La réponse d'Ipiu est éloquente. Elle n'a aucun doute sur son prénom, ni dans sa tête ni dans ce qu'elle dit. La Terre a un instant de déstabilisation. Elle a réussi, c'est bon, elle a relevé le défi. Ipiu lui sourit, elle a beau être épuisée, elle la fécilite. Ce serait peu dire qu'Alice ressent trop de choses d'un seul coup. En relachant toute la pression qu'elle avait posé dans l'esprit d'Ipiu, en se retirant de toute part de son esprit, elle relâche aussi tout ce qui est en elle. Elle est épuisée, physiquement et mentalement, tant qu'elle tombe doucement sur les genoux en face de la Master. La douleur à son bras redevient vive, même si l'aloe a fait son travail.

Alice fond en larmes. Des grosses larmes, d'épuisement, de fatigue, elle ressort aussi tout le dégout et ce qu'elle a détesté faire, elle pose ses mains sur son front pour soutenir la migraine qui arrive au galop.

« Je suis tellement désolée... »

Avant même de se réjouir, Alice veut s'excuser. Elle devait le faire, elle l'a très bien fait, mais elle n'en avait pas envie. Fouiller, décortiquer, montrer, exhiber, elle le referait si nécessaire, mais elle avait besoin de signifier que ce n'était pas quelque chose de naturel chez elle. Loin de là.

Les cris dans les gradins la ramènent très vite à sa victoire. Elle a réussi. Alice est la nouvelle Master. Elle lève les yeux vers Ipiu, l'air tout à fait sereine et loin d'être traumatisée. Alice est bien contente, malgré ses sanglots, d'être sensible à ça, touchée par ce qui lui arrive, même si c'est un peu trop fort. Elle rit au milieu de ses larmes qu'elle sèche du dos de ses mains.

« Je ne sais pas si j'ai plus envie d'une sieste ou d'un repas là tout de suite... Sauf si tu me proposes quelque chose de vraiment délicieux ! »

Elle rit de nouveau. De toute façon, elle ne pourra pas prendre l'initiative, elle ne tiendra pas debout seule immédiatement, elle a besoin d'aide, ou d'une petite pause, mais elle sera bien incapable de bouger normalement tout de suite. Elle lève la tête vers les gradins, fait un signe de la main à ses amis, les yeux gonflés et rougis mais un grand sourire sur les lèvres.

J'ai fléchi mes genoux à l'explosion, je crois que je me suis à demi-cachée derrière la rambarde au moment où Alice a vomi... Moi, j'étais en larmes, je tremblais de partout, j'avais trop peur. Peur de revivre la douleur et peur qu'elle la traverse... J'avais l'impression de ne plus avoir d'air dans les poumons, comme si on compressait ma cage thoracique et j'ai eu, vaguement, dans un moment de panique absolu, la sensation de sentir mon corps partir en avant, puis pendu à l'envers pendant longtemps, pendant ce qui paraît des heures... Alors pendant que j'entends au loin, la foule qui hurle "Chantal", je me suis tassée, les mains accrochée à mon cœur pour le sentir battre fort, en murmurant "Alice", en boucle. C'était trop pour moi, mais au moins j'étais là. Au moins j'étais là.

J'inspire profondément. Oui, je suis là pour Alice, comme j'ai été là pour Roda, je peux même faire mieux. Je peux contrôler un peu. Je suis pas en train de devenir folle à cause de la douleur, ça va. Tout va bien. Même si je ne peux pas regarder, au moins, je suis là. J'entends le mouvement massif de la terre, des crépitements intenses des éclairs, des explosions, oubliant totalement le bruit de la foule autour de moi... Je me concentre dessus en veillant bien à taire mon imagination. Et puis, plus rien. Silence absolu. Je me redresse lentement, terrifiée à l'idée de voir Alice trop blessée pour continuer mais elle est là. Elle est debout, l'instant suivant la Master a parlé et puis elle est tombée à genoux. Mon corps a eu un mouvement en avant, comme si j'allais sauter la rejoindre mais je ne l'ai pas fait... j'ai juste soufflé. Et l'Arène a hurlé.

Alice a pleuré, mais elle sourit. Alice a mal, mais elle est si forte.

Alors je pleure aussi, parce que je suis tellement heureuse... Je suis tellement heureuse que ma sœur ait réussi.

Alice craque, et c'est un peu normal. J'ai pas été méga tendre avec elle, et franchement, fallait me prévenir à l'avance si elle voulait un truc chill. J'ai paniqué, j'ai improvisé, et clairement j'pense qu'elle aurait préféré finir à l'hosto bien décalquée. C'est un peu comme les gosses qui te disent "j'aurais préféré me prendre une baffe, on n'en parlait plus." quand ils se sentent méga coupable parce que leur parent leur ont fait la leçon et qu'ils ont capté qu'ils ont chié dans la colle.

"C'est quand même beau, c'est toi qui t'excuse alors que c'est ouam qui t'ai poussé à le faire. Ca a été plus dur pour toi que pour moi, moi je connais ma life."

Et oui. Donc bref, osef. C'est fini et j'ai faim. J'roule vers elle et j'me place à ses côtés si jamais elle veut s'appuyer sur le fauteuil pour se redresser. Les soignants commencent à arriver dans l'arêne.

"N'importe quoi avec du gras et du sucre, perso me faut des calories avant d'hiberner."

Quand tu es sensitif aujourd'hui c'est quand même un peu magique, si vous sentiez le flot d'amour et d'énergie positive qui vient des gradins. C'est guedin. En vrai, j'la comprends mais trop, c'est trop. Comme je l'ai dit, me faut des calories et du repos. Et dans cet ordre. Un air me demande si je vais bien, je souris et lui réponds "au poil !" mais il met ma parole en doute, parce que "comme tu ne sens rien sur la partie inférieure de ton corps faut quand même vérifier et blablabla." Mec, je sens rien mais j'ai fait gaffe tout le combat. Alors ... Ok.

"Bon bah à toute pour bouffer si t'as la foi et que tu veux te cacher de ta nouvelle notoriété, j'suis certaine que Nath et Eric accepteront de nous cuisiner quelque-chose."

Elle est quand même amochée, même si sa blessure disparaitra bientôt totalement.

Ipiu essaie de la rassurer, alors qu'Alice prend le temps de sortir le trop plein. Elle hausse les épaules et répond entre deux reniflements.

« C'est dur pour moi, mais ça ne doit pas non plus... Être agréable de sentir quelqu'un fouiller et sortir des souvenirs qui n'appartiennent... Qu'à nous... »

Il était aussi là, le poid pour Alice. Imposer à quelqu'un de rentrer dans sa tête. Trouver des souvenirs qui ne la regarde pas. Les extirper comme du brouillon et gribouiller dessus. On ne gribouille pas la vie des gens.

« Je te suis pour le gras et le sucre. »

Ipiu s'approche d'elle. Elle lui sourit, elle n'aura pas la force de se lever, et l'explique calmement aux soignants. Elle se fait examiner sans broncher, retire son pansement improvisé pour qu'ils puissent voir. La brûlure a une mauvaise tête. On va devoir l'embarquer aussi pour la soigner rapidement. Elle s'en doutait. Elle lève la tête vers les gradins, cherche les pensées des siens. Elle leur envoie un sourire en image mentale, signale qu'elle va faire un tour à l'hopital.

« On se croisera peut-être alors, tout dépend de si je dois rester un peu sous surveillance ou non. Fais attention à toi quand même. Et dors bien si je te revois pas. Et, merci. »

Merci, pour la confiance, sous toutes ses formes.

La terre tremble, tout explose ; l'arène est témoin de la puissance d'une Master, et d'une Etoile qui enfin s'accomplit. Alice est brillante, elle va au bout de ses forces ; je serre mes mains les unes contre les autres, un peu inquiète, pas ravie de voir mes amis se taper dessus dans une arène ; pas non plus ravie du déferlement de pouvoirs. Mais c'est comme ça que les choses se passent, ici. Il faudra ensuite encore raccommoder les blessures, et laisser le temps apaiser le traumatisme. Et aussi, pourquoi pas, fêter un peu, n'est-ce pas ? C'est sans doute pour cette raison qu'autant de temps se passe entre l'arène et la cérémonie. Il faut le temps de digérer l'information...

Huo prend ma main à mi-parcours pour me rassurer ; je presse mes doigts contre les siens, reconnaissante. Je n'ai aucun doute quant à Alice. C'est sans doute pour cette raison que je trouve ces combats inutiles et violents ; mais c'est son moment de gloire, et je serai là.

Lorsque c'est fini, l'arène explose de joie, et moi je pleure. Mes épaules se détendent enfin, je ne suis même pas sûre de pouvoir parler avec ma gorge nouée. Je souris, je pleure, j'observe notre Etoile montante.

Avant de descendre, j'essuie mes larmes et j'embrasse la joue d'Huo ; je m'envole, atterris souplement sur le sol de l'arène, et m'approche des combattantes pour leur sourire à toutes les deux. Accroupie à côté d'Alice, je prends sa main doucement mais ne dis rien, je n'en ai pas besoin. Je suis si fière. J'espère que toi aussi, tu l'es. Prends le temps de te reposer maintenant ; tu as bien combattu. Ne t'en fais pas. Ipiu est forte, on sera là pour elle aussi ; elle s'en remettra.

Tranquillement, j'observe la brûlure, laisse mon pouvoir de guérisseur apaiser la plaie. Au moins calmer la douleur, tranquillement, pour qu'elle n'ait pas à souffrir le temps qu'on l'emmène à l'hôpital pour d'autres examens. On prendra le temps. Si tu veux, je t'y emmène en volant. Tu aimerais ?

Je relève les yeux vers Ipiu, puis vers Alice. Encore une ou deux semaines, et tu prendras enfin ta place.

HRP : 1000 ans plus tard, mais jamais trop tard j'espère




Alice a toujours été un alien à mes yeux. Dans le bon sens du terme évidemment.
Comprenez, je suis une stratège, une combattante, tout ce que j'apprends est en lien avec la construction d'objets et de projets ou la destruction des obstacles entre moi et mes objectifs. Alice ne résonne pas comme ça, et sa façon de voir le monde et la vie est bien plus sociable et idéaliste que la mienne. Son approche est réconfortante, elle donne de l'espoir pour l'avenir.

Je ne suis pas tellement surprise de son choix une fois dans l'arène (en partie parce que je lui ai subtilement déconseillé de me choisir pour le grand jour, je suis techniquement encore en convalescence, et elle n'est pas là pour prouver que l'élève dépasse le maître mais pour prouver qu'elle dépasse tout le monde -par ailleurs elle me dépasse sur bien des aspects). Déjà, c'est évident qu'elle sait qui va lui faire face, ce qui est un avantage certain. Par contre la personne appelée... On ne peut pas dire qu'elle semblait prête.

Le défis est... Surprenant. Osé et fascinant, dans un sens. Pour quelqu'un qui a eu autant de noms, d'identités, de troubles à s'identifier, c'est même un peu risqué pour Ipiu je dois admettre qu'elle s'implique réellement. Je me détends dans mon siège, essayant de faire abstraction du monde autour même s'il est impossible de passer à côté de l'excitation du public. Tout le monde sait qu'Alice est largement prête, ça fait plaisir de voir qu'elle a déjà autant la confiance de ses pairs.

Pour ce qui est du combat extérieur en lui même, c'est de l'esbrouffe principalement. Certaines techniques et réflexes me tirent un sourire -on a un truc avec le fait de s'enterrer dans des fours nous les Terres que voulez vous- voir même un rire comblé -quel hommage, la Datura ! Mais à part un amusant moment où Alice nous suspend Chantal au plafond pour finir sur tout un tas de pyrotechnies, il faut admettre que ce n'est évidemment pas l'intérêt du combat.

Avec mes facultés, je suis bien loin de pouvoir apprécier pleinement le combat mental entre une télépathe et une sensitive. Les commentaires et précisions apportées par Nicolas sont d'ailleurs très utiles lorsqu'il n'est pas couvert par le bruit de la foule en liesses (est ce qu'on peut leur en vouloir, non, absolument pas). Il est difficile de conserver mes propres défenses de Master levées devant la puissance des attaques mentales d'Alice et les répliques émotionnelles virulentes de Chantal. Oh non, je n'ai même pas essayé de lutter pour retenir son nom, inutile je suis là pour souvenir ma future collègue.
Un point supplémentaire cependant : utiliser le public à son avantage ? ÇA C'EST MON ELEVE- Ahem pardon. Très très très bon move.

Alors que la foule scande le nom de Chantal comme un encouragement vicieux, les émotions qui filtrent de cette dernière deviennent bien plus sombres et pernicieux. Je me penche en avant, contente de la tournure que cela prend, même si ça n'est agréable pour aucune des deux. Mettre Alice face à ses propres contradictions morales en lui imposant les souvenirs qu'elle a probablement cherché à utiliser comme une faiblesse est un mouvement habile et très intéressant. Un contre son camp pour la télépathe. Mais son adversaire ne recule pas, malgré le dégoût évident auquel elle fait face, elle force le passage jusqu'à son objectif, comme elle l'a sûrement fait plus d'une fois au cours du combat.

Je souris. Je suis vraiment fière.
C'est la preuve qu'elle ne reculera pas si cela devient nécessaire.
Le combat se termine de manière visuellement impressionnante et je ferme les yeux pour applaudir. Je n'ai pas besoin de voir les larmes d'Alice couler devant l'exploit qu'elle vient d'accomplir malgré la difficulté.

Elle a gagné sa place, comme nous tous, et elle promet déjà d'être une des meilleures parmi nous.