Je ne peux réprimer un rire à l'énoncé des cocktails - et vraiment, ça fait du bien parce que je me retiens depuis qu'on est rentrés dans le bar en jouant les amoureux transis. Au moins, là j'ai une excuse pour rire sans que ça semble suspect !

"Je vais partir sur un sex without a beach s'il te plaît !"

Ca a l'air d'être le moins ridicule et pathétique des trois - non mais je juge pas, ça va, moi aussi je suis une célibataire désespérée en vrai hein. Je vois qu'Angie reste sur des boissons non-alcoolisées, je me demande s'il a peur de perdre le contrôle de la blague s'il commence à picoler ? Est-ce que ce serait une mauvaise chose si ça partait en sucette ?

Je médite sur cette questions alors que nous rejoignons lentement une table vide - lentement parce que mon partenaire de ce soir a visiblement du mal à marcher avec les verres en main, et ce malgré sa parfaite sobriété ! Une fois assis, je pose ma main sur son genou et il enroule son bras autour de mes épaules. Je sors mon téléphone et le déverrouille avant d'ouvrir l'application Instagram.

"C'est quoi le nom de ton compte du coup ?"

Je ne prends pas la peine d'ajouter de petit surnom ridicule, vu que personne ne peut nous entendre d'ici - et vraiment, je ne vais pas pouvoir garder mon sérieux très longtemps sinon.

« Charlie-Ange Petit, tout simplement. »

T’es pas certain de t’être présenté par ton prénom de naissance : Charlie-Ange. Le plus souvent tu dis juste ‘Angie’, tu détestes qu’on te surnomme Charlie. Ou plutôt, t’as l’impression depuis longtemps que les gens qui t’appellent ainsi te spolient d’une partie importante de ton nom, qu’ils ne font pas assez attention à toi pour retenir l’entièreté de ton prénom. T’as pleins d’excuses, j’pense que t’en trouves sans doute encore plein d’autres, mais au fond, c’est juste que quand on t’appelle Charlie, tu penses encore à lui non ? Enfin, c’est pas mes oignons.

Sur ton instagram il y a beaucoup de choses, à première vue cela pourrait faire très fouillis. Il y a des centaines de publication, parfois ce sont des aquarelles, souvent des peintures à l’huile. Il y a beaucoup de monochromes, tu aimes travailler la forme, la couleur, l’épaisseur. Certains tableaux ont de nombreuses couches, applications de textures, de tissus.

Il y a pas mal de sculptures en argiles. Tu aimes énormément te servir de ton pouvoir pour créer, il y a beaucoup de formes abstraites, mais l’on découvre aux titres que tu donnes à tes créations que ce sont tantôt des fleurs, tantôt des animaux, et parfois des personnes. Il y a toujours les médias utilisés, la peinture, l’argile, du tissus et un prix également. Il faut dire que c’est ton gagne pain, et que les prix croissent de plus en plus. T’es pas très doué pour ça, toi tu postes tout ce que crées, et tu mettais initialement le prix des matériaux utilisés… Maintenant, t’as du augmenter, bien augmenter déjà pour couvrir les frais de douane et de transports… QUI PENSE AUX FRAIS DE DOUANE ? Pardon, et ensuite, pour ne pas être dévalisé sitôt une œuvre en ligne. Maintenant tu laisses la gestion du compte à un de tes potes d’école d’art, un qui s’est spécialisé dans la vente et la promotions de nouveaux artistes.

Je relève les yeux vers Angie en haussant un sourcil alors qu'il me donne le nom de son compte Instagram.

"Attends, ton prénom c'est Charlie-Ange en fait ?"

C'est joli mais ça sonne un peu bizarre, non ? On dirait un compromis étrange entre un athée aux goûts classiques et une fervente catholique. Enfin, vu mon prénom, je peux bien parler hein...

Je pose mon téléphone à plat sur la table pour qu'on puisse regarder ensemble - même si je me doute qu'il connaît déjà très bien le contenu de son propre compte, évidemment. Il y a un peu de tout, des peintures à l'huile aux sculptures, en passant par de l'aquarelle et des collages. Beaucoup d'abstrait, qui est une forme d'art qui m'a toujours laissée un peu perplexe - je ne suis pas une grande connaisseuse en la matière. Mais les jeux de couleur sont intéressants. On voit qu'il a de la maîtrise, de l'expérience - et je ne suis pas étonnée que son travail se vende bien.

"Tu faisais déjà de la sculpture avant, ou ça t'es venu en devenant Terre ?"

Je demande avec curiosité tout en sirotant quelques gorgées de mon cocktail, avant d'ajouter avec un sourire.

"C'est marrant d'ailleurs, j'ai l'impression que la plupart des artistes que j'ai croisé à Terrae sont de cette affinité !"

« Ouai, mais personne m’appelle comme ça, à part mes parents. Eux ils ont pas le droit aux surnoms, c’est de leur faute si j’me tape un prénom à rallonge, alors ils doivent l’utiliser ! »

Non parce qu’on soit clair, quand on part avec un prénom à rallonge dans la vie, on part avec un bel handicap. Petit, tu enviais ton copain Léo qui lui en trois semaines avait appris à écrire son prénom en lettres bâton alors qu’il t’avait fallu plusieurs mois. Et puis t’inversais toujours le L et le I, du coup t’avais arrêté de faire un point sur le I et une barre horizontale sur le L, comme ça t’avais plus eu à réécrire tout, juste à ajouter là où on te le disait. T’étais un petit futé en fait !

« J’avais déjà essayé, mais j’arrivais pas à m’exprimer au travers de ce média donc j’l’avais pas développé. Après je connaissais la théorie, bien obligé, mais comme pour beaucoup de choses, la théorie c’est pas assez… »

T’avais eu assez de cours d’art et d’histoire de l’art pour savoir dans quel sens on utilisait les burrins et autres maillets… mais ça ne suffisait pas pur apprendre les gestes, et contrairement à un dessin, un trait mal exécuté ne donnait pas de charme, il fendait l’œuvre. L’argile bien que malléable cassait tout aussi aisément. C’était très frustrant pour toi qui ne pouvait maitriser tes mouvements fins.

« Je crois que tu as raison en fait… Après j’avoue que je fréquente plus de terres que d’autres affinités, donc de fait, je ne suis pas certain d’avoir rencontré tous les artistes de Terrae. Chez les airs on croise quoi comme type de métiers ? »

Je ris à la réflexion de... Charlie-Ange, du coup.

"Je suppose qu'ils l'ont choisi parce qu'ils l'aimaient bien ! C'est plutôt joli... Même si ça a pas du être facile à porter tous les jours."

C'est le problème des prénoms hors du commun - il n'y a qu'un pas entre original et ridicule. Et c'est souvent juste une raison de plus de se faire harceler, quand on est gamin. Je sais de quoi je parle, malheureusement.

Nous passons les minutes suivantes à regarder le compte Instagram du brun, et il m'explique s'être lancé dans la sculpture principalement après être devenu Terre. J'imagine que c'est plus simple de manipuler l'argile en étant de cette affinité... Tout comme mon pouvoir de Sonore m'aide avec la musique.

"Mh oui, je comprends... Mais en tout cas, tu es très doué, ça ne m'étonne pas que tes oeuvres se vendent bien ! Je crois que c'est justement tes sculptures que je préfère, de ce que j'ai vu."

J'me serait peut-être même bien laissé tenter, si je n'avais pas un chat dont la grande passion est de foutre par terre tout ce qui orne les surfaces de ma chambre. Sale bête. Je réfléchis ensuite à la question qu'il me pose, tapotant doucement des ongles sur mon verre.

"Eh bien... Y'a pas mal de Sonores qui pratiquent la musique - même si c'est plus souvent un passe-temps qu'un métier, comme c'est le cas pour moi. Et la majorité des Soigneurs finissent par travailler à l'hôpital, aussi !"

La plupart d'entre eux étaient déjà tournés vers le domaine médical avant d'arriver à Terrae - comme quoi, les affinités ne nous sont vraiment pas attribuées par hasard.

Ta théorie à toi c’est qu’ils n’avaient pas réussi à se décider. Ils savaient pas quel serait ton sexe avant ta naissance, ça ils te l’avaient répété des milliers de fois, et chacun avait du choisir un prénom neutre. Ils n’avaient, les connaissant, pas réussi à se convaincre l’un l’autre… Ton frère t’avais toujours répété qu’il avait été déçu qu’ils aient pas choisi le prénom que lui avait choisi quand t’était arrivé « vieille chaussette ! » et une légende familiale disait qu’il avait répondu à « alors tu es heureux de rencontrer ton petit-frère, Charlie-Ange ? » un « POUA MAIS C’EST MOCHE CHARLIE-ANGE ! Moi j’voulais vieille chaussette ! » Les enfants… T’es pas certain de vouloir exposer toute cette histoire.

« C’est clair, mais je pense que le tien non plus a pas du être cool à porter tous les jours… »

Non, mais, ‘fin autant quand t’es enfant tu veux bien, il sort un peu du lot mais voilà… Mais quand tu grandis et que t’en comprends la signification, ça doit pas être chouette. Genre Pandore, c’est celle qui a apporté tous ses maux à l’humanité. C’est un peu comme dire à sa gamine « tu nous as pourri la vie… » Ou ses parents trouvaient vraiment ça cool… T’en sais rien.

Tu te dis que t’aimes beaucoup les faires, et tu notes dans ta tête de lui en faire un jour une de sculpture. Faudra que tu trouves discrètement sa date d’anniversaire. Si t’oublies pas. T’es pas le gars avec la meilleure des mémoires.

« Tu travailles à l’hôpital toi ? »

Ouai, non mais tu sais qu’elle fait déjà de la musique. Alors est-ce qu’elle remplit tous les clichés ???

Je hausse une épaule à la remarque d'Angie.

"Ca va, on était déjà adolescents quand les autres élèves ont commencé à comprendre ce que mon prénom signifiait..."

Et à cette époque, j'étais déjà l'orpheline bizarre, renfermée et beaucoup trop grande que tout le monde fuyait. Au moins, grâce à cette poussée de croissance précoce, je n'ai jamais été harcelée, juste... Mise de côté. Un léger sourire se peint sur mes lèvres alors que j'ajoute quelques précisions.

"Ma mère était une grande fan de mythologie, elle me racontait souvent l'histoire de la boîte de Pandore quand j'étais petite. Elle trouvait que la curiosité est un très vilain défaut, je pense que c'est ce qui l'a motivée dans son choix de prénom !"

Je ne le saurai jamais, malheureusement, mais cette explication me convient. Et puis ça sonne assez bien aussi, à l'oreille - en vérité, j'ai toujours plutôt bien aimé mon prénom ! Je lâche ensuite un léger rire en secouant la tête à la question du brun.

"Non, j'suis Sonore moi, pas Soigneuse ! J'pourrais éventuellement chanter une berceuse aux patients, mais pour le reste... J'bosse à la boutique de vêtements. Mon bachelier en histoire des arts et de la musique ne m'a malheureusement pas ouvert beaucoup de portes à Terrae !"

Enfin, il ne m'avait pas ouvert tant de portes que ça à Londres non plus, cela dit. Mon premier et unique job avant d'atterrir ici, était en tant qu'archiviste à la bibliothèque nationale des arts de la capitale.

T’as envie de dire que justement, les noms que les enfants ne comprennent pas mais qui ont des consonnances bizarres c’est presque les pires, enfin non, pas les pires, mais les pires quand même. Tu te dis que dans ton école on aurait sans doute trouvé une ressemblance avec penderie, et qu’elle se serait vite retrouvée à porter des manteaux, puis tu te rappelles qu’elle est anglaise, et tu te dis que sans doute penderie ça se dit pas de la même manière en anglais. T’as pas ce genre de vocabulaire.

« Ca semble évident… était, elle est décédée ? »

Morte ? Partie ? RIP ? Non, mais franchement tu préfères mettre les pieds dans le plat rapidement. Faut comprendre, tu préfères avoir cette information en mettant les pieds dans le plat VOLONTAIREMENT plutôt que sans faire exprès un autre jour. Parce qu’on est d’accord, tu l’oublieras pas qu’elle est orpheline HEIN ? TU FERAIS PAS CA ? … Non, en fait répond pas, tu m’saoules par avance.

Elle est donc sonore et pas soignante, logique pour une musicienne, mais c’est pas ça le truc qui t’intéresse :

« Histoire des arts et de la musique ? »

Ouai, non mais il y a art bien entendu que t’es intéressé. T’es insupportable mon gars.

« Du coup tu t’as une période préférée ? »

Non. Mais. T’sais que moi j’ai zéro connaissance chaton ? Alors va falloir que tu changes de sujet très rapidos, parce que sinon je t’entraine sur le seul sujet que je maitrise de loin : la paléo. On sait tous les deux que t’es plus branché casoa que vénus préhistorique.

Un peu prise au dépourvu par la question d'Angie, je hoche simplement la tête. Je n'ai pas l'habitude qu'on me le demande aussi ouvertement - ou même de façon détournée d'ailleurs, je pense n'en avoir jamais vraiment discuté avec quelqu'un d'autre qu'Allen. Bien que ce ne soit pas un secret non plus, juste un souvenir auquel je préfère penser en privé.

"Oui, elle est décédée quand j'avais 12 ans, ça commence à remonter..."

Même si j'ai toujours un pincement au coeur quand je pense à elle - encore plus quand je me rends compte que mes souvenirs sont de plus en plus flous, au fil du temps. Les quelques photos et vidéos que j'ai d'elle m'aident à entretenir ma mémoire, à ne pas oublier ses yeux pétillants, son sourire, son rire. Je lui ressemble beaucoup - avec des tatouages en plus et beaucoup de charme en moins.

Heureusement, le sujet de mes anciennes études semble détourner l'attention du brun, et je hoche la tête avec un léger sourire quand il répète l'intitulé de mon bachelier. Je réfléchis quelques instants à sa question avant de répondre en me tapotant légèrement le menton.

"Mmh, pour ce qui est de la peinture, j'aime beaucoup la période du symbolisme. Niveau musique, plutôt classique ou romantique... Mon compositeur préféré est sans aucun doute Beethoven ! De penser qu'il a fini sourd assez jeune, ça m'en bouche toujours un coin..."

Le gars avait littéralement toute sa musique dans sa tête, et était parfaitement capable de la reproduire sans même pouvoir l'entendre. On parle toujours de Mozart par ci, Mozart par là, mais vraiment je trouve Beethoven bien plus bluffant et inspirant ! Je sirote quelques gorgées de mon cocktail avant de retourner la question à mon partenaire.

"Et toi alors, quelles sont tes préférences artistiques ?"

Je dirais peut-être l'impressionnisme, au vu de ce qu'il m'a montré ? Il a l'air d'apprécier les jeux de couleur et de texture.

Tu sais, ce genre de questions on évite de les poser… Simplement parce qu’après on sait plus quoi dire que des banalités, genre tu vas lui dire un truc du genre « toutes mes condoléances » , alors qu’ça fait plus d’une décennie que ça s’est passé ? Sérieux, c’est comme remuer le couteau dans la plaie. Puis bien sûr qu’elle est pas contente d’en parler, c’est toujours une cicatrice, même si ça a guéri. Sérieux tu t’attendais à quoi ? Comment ça je préfèrerais que tu fasses l’autruche et sans doute une gaffe un jour en lui parlant de ses parents ? Non, c’est pas ça mais…

« Tu étais très jeune, ça a du être très dur… »

TU VOIS DES BANALITES. VOILA. T’es nul et tu pues. C’est tout. Changez de sujet, c’mieux. Elle aime le symbolisme, tu peux comprendre. Certaines œuvres sont splendides… Par contre la musique classique, ça tu ne peux pas comprendre ça fait musique d’ascenseur pour toi. Tu ne pipes rien à la musique.

« Je suis plus suréalistes, je trouve que leurs procédés créatifs sont des œuvres à part entière. Niveau musique… Je ne suis pas certain de chérir un genre plus qu’un autre, du moment que ça sonne bien… J’écoute rarement plus de deux musiques du même artiste… »

Et t’as pas assez réfléchi à la question pour comprendre que tu aimes les musiques de même sur internet. T’es pas encore arrivé à ce niveau de connaissance de toi-même.

Je hausse une épaule à la remarque d'Angie. Effectivement, perdre mon repère principal à l'entrée de l'adolescence n'a pas été une partie de plaisir... Emménager avec ma grand-mère non plus. Elle n'était pas méchante, hein - juste assez stricte et austère, une femme de la vieille école, on va dire. Elle a veillé à ce que je ne manque de rien, matériellement parlant, mais au niveau émotionnel et affectif, c'était un peu le néant. Quelle grosse surprise que je sois devenue une adolescente renfermée et maussade... Enfin, bref, je ne sais pas pourquoi je repense à tout ça, clairement ces souvenirs donnent un goût amer à mon cocktail, hein.

"C'était pas mes meilleures années, c'est sûr... Mais ça va, maintenant."

Après plus d'une décennie de déni et de "je suis assez forte pour m'en sortir seule", j'ai enfin réussi à pousser les portes d'une psy et pris le temps de démêler un peu tout ça avec elle. Et tout le reste aussi. La conversation n'a plus la même saveur qu'avant d'un coup, alors qu'on rigolait bien pourtant jusqu'à maintenant ! J'crois que pour parler de mon passé, il m faut soit beaucoup plus de cocktails, soit aucun mais une bonne boîte de mouchoirs (et surtout une personne dont je me sente assez proche pour me confier...)

Je fais quand même un effort pour poursuivre la discussion, qui a dévié sur le sujet de l'art à présent.

"Ah oui, je vois ! J'suis pas très fan moi, c'est un peu trop... Compliqué et abstrait pour moi, je crois. Eh ben écoute, à l'occasion, si t'as envie que j'te refasse ta culture musicale, tu me fais signe hein !"

Je souris, mais le coeur n'y est plus vraiment. Je termine mon cocktail, aspirant le reste du liquide au travers de la paille, tout en jetant un coup d'oeil au verre d'Angie. Il a presque fini sa grenadine lui aussi, ça tombe bien...

"On prend un autre verre, ou tu veux rentrer ? Y'a pas autant d'ambiance que je le pensais au final..."

Ou c'est peut-être juste moi qui ai un peu miné le truc, je ne sais pas.

T’as tout cassé l’ambiance. Pas gégé mon Petit. Elle finit son verre d’une traite son verre… Et ce n’est jamais de bonne augure si tu en crois ta petite expérience. Remarque, si elle tient bien l’alcool ça ne dégénèrera pas aussi vite qu’on pourrait le croire… Tout le monde n’est pas p’tite bite comme toi. Ok. Je sais qu’c’est pas l’insulte que te trouves la plus insultante et que t’as rien à prouver et que c’est pas à ça que tient ta masculinité, que si c’était le cas tu ne te maquillerais pas et blablabla. C’est bon, j’ai compris, la prochaine fois je te traiterais de pine d’huitre. :D

Cela étant tu me laisses continuer de raconter où ? Ou je me la ferme. D’accord. Certes. Démerdes-toi.

J’ai bien compris qu’elle n’avait pas l’idée à continuer de boire et de discuter. J’ai encore été mal habile. J’espère qu’elle lit dans mon regard que je suis désolé. Je lui offre un sourire.

« On peut demander la suite des cocktails aux noms zarbis au barman, ou mieux essayer de lui proposer de nouveaux noms de cocktails et lui demander de les réaliser… Du style sais pas… Mince, je trouve l’idée cool mais j’ai pas d’idées pour l’illustrer… »

Je me sens à nouveau sot, mais n’a pas d’anses qui veut.

« On peut également rentrer si tu préfères. »

Relancer l’ambiance d’une soirée ne se fait pas seul et je ne la laisserais pas se forcer si elle n’en a pas envie.

Je vois bien qu'Angie fait un effort pour essayer de faire repartir la soirée, mais de mon côté c'est un peu mort - je ne suis pas encore vraiment saoule, mais plus totalement sobre non plus, et vu le mood dans lequel je suis en ce moment, si je continue à boire ça va juste mal finir en fait... Et clairement, personne n'a envie de me voir chialer mes grands morts sur son épaule, hein !

"Je crois que je préfère rentrer, oui. Je me connais, si je bois trop tout en étant dans le mauvais état d'esprit, ça va juste mal se terminer, et je ne voudrais pas gâcher la soirée ! On a quand même bien rigolé, hé !"

Je lève mon poing pour lui faire un fist-bump. Je ne lui en veux pas du tout du tournant que les choses ont pris, il ne pouvait pas savoir que parler famille, c'était justement le sujet à éviter... Mais ça n'enlève rien au fou-rire qu'on a partagé quelques heures plus tôt ! Je me lève ensuite de table et tends la main vers lui.

"Tu me raccompagnes quand même, ou tu préfères qu'on se sépare ici ?"

Si j'ai pu envisager à un moment donné de l'inviter chez moi pour un "dernier verre" (oui, on sait tous ce que ça veut dire, ce genre d'invitation), j'ai vite compris que le feeling entre nous était plus orienté potes qu'amants - et c'est très bien aussi hein, c'est une bonne surprise au final. Mais même si on ne finit pas dans le même lit, ça me ferait plaisir qu'on marche ensemble jusqu'à l'institut, histoire de terminer la soirée sur une note plus positive !

« La prochaine fois que tu veux te prendre le bec au sujet de nos enfants imaginaires faits-moi signe. » tu lui réponds pour lui dire que t’as compris que même si elle n’était pas dans le mood tu ne lui en tenais pas rigueur.

Elle se lève. Bien entendu qu’elle ne parle pas de raccompagner dans le sens raccompagner, mais en même temps ça semble logique nan ? Vous n’avez pas eu cette affinité-la pendant la soirée et à vrai dire aucun de vous ne l’a recherchée. Tu te lèves pour l’accompagner.

« Je te raccompagne seulement si tu me laisses donner des sucreries à Charles-Eustache après dix heures du matin… »

Tu ne sais pas t’arrêter putain. C’est pas la peine d’insister sur les points forts de la soirée pour en faire oublier les points faibles non mais j’te jure. Ou plutôt : non mais j’te juge ! Surtout sur le prénom, je sais que t’es trauma des noms composés mais quand même. Il est cheum, même pour toi.

« On rentre au même endroit, ce serait bête de ne pas y rentrer ensemble. » Tu lui souris.

Tu serais malin, tu serais allé au bar demander de cacahuètes… Tout va toujours mieux quand on a des cacahuètes. Seulement non, tu ne fais que sortir avec elle. Toujours dans le sens sortir, sortir, pas sortir… Sortir quoi. Oh puis merde.

« Vache, il fait plus froid que dans mes souvenirs ! »

Non déconne. La nuit en février est toujours tempérée. C’est connu.

Je souris doucement en hochant la tête à sa proposition étrangement formulée de passer une autre soirée ensemble, à l'occasion, contente qu'Angie comprenne et ne me tienne pas rigueur de préférer rentrer pour ce soir. Je lui propose ensuite de me raccompagner, et il se lève à son tour de table. Je lâche un petit éclat de rire en haussant un sourcil alors qu'il insiste encore sur le sujet des enfants imaginaires. Est-ce que c'est seulement un vrai prénom ? Il y a des parents suffisamment cruels pour infliger ça à leur bambin ???

"Charles-Eustache ? Mais tu m'étonnes qu'il soit caractériel, le pauvre..."

Je hoche à nouveau la tête alors qu'il souligne que ce serait bête de faire le trajet séparément, vu qu'on rentre au même endroit - on ne sait jamais qu'il aurait eu envie de rester, et, peut-être, aborder une autre jeune femme seule (ou un jeune homme, hein, je ne juge pas !). J'enfile ma veste, et nous sortons - bon, au moins il ne pleut plus, c'est déjà ça !

"Je suis sûre qu'ils ont fait exprès de mettre la fête des amoureux en hiver, juste pour donner une excuse au gars d'enrouler son bras autour des épaules de sa conquête, tel un mâle viril et protecteur ahahah !"

En vrai, je connais le mythe de la Saint-Valentin, hein, je dis ça juste pour rire ! (Mais c'est quand même une bonne excuse, il faut avouer). Et comme le Terre se plaint de la température, je fais souffler une petite brise tiède et agréable autour de nous ; bon, c'est pas aussi efficace que si j'avais été Feu, mais c'est déjà pas mal. Nous continuons de papoter en remontant le chemin jusqu'à l'institut, et finalement, il est temps de se séparer.

"Encore merci pour cette soirée, Angie, c'était vraiment chouette... Et très inattendu ! Mais j'ai passé un super bon moment. J'espère qu'on remettra ça ! Et embrasse les gosses de ma part, ahah !"

Et dans un dernier rire, agitant la main doucement, je tourne les talons pour me diriger vers ma chambre.