__–Précédemment :

__–Après quelques recherches, Aylan avait fait une découverte qui avait soulevé en lui bien plus de questions qu’il n’avait de réponses. Chantal, Ipiu, avait le même nom de famille que lui ; nom de famille qu’on lui avait attribué après son arrivée à Terrae. C’était étrange. Peut-être n’était-ce qu’un hasard curieux et en vérité, Aylan ayant toujours vécu dans l’idée que ses parents étaient ou des parfaits inconnus ou morts, l’idée même qu’il eût pu avoir une mère, lui était tout à fait inconnue. Mais il se souvenait avoir vu ce visage à une autre occasion : elle avait fait partie de l’équipe de sauvetage qui était venue le récupérer dans l’avion du Centre. Et avait alors dit quelque chose d’étrange. Qu’elle était elle-même un ex-agent. Aylan étant né au Centre, il était sensé que sa mère fût un membre de cette organisation.
__–Les données ne furent pas compliquées à recouper. Sa mère ne pouvait être que quelqu’un de lié au Centre et la seule adulte qu’il connaissait dans ce cas partageait son nom de famille, ses yeux violets, la clarté de leur couleur de cheveux et leurs traits faciaux étaient assez comparables. Mais une déduction n’était en rien suffisante. Il lui fallait des preuves. Et une explication. Si c’était le cas, pourquoi n’avoir rien dit ? Si ça ne l’était pas, pourquoi ne jamais avoir levé l’ambiguïté et expliqué qu’il ne s’était agi là que d’un étrange hasard ?
__–C’est avec ces interrogations en tête qu’Aylan s’était dirigé, en pleine nuit cela va de soi, vers la maison d’Ipiu. Certes, il aurait pu aller la voir directement de jour, voire se faire accompagner par Chrys ou Alice, pour qu’elles l’empêchassent d’utiliser ses tactiques d’évitement et fuir la discussion. Mais agir ouvertement n’était certes pas commun à Aylan. Par principe, il affectionnait bien plus les méthodes indirectes et interlopes.
__–Ce qui explique pourquoi il était affairé à crocheter la porte d’entrée de la maison de sa supposée mère. (Il commençait à avoir l’habitude des effractions chez les masters, cela ne l’effrayait plus trop.)
__–La serrure céda sans trop de difficulté. Aylan s’était vêtu de ses habits de cambrioleurs habituels : tenue intégralement noire, des chaussures aux semelles antibruit, une cagoule et ce qu’il fallait d’équipement dans son sac.
__–Pendant plusieurs jours, le petit Air avait travaillé son coup. Repéré les lieux, inspecté les allées et venues au moyen de jumelles, dresser un plan de la maison en fonction de ce qu’il pouvait deviner à travers les fenêtres, estimer les horaires de coucher, se familiariser avec la chienne, aussi : pendant deux bonnes semaines, presque tous les jours, Aylan lui avait apporté des friandises et l’avait couverte de caresses dès que la maison était vide de ses occupants humains. Ainsi, elle n’allait pas juger étrange que l’enfant qui avait tout fait pour se montrer appréciable pénétrât le domicile ; son odeur n’était plus tout à fait celle d’un étranger.
__–Une fois à l’intérieur, notre protagoniste dut déterminer la marche à suivre. Où trouver des informations ? Que cherchait-il exactement ? Fouiller dans ses papiers à la recherche d’un certificat de naissance de marcherait pas, comme pour une famille normale. Peut-être avait-elle un journal intime ?
__–Quoi qu’il en était, ce qu’il cherchait se trouvait dans la chambre de sa cible. Équipés de lunettes de vision nocturne – qui s’étonnerait qu’il possédait cela –, il poussa la porte, dans un silence absolu.
__–Elle dormait. Ou faisait très bien semblant. La chienne n’était pas avec elle. Tant mieux.
__–Aussi Aylan put-il commencer à chercher dans les placards, les étagères et sous le lit, en quête de documents, carnets, choses du genre. Et du téléphone d’Ipiu. Ces appareils. recelaient souvent des informations indispensables. Il n’allait pas le craquer là, mais avait quelques idées sur comment faire une fois qu’il serait chez lui.

Hm. C’était prévisible. Aaron m’avait averti qu’il avait vu Aylan roder autour de la barraque. Il m’a mise en garde. Genre « il prépare un mauvais coup et c’est à toi de gérer, t’es sa mère. » ce à quoi j’avais rétorqué qu’une mère c’était la personne qui s’occupait d’un enfant, et qu’à ce titre j’avais rien à revendiquer parce que non je ne comptais pas m’en occuper. C’était un gamin comme un autre. Un écloppé de Terrae, donc le soucis de TOUS LES MASTERS (enfin surtout ceux qui en avaient quelque-chose à carrer). Il m’avait alors fait un beau gros chantage «Dis lui la vérité ou c’est moi qui le fait. » Comme si le fait qu’on ait trois liens du sang distendus nous pouvait me donner la moindre autorité sur le mioche. Putain.


Bon tout ça nous emmène à maintenant, le gamin est dans ma chambre, il fouille en cherchant… Je ne sais pas trop quoi en fait, parce que franchement, tous les documents que je peux conserver sont ceux qui sont à destination d’autrui. Ce qui sont importants ne se trouvent que dans ma mémoire. C’est la raison pour laquelle la porte de la maison n’est jamais fermée (ça et le fait que la serrure soit méga dur à ouvrir…) Donc, là je fais semblant de dormir en espérant qu’il se casse et que ça redevienne le problème des autres, ou alors j’assume.

« Bon arrêtes tes conneries, ta chambre c’est la porte d’à côté, il y en a qui ont taffé aujourd’hui au lieu de sauter les cours. »

__–Ah, elle ne dormait pas. Interrompu dans sa fouille, mais pas par une décharge électrique, Aylan ne s’arrêta pas tout de suite. C’est qu’il avait une pile de dossier à finir d’éplucher. Celle-ci terminée, il se retourna vers elle, enfin, plutôt vers sa table de chevet pour voir si son téléphone n’y était pas.
__–Puis regarda Ipiu, avec un air d’autant plus indéchiffrable qu’il faisait nuit et qu’il avait toujours ses lunettes de vision nocturne sur les yeux. C’était maintenant pratiquement certain : elle était bien sa mère. Cette nouvelle ne surprit pas vraiment Aylan. Il était venu ici en quête d’une confirmation de ce dont il avait déjà commencé à se persuader. Et dans le fond, comme le pensait Ipiu elle-même, si on exceptait un lien de sang, il n’y avait rien qui les rapprochait.
__–« Euh… J’peux dormir avec toi ? »
__–Ça pouvait toujours s’arranger.

Alors là très précisément j'espérais qu'il allait se casser de mon espace vital et me laisser le temps de respirer ok ? Parce que bordel ce qui vient de se passer est de ouf chelou et traumatisant. Mais personne est en train de pleurer donc c'est cool hein ? Enfin, p't'être que si je dopais pas mes émotions pour rester la plus stoïque du monde, ça serait moins facile.

"T'es probablement trop léger pour mon matelas à air."


Le stoïcisme.

__–Il retira ses lunettes et haussa les épaules.
__–« Oh ben c’est pas grave. J’ai qu’à m’accrocher à toi. »
__–Aylan commença à escalader le matelas et tendit les bras, comme pour lui faire un câlin.

"Euh, t'es en train de faire quoi ?"

A part foutre le zbeul dans mon lit, genre wtf ?

__–Aylan la serra donc dans ses bras. C’était sa maman. Elle était là. Il ne l’avait jamais connue, ni même n’avait eu spécialement envie de la retrouver, mais elle était là. Et ce alors qu’elle n’en avait aucune envie. Mais il n’allait plus la lâcher. Qu’elle le veuille ou non.
__–Pour s’épancher un peu plus sur son état mental, depuis près d’un an maintenant, Aylan avait été séparé de sa famille ; Miguel, Liz, Brad et surtout Lola. Depuis cette date, surtout depuis son arrivée à Terrae, il n’avait cessé de ressentir en lui un manque cruel, permanent, lancinant d’affection et de lien. Tout ce à quoi il avait pu se raccrocher – Chrys, notamment – était bon à prendre. Aylan avait certes des copains, des gens qu’il aimait beaucoup, mais rien qui ne saurait être comparé avec un lien familial. Il souffrait tous les jours de la solitude et sa peine n’allait que croissante. Il lui fallait, en permanence auprès de lui ou avec l’assurance qu’il pouvait la retrouver ; dès qu’il rentrait à la maison ou passait un appel, une présence aimée. Quelqu’un qui serait là quand il était triste, quand il aurait peur ou qu’il serait confus pour le rassurer et le prendre dans ses bras. Quelqu’un à qui parler de sa journée, faire les courses, la cuisine et le ménage avec ; les choses banales du quotidien, mais justement : avoir un quotidien avec quelqu’un.
__–En l’absence de sa seconde famille, la première allait devoir faire l’affaire.
__–Aylan ne disait plus rien. Il pleurait un peu. Mais n’aurait pas su dire pourquoi. Un étrange amalgame de tristesse, joie, fatigue mentale de mois entiers passés seuls qui se traduisait enfin une une réaction physique, un peu de tout cela à la fois et de bien d’autres choses qu’il restait à la sensitive de la pièce à analyser – si tant est qu’elle le désirait.

Euh. OK. Il nous fait quoi là ? Sérieux ? NON MAIS. NON. Ok. Je vais le patpater. C'est comme ça qu'on fait non ? Faudra que je demande à Aaron, lui il doit savoir. Est-ce que c'est une bonne idée de faire ça ? Bof. Genre, c'est chelou quand même. Est-ce que ça aurait été moins chelou si je lui avais dit "Aylan, je suis ta mère." Ca aurait été classe, pourquoi j'y ai pas pensé avant ? Tout simplement parce que j'ai pas envie de le dire et que je le dirais pas. Ok. On patpat. Sérieusement.

On va continuer à patpater ce petit et surtout s'isoler de toute sa négativité. Sérieusement. J'comprends pas comment il peut être heureux et en même temps triste. C'est tellement le n'importe nawa dans ses émotions... Et c'est vraiment dur d'y avoir accès. Je veux pas savoir okay ?

__–Des petites tapes gentilles sur la tête.
__–C’était pas si mal, pour un début.
__–Ils restèrent donc là un moment. Le sentiment lancinant de solitude, ce fil de fer barbelé qui déchirait les entrailles d’Aylan, s’évanouissait peu à peu. Quand il eut assez de force pour cela, il leva ses yeux noyés vers Ipiu et lui dit, avec la voix faiblarde et chevrotante que produit les larmes :
__–« C’est vrai j’peux venir vivre avec toi ? »

"Oui, mais faudra que tu respectes les règles de la maison."

Genre. Aaron soit fier de moi. Je m'affirme en temps que personne avec la responsabilité de mettre des limites à cet enfant.

__–« Oui maman. »

Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol.

"Tu peux m'appeler Ipiu tsais."

Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol. Lol.

__–Est-ce qu’Aylan avait compris ce qu’elle sous-entendait par là ? Absolument pas.
__–« Non merci, j’vais rester sur maman. »
__–Dans son idée, il s’était figuré qu’Ipiu lui avait laissé ne pas utiliser le titre consacré pour qu’il puisse ne pas rompre tout de suite avec ses habitudes, qui étaient de ne pas l’utiliser, avec personne.
__–Et puis de toutes façons, il commençait à s’endormir, non sans un sourire sur le visage, ce qui réglait quelque peu la question.