__-This is the Lockpicking Lawyer and what I have for you today is a DeGuard Lock Cylinder. It seems to be a pretty direct and high quality copy of the multilock interactive, which is a higher security lock that I featured on this channel many times in the past. The multilock interactive is one of those locks I have mixed feelings about…
__-Penché devant une porte, dans le couloirs des Eaux, Aylan, qui avait déjà enfoncé son entraîneur dans la serrure qu’il ambitionnait de crocheter, voulait savoir quel crochet employer. C’est qu’il n’avait jamais vu ce type de serrure et préférait ne pas prendre trop de temps à faire des essais.
__-Bien sûr, on pourrait se demander ce que faisait notre hydrophobe de protagoniste à cet étage. (On pourrait aussi se demander ce qu’il fabriquait avec son matériel de crochetage, mais qu’Aylan fût affairé à entrer par effraction chez des gens ne devrait plus surprendre qui que ce soit.) L’autre jour, se renseignant sur les pouvoirs, Aylan découvrit quelque chose qui allait bouleverser l’intégrité des provisions de quelqu’un : l’existence du pouvoir morphe. Mais ce qu’il avait déjà fait avec Pandora, à savoir entrer dans la vie d’une Air au hasard et l’inonder de requêtes propres à la magie terraenne, ne pouvait pas être répété ici. Ce n’était pas un pouvoir qu’il recherchait, mais une affinité. Il y avait une chance sur deux qu’il pénétrât la demeure d’un voyant, ce qui en plus de ne pas l’intéresser risquait d’être repéré avant même qu’il ne le tentât, ou eût l’idée de le tenter.
__-Cependant, l’identité d’une morphe était connue de tout Terrae ; celle du préfet associée à cette affinité. La question de savoir qui pouvait-il rencontrer s’en trouvait ainsi résolue.
__-La serrure céda enfin.

__-Mais me demanderiez-vous, en quoi la métamorphose intéressait-elle Aylan ? Ce à quoi je vous demande, en quoi intéresse-t-elle les morphes. Si vous avez la réponse à la seconde question, vous avez celle à la première. Pour entrer plus dans le détail, tout commença lors du visionnage de Princesse Mononoké. Difficile pour Aylan de dire quel personnage était son préféré : la noblesse et la force d’Ashitaka, comme son envie profonde de mettre fin à la guerre entre les différents partis, résonnait en lui. Mais Ashitaka aurait plus été une sorte de grand frère, d’inspiration. Dame Eboshi la répugnait avec sa fascination pour les armes, mais l’inspirait pour son traitement des plus faibles, à qui elle donnait une place. San était certes la plus inspirée en terme de costume et d’allure, mais toute la colère qui était en elle la rendait incompréhensible pour Aylan, certes traversé par bien des émotions négatives, mais pas celle-ci.
__-En revanche, elle chevauchait un loup géant. Ce qui était, pour le paraphraser, super cool.
__-Mais revenons à Aylan.
__-À présent en train de déambuler chez Ariana, il s’extasiait de la décoration. Peluches en nombre conséquent, jolis dessins collés aux murs, un foutoir qui l’aurait fait passer pour quelqu’un d’ordonné et, pour ce qui était du thème général, on pourrait le décrire comme ce qui se serait passé si un rayon de pots de peinture avait explosé sur les murs d’un appartement.
__-Vint le moment où il découvrit la cuisine. Un paradis que cette cuisine, si on exceptait le bordel, mais qui n’allait pas le choquer outre mesure. Ni en quelque mesure que ce fût par ailleurs. Aylan n’avait pas une idée très claire de ce qu’était le diabète, mais ses seules conséquences sur le contenu des placards suffisaient à le ravir. Il en aurait presque tiré une larme à mesure qu’il butinait dans la pièce, exhumant une trouvaille gourmande après l’autre, ne sachant pas par laquelle commencer. La personne qui se procurait ces friandises avait du goût, que dis-je, de la science en la matière.
__-Après un intense conciliabule avec lui-même, il jeta son dévolu sur des mars. Restait à attendre, posé sur le canapé, la propriétaire de ce qui était réduit à l’état d’emballages déchirés nonchalamment jetés au sol. Faisant une pause dans le chocolat et le sucre pour picorer dans un sachet de dragibus – qu’il avalait par ordre de couleur –, Aylant mit une autre vidéo de crochetage pour passer le temps.
__-Le cliquetis caractéristique de la serrure se fit entendre. Aylan l’avait-elle refermée à clef, pour qu’on ne se doutât pas que la porte avait été crochetée ? Sans doute que non. Toujours était-il, quand Ariana poussa la porte de chez elle, ce fut pour être accueillie par un :
__-« Chalut ! On choue à à dada chur le gros loup comme dans Princheche Mononoké ? »
__-Car bien sûr, il avait la bouche pleine.

Pouah, elle a encore abusé. Abusé de quoi, me demanderez-vous ? (Ou plutôt, la vraie question : quand est-ce qu'elle n'abuse pas ?) Eh bien, elle a trouvé un nouveau site hyper cool qui vend du tissu aux motifs incroyables. Mais ce n'est pas tout !! Du tissu en fibres RECYCLEES. Bon, ça a coûté une petite fortune, surtout qu'elle n'a pas pris que 2m de tissu, hein, mais comme elle n'a pas vraiment de loyer à payer, elle n'est pas pauvre non plus. Résultat, elle se retrouve avec quatre rouleaux de tissus presque aussi grands qu'elle dans les bras, à faire l'aller-retour entre la loge de l'entrée de Terrae, où sont livrés les gros paquets, et sa chambre. Note 1 : heureusement qu'il y a un ascenseur. Note 2 : ce n'est qu'en arrivant dans le couloir des Eaux qu'elle se rend compte qu'elle aurait tout simplement (??) pu se transformer en ours (???) pour transporter tout ce fatras ici. Ca lui aurait évité de devoir y retourner caaar il reste encore deux rouleaux qui ne rentraient pas entre ses bras de petite meuf d'1m55.

En arrivant devant la porte de sa chambre, elle est soulagée de réussir à l'ouvrir d'un mouvemement du coude… avant de capter que c'est chelou. Après, ce serait pas la première fois qu'elle oublie de fermer la porte, problèmes d'attention oblige. Elle manque de trébucher sur le tapis dans l'entrée, et souffle bruyamment en se dirigeant vers le lit pour poser ses rouleaux de tissu qui lui obstruent la vue… avant de faire une foutue crise cardiaque à cause d'une voix fluette de mioche à la bouche pleine. Elle laisse tomber (elle jette, en fait) les rouleaux vers l'avant par réflexe (heureusement ils sont trop lourds, sinon il se les serait pris dans la tête) et fait une pose de semi-karaté-truc-chelou-qui-ressemble-à-rien.

—Ehhhh mais t'es qui toi ?!!

Qu'est-ce qu'il bave le gamin ? Pourquoi il est installé comme un pacha sur son canapé, lui ??? Elle a invité quelqu'un et elle a ENCORE oublié, c'est ça ??? (… ??)

Puis elle baisse lentement les yeux, les tourne pour observer la pièce et comprend l'horreur de la situation : ce sale petit morveux a ouvert ses placards (il aurait pu les refermer omg) et s'est servi dans ses réserves de sucre. ET EN PLUS IL JETTE LES EMBALLAGES AU SOL !!! Evidemment, Ariana le fait aussi, mais eh, c'est SON appartement, y a qu'elle et ceux qu'elle a invité pour de vrai qui ont le droit de faire ça.

Ariana, le visage écarlate, s'écrie en pointant ses deux index vers lui comme deux pistolets :

—Lève les mains !! Lâche tout de suite ce mars et ne tente rien ou… ou je t'arrose !!

Princheche Mononoké de quoi, wesh, dada toi même, LACHE CE MARS OMG.

__–La présence inopinée d’Aylan avait suscité pour Ariana une cascade d’éléments à traiter. L’inverse était aussi vrai.
__–C’était la première fois qu’il la voyait et s’il s’attendait à quelqu’un d’aussi coloré, l’agencement baroque de vêtements, coiffure et accessoires choisi par l’Étoile, doublé du panel de tissus qu’elle portait, restait déconcertant pour les yeux. Se prendre un kaléidoscope en pleine figure surprend et émerveille toujours, même quand on s’y attend.
__–Notre protagoniste par effraction aurait bien répondu à la première question d’Ariana quelque chose qui ressemblait à une présentation en relativement bonne et due forme, mais celle-ci poursuivit par ce qui était bien une des seules choses qui pouvait terrifier Aylan. Tout réflexion fut alors anéantie par la pure peur d’être en contact avec de ll’eau. D’aucuns diraient, à quoi s’attendait-il à cet étage, mais ce genre de réflexion n’était pas le fort d’Aylan. Quoi qu’il en était, plus que des explications sur les raisons de sa présence, il lui fallait un abri.
__–Derrière le canapé était un bon plan, mais y penser impliquait une réflexion, une considération de l’espace et un choix tactique minutieux. Tant de choses qui étaient inaccessible au cerveau en panique du petit Air. Dont le pouvoir, justement, s’activa comme par réflexe de panique, générant un bouclier, une bulle d’air autour de lui. Qui était cependant bien trop peu maîtrisée, lancée par un praticien bien trop inexpérimenté du contrôle de l’élément subtil pour qu’il tinsse efficacement.
__–En lieu et place, il explosa dans la pièce, faisant s’envoler emballages, cheveux d’Ariana et collant certains des premiers dans les seconds.
__–Sa déflagration lancée, d’un bond, et alors qu’il avait toujours son mars dans la bouche, Aylan sauta derrière le canapé.
__–La question de savoir quoi faire après ne lui était, inutile de le dire, même pas venue à l’esprit. Pour l’instant, c’était sa phobie qui contrôlait ses gestes.
__–Et d’ailleurs, une petite – tout est relatif pour un Sonore – voix plaintive s’échappa de derrière le meuble :
__–« Naaaaan me mouille pas ! Je rangerai stuveu mais me mouille pas… »

(HRP : j'ai oublié de préciser, mais le RP est repoussé à après la Masterisation d'Alice du coup)



La sale p'tite race là !! Maintenant qu'elle s'y penche avec plus d'attention, il a une dégaine bizarre, entre ses yeux et ses cheveux hyper clairs, ça donne quelques arguments en plus à Aria pour l'insulter dans sa tête. Le pire étant certainement son jeune âge : ce n'est vraiment pas qu'Aria n'aime pas les enfants... Mais franchement, ils crient, ils s'agitent, ils sont incontrôlables (comme elle, en fait) et surtout ils n'écoutent rien !! Comment voulez-vous qu'elle se sente sereine avec un de ces mioches qui envahit son espace sacré ?! (100% mauvaise foi)

Surtout qu'il ne répond pas du tout à sa question et... fait exploser une bourrasque de vent dans sa chambre. Prise de court, Aria sursaute et recule, sans baisser ses armes ; elle met seulement un coude devant ses yeux pour éviter de se prendre un emballage dans les yeux. Bon sang, il en a foutu partout !!! Même certains objets sur son bureau ont été éjectés par terre. Et où il est passé, lui, maintenant ?! Aria cherche à droite et à gauche avant d'entendre le petit gémissement plaintif derrière le canapé. Levant haut le menton, elle se déplace mécaniquement sans tourner dos au canapé, juste suffisamment pour avoir un angle sur le gamin, index toujours pointés devant elle.

Elle hésite, puis abaisse les mains, poings sur les hanches. Elle ne doit pas avoir l'air fameuse, avec les cheveux en vrac, mais ce n'est certainement pas pire que d'habitude.

—J'espère bien que tu vas ranger ! Regarde ce bazar que tu as mis !

Bon, c'était déjà le bazar avant, mais wesh faut faire attention à l'intérieur un peu !!
Puis elle gonfle une joue, fait la moue, soupire intérieurement et croise les bras. Elle se radoucit un peu devant la bouille terrifiée du gosse. Tiens... Mais elle l'aurait pas croisé déjà ?

—Hé... C'est pas toi qui était avec nous pendant le combat de Master d'Alice ?

Déjà à ce moment-là, elle s'était étonnée qu'un Sonore puisse être aussi casse-pied. Elle en connait pas des masses, mais pour la comparaison, Allen était beauuuucoup plus terre-à-terre déjà.

—C'est quoi ton nom ? Pourquoi tu rentres chez les gens comme ça ?

Le fait qu'elle ait probablement régulièrement fait la même chose avec ses copains (et ses plans cul foireux, mais eux c'était pour saccager leur chambre, ils le méritaient ok) ne lui traverse pas l'esprit. Faut dire qu'ils sont pas copains, hein !

__–Si elle était réelle et même terrifiante pour Aylan, la menace d’Ariana fut au moins de courte durée. Encore peu rassuré, l’air contrit, il sortit de sa cachette.
__–« Euh bah ouais j’y étais, comme tout le monde quoi… »
__–À y repenser, il avait effectivement vu la préfet à cette occasion. Enfin, il serait plus exact de dire qu’ils avaient tout deux orbité autour de Nicolas. La seule impression particulière qu’elle lui avait donné était qu’elle avait un mégaphone. En y repensant plus tard, Aylan s’était dit qu’un tel accessoire serait une bonne chose à posséder. Crier fort c’est bien, s’aider de la technologie moderne pour crier encore plus fort, c’est mieux.
__–Puis, comme il n’avait pas du tout envie qu’elle le menaçât encore, il commença à ramasser des papiers de mars qui traînaient çà et là. C’était effectivement le bazar avant son arrivée, mais même Aylan pouvait faire la différence entre un désordre propre et un désordre sale.
__–Puis elle lui posa deux questions supplémentaires. La première était encore la plus facile :
__–« J’m’appelle Aylan. Je suis à Terrae depuis… – il compta sur ses doigts – six mois, à peu près. »
__–La seconde était la plus redoutable. Enfin, pas vraiment pour notre protagoniste, qui avait toujours opéré ainsi sans jamais vraiment faire face aux conséquences. Ou alors celles-ci se résumaient à le trouver trop mignon et l’adopter.
__–Étrange que cela n’eût pas marché ici, d’ailleurs.
__–« Bah j’avais faim. »
__–Un peu court, bien que vrai. Aylan sentit le besoin d’élaborer.
__–« Puis en fait je voulais te voir parce que je connais pas de morphes mais j’avais besoin d’une morphe étoile pour un truc je t’ai dit alors j’ai regardé la liste des préfets et j’ai choisi celui des morphes, en fait c’est parce que… – il recompta sur ses doigts – il y a dix jours j’ai regardé le film Princesse Mononoké et dans le film je suis pas si tu l’as vu t’as San qui chevauche un loup géant et je trouvais ça SUPER CLASSE – Ariana aurait bien fait de se boucher les oreilles à ce moment – alors du coup j’ai voulu essayer mais pour ça il me fallait quelqu’un qui puisse se transformer. »
__–N’ayant pas encore tout à fait fini de l’inonder de paroles, Aylan inspira et reprit :
__–« Et je me suis dit que ça t’amuserait et comme tu venais pas je t’ai attendu mais je savais pas quoi faire alors j’ai mangé tes mars et… euh… »
__–Et celui qui craignait plus que tout d’être mouillé eut des gouttes qui perlèrent contre son visage.
__–« Et euh, snif… »
__–Enfin, un peu de sérieux.
__–Aylan s’essuya le visage de sa manche. Il estimait avoir depuis longtemps passé l’âge où on chialait pour un oui ou pour un non.
__–« J’suis désolé. »
__–Et s’il n’arrivait plus à regarder Ariana en face, c’est parce qu’il ne voulait pas être vu en train de retenir ses larmes.

"Comme tout le monde, quoi"… Non mais il se fout d'elle ?!! Elle essaie de se montrer sympa deux secondes et voilà qu'il est de nouveau relou !! Comme il abuse ! L'ancienne rouquine grommelle et plisse le nez d'un air agacé. Mais heureusement, il commence à ramasser les papiers de mars sous son oeil sévère. Aria essaie de se calmer, et s'autorise à souffler un peu pour laisser échapper un peu de sa tension. Aylan, donc… Il est là depuis peu de temps, mais suffisamment pour qu'elle ait pu le croiser plusieurs fois. Faut dire qu'entre le café BD-mangas et son job de couturière, elle est un peu moins oisive ces derniers temps ; ça s'explique peut-être…

Elle s'apprête donc à sourire lorsque le jeune garçon répond une banalité sans nom, d'un illogisme pourtant imparable. De longues secondes passent durant lesquelles elle ne sait pas si elle doit le choper par le col et le jeter par la fenêtre, ou juste l'arroser d'eau. Elle ramène donc son coude contre elle, pour lui montrer qu'elle a toujours son finger gun enclenché et qu'elle peut l'utiliser ABSOLUMENT QUAND ELLE VEUT. Son explication plus élaborée lui convient mieux, mais elle reste bloquée sur la prémisse stupide : "j'avais faim donc je suis venue dans ta chambre" MAIS QUI FAIT CA ??? (Aylan, visiblement.) Elle crisse des dents quand il crie, par contre.

Ariana s'approche donc de lui et se penche dans sa direction, poings posés sur les hanches. Ses larmes de crocodiles l'attendriraient presque (PRESQUE !!!)(c'est très efficace), ainsi que la mention de Princesse Mononoké qu'elle ADORE D'AMOUR. Elle lui donne donc une petite tape de l'index sur le nez pour attirer son attention.

—Bon, j'ai pas de souci avec le fait de discuter de Princesse Mononoké qui JE L'AVOUE est super chouette comme film, PAR CONTRE… Quand une porte est fermée à clé, surtout une chambre, c'est que c'est privé, tu as pas le droit d'entrer. Je veux plus jamais te voir rentrer dans ma chambre quand elle est fermée, sinon je te jure que je t'arrose ! J'ai failli faire une crise cardiaque ! Et certaines personnes sont pas très sympa ici, donc fais attention…

Elle essaie de pas se montrer trop dure, parce qu'elle sait pas trop ce qu'il a pu vivre, et il est encore jeune. Peut-être qu'il a vécu dans la rue…

—Mais quand c'est ouvert, c'est que tu peux entrer, ok ? T'es pardonné, merci pour tes excuses, sourit-elle. Bon et du coup… C'est quoi cette histoire de Princesse Mononoké, tu viens seulement de découvrir le film ?! T'en as pensé quoi ?!

Faisant le tour de la table, elle attrape puis lui tend un mars en regardant ailleurs. Ouais, définitivement, un petit qui chiale, c'est trop pour elle, elle peut pas le menacer bien longtemps.

__–L’idée même que fermer une porte voulait dire qu’on avait pas le droit d’y entrer échappait quelque peu à Aylan. Il aurait su ouvrir la plupart des serrures qu’il avait jamais forcé aussi voire plus vite que leurs propriétaires, s’ils utilisaient leur clef ou leur code. Si on voulait vraiment empêcher aux gens de pénétrer son domicile, ne fallait-il pas utiliser des systèmes de sécurité plus performants ? Certes, on aurait pu lui arguer que les personnes dotées de compétences en crochetage n’étaient pas si nombreuses que cela, mais, on s’en doute, il n’avait jamais vraiment réfléchi à la question.
__–De même, l’argument qu’il risquait de pénétrer chez des personnes peu sympathiques n’arrivait pas à avoir de prises sur lui. Surtout après que la personne avec qui une effraction se fût le plus mal passée, à savoir Ariana elle-même, se pencha vers lui, lui tapota le nez et accepta d’entrer dans son délire. Ce qu’il ne manqua pas de lui souligner :
__–« Bah ouais mais toi t’es gentille en vrai… »
__–Et sur ces entrefaites, elle lui demanda de s’épancher sur la principale raison qui l’avait fait venir ici. Aylan réfléchit un instant. Il serait difficile de résumer son avis sur le film sans y passer près de trois mille mots – ce qui a déjà était fait par ailleurs –, mais tout n’était pas utile dans ce cas précis. Aylan aurait pu parler lu rapport très singulier que le film avait avec la violence et la guerre. Principales forces motrices, bien avant l’amour ou tout autre sentiment, elles étaient les mécaniques principales servant à faire avancer l’intrigue. Les personnages allaient en guerre, ou la fuyaient. Mais ce n’était pas le sujet du film. Son sujet n’était, dans le fond, pas non plus l’histoire d’amour impossible et tragique entre San et Ashitaka, ni le dilemme moral entre technologie et nature, selon Aylan. Ni même sur le caractère relatif de la morale tout court, l’absence de manichéisme inhérent au monde. Non, le sujet, c’était plutôt, considérant les efforts déployés en ce sens, la forêt. C’était un film qui parlait des bois et des bêtes qui y vivaient, en son sein comme en sa lisière. Un film sur les plantes qui poussent, la pluie qui tombe sur les feuilles et les écorces – brr –, les animaux qui courent, s’ébattent, et tuent.
__–« Euuuuuh beeeen j’ai beaucoup aimé. »
__–Un peu court. Et en même temps, il avait bien compris qu’il ne pouvait pas non plus trop s’exciter et commencer à inonder Ariana d’un flux ininterrompu de paroles, ce qui aurait été au diapason avec son enthousiasme, mais aussi peu apprécié. Et Aylan, après tout, était là pour obtenir du préfet plus que des mars, mais une faveur.
__–« Mais ça m’a rendu triste un peu aussi. En fait ça m’a fait beaucoup penser, euh, à une euh… une amie à moi… … enfin c’est pas juste mon amie… Et, euh… »
__–Non, il ne se sentait pas de parler de choses aussi intimes avec une inconnue.
__–« Et euh l’animation était trop méga géniale aussi ! Et bah du coup c’est pour ça que je suis venue te voir parce que je sais que t’es morphe et je voulais faire comme dans le film. Et toi t’as aimé ? »

De ouf qu'elle est gentille. S'te plaît, y a des stickers colorés partout sur sa porte, et elle est Eau ; c'est EVIDENT qu'elle est gentille. Elle lui lance un regard un peu saoulé, genre "fais pas chier, y a des gens pas gentils, t'as JUSTE DE LA CHANCE mini crotte" mais n'insiste pas trop. Lui faisant un signe de la main, elle lui désigne son canapé pendant qu'elle ramasse les derniers papiers traînant au sol pour les jeter et le laisse réfléchir, tout perdu qu'il a l'air dans ses pensées. Finalement, elle va se servir un verre d'eau (elle lui en propose un, quand même, elle est pas reloue à ce point) et cligne des yeux face au manque d'enthousiasme du gamin. "J'ai beaucoup aimé". "Et tu viens me faire chier alors que je te connais pas pour un film que t'as juste "beaucoup aimé *insérer ici une voix monocorde*" ???", aurait-elle envie de lui dire.

Mais la suite la fait tiquer et son oreille semble se tendre. Une lueur intéressée nait dans ses yeux alors qu'elle se rapproche :

—Ohhhh bah alors, t'es amoureux ou quoi ?!! demande-t-elle en lui tirant la joue, maintenant réellement intéressée (c'est les ragots, faut la comprendre ; elle aussi a été adolescente, et certains argueraient qu'elle l'est toujours un peu).

Elle finit par s'assoir à côté de lui et s'assied en tailleur.

—Les Ghiblis sont TOUS géniaux, l'animation est dingue !! Evidemment que je l'aime beaucoup, il est vraiment cool ! Ca fait un moment que je l'ai pas vu par contre, tiens… Mais c'est vrai qu'il est triste, mais je trouve qu'il est aussi un peu porteur d'espoir, surtout à la fin. Malgré tout ça… Pourquoi ça t'a fait penser à cette amie ? Ca t'a rendu triste parce qu'elle te manque ?

Aria incline finalement la tête :

—Et quand tu dis comme dans le film, c'est à dire faire comme San ?

__–À force, Aylan avait l’habitude de se faire ébouriffer les cheveux, attraper, câliner et ici tirer les joues par à peu près toutes les personnes qu’il rencontrait. Il était mignon, le savait très bien et cela ne le dérangeait pas vraiment. Tant qu’on n’essayait pas de le faire avec les mains mouillées, ce que bien des jeunes et mêmes des adultes faisaient parfois. Et ne comprenaient pas que ce qui n’allait provoquer qu’une gêne à demi amusée chez la plupart des gens évoquait des sentiments bien moins doux qu’amers chez notre protagoniste.
__–Et au final, Ariana voulait aborder le sujet. Aylan, pas tellement. Mais d’un autre côté, c’était une occasion d’avoir un peu de proximité et de complicité avec la préfet, ce qui était tout de même un ingrédient indispensable à ce qu’il pusse la chevaucher et partir dans une grande cavalcade avec elle vers le couchant. Ou du moins vers la forêt, ce qui serait déjà pas si mal. Aussi consentit-il à répondre. Mais encore fallait-il savoir quoi et surtout, comment. Oserait-il dire qu’effectivement, ses sentiments correspondaient au mot utilisé par Ariana ? Certes, il était au courant que le qualificatif d’amoureux était souvent utilisé dans un but moqueur par les gens de sa tranche d’âge. Il savait aussi qu’il n’était jamais utilisé par les adultes : eux étaient en couple, ensemble, ou avaient une relation avec quelqu’un. C’était les enfants qui étaient amoureux. À eux, on donnait le noble mot devenu dérisoire, pour eux, on conservait les expressions dont le caractère euphémique était inversement proportionnel à leur sérieux.
__–Or, pour Aylan, cette histoire était tout à fait sérieuse. L’était-elle pour celle avec qui il la partageait ? C’était bien possible. Elle l’exprimait à sa façon, c’est à dire à peine, mais il était rarissime qu’elle exprimât quoi que ce soit en vérité. Aylan avait-il peur que ses sentiments ne soient pas réciproques ? Nullement. Il n’aimait pas Lola dans la perspective d’être un couple avec elle. Et pour cause : il n’avait cessé de l’aimer, l’aimait avec une intensité chaque jour renouvelée et accentuée, depuis qu’ils avaient été séparés. Que répondre, donc ? Comment exprimer ces sentiments, qui s’ils sont du domaine du descriptible par des mots pour votre narrateur, n’étaient jamais que ressentis sans avoir jamais été formulés par notre protagoniste ?
__–« Oui. »
__–Un oui triste, un oui faible, mais un oui sincère, un oui profond, un oui intense.
__–Et surtout, un oui dont on ne savait pas vraiment à laquelle des deux questions il répondait.
__–Enfin, quand Aylan se remit à faire couler quelques larmes, sans vraiment s’en rendre compte, il était clair que c’était pour les deux à la fois.
__–Mais encore une fois, il n’était pas venu pour ça.
__–Pas plus qu’il ne désirait s’épancher plus sur la question. C’était non. Pas là. Pas avec elle. Si on excepte l’ironie de l’histoire, Ariana n’était, pour Aylan, jamais plus qu’une inconnue rencontrée il y a quelques minutes et qui l’avait menacé de le soumettre à ce qui était pour lui une véritable torture. Elle ferait très bien l’affaire pour une compagnonne de jeu, pas pour quelqu’un dans les bras de laquelle il pouvait aller se plonger pour qu’ils servissent d’éponge à ses larmes.
__–Enfin.
__–On sait tous que c’est faux.
__–Ce n’était plus la même eau qui sortait des yeux d’Aylan, ou plutôt, qui alla mouiller le haut d’Ariana. Elle n’avait plus l’âcreté de celles de la peur, mais la lourdeur humide de la tristesse.

Aria ne s'attendait pas vraiment à ça. Faut dire que la majorité du temps, elle ne parle pas à des enfants — trop vif, trop agaçant, un rappel humain et constant que sa fille devrait avoir le même âge, qu'elle aurait pu l'élever, la chérir, être présente- STOP. Et là, sa bouille d'enfant change, son visage se tord un peu, ses yeux deviennent infiniment tristes. Il a un côté étrange, justement, cet enfant — un préado qui n'a pas encore eu sa poussée de croissance, aux allures mignonnes et fragiles, boudeuses, mais qui, lorsqu'elle l'observe un peu plus, a un regard bien plus perturbant. Perturbant car il semble comme éteint alors même que son corps est animé, plus vieux que son âge, et en même temps encore naïf.

Elle ne se rend compte que trop tard qu'elle n'aurait pas dû le titiller sur ce point — elle oublie qu'ici, à Terrae, les plus jeunes sont aussi parmi les plus fragiles, et que la moindre étincelle de joie ne cherchait qu'à planquer la souffrance qu'ils cachaient au fond. Un adulte peut se gérer seul, un ado avec les autres ados ; mais un enfant a besoin d'un adulte, de réconfort, et surtout pas de moquerie comme elle a pu le laisser transparaître, peu importe s'il est agaçant. Il en a le droit, après tout, au moins un peu : elle aussi l'était, plus jeune, même si différemment.

Alors quand elle le voit pleurer, que ces grands yeux tristes s'emplissent de larmes, elle ne peut que poser son verre et se tourner vers lui. D'abord, sans trop savoir comment réagir ; ça la renvoie au désastre qu'elle est, à cette adulte râtée qu'elle représente, cette mère qu'on a pensé qu'elle ne pourrait jamais devenir — même elle, au final. Doucement, maladroitement, elle pose sa main dans son dos pour le frotter ; elle a envie de l'enlacer, mais l'amertume et la peine l'empêchent un temps de l'attirer contre elle. Comme si elle pouvaIt le briser d'un geste — elle l'a déjà fait avec quelques mots, plusieurs fois. Ca lui suffit pour se convaincre encore qu'elle a bien fait de ne jamais devenir une maman.
Tant mieux.

Elle peut au moins faire semblant d'être une adulte maintenant.

—Excuse-moi, je voulais pas te faire pleurer, chuchote-t-elle.

Malgré tout, elle ouvre l'autre bras, comme pour lui proposer un câlin s'il le souhaite. C'est ce qu'elle fait avec ses amis, et ils la comprennent en général ; mais là, les mots se coincent dans sa gorge.

Elle est vraiment trop bête.

__–Bien entendu, Aylan accepta le câlin. De manière étonnante, plus son séjour à Terrae se prolongeait, plus il devenait émotionnellement instable. Jamais de la vie, il y a quelques mois de cela, aurait-il pleuré ainsi toutes les larmes de son corps dans les bras d’une parfaite inconnue qui s’était contentée de lui adresser une remarque innocente. Ce n’était certes pas la faute d’Ariana : il est vrai qu’elle avait déjà fragilisé le petit Air en réactivant sa terreur de l’eau, puis en le grondant, puis en amenant le sujet de Lola, mais elle n’avait eu que le malheureux rôle de déclencheur ; de quelque chose qui serait arrivé, tôt ou tard.
__–Et mieux valait que ce fût dans ses bras. Il était bien content d’être en sa compagnie, présentement. Bien à l’inverse de ce qu’Ariana devait penser, d’elle-même comme de l’opinion qu’Aylan pouvait avoir d’elle. Ariana était même allée jusqu’à s’excuser, chose rare pour les adultes.
__–Inutile de chercher plus loin la raison de cette croissante expressivité. Il ne devait bien y avoir qu’à Terrae, que des scènes de cette espèce étaient possibles. Depuis qu’il y était, tout ce qui était enfoui en Aylan ressortait. Il avait déjà accepté que s’exprimassent son exubérance, son enthousiasme, son incapacité à tenir en place, mais ils ne constituaient jamais que la plus reluisante face d’une pièce, qu’il ne pouvait pas empêcher de révéler son revers.

__–Petit à petit, ils s’en remettaient d’un comme l’autre. On ne peut pas être triste tout le temps : les yeux sèchent, l’abattement s’en va, l’esprit pense à autre chose. Et puis, si Aylan avait bien appris quelque chose, c’était que pleurer pour que quelque chose arrive ne ferait que l’éloigner de soi ; vu que tout le temps qu’on passait à geindre, on ne l’employait pas à tâcher d’obtenir ce qu’on convoitait. Notre protagoniste pouvait presque entendre la voix moqueuse mais fraternelle de Miguel lui répéter cette leçon.
__–Certes, pour ce qui était d’être réuni avec Lola, Aylan n’en voyait pas le moyen, mais au moins était-il assez lucide pour se rendre compte que dans son état, il ne voyait pas grand-chose. Et ce d’autant plus que les larmes brouillaient sa vision. Il quitta donc enfin l’étreinte chaleureuse d’Ariana, se passa sa manche sur le visage, renifla un bon coup et essaya d’aligner deux pensées cohérentes.
__–« Ça va mieux, merci… On, euh… Du coup tu veux bien qu’on fasse comme San et ses loups quand-même ? »

Étonnamment, Aylan accepte le câlin. Encore plus étonnamment, Ariana n'hésite pas avant de le serrer contre elle. Il est encore tout petit, même pas encore un adolescent, à ses yeux. Trop jeune pour être à Terrae, selon elle. On devrait pas avoir le droit d'être malheureux si jeune, déjà tout cassé à l'intérieur que quelques phrases nous font pleurer. Elle lui caresse gentiment les cheveux en attendant qu'il se calme, et ce geste la berce elle aussi. Ca la renvoie à un autre souvenir, plus ancien ; presque autant que lui.

Lorsqu'il s'est calmé, Ariana se recule et se penche pour attraper un mouchoir et lui tendre. Elle a un sourire un peu gêné, sans trop savoir quoi ajouter de plus. Ce serait sûrement de trop, et même elle sait parfois se taire. Heureusement, la tristesse passe comme un nuage chez ceux qui l'autorisent à ne pas s'installer — une compétence qu'elle aimerait bien apprendre à maîtriser.

—Oui, on peut faire comme San et les loups. Mais pour ça, il va falloir qu'on sorte !

D'un bond, elle se remet sur ses jambes et lui tend la main pour l'aider à faire de même. Bon, il vient de se moucher et s'essuyer la morve avec sa manche, mais on va oublier ce détail — ptn, les gamins sont vraiment dégueu.

—J'ai une idée d'où aller, mais c'est une surprise ! Sauf si tu avais une envie plus précise en tête…

Puis s'ils sont dehors, ça lui remettra les idées en place à elle aussi, pas vrai ? Courir lui permettra de se dégourdir les pattes.

__–Sortir, oui, c’était là une bonne idée. Se changer les idées. Prendre l’air. Quand on est sous les feux du Soleil et en compagnie d’une amie, rien de vraiment mal ne pouvait arriver. Aylan se leva avec un peu plus de mollesse dans ses gestes, mais ils n’étaient pas encore au diapason de son enthousiasme. Il lui fallait encore un peu de temps pour cela. Et de répliques encourageantes d’Ariana, ce dont elle l’abreuva avec son habituelle prodigalité.
__–Aylan n’avait, on s’en doute, pas plus réfléchi que cela à où leur course pourrait avoir lieu avant de venir. Ce à quoi il s’employa sitôt que sa compagnonne lui posa la question. La forêt était un lieu évident, après tout c’était en son sein que San et les loups évoluaient le plus clair du temps, mais celle de Terrae était une forêt bien réelle, pas de dessin animé. Il était douteux qu’on pût s’y déplacer aussi vite que des personnages de fiction, qui étaient régis par les lois du cinéma et de l’image animée et non du temps de réaction d’un être humain, de la vitesse d’accélération maximale d’un canidé de deux mètres de long, ou encore de son agilité dans les tournants et habileté à esquiver les obstacles. (On aurait pu compter parmi ces derniers les promeneurs, qui toujours arpentaient ces bois pour s’y ressourcer après le travail ou les cours, mais à Terrae, la vision d’un enfant chevauchant un loup géant n’aurait, somme toute, estomaqué personne plus que cela, à part peut-être les novices. Mais l’étonnement et l’émerveillement faisait partie de leur processus d’intégration à d’institut.) Si le cadre sylvestre était adapté par sa thématique, il n’autorisait que peu les pointes de vitesse, ce qui était quelque peu sous-optimal. Par ailleurs, bien qu’agréables, la forêt terraenne n’était en rien mystérieuse. Complètement artificielle, entretenue, parcourue jusque dans ses moindre recoins, elle ne ferait que bien pâle figure face à celle du Shishi-Gami. Mieux valait peut-être changer complètement de scène, plutôt que d’être déçu à essayer de s’approcher de celles déjà connues. L’espace vert et le champ de fleur, grandes prairies planes et vides de tout obstacles, se prêtaient mieux à la vitesse, sentir le vent dans ses cheveux. Mais elles étaient aussi bien vides et faire des aller-retours en boucle aurait un intérêt qui irait très vite décroissant. Le village avait les mêmes inconvénients que la forêt en terme d’obstacles, en pire si on ajoutait tous les passants, mais avec la possibilité, à ne certainement pas négliger, de bondir d’un bâtiment à l’autre.
__–En clair, après une intense réflexion, Aylan en vint à la conclusion qu’il n’y avait pas de choix parfait et qu’il valait mieux diversifier les expériences. Ne serait-ce qu’un aller-retour vers la forêt jusqu’à l’institut, qui passerait par les prés et le village, serait une très bonne excursion.
__–Mais sans nul doute Ariana avait-elle eu une meilleure idée.
__–« Euh… dis ton idée avant ? Parce que sinon moi j’avais pensé qu’on pourrait aller jusqu’à la grille à l’autre bout et revenir et on passerait par tous les endroits cools où on pourrait aller vite et sauter et tout ça… Tu crois que tu saurais sauter d’un toit à un autre ? Et tu peux aller à quelle vitesse ? T’as déjà couru en étant un loup ? Même pas forcément un géant hein, et puis c’est quoi ta couleur préférée ? »
__–Pour le pelage. C’était important.

Aylan la suit, mais pas avec autant d'entrain qu'au début. Une pointe de culpabilité pique son coeur, mais qu'importe ; elle sait quoi faire pour lui remonter le moral, alors elle le fera, et même très bien ! Il réfléchit longuement, pendant qu'elle pousse ses rouleaux de tissu, referme la porte à clés derrière eux (bon, ça sert visiblement à rien, mais au moins on pourra pas lui reprocher d'avoir laissé la porte ouverte) et l'entraîne dans les couloirs de son pas sautillant.

C'est un gamin marrant, quand même ; un coup il lui dit "dis ton idée", et puis immédiatement après il répond à la question qu'elle lui a donnée. Il lui rappelle un peu sa manière de communiquer à elle, un peu impatiente, agitée, enthousiaste ; il faut que ça aille vite, tout le temps, sinon c'est l'ennui — et l'ennui, lui, est son ennemi mortel. Son emploi du temps est rempli à ras bord tous les jours pour l'éviter, cet ennui. Elle serait bien incapable de rester allongée à ne rien faire de productif durant plus d'une demi heure ; ce serait du temps de gâché, alors qu'il y a tant de choses à faire ! Bien sûr, la partie de socialisation est importante pour Ariana, et elle n'entre pas dans le domaine du "rien faire". Être en lien est sans doute ce qui la rend la plus heureuse ; c'est peut-être pour ça qu'elle s'isole si bien lorsqu'elle va mal… L'auto-punition par excellence.

—C'est une bonne idée ! rit-elle. Je te propose plutôt autre chose : on commence en sortant d'ici, on fait le tour de Terrae en direction du village, et on rejoint effectivement la grille de l'autre côté ; par contre, j'ai encore deux rouleaux de tissu à ramener chez moi, donc j'aimerais en profiter pour aller les chercher. T'es ok ?

Elle demande, mais en vrai, elle compte lui rappeler que c'est elle le moyen de locomotion, à la base.

—Sinoooooonnnn euh je sais pas si je pourrai sauter de toit en toit… mais je peux essayer, ajoute-t-elle avec un air de conspiratrice, avant de croiser un bras et tapoter son autre index contre son menton. La vitesse, euh, je sais plus trop… De mémoire, je dirais que c'est au moins 40 ou 50 km/h, c'est pas aussi élevé que le jaguar ou le guépard… Par contre les loups peuvent courir plus longtemps à la même vitesse, contrairement aux deux autres, qui font plutôt des pointes à vitesse très élevée — c'est plus de 100km/h quand même… Enfin, si tu veux on pourra essayer ! J'irai pas aussi vite qu'un guépard à pleine vitesse, surtout avec toi sur le dos, mais ça peut se tenter !

On pourrait se demander comment elle sait tout ça, mais la vérité c'est que depuis qu'elle est Morphe, elle ponce toutes les encyclopédies et documentaires animaliers qu'elle peut lire ou regarder. Elle a même un petit classeur exprès, classés par thématiques : des "trucs à essayer" en passant par "je comprends pas comment cet animal est fichu, ah, merde, les genoux sont dans l'autre sens !", ceux qui courent ou volent le plus vite, ceux qui sont discrets ou se fondent le mieux dans leur environnement, ceux qui entendent ou voient bien dans certaines situations, ceux qui peuvent te tuer, ceux qui sont marrants,… Oué, bon, c'est une liste de feuillets avec les caractéristiques principales, des photos pour étudier la morphologie (non parce que vraiment, des fois elle les monte à l'envers). Elle connait pas son classeur par coeur, mais ceux qui vont VITE, ça, elle les a bien bien étudiés. Au cas où, tout ça.

Hm, par contre il avait posé d'autres questions nan ?

—Et euh, euh… Couleur préférée, euh, pour le loup ?? Ou en vrai ?? Euhhhh bah euh oui j'ai déjà couru en loup, c'est l'animal préféré de mon meilleur copain héhé ! Nicolas, tu le connais, il était là au combat d'Alice.

Elle se souvient pas de la dernière fois qu'elle s'est transformée en louve, mais elle se souvient de la fois où elle s'est attaquée à un dinosaure-Master-Morphe (longue histoire hé) et où elle a fini avec un bras cassé. Pas terrible comme épisode, 2/10, peut mieux faire. Ouais, elle a pas répondu à la question d'Aylan du coup, mais y en avait trop et puis zut. Il verra bien !

__–La proposition d’Ariana, dans le fond, ne différait pas de ce qu’Aylan avait en tête. Et puis, il était tout simplement ravi à la seule perspective de pouvoir faire ce pourquoi il était venu. Aussi répondit-il avec un enthousiasme qui était déjà bien renouvelé :
__–« Oui on fait ça ! »
__–Cinquante kilomètres de vitesse optimale, c’était là une perspective qui ravissait au plus haut point le petit Air. Une voiture à une allure modérée, en somme. Il avait bien entendu déjà parcouru des dunes sur un véhicule allant à cette vitesse et senti avec bonheur l’air lui fouetter le visage et mettre ses cheveux en pétard. Ce qui lui fit songer qu’il aurait dû prendre des lunettes d’aviateur. Oh, il pourrait aussi expérimenter la technique que lui avait révélé Pandora et qui consistait en générer des bulles d’air autour de ses yeux pour en éloigner les courants pris de face. La question du saut, non moins cruciale, était sujette à plus d’imprévus, mais Aylan était extatique à l’idée que la préfet eût accepté de la mettre à l’essai. Il essayait très fort de ne pas faire exploser son excitation qui augmentait selon une courbe exponentielle, ayant un peu peur de la gonfler, mais un aveugle aurait pu percevoir qu’il bouillonnait sous la surface.
__–Puis elle mentionna Nicolas. Ce nom lui disait effectivement quelque chose, ce devait être celui qui l’avait pris dans ses bras à un moment. Il aimait les loups ? C’était bien. Cela faisait de lui quelqu’un de cool. Quelqu’un qui aime d’aussi gracieux et magnifiques animaux ne peut pas être quelqu’un de foncièrement mauvais.
__–Et on s’en doute, Aylan avait oublié sa propre question. Peut-être même avant qu’elle eût fini de sortir de sa bouche.
__–Toujours était-il qu’ils sortirent du bâtiment pour se retrouver dans la cour. Aylan avait, là encore, bien trop de questions avant de commencer.
__–« On y va ? Oh et tu pourras toujours parler quand tu seras transformée ? Et tu veux que je m’asseye où ? San elle se met au milieu de leur dos comme ça avec les genoux sur leurs côtes et les pieds sur le ventre parce que en fait le loup il est trop gros alors du coup elle est pas dessus comme sur un cheval mais tu peux le faire un peu plus petit comme ça je tiendrai mieux et puis il faudra que je m’accroche à tes poils aussi et — ah mais, tes tissus du coup, tu vas les porter dans ta bouche ? »
__–Il dut résister très, très fort à l’envie de formuler l’idée de lancer un bâton pour qu’elle le ramène. C’est qu’avec ses pouvoirs d’air, il pouvait donner une impulsion et générer un courant qui les porterait loin et haut, assez pour qu’Ariana pusse faire étalage de sa vitesse et de la hauteur de son saut. Mais il lui avait déjà déversé un flots non négligeable de paroles et en sa présence, essayait autant que faire se pouvait de se contenir.