Jérémy adore faire les courses tout seul. Parce qu'il y a pas Nicolas pour lui casser les couilles sur la place des tomates dans le rayon fruits et/ou légumes -ça fait le malin avec ses études scientifiques mais ça sait pas faire une confiture. Parce qu'il y a pas Lottie qui fait que se plaindre tant qu'elle est pas dans le rayon surgelé -pour des glaces, alors qu'ils en font à la maison et des biens meilleures mais y'a un débile qui a eu la bonne idée de lui faire goûter des Mister Freeze, DEVINEZ QUI. Parce que y'a pas Aaron en mode pile électrique toujours content de faire une sortie en famille -Aaron en famille c'est un Nicolas en balade dans une forêt, c'est un objet lancé dans l'espace, si y'a rien devant ils ne s'arrêtent pas, un truc de Tonnerre probablement. Parce que Lou... Non Lou c'est la seule normale et qui fait le taff, merci maman en fait.

Après, il se plaint, mais Jérémy qui fait ses courses c'est tout une aventure aussi. Préparez-vous à rester des heures dans le magasin à lire ENTIEREMENT les étiquettes et à COMPARER TOUS LES PRIX d'un même produit. Là, par exemple, il a deux doubeurres dans les mains pour un risotto au lard et aux champignons. Même prix, mais il y en a un presque trop fait mais plus gros, un plus jeune mais un peu petit pour une famille de six -Elwynn vient manger à la maison ce week-end et il veut en mettre de côté pour que Roman est un bon repas. Donc il est immobile, grande statue grecque aux allures vikings, avec deux courges dans les mains qu'il fixe. La beauté d'un homme en pleine réflexion.

...Avec son carnet de recette sous un bras et des poireaux qui dépassent de son sac.

Il pourrait en prendre deux petits hein. Mais je le laisse mijoter un peu. ...ahah, mijoter.


HRP : Tout jugement à propos du titre qui a été choisi à l'arrache sera sévèrement puni par le Conseil des Titres de Terrae. La punition sera choisie selon la sévérité de l'injure.

Voilà déjà deux semaines que je suis initié et que j'ai eu droit à ma chambre personnelle. J'ai trouvé le temps d'acheter un micro-onde et quelques ustensiles de cuisine indispensables : poêle, wok, plat à gratin... Et bien sûr spatule et cuiller en bois. Mais vu mes dépenses, j'ai dû survivre en mangeant des snacks et des pâtes. Heureusement, ma mère m'a viré une petite somme en ce début d'année et il est donc l'heure d'aller faire les courses.

Comme à mon habitude, je n'ai pas de liste de courses. Je flâne dans les rayons en choisissant ce qui me plaît, mon petit carnet de recettes ouvert dans une main. Pour le moment j'ai prévu pour la semaine de faire un chili, des blancs de poulet à la crème, et mon plat fétiche : les nouilles épicées à la sauce au beurre de cacahuète ! Mais comme je ne connais pas l'endroit, je me suis vite égaré et me voilà au rayon fruits et légumes alors que je cherchais plutôt des graines de sésame. Tant pis, pendant que j'y suis, qu'est-ce qui pourrait être sympa à faire... J'aperçois un jeune homme avec des poireaux dans son sac et ça me donne une idée ! Pourquoi pas du riz avec une fondue de poireaux !

Bon le gars est bâti comme une armoire à glace, donc pas facile à aborder mais ça ne m'a jamais fait peur ! Alors allons-y gaiement !

- Salut ! Désolé de te déranger, je voulais juste savoir où tu as pris les poireaux ? Je demande en souriant.

La vache, moi qui me croyais un minimum grand, il me dépasse d'une tête.

- Dis-donc t'es vachement grand quand même...

Parfois j'oublie que ça m'arrive de penser à voix haute... J'espère qu'il ne va pas mal le prendre.

Jérémy tressaille un peu quand on le sort de sa méditation courgesque et son regard tombe sur un blondinet. Qui lui demande où sont les poireaux. Rien de choquant, hein, mais c’est pas souvent qu’on essaie de lui adresser la parole dans son milieu naturel. Jérémy fait battre ses paupières, réfléchit un temps et pose les doubeurres, prêt à rendre service. C’est qu’il n’allait pas refuser à quelqu’un ses poireaux, c’est bon les poireaux. …Je sens que ça va être sorti du contexte. :

-Juste là, au bout du rayon suis-moi. Ils sont un peu planqués ouais, alors t’inquiètes, tu ne me déranges pas.

Puis à la remarque sur sa taille, Jérémy prend une inspiration. Il est grand parce que la génétique a joué, tout le monde est grand que ce soit du côté de son père ou de sa mère biologique. :

-Je- oui, j’ai pas eu trop le choix donc oui. Et toi tu es- il a un regard pour le blondinet avant de pointer du doigt le carnet qu’il tient. …Cuisinier ? Nan ?

Que des gens se baladent avec des listes de courses, oui. Bon. Normal. Que des gens se baladent avec des carnets un peu plus épais ET demandent où sont les poireaux, et Jérémy reconnaît son peuple… :

-Ou du moins assez intéressé pour avoir ça dans tes mains dans un magasin. fait-il en tapotant son propre carnet calé sous son bras.

Ouf, le gars semble être un gentil géant. Enfin pour l'instant je n'ai pas croisé de gens mauvais à Terrae, malgré quelques excentriques. Je le suis vers l'endroit où se trouve les poireaux.

- Merci, c'est chic de ta part. Désolé pour ma remarque, c'était pas une critique ou quoi, ça m'a juste surpris...

Il pointe mon carnet ouvert dans ma main. Instinctivement je baisse les yeux sur les lettres bariolées qui en parcourent les pages. J'aime bien mettre de la couleur dans mes notes, je trouve que ça donne de la motivation pour cuisiner.

- Ah oui, enfin... Cuisinier est un grand mot. C'est plutôt un passe-temps. J'aime bien compiler des recettes que je trouve sur internet ou sur les réseaux sociaux. Comme ça après j'ai plein de trucs à tester. Je dis avec enthousiasme.

Je me penche sur les poireaux et commence à les examiner. J'aime bien qu'ils aient beaucoup de blanc, c'est plus facile pour réussir la fondue. Puis je préfère la partie blanche en général sur les poireaux. Elle est moins forte j'ai l'impression. Mais c'est peut-être juste parce que la couleur est différente. Enfin voilà, j'en sélectionne soigneusement deux ou trois. Puis je me tourne vers l'armoire à glace.

- Il a l'air bien chargé ton carnet aussi. Mais je t'ai interrompu, tu essayais de choisir des courges non ? Tu vas cuisiner quoi ? Je demande, curieux.

Si je peux au passage grappiller une petite recette....

Jérémy hoche une fois la tête quand le blondinet s'excuse pour la remarque sur son physique. En vrai, il a été plus surpris qu'insulté... Mais si ça lui permet de faire plus attention pour d'autres personnes, c'est une bonne chose. Tout le monde n'aime pas son corps, Jérémy n'aime pas son visage par exemple, entre son nez déformé par les coups et sa mâchoire si longue et large. Là, il ne s'agissait que de sa taille, et bien que ça le gêne au quotidien pour écouter les gens plus petits que lui et qui ont une voix basse, ça ne lui fait pas mal. ...Enfin si, au dos, mais c'est un autre problème qui n'a rien à voir avec le blondinet.

Concernant le carnet, Jérémy l'écoute et arrive à avoir un léger sourire aux lèvres. 'fin, disons qu'il ne tire pas la gueule, alias, sa poker face de base. Il aime sa façon de vivre sa passion pour la cuisine... Aurait-il eu accès à un téléphone dernier cri et au réseau sociaux plus jeune, Jérémy ce serait bien vu faire la même chose pour découvrir de nouvelles recettes d'ailleurs. Ouais parce qu'il risquait pas d'être vu aux alentours de la bibliothèque, trop dangereux pour sa réputation malheureusement. Alors pendant que le client choisit ses poireaux, Jérémy commente. :

-Un passe-temps qui te passionne assez pour faire tout ça. C'est peut-être pas ton métier mais ça change pas, pour moi en tout cas, que t'es cuisinier... et il ajoute en le voyant choisir les poireaux les plus blancs possibles. J'ai des astuces pour cuisiner le vert des poireaux et les radicelles si tu veux.

GNEUUH oui bonjour je suis Jérémy GNEUUUH j'ai fait des études je sais ce que c'est des radicelles GNEUUUUH... Et ça va OH ! Je me moque pas ! Tu te moques pas mais en attendant tu te la pètes un peu. Espèce de Feu là. Il a pas le temps de m'engueuler, le blondinet revient vers lui pour parler carnet et courges. Sans dire un mot, il lui tend son carnet pour qu'il puisse le feuilleter. Quiconque connaît un peu Jérémy reconnaîtra directement ses carnets parmi les autres. Les siens sont neutres -avec des petits dessins de sa petite sœur dessus parfois, sur celui-là par exemple, il y a un chat-, et reliés par des anneaux. L'écriture au stylo bic noir est soignée, rarement raturée. Les détails et astuces qu'il découvre lors de ses expériences sont ajoutées au stylo rouge. Parfois les recettes sont totalement réécrites, ajoutées plus loin dans le carnet et pour ça Jérémy numérote CHAQUE. PAGE. Scotchées de façon à ne pas couvrir les pages sur lesquelles il peut écrire, comme s'il ajoutait des pages aux pages déjà présentes, il y a des recettes qu'il trouve dans des magasines que Louisa achète et qu'ils tentent de refaire ensemble. Rien ne dépasse. Maniaque. Chirurgical.

Et quiconque connaît Jérémy sait qu'il va répondre, TRES sérieusement à la question sur ce qu'il va faire des courges. Il s'y dirige à nouveau pour reprendre ceux qu'il avait posé et n'ont pas bougé. :

-Généralement, quand je fais des courses, j'ai des plats à faire de sûr mais j'essaie toujours d'avoir de l'avance au cas où. Donc là, pour les doubeurres, j'ai plusieurs options. Je peux faire un velouté, avec de la crème et des patates classiques et des patates douces. Ma petite sœur en raffole et je peux ajouter des lardons, des croûtons, d'autres choses pour habiller la soupe et l'adapter au palais du reste de la famille. En parlant de lard, je peux les farcir d'ailleurs. Je fais ça avec les dernières noisettes de la saison, c'est aussi bon pour la santé, à cette période on a besoin de noix. Et s'il y a des restes, les ajouter dans une tourte à la viande ajoute un peu de fondant et de douceur ou juste... les frire. Les frites de doubeurres on dirait pas mais avec une bonne petite sauce blanche, c'est délicieux.

Et puis soudain il fronce les sourcils. :

-Je parle beaucoup non ?... Désolé. J'ai-... Enfin voilà.

Oui parce que c'est le moment d'être timide là, tiens.

L'homme a l'air assez sympa finalement, et je laisse échapper un sourire en l'écoutant pendant que je choisis mes poireaux. Alors que je les glisse dans mon panier, j'essaie de deviner ce que sont les radicelles. J'avoue que je ne connais pas forcément les termes techniques... Et je n'ai pas envie de paraître idiot ou inculte. Mais force est de reconnaître que là, je suis coincé.

- C'est gentil. J'avoue que je les choisis surtout par préférence personnelle. J'ai dans l'idée de faire une fondue de poireaux et j'adore le blanc pour ce plat. Par contre, tu vas me trouver idiot, mais je ne sais pas ce que sont les radicelles... Je dis, embarrassé.

Je prends le carnet qu'il me tend. Il y a de tout ! Les pages sont belles, très minimalistes avec plein d'astuces. C'est agréable à lire, même si je suis sûr qu'avec un carnet comme ça, je risquerais de rater des étapes de la recette. En tout cas, celles qui sont écrites ont l'air déclicieuses !

Je le suis au rayon courges en même temps que je feuillette son carnet, tout en l'écoutant. Camil multitâche, le retour ! Donc il cherche quels doubeurres seraient les plus adaptés pour tout ces plats... En réfléchissant, j'en aperçois un caché sous les autres sur l'étal. Je l'attrape et, comme je le pensais, il est énorme ! Je le tends au géant.

- Et si tu prenais celui-ci pour la soupe ? Il devrait t'en rester, que tu pourras faire en frites. Et prends l'un des petits pour le farcir, comme ça ça te fait trois repas dans la semaine, accompagnés par exemple de ris pour le doubeurre farci. Je suggère. Et ça ne m'embête pas que tu parles. C'est super intéressant, ça donne presque faim rien que de t'écouter.

Je lui tend son carnet avec un sourire. C'est toujours super sympa de discuter avec un camarade fan de cuisine. D'ailleurs, ça me fait penser...

- En fait, c'est plutôt à moi de m'excuser... Je me suis même pas présenté. Je m'appelle Camil ! Enchanté.

Bon, je lui tends pas la main, puisqu'on est tous les deux déjà encombrés d'affaires...

Préférence personnelle, Jérémy l'accepte totalement. Il sait que le vert des poireaux mets plus de temps à cuir, alors quand il fait des fondues, il a tendance à mettre le vert en premier dans la casserole pour le laisser bouillir plus longtemps. Mais il peut, il a que ça à faire lui. Quand t'es pressé de manger il se doute que t'as pas le luxe de séparer les cuissons selon chaque légume et chaque partie de légume. Et concernant les radicelles. :

-C'est pas parce que tu sais pas que t'es idiot. Les radicelles, ce sont les racines au bout du poireaux. Tu peux les frire à l'huile et les mettre dans une soupe, ça rappelle la texture des chips, c'est plus léger que des croûtons. Ou tu peux les sauter à la poêle et les ajouter dans une salade.

Voilà maintenant il sait. Et personne n'est plus ou moins con qu'avant.

Il le laisse observer son carnet puis il fouille les courges pour lui désigner un plus grand que les autres. Jérémy le prend d'une main, sans soucis et l'observe sous toutes les coutures. Son analyse lui convient et il le met dans son sac avant d'y ajouter aussi le plus petit qui lui faisait de l'œil plus tôt. :

-T'as raison je vais faire ça. Et puis y'a jamais de gâchis à la maison anyway. J'y veille.

Et il sourit quand le blondinet lui dit que ça le dérange pas de l'écouter parler, que c'est intéressant... et que ça lui donne faim. Il se présente alors Jérémy fait de même. :

-Enchanté, et moi c'est Jérémy. Si t'as faim et que tu as du temps après les courses, j'peux te proposer qu'on aille squatter les cuisines du restaurant où je bosse. ...Il est fermé aujourd'hui mais j'ai les clefs.

Tant qu'il nettoyait tout après, Jérémy avait le droit de passer du temps dans les cuisines autant qu'il le voulait. Et jusque là le patron ne s'est jamais plaint donc il suppose que d'amener une autre personne ne devrait pas poser de problèmes... s'il l'apprend un jour eh.

En écoutant l'homme, je m'empresse de fouiller dans ma sacoche et sors un feutre au hasard pour noter ce qu'il me dit sur une page de mon carnet. Miam, quelle bonne alternative aux croûtons. Puis moi qui n'aime pas les pignons de pin, dans une salade c'est parfait.

- Trop chouette ! Merci j'ai hâte d'essayer. Et je me couche moins bête ce soir, alors c'est d'une pierre deux coups.

J'avoue que je suis assez impressionné quand il prend dans une seule main le monstre de courge que je tenais à deux. Bon, je suis un peu une crevette comparé à lui, étant donné que la seule forme de sport que je pratique c'est le vagabondage dans l'institut. Je sais même pas comment je suis encore aussi fin. Je peux dire merci à ma morphologie je suppose. J'acquiesce au sujet du gâchis. Je n'aime pas ça non plus alors je fais en sorte de toujours finir les restes, quitte à me retrouver avec un frigo vide de chez vide à la fin. Au moins j'ai tout mangé et j'ai pas été tenté par des choses plus fraîchement achetées.

Sur ces entrefaites, Jérémy - apparemment c'est son nom - range l'énorme courge et me propose de passer cuisiner au resto où il bosse après les courses. Pas la peine de me le dire deux fois.

- Bah carrément ! Avec plaisir, même. Par contre, tu vas pas t'attirer des ennuis en faisant rentrer un civil, enfin une personne lambda dans le resto alors que c'est fermé ?

C'est vrai quoi ça m'emmerderait qu'il se fasse virer pour ça. Malgré tout je suis vraiment emballé à l'idée. Dans un resto il y a toujours de supers ustensiles et plein de place. C'est tellement plus agréable pour cuisiner... Je n'ai pas trop retenu quel genre de recette Jérémy avait dans son carnet, mais plus j'y pense et plus je serais motivé par un gâteau.

- D'ailleurs, tu es plutôt cuisine ou pâtisserie toi ? Je sais, c'est un peu une façon déguisée de dire "sucré ou salé", mais je trouve que ça dit beaucoup sur la personnalité des cuisiniers.

C'est vrai : je n'ai jamais croisé une personne qui aimait faire des pâtisseries qui soit méchante ou cruelle. J'ai peut-être juste eu de la chance mais clairement pour moi c'est presque aussi précis que de demander son signe du zodiaque à quelqu'un.

Jérémy est ravi. Il n'a pas eu l'occasion de voir quelqu'un aussi enthousiaste pour des radicelles en même temps. La plupart des gens considèrent que c'est un truc à jeter, et lui aussi le croyait avant de tomber sur ces astuces apprises en cours et qu'il garde précieusement. Ça le fait sourire pour de vrai, sans se cacher, quand il voit Camil prendre des notes. :

-Et si le goût n'est pas assez prononcé pour toi, tu peux ajouter des épices comme pour les frites et les chips. Je te conseille le mélange sel, poivre, poudre d'ail, paprika et poudre de chili si t'aime quand c'est relevé. Classique mais indémodable.

Il supporte l'épicé le Mymy, mais point trop n'en faut. S'il ne peut plus sentir toutes les subtilités d'un plat à cause des épices, il aura tendance à faire la gueule mais il va le manger jusqu'au bout. Juste. Plus lentement. Et en mangeant beaucoup de pain.

Camil s'anime à l'idée d'aller au restaurant. Jérémy a déjà une idée de ce qu'il se passe dans sa tête ; des couteaux aiguisés adaptés à tous les légumes possibles ? des cocottes minutes où on peut y cuire quatre poulets fermiers entiers à la fois ? des instruments dont personne ne connaît le nom et qui devraient être dans toutes les maisons tellement ça facilite la vie ? ÉVIDEMMENT ! Mais Camil est sympa quand même, et veut être sûr qu'il ne risque pas de perdre son job. :

-Eh. Je fais parti des chouchous du patron, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai les clefs. Il sait que je squatte souvent, je lui avais demandé l'autorisation pour mes études mais depuis il a oublié que je suis diplômé ahah.

Et puis s'il est viré, ça lui fera une occasion de parler avec son père de cette envie qu'il a d'ouvrir son restaurant à Terrae. Leur restaurant s'il veut bien. Avec des recettes adaptées à tout le monde, du monde entier, et plus équilibrées. De leur famille quoi. Mais ça, Jérémy n'en parle pas, il préfère regarder sa liste de course, cachée dans sa tête. :

-Par contre. J'ai encore des œufs à prendre. Donc si tu n'as pas fini tes courses non plus, on peut en profiter pour faire ça ensemble.

La dernière question de Camil le laisse réfléchir. Il a déjà la réponse mais il veut prendre en compte tout ce qu'il a appris, ce qu'il sait. :

-Hmm... Je dirais "cuisine" quand même. J'ai tendance à aller instinctivement vers le salé, même quand j'étais petit. Mais j'ai de très bons souvenirs attachés autour des desserts et je pense sincèrement que c'est un domaine où on peut encore innover sans risquer de développer du diabète, contrairement à ce qu'on pourrait penser.

Il entend encore des profs interdire totalement le sucre quand de toute façon, il y en a dans la plupart des aliments, sous différentes formes certes, mais qui restent du sucre. :

-Je suis du genre à penser que, peu importe les goûts des gens, la nourriture est un carburant qu'on peut transformer en plaisir, et quand c'est bien fait ça coche les deux cases. Ça fait sourire les autres, et ça fait fonctionner leur machine en même temps. Je trouve ça fascinant... Et du coup toi ? Salé ou sucré ?

Je rajoute sur la page sur les radicelles le mélange d'épices que me conseille Jérémy. Ça ressemble un peu au mélange pour les chips au paprika, et j'adore ça. Je me note dans un coin de la tête de tester ça quand je feras la fondue de poireaux. Tant qu'il n'y a pas de cumin dedans, tout me va. C'est juste avec cette épice, que ce soit en graine ou moulue, je le sens et comme je déteste ça, je suis incapable de manger le plat...

Je rigole en entendant Jérémy parler de son patron. Ça a l'air d'être un chic type.

- Haha bon, si il n'y a pas de risque pour ton emploi, je suis partant. J'ai aussi encore quelques choses à prendre alors on peut finir ensemble.

De tête il me faut encore des épinards surgelés, des œufs aussi et du coulis de tomate. Quand on combine les trois, ça fait un super plat légèrement acidulé grâce au coulis. C'était le plat préféré de mon père, et ça fait au moins dix ans que je n'en ai pas mangé. En refaire risque de faire remonter des souvenirs mais le goût me manque. J'en enverrai une photo à ma mère tiens, ça lui fera plaisir.

Puisqu'on a besoin tous les deux d’œufs, je me dirige vers le rayon où ils sont. J'ai beau ne pas être sensitif, la réponse de Jérémy ne me surprends pas. Je ne sais pas pourquoi, il a en effet l'air plutôt salé. Peut-être qu'en regardant son carnet, j'ai inconsciemment remarqué qu'il avait plus de recettes salées. Je ne sais pas. En tout cas, ça correspond bien à l'idée que je me fais du géant.

- Haha je suis plutôt sucré. J'adore la pâtisserie, le dernier gâteau que j'ai appris à faire était un velvet cake. Ce n'était pas une grande réussite d'ailleurs. Mais je ne dédaigne jamais un plat salé. Je trouve l'art de la cuisson de la viande, par exemple, plutôt difficile. Puis il y a tellement d'épices et d'herbes différentes à utiliser pour des combinaisons de goûts différentes. Sans parler de la multitude d'ingrédients utilisables.

Rien que d'y penser j'en ai presque le vertige. Et en fonction des cultures, on débloque de nouveaux ingrédients, ou de nouvelles épices. Il y a toujours quelque chose à découvrir. Je souris à Jérémy.

- Heh, tu vois, moi aussi je parle beaucoup. Je dis, pas embarrassé le moins du monde.

Je choisis une boîte et l'ouvre pour vérifier les œufs un à un. Une fois, j'ai ramené une boîte sans la vérifier et deux des œufs dedans étaient cassés. Plus jamais je ne me ferais avoir ! Une fois satisfait je la pose délicatement dans mon sac de courses.

- Il te faut autre chose ? J'ai encore besoin d'épinards surgelés et de coulis de tomate, après j'ai fini. Tiens, d'ailleurs, tu as fait quoi comme études du coup ? Cuisinier ? Enfin, si ça s'appelle comme ça. Je demande.

Donc, voilà le projet. Camil et lui finissent leurs courses, puis direction restaurant pour squatter des fourneaux pros et s'échanger des recettes. Une bonne journée qui s'annonce quoi. Ils s'en vont vers le rayon des œufs. Jérémy adore en acheter souvent depuis qu'il est au Japon ; puisque la plupart des japonais consomment souvent des œufs crus, la législation est très pointilleuse sur cet aliment et il est donc plus frais, pas cher. Mais avant d'y arriver, Jérémy écoute attentivement les préférences de Camil. Plus attiré par le sucré, il ne rechigne pas pour autant à manger du salé -et c'est bien, il en faut aussi. :

-Aaah le velvet cake. Faut être patient, ne baisse pas les bras. Qu'est-ce qui te déplaisait dans le tien ?

Il fait beaucoup moins de pâtisseries, certes, mais il a quelques expériences dans les gâteaux... Il a une petite sœur hein. Puis Camil enchaîne sur la viande et... et Jérémy va faire ce qu'il peut pour éviter d'étouffer le Tonnerre avec sa passion. :

-La viande, c'est un art ! Avant même les épices et la cuisson, il faut connaître le morceau de l'animal et comment le découper. Il y a des maîtres-sushis, mais certains chefs passent des années à perfectionner leur art dans ce domaine...

Jérémy maîtrise ses couteaux comme personne, même s'il considère qu'il a toujours plus à apprendre. Mettez lui un poulet dans les mains et il découpera chaque partie sans vraiment regarder, mettez lui un morceau de bœuf et il l'identifiera avant de sortir la lame adaptée pour en faire des morceaux idéals pour le plat qu'il aura direct en tête. Il pourrait en dire des choses sur la viande, mais il se contient... et sourit quand Camil dit qu'il parle beaucoup aussi.

Ils regardent donc leurs œufs et les ajoutent dans leur panier respectif. Jérémy secoue la tête. :

-C'est bon pour moi, continue je te suis. Mes études. Alors... J'ai fait un bac pro de trois ans en cuisine oui, avec une alternance au restaurant à Terrae. Mais j'ai fait une année de plus pour avoir un diplôme de conseiller nutritionniste. Je suis pas médecin, hein, mais je peux faire des repas adaptés à tous les régimes particuliers. Je peux lire les résultats d'une prise de sang et savoir si la personne est diabétique, si elle fait des allergies ou ce qu'il manque dans son régime alimentaire. Je ne suis que "conseiller" donc dans des cas de troubles alimentaires sévères je dois envoyer le patient vers des professionnels mais je reste une petite étape pour ceux qui veulent pas aller à l'hôpital directement ou juste ceux qui veulent apprendre à manger plus sainement, comme les sportifs et ceux qui n'aiment pas mettre trop de temps à cuisiner.

Bon ben, rebelotte. Blabla intense, on ne l'arrête plus.

Je suis assez étonné du prix des œufs depuis que je suis arrivé à Terrae. On dirait bien qu'ici ils sont moins chers. C'est plutôt une bonne nouvelle pour de gros cuisiniers comme Jérémy et moi. Par contre, un truc que j'ai remarqué c'est que le bio est plus dur à trouver au Japon. Mais je me suis résigné, c'était plus une habitude de ma mère.

- Pour le velvet... J'ai commencé par un classique, pas un red velvet. Mais quoi que je fasse, il est toujours très sec. Que je le cuise moins, que je mélange mes ingrédients plus délicatement, que je change mes ustensiles... Il doit y avoir quelque chose que je manque. J'explique en haussant les épaules.

La discussion part sur le sujet de la viande et je crois comprendre que Jérémy aime bien en cuisiner ! Ça tombe bien, moi aussi !

- C'est vrai que quand tu vois un maître-sushi découper le poisson, c'est impressionnant ! Les tranches sont tellement nettes, fines et tout. Mais ce que je préfère je crois que c'est le rumsteak ! C'est quand même une pièce de viande assez épaisse mais quand elle est bien cuite elle fond dans la bouche, c'est tellement bon...

À ce point-là de la discussion, je ne bave pas, mais j'en suis pas loin. Bon j'ai enfin fini de vérifier mes œufs en bon psychopathe que je suis. Je les glisse dans mon panier et hoche la tête en écoutant Jérémy. Dans ce cas, direction les conserves. J'enregistre le parcours de Jérémy. Donc pour devenir cuisiner c'est en alternance ? Mmmh ça serait presque tentant. Mais bon, je ne sais pas si je serais encore capable de m'intégrer en classe.

- C'est un sacré parcours tout ça... Mais nutritionniste, ça veut dire que tu connais les différentes méthodes de régime en fonction de la demande du client, par exemple prise de masse, de muscle, perte de poids etc..? Et que tu sais combien de calories la personne a besoin en fonction de ses préférences alimentaires et de sa demande ? Je demande.

Tout ça a l'air assez compliqué, mais c'est tellement intéressant. Je me demande combien de calories je devrais manger normalement. Je pense que je suis de toute façon bien au dessus de mes besoins... Heureusement que je ne prends pas de gras. Je prends un coulis de tomates en vérifiant qu'il soit un peu sucré pour le plat auquel je pense, puis regarde autour de moi pour me repérer. Je ne sais jamais par où aller pour rejoindre le rayon surgelé...

Jérémy gratte sa barbe au menton, profondément plongé dans ses réflexions. :

-Un gâteau trop sec, ça arrive plus souvent qu'on pourrait le croire... Ça peut venir de plusieurs choses. Le plus commun, si tu respectes le ratio ingrédient sec et ingrédient liquide d'une recette, c'est le moule. Selon le matériau dont il est fait et sa taille, ça change tout de la cuisson... Il faut aussi, pour certains types, démouler le gâteau dès qu'on le sort du four, sinon il continue de cuir encore. Y'a aussi certains types de four qui peuvent être trop chaud et là, ce qu'il faut, c'est toujours surveiller la cuisson. Chiant mais si c'est un paramètre qui rend ton gâteau trop sec, il faut juste y penser. Il marque une courte pause avant d'ajouter. Hmm... J'essaierai de te trouver un moule exprès pour faire ce genre de gâteau à étage. C'est comme une grande plaque mais la matière est faite spécialement pour réduire le temps de cuisson mais qui reste assez haut pour que le gâteau gonfle et reste fluffy. Avoir le bon matos, ça aide teeeellement !

Et on laisse pas un copain de cuisine dans la farine ! ...Surtout quand le copain aime le rumsteck -oui, déjà, Camil est son copain, je sais moi aussi ça me fait tout bizarre. :

-Aaaah le rumsteck... Il faut. Absolument. Que tu essaies le rond de gîte alors. C'est bien épais aussi, rond et long et cuit saignant, ça fond... Un délice. Et ce morceau-là, tu peux le rôtir, le griller, le poêler et cru aussi ! Si tu aimes le carpaccio, prend. Du. Rond de gîte. Succès assuré.

Il doit y en avoir au restaurant... Est-ce que ça vaudrait pas le coup d'en piquer un bout ?... Non mais. Pour le copain voyons ! Bon aussi pour lui un peu... c'est qu'il a plus rarement faim que Nicolas -heureusement qu'il est pas là d'ailleurs- mais bon sang, la viande ça lui fait un effet bœuf.

Concernant son parcours, Camil semble avoir compris les grandes lignes. Jérémy le suit et hoche la tête quand il demande si son travail consiste à respecter le régime alimentaire des patients... Par contre quand ça parle calories, il lâche un rire. :

-Aaaah les caloriiies... La désinformation du siècle.

Il grimace et inspire profondément avant de préciser sa pensée. :

-En fait. Compter les calories c'est vraiment rien qu'une petite étape pour apprendre à faire ses repas. Oui, un sportif aura besoin de plus de carburant que quelqu'un qui fait moins de sport... Mais si les deux mangent... disons leur besoin calorique à la journée, en beurre... Les deux vont très vite avoir des problèmes de santé. L'exemple est extrême, mais c'est pour bien montrer à quel point ça peut mener à des dérives ce genre de pratique. Les calories sont là, pour les nutritionnistes, pour aider à calculer la répartition entre les lipides, les glucides, les vitamines, les protéines, bref, tout le tas de nutriments dont le corps à besoin pour équilibrer tout ça. C'est bien moins en moyen de voir le total, mais plutôt, diviser pour mieux régner, tu vois ce que je veux dire ?

Bordel il est tellement sérieux à ce sujet que même moi j'arrive pas à le suivre... c'est rare. Camil, lui, a l'air perdu mais pas pour les mêmes raisons. :

-Tu cherches quelque chose en particulier ?

Ok, ce gars est incroyable. C'est un puits de connaissances sans fond. Rien que sur le velvet, il y a plein de choses que j'avais pas pris en compte.

- Mh... Je vois. C'est chic de ta part de bien vouloir me prêter un moule ! C'est vrai que quand je fais un banal gâteau au yaourt, ou même un sponge cake, ça marche très bien : le gâteau a la bonne couleur, la bonne texture, puis il est pas trop sec. Après comme je viens d'avoir ma chambre, j'ai pas le même four. Et J'ai pas encore essayé d'en refaire un... Peut-être que ça va changer quelque chose ?

C'est plutôt une supposition. Le four chez mes parents était vieux, et parfois ça sentait le brûlé quand on le faisait préchauffer... Quand à Dublin, j'ai vécu dans un studio avec juste un micro-ondes alors pour ce qui est de la cuisine...

Puis la conversation dérive sur la viande, et j'apprends l'existence du rond de gîte. Je sens mon estomac gargouiller pendant que Jérémy me décrit la pièce... C'est qu'il est bon avec les mots ! Je hoche la tête et note dans un coin de page le nom de la pièce de viande pour en acheter quand j'aurais de quoi... Ce qui est bien c'est qu'avec mon métabolisme je peux manger sans compter ! En parlant de compter...

J'écoute ce que me dit le géant sur son travail et sur les calories.

- Ouais logique ! Ça a l'air vachement compliqué, franchement chapeau. C'est vrai, ça veut dire que tu dois t'adapter à plein de choses pour permettre aux gens de se développer pour atteindre le meilleur d'eux-même.

Je suis assez impressionné, j'aurais jamais pensé que le métier de nutritionniste pouvait être aussi complexe.

- Ah oui, j'arrive toujours pas à me repérer dans ce supermarché... Je cherche le rayon surgelé pour les épinards. Je crois que c'est par là.

Je me dirige vers un bout du rayon et regarde à droite et à gauche. Mauvaise pioche.

- Ah bah non. C'est de l'autre côté.

Et hop, demi-tour...

- Désolé je te balade un peu... Je m'excuse, un peu embarrassé.

Alors comme ça, si Camil fait un autre gâteau, il n'y a pas de problème ?... Hmm... Oui c'est peut-être bien le moule dans ce cas. Puis c'est à ce moment que Jérémy se rend compte d'un détail qui à son importance. :

-Ah oui ! T'es Initié, ça complique les choses... Tu peux utiliser l'équipement de la cafétéria si y'a pas trop de monde, mais sauf si c'est après le dîner, t'auras probablement un public... J'aurais été malheureux à ta place.

On oublie que Jérémy n'a jamais eu de chambres à l'Institut ; il a débarqué à Terrae et on l'a aussitôt collé dans les pattes d'Aaron pour le surveiller. A l'époque, ça le faisait clairement chier. Maintenant, il est trop content d'avoir une famille... et une cuisine toute équipée.

Camil prend des notes à propos du rond de gîte, c'est adorable. Et une raison de plus pour lui faire goûter ça dès que possible, et de le noyer d'autres astuces sur les viandes. Il a l'air intéressé par son diplôme aussi et ça le touche. Jérémy se demande si ça l'intéresserait de faire ce genre d'études... :

-C'est pour ça que j'aime cuisiner. Pour tout le monde... Les difficiles, les  malades, les gros mangeurs, les gourmets,... J'ai trop vécu en me disant "il faut manger pour vivre" sans plaisir, sans avoir le temps d'y penser... J'ai vu beaucoup d'enfants essayer de grandir dans la famine... J'aime voir les yeux des gens heureux, soulagés, de manger. Sans s'occuper de savoir s'ils vont vivre jusqu'à demain... ça, c'est à moi de m'en occuper. Ils n'ont qu'à savoir et profiter d'un repas complet, adapté à leurs besoins.

Le rayon surgelé. EUH. Le rayon surgelé ? Le rayon surgelé... ...On ne sait pas où est le rayon surgelé. Non mais, faut comprendre, Jérémy achète plutôt des légumes frais, quand ils sont pas déjà dans le potager Williams, pis ils ont tendance à tout faire maison ; plats, pizzas, glaces,... Ça arrive à la famille d'en prendre parce que flemme, mais arrivés à ce moment des courses, soit Jérémy à le cerveau qui s'est déconnecté de fatigue face aux débats concernant les choix des repas, soit il lutte avec Nicolas et Charlotte pour dire "on n'en a à la maison" dès qu'ils veulent une version malbouffe d'un plat particulier. :

-Je- mais il s'interrompt quand il voit Camil partir dans un sens avant de revenir. Je sais plus où c'est... Et t'inquiètes pas, c'est pas comme si on allait au bout du monde, j'ai des jambes je m'en sers.

A n'en pas douter. Il a des cuisses il pourrait exploser une pastèque avec. Non il n'a pas essayé et n'essaiera jamais. :

-T'avais l'air intéressé par mon blabla sur les calories. T'es tenté par des études de cuisine ?... Si non, j'peux te filer mes cours, juste pour voir. Je les recevais par correspondance, mes fiches sont complètes avec d'autres astuces. J'ai tout un chapitre sur les moules.

Phrase à ne pas sortir de son contexte.