphone. Et m'embrasse à nouveau, comme si de rien n'était. Bon. Je reprends donc avec elle. C'est seulement quand je lui vire son haut que je reprends la parole.

- Euh, j'ai rien fais depuis que je suis invisible, et ça a tendance à réagir un peu n'importe comment, donc, si ça arrive, sois pas surprise.

Et, je ne lui laisse pas le temps de répondre, je l'embrasse à nouveau, remontant mes mains contre ses flanc et les glissant dans son dos. J'en profite également, tant que j'ai encore un peu de marge avec mes mains, pour choper mon sac, avec tout ce qui faut pour se protéger durant un rapport sexuel.

Ok, ça casse un peu la magie du moment, mais, ça reste important. Et, c'est quelque chose qui me détend. J'ai besoin de procéder par étape dans la vie.

Et là, l'étape, c'est finir nues toutes les deux sur le comptoir. Le peau contre peau est particulier, c'est peut-être que je suis feu, mais j'ai l'impression que la chaleur de nos corps est différente dans le sens. Je veux dire, son corps n'est pas froid, juste moins chaud que le mien... je suppose ? Il y a aussi le fait qu'elle ait une main en métal qui entre en ligne de compte. Bref. Je la laisse mener la danse et me contente de balader mes mains un peu partout, elle est titanide, je n'ai pas envie d'être trop entreprenante et la surprendre. Ce serait dommage de se casser quelque chose.

__-Allez, elle me désape. C’est parti. Et profite d’une trêve entre deux baisers pour me dire un truc. Mm, ouais, les pouvoirs qui se déclenchent au pif je connais ça. Genre, ça m’est arrivé de m’endormir à côté d’une plante et de devoir me débarrasser de ma couverture avec une machette le lendemain. Et je ne vous parle pas de mon titanisme. En vérité, ça me manque presque ça, le contact avec un végétal pendant que je pionce, comme avec une sorte de doudou, vous voyez. L’ennui quand on vit en intérieur et qu’on est Étoile, c’est que si je me laisse faire on se retrouve avec la Forêt amazonienne dans la chambre et là pour le coup c’est plus emmerdant. Dégrader des locaux, ok. Dégrader ses locaux, hors de question.
__-« T’inquiètes à force… » De me taper des Initiés ? « Je commence à avoir l’habitude. »
__-Enfin bref, du coup on est là sur le comptoir à se faire des caresses et découvrir le corps de l’autre, le sien frais, doux et lisse, le mien… pas épilé et avec une ou deux cicatrices qui doivent traîner quelque part. Et là elle sort… des capotes ? Ah ben oui. Non mais oui, c’est vrai que… ça existe. Me regardez pas comme ça, au Brésil c’était moins cher d’acheter des masculins et de les faire porter à mon partenaire que d’en acheter pour moi. Et le sexe lesbien, je ne pratique que depuis un peu plus d’un an, avec toujours des réflexes de shlags qui a pas un rond et va donc même pas penser à acheter un article de tout le latex disponible sur le marché.
__-Du coup je la regarde enfiler son micmac, sans rien dire. Prend ton temps, tout ce qui peut te mettre à l’aise ma grande. Et manifestement, elle attend que je prenne des initiatives. Ça se voit à son regard, ses gestes – plutôt son absence de gestes. Hé bien c’est parti.
__-« Maintenant qu’il est là ton micmac, autant qu’il serve, nan ? »
__-D’un petit bond, je grimpe sur le comptoir à mon tour et, punaise heureusement qu’il est assez large pour nous deux, me place au-dessus d’elle, ma main en métal pour me maintenir et pas l’écraser et l’autre qui court le long de ses cuisses, passe sous son fut et dans son sac plastique. C’est inhabituel, mais pas une sensation totalement inconnue, ni particulièrement déplaisante.