__–Perché sur son arbre, Aylan guettait.
__–À quoi bon être perché sur un arbre pour repérer l’arrivée d’un livreur qui, de toutes façons, poserait le colis dans la boîte aux lettres de l’entrée, au vu et au su de tous, me diriez-vous ? Il suffirait d’aller le chercher à n’importe quel moment plus tard dans la journée. Nul besoin de l’attendre comme s’il risquait de repartir.
__–Trois raisons gouvernaient cette prise de décision – et d’altitude.

__–La première était qu’il était bien plus rigolo d’attendre perché.

__–Mais pour bien l’expliquer la seconde, revenons un peu en arrière. Il y a quelques jours de cela, alors qu’il vaquait à quelque occupation en compagnie de Chrys, notre protagoniste entendit de sa bouche une information qui, sur le moment, ne fut pas pensée comme capitale : la date d’anniversaire d’Alice. Aylan, après tout, ne l’avait jamais vraiment vue et ne la connaissait que de réputation.
__–Puis vint le duel dans l’arène. Si cela n’améliora pas la connaissance qu’avait le petit Air d’Alice, cela augmenta la réputation qu’il accordait à celle-ci.
__–Devenir master allait certes avec son lot de responsabilités nouvelles, mais aussi avec son lot de cadeaux. Des pouvoirs plus avancés, un nouveau avec la greffe, une partie plus prenante dans la direction des affaires terraennes, mais aussi et surtout ; une maison individuelle. Toutefois, rien de tout ceci n’était considéré par Aylan comme une récompense suffisante. Ou plutôt, il leur manquait quelque chose, de l’ordre du symbolique. Alice n’était pas que master. Elle était désormais une victrice du test de passage au rang suprême ; du plus grand affrontement qu’un Terraen pouvait jamais passer au sein de ces murs. Elle avait affronté un demi-dieu et triomphé, à la fois des éléments, d’une psyché surpuissante et d’elle-même.
__–Des briques et du bois ne pouvaient dignement célébrer cela. Même sans vis-à-vis et orientés sud.
__–Aussi, le cadeau d’anniversaire qu’Aylan adresserait à Alice était-il tout trouvé. (Et tout acheté avec de l’argent emprunté à Chrys, qui cette fois-ci fut au courant du transfert de fond avant qu’il eût lieu.)

__–Revenons à l’entrée de l’institut. L’objet qui allait servir à marquer l’exploit venait d’arriver. Sans même attendre que le livreur le glissât dans la boîte aux lettres, Aylan le récupéra à travers les grilles et se précipita d’un coup de skate vers la suite de son plan.
__–Il fallait agir avec vitesse et précision. C’est que, surprendre une télépathe, surtout du rang nouvellement acquis d’Alice, n’est pas chose aisée. Par mesure de précaution, ce qui expliquait aussi la présence de notre protagoniste dès potron-minet au sommet de son arbre, Aylan avait soigneusement noté les lieux qu’Alice fréquentait le plus souvent et les avait évité. L’entrée était le seul où elle ne s’était pas rendue depuis qu’il avait commencé à observer ses déplacements, ce qui tombait bien. C’est que, le petit Air ne se connaissait que trop bien. Alice n’était pas du genre à pénétrer les pensées de quelqu’un sans lui demander sa permission, mais Aylan aurait-il pu, en la croisant par hasard, ne pas penser très très très fort à la surprise qu’il allait lui faire ? Tellement fort que n’importe quel Terre solaire aurait capté le vacarme assourdissant que provoquaient ses pensées agitées, qu’il le voulût ou non ? Cette éventualité était bien trop probable pour qu’il s’autorisât de lui laisser la moindre chance de saboter sa surprise.

__–Alors qu’Aylan fonçait à toute allure et paquet dans les mains vers son objectif, Alice, selon ses estimations, devait toujours être prise par son atelier avec les plus jeunes. Ou chez elle dans l’institut, mais probablement occupée à faire des cartons.
__–Ignorant de combien de temps il disposait, Aylan alla aussi vite qu’il le put.
__–Essoufflé, il arriva devant le buisson qu’il avait préparé la veille : papier cadeau, scotch et ciseaux y avaient été dissimulés. Il aurait pu faire l’emballage chez lui, mais c’était prendre le risque de croiser celle qui allait le défaire dans les couloirs. Quand il s’agissait de faire quelque chose d’illégal, ou d’assurer sa propre sécurité, Aylan était bien plus tolérant au risque.
__–Pas là.
__–Là, c’était important.
__–Rapidité n’est pas précision. Prestesse n’est pas empressement. Aylan ne le savait que trop bien. En trois coups de ciseaux précis, la mise en place du cadeau fut achevée. Ne restait plus qu’à le disposer. Aylan prit une grande inspiration. Sa concentration ne devait pas faillir au moment où il aurait le plus besoin d’elle. À ce moment de la journée, nombreux étaient ceux encore au travail. Le nombre de témoins s’en trouvait ainsi drastiquement réduit. Notre protagoniste s’approcha de la porte de la nouvelle maison d’Alice. Sortit son kit de crochetage.  Passa outre la porte. (Nota sur un papier les goupilles qu’il fallait soulever pour ouvrir la serrure, cela lui ferait gagner du temps s’il devait entrer par surprise chez Alice une fois future.) Installa sa surprise. Puis détala, non sans faire attention à bien refermer derrière lui et s’assurer que personne n’aurait pu se douter que quelqu’un avait visité le lieu en amont – et sans l’aval – de sa propriétaire.

__–La dernière étape du plan entra par une fenêtre de l’appartement de sa cible, sous la forme d’un avion en papier. Pour un Air, le contrôler depuis une distance importante était un jeu d’enfant. Cela accompli, Aylan détala, disparut dans la nature. La suite, désormais, appartenait à Alice.
__–Sur cet avion en papier, si on le dépliait, on pouvait lire :

Il y a une surprise qui t’attend chez toi, mais l’autre chez toi. Bon anniversaire Alice !!!!!

__–Et chez elle, au milieu du salon, était posé un paquet en carton emballé de papier cadeau, de quelque trente centimètres sur vingt. Une fois le premier emballage multicolore défait pour révéler celui de carton, un autre texte était présent, écrit à même la boîte :

T’as gagné un combat qui était super génial et impressionnant, alors il te faut un truc spécial qui montre à tout le monde que t’as GAGNÉ. Il y a que deux objets qu’on donne à ceux qui gagnent des combats dans des arènes, mais une médaille c’était trop petit, c’est pas drôle, c’est pas assez impressionant (sic), tu peux pas frimer pareil avec. Alors voilà.

PS : Je me suis toujours demandé ce qu’on mettait dedans le vase mais j’ai jamais su, alors j’ai décidé de la (sic) remplir moi-même.

Aylan

__–Et bien entendu, à l’intérieur de la boîte on trouvait une coupe en métal couleur or et vert, le genre qu’on donne dans des compétitions de sport. C’était un bel objet, certes en simple aluminium, certes d’un kitsch consommé, mais choisi avec un certain goût. Dans sa coupe avait été versé des dragibus jusqu’à ce qu’il ne fût plus possible d’en mettre sans qu’il ne ruisselassent le long du trophée. Enfin, sur la plaque de cuivre à sa base, était gravé :

Au milieu des cartons, Alice a prit le temps avant de décider de déménager. Et puis, elle ne déménageait pas seule : Adélaïde venait vivre avec elle. C'était une toute nouvelle vie pour elle, et c'était sans compter les examens de sa fin d'année, les débuts des travaux de Masters bien que légers pour l'instant, la recherche d'aide pour un copilote de ses activités artistiques avec les enfants, et tous ses loisirs personnels.

En rentrant en fin d'après midi dans sa chambre à moitié vide, elle trouve en plein milieu un avion en papier. Et Alice est certaine qu'il n'y en avait pas au moment de partir. Elle l'attrape, le retourne, finit par l'ouvrir et y découvrir un message bien mystérieux. Il y avait une surprise chez elle. L'écriture la laisse deviner que la personne l'ayant écrit n'est pas une adulte. Mais qui ? Les enfants et plus jeunes qu'elle cotoyait ne manquait, alors lequel d'entre eu avait décider de lui envoyer ? Elle attrape quelques affaires, puis ressort de sa chambre, et file vers le quartier des Masters. En arrivant devant sa maison, elle ouvre la porte et entre tranquillement. Elle chercher autour d'elle avant d'arriver dans le salon et de voir le paquet bien en évidence. Elle pose ses affaires pour pouvoir déballer le cadeau.

Une coupe. Colorée. Remplie de bonbons. A son honneur. Alice éclate de rire au milieu des cartons. Elle ne savait toujours pas de qui était l'attention. En mangeant quelques dragibus, elle apporte la coupe sur le plan de travail de la cuisine, elle lui trouverait une place de choix dès que tout serait en place chez elle. Au moins elle sait maintenant : elle a au moins beaucoup impressioné une personne !